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Jean-Claude Muller, Les rites d’initiation des Díí de l’Adamaoua (Cameroun). Nanterre, Société d’ethnologie, Collection « Sociétés africaines », 2002, 141 p., carte, illustr., bibliogr.[Record]

  • Robert Hazel

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  • Robert Hazel
    Centre canadien d’Étude et de coopération internationale — CECI
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    Canada

Le titre de l’ouvrage est conforme à son contenu : les rites d’initiation masculine et, dans une moindre mesure, les pratiques féminines correspondantes. Les Díí – mot qui veut dire « les foncés » dans leur langue – expliquent volontiers leur organisation sociopolitique « en termes de circoncision ». Comme nous le constaterons plus bas, ce rite occupe, en effet, une position « centrale » dans la vie de leurs chefferies. L’auteur a observé plusieurs séances d’initiation masculine au début des années 1990. Il a recueilli des témoignages détaillés à propos d’initiations passées, dont certaines remontent à la Première Guerre mondiale. En plus de fournir une profusion d’éléments descriptifs, le livre retrace l’évolution des pratiques entourant la circoncision au cours du XXe siècle : simplification du cycle rituel, mais aussi abaissement de l’âge des initiés, privatisation graduelle des initiations et amorce de médicalisation. La description des rites féminins se réfère au début des années 1990. Aucune homme ne pouvant assister à une initiation féminine, cette partie du livre est plus succincte. Elle n’en présente pas moins un grand intérêt du fait de la forme originale d’initiation pratiquée par les femmes díí. Se subdivisant en divers sous-groupes du point de vue dialectal, les 40 000 ou 50 000 Díí sont établis dans le nord de la province de l’Adamaoua et le sud de la province du Nord. Ce peuple a été assujetti aux Peuls au cours du XIXe siècle. Ils n’ont adhéré à l’islam en grand nombre qu’au cours des années 1960, les autres Díí se définissant soit comme catholiques, soit comme protestants. Les premières missions chrétiennes ont été implantées dans les années 1930. Cette ethnie vénérait ses ancêtres et les crânes de ses chefs décédés, mais les deux cultes ont moins bien résisté à l’épreuve du temps que les rites de circoncision. Les Díí disent que ces derniers ne relèvent pas de la « religion », contrairement aux premiers. Il s’agirait simplement de « choses anciennes ». En vérité, les Díí ont banalisé une coutume à forte connotation identitaire, mais jugée « païenne » par les missionnaires chrétiens et les musulmans de la région, la circoncision étant loin d’avoir le même lustre dans l’islam. Déjà dans les années 1930, la nudité des initiés dans les camps de brousse n’était plus acceptable. Néanmoins, les couteaux utilisés pour la circoncision sont encore dits yoob, « esprits des ancêtres ». Chacune des plus de cent petites chefferies existant en pays díí comprend un lignage princier, des lignages autochtones et quelques forgerons, qui forment une caste endogame. À la pierre plate du tambour, « véritable centre social du village » et au trône en pierres plates qui est l’un des insignes de la chefferie, correspondent deux endroits situés en brousse et méconnus ou craints des femmes : la place de circoncision, tee, où sont les pierres sur lesquelles tous les sujets masculins sont circoncis debout et sous lesquelles sont enterrés les prépuces, et un rocher également plat et parfois appelé « petit tee », où sont aiguisés les couteaux de circoncision. Ces deux lieux sont sous le contrôle des circonciseurs, le premier des lignages autochtones. Il revient au chef d’organiser la circoncision de chaque petit groupe d’initiés, mais ni l’organisateur en chef du rite, ni aucun membre déjà circoncis de son clan ne peut se rendre au tee. Le chef n’y va que deux fois dans sa vie : lors de sa première et de sa seconde circoncision, cette dernière inaugurant son « règne ». Cette re-circoncision est fort justement qualifiée de « sur-initiation » par l’auteur. Bien qu’intervenant …