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Annette Leibing (dir.), Tecnologias do corpo. Uma antropologia das medicinas no Brasil. Rio de Janeiro, NAU Editora, 2004, 302 p., bibliogr.[Record]

  • Julie Laplante

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  • Julie Laplante
    Université de Montréal et Universidade Federal de Rio de Janeiro
    4760, chemin de la Doncaster
    Sainte-Adèle (Québec) J8B 1R8
    Canada

En 1997, Annette Leibing réunissait des écrits d’anthropologues brésiliens dans un volume intitulé The Medical Anthropologies in Brazil. L’objectif était de rendre disponible au monde anglophone l’importante production d’anthropologies médicales au Brésil. En 2004, l’auteure publie, cette fois à l’intention du public national, une anthropologie des médecines mettant en scène des analyses anthropologiques portant sur divers aspects de la santé au Brésil. Biehl ouvre la discussion du volet de la santé mentale en illustrant comment les avancées scientifiques et les technologies inspirent les politiques de santé et acquièrent du même coup une vie sociale. Russo et al. entraînent ensuite le lecteur dans le débat oscillant entre une conception physique et une conception morale des troubles mentaux. Le dualisme corps-esprit ferait place à un monisme physicaliste radical sous l’orientation biologique que prend aujourd’hui la psychiatrie. L’article de Redko évoque aussi l’inadéquation de ce monisme physicaliste en faisant valoir le rôle fondamental de la religion aux côtés de celui de la biomédecine dans la compréhension des psychoses. Leal Ferreira termine par une illustration d’une forme de contrôle social biochimique de la santé mentale. Camargo Jr. aborde le thème des savoirs et de la connaissance avec une épistémologie comparative des stratégies par lesquelles s’acquièrent les savoirs de médecins-professeurs. Caroso et al. explorent les modes d’acquisition des savoirs grâce auxquels les personnes donnent un sens aux causes des maladies au-delà de la reconnaissance objective et du diagnostic formel. Rabelo et Alves explorent quant à eux les implications que l’articulation entre expérience et corps apporte pour les sciences sociales et en particulier pour l’anthropologie de la santé. Ce dernier texte est le seul qui porte sur un problème seulement théorique, alors que tous les autres sont « localisés » dans le contexte brésilien. Dans le troisième volet, Camargo da Silva illustre la catastrophe biotechnique nucléaire de Goiâna afin de démontrer comment les désastres, et leur gestion, sont le résultat d’actions issues de relations de pouvoirs. Elle relate une souffrance sociale vécue différemment, compte tenu de divers groupes sociaux, inégalité qui échappe au paradigme mathématico-biomédical. Saillant propose une analyse des savoirs relatifs aux soins domestiques dans des banlieues amazoniennes, décrits comme lieux de métissages par excellence, tels qu’ils s’articulent (ou non) aux savoirs hiérarchisés issus du système biomédical public ou privé. Les notions de métissage et de hiérarchie éclairent les difficultés de coopération entre ce qui apparaît comme deux univers de soins. Forline explique comment le déséquilibre nutritionnel des Guajà se produit au moment où ceux-ci connaissent certaines formes de rencontres avec la société nationale. Il conclut qu’à cet égard l’autonomie autochtone favorise un bien-être plus élevé. Enfin, Leibing et Groisman « localisent » les narratifs de femmes âgées qui souffrent d’hypertension à l’intérieur des hiérarchies, violences et marginalisations de leurs banlieues défavorisées (favelas, asfalto) de Rio de Janeiro. Le corps ainsi contextualisé fait comprendre comment le fait de quantifier la santé s’ancre dans nos manières de nous situer dans le monde. Les ruses de la technique ont pénétré l’activité humaine dans tous les domaines et se sont accélérées depuis plus de 200 ans. Il n’est pas surprenant alors que la biotechnique s’approprie en quelque sorte le corps, le réduisant à un objet, tout en laissant entendre qu’elle se préoccupe de toute son humanité. La question des technologies du corps est des plus importantes si on ne veut pas que celles-ci prennent une place démesurée, devenue une fin en soi. C’est le rappel de cet engouffrement des biotechnologies « globales » du corps dans des réalités « locales » qui constitue la plus grande force de ce livre et le rend d’intérêt international.

Appendices