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Serge Clément et Jean-Pierre Lavoie (dir.), Prendre soin d’un proche âgé. Les enseignements de la France et du Québec. Ramonville Saint‑Agne, Érès, 2005, 286 p., bibliogr.[Record]

  • Mouloud Boukala

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  • Mouloud Boukala
    Centre de recherches et d’études en anthropologie – CREA
    Université Lumière-Lyon 2, Lyon, France

« Quand j’entends réciter l’état de quelqu’un, je ne m’amuse [arrête] pas à lui ; je tourne incontinent les yeux à moi, voir comment j’en suis. Tout ce qui le touche me regarde. Son accident m’avertit et m’éveille de ce côté-là. Tous les jours et à toutes heures, nous disons d’un autre de ce que nous dirions plus proprement de nous si nous savions replier aussi bien qu’étendre notre considération [examen] » (2002 : 289). Voici ce qu’écrit Michel de Montaigne dans un chapitre intitulé « De l’affection des pères aux enfants » et ce à quoi nous invitent Serge Clément et Jean-Pierre Lavoie dans leur travail collectif Prendre soin d’un proche âgé. Cet ouvrage constitue une carte de géographie, une boussole, une projection. Il nous concerne et nous force à porter notre regard ailleurs. Où? De part et d’autre de l’Atlantique : en France et au Québec. Pourquoi? En vue de comprendre les régimes de soin des personnes âgées fragilisées. Les termes employés revêtent ici toute leur importance. Il ne s’agit pas d’apprécier l’aide apportée à un « petit vieux » ou une « petite vielle » qui aurait sa « petite vie » mais de prendre soin (care) d’une personne. « La notion de “soin” implique étymologiquement le souci de l’autre, la préoccupation pour l’autre, l’entretien de la vie (Gagnon et Saillant 2000), alors que l’aide relève davantage du registre du handicap, du soutien fonctionnel, qui pourrait être ponctuel. Si, comme le souligne Francine Saillant (2000), le soin « implique une relation qui participe au lien social », qui s’inscrit donc dans une durée et une interdépendance, l’aide apparaît comme instrumentale et unilatérale » (p. 89). Cette analyse critique des notions dans la recherche gérontologique sur la place réservée aux personnes vieillissantes opère une révolution du regard et un renversement des pratiques. Riche des enseignements d’une vision de la vieillesse fortement marquée par la thématique de la dépendance, cet ouvrage suggère de ne plus envisager le vieillissement comme la « vieillesse à problèmes » et de ne plus considérer les personnes âgées comme des êtres diminués soit physiquement, soit psychiquement, c’est-à-dire des personnes « mineures ». Il se propose à un niveau local d’analyser dans sa dimension interactive la situation de la personne prise en charge tout en jetant un éclairage nouveau à niveau plus global entre solidarité publique et solidarité familiale. À cet égard, les propos des deux coordonnateurs sont clairs : « En étudiant la question de la place de l’engagement familial à travers les recherches menées plus particulièrement au Québec et en France, nous espérons répondre à deux attentes : éclairer ceux et celles pour qui le vieillissement représente un ensemble d’interrogations professionnelles, dans un domaine où la production intellectuelle est dispersée ; apporter des arguments, en particulier comparatifs, de façon à aider à la réflexion sur des politiques publiques de prise en charge de la vieillesse » (p. 19). Décohabitations de proximité des vieux parents et des enfants quinquagénaires, diminution et moindre disponibilité des aidants potentiels, chute de l’effectif des générations post-baby-boom et augmentation de l’activité professionnelle chez les femmes, sans parler du désir croissant d’autonomie dans les familles. Voici pour le constat. Quant au débat actuel, il concerne la position et l’action de l’État face aux familles : substitution, soutien ou responsabilisation? En d’autres termes, quelle est la nature des services aux personnes âgées et aux aidantes? Relèvent-ils de solidarité encouragée ou forcée? La deuxième partie (Définitions de l’aide : des experts aux « profanes ») consiste en un examen minutieux des notions qui occupent le champ de la dépendance et …

Appendices