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Laurence Pourchez, Grossesse, naissance et petite enfance en société créole (Île de La Réunion). Saint-Denis de La Réunion et Paris, CRDP Réunion et Karthala, 2002, 423 p., tabl., gloss., bibliogr., index, cédérom.[Record]

  • Marie Paumier

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  • Marie Paumier
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Laurence Pourchez s’inscrit à la fois dans l’anthropologie de la naissance (et de la petite enfance) et l’anthropologie des mondes créoles. Au carrefour du social et du biologique, au croisement des approches anthropologique, historique et psychologique, elle souhaite amener ici son lecteur au coeur de la société réunionnaise par le prisme de l’étude du processus allant du désir d’enfant à la fin de la petite enfance, marquée par la naissance sociale du bébé. Cet ouvrage, qui est la publication de sa thèse de doctorat, relève d’une étude de terrain approfondie pendant cinq années dans l’île de La Réunion, particulièrement dans les Hauts de l’île où les pratiques populaires sont plus présentes. La porte d’entrée à la compréhension d’une société par l’étude des savoirs et des pratiques entourant la grossesse, l’accouchement et la petite enfance – de la naissance physique à la naissance sociale de l’enfant – n’est pas nouvelle. En effet, plusieurs auteurs ont déjà montré l’intérêt de ce type d’étude dans diverses sociétés et cultures, comme Françoise Loux avec la France rurale du 19e siècle, Suzanne Lallemand avec les sociétés andines. Cela dit, l’auteur fait ici un travail remarquable par sa richesse descriptive. Elle réussit, par l’étude micrologique des détails constituant des pratiques, des rituels religieux et thérapeutiques, des recettes de médecine populaire, à amener le lecteur dans les interstices du métissage, là où on ne le voit plus parce qu’évident, là où on ne le pense plus car trop présent, là où on le fige parce qu’insaisissable. Il n’est absolument pas incompatible, à La Réunion, qu’une mère puisse donner à son enfant des bains d’eau de riz, venant de la médecine populaire des Malbars du sud de l’Inde, le fasse baptiser par l’Église catholique et pratique un rituel malgache de sévé mayé pour empêcher les ancêtres de prendre l’enfant. Pourtant, bien qu’intitulé « en société créole » et préfacé par Jean Benoist, l’ouvrage de Laurence Pourchez ne présente pas d’analyse profonde sur la notion de créolité. L’auteur nous précise à plusieurs reprises qu’elle inclut son étude dans l’ensemble de la société réunionnaise et plus largement dans la société créole. Si on voit bien apparaître la société réunionnaise, par le « révélateur » que représente l’étude de la grossesse, de l’accouchement et de la petite enfance, le lecteur sera peut-être déçu en cherchant une problématisation, voire une théorisation, des notions de créolité(s) et métissage(s). La diversité et la richesse des pratiques, des « logiques corporelles », présentées tout au long de l’ouvrage devaient amener à une analyse des « logiques sociales » ; mais le lecteur reste sur sa faim lorsque l’auteur commence à aborder le sujet de la société créole vingt pages avant la fin de l’ouvrage. Pourtant, Laurence Pourchez a une excellente connaissance et réflexion de la société réunionnaise et créole, et elle est une spécialiste reconnue pour ses études sur les identités créoles et métisses. Le lecteur devra alors compléter cette lecture par les autres travaux de Laurence Pourchez (écrits et films). La grande particularité de cet ouvrage et des travaux, en général, de Laurence Pourchez est qu’ils combinent une diversité méthodologique fort intéressante. En effet, on y trouve les méthodes classiques en anthropologie telles que l’entretien formel et informel, l’observation participante, mais aussi les nouvelles méthodes, appuyées par les nouvelles technologies comme l’utilisation de la photographie et de la vidéo. Elle défend d’ailleurs une anthropologie visuelle appliquée. Elle a réalisé de nombreux films ethnographiques à l’île de La Réunion sur ses thèmes de recherche favoris (les pratiques thérapeutiques, la maternité, l’identité créole, le métissage). L’intérêt marqué de Laurence Pourchez pour les nouvelles technologies en …