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Geneviève Delaisi de Parseval, Famille à tout prix. Paris, Seuil, 2008, 388 p., Dominique Mehl, Enfants du don. Procréation médicalement assistée : parents et enfants témoignent. Paris, Robert Laffont, 2008, 347 p.[Record]

  • Marie-Blanche Tahon

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  • Marie-Blanche Tahon
    Département de sociologie et d’anthropologie
    Université d’Ottawa

À l’heure où le ministre de la santé du Québec semble déterminé à proposer un projet de loi sur la procréation médicalement assistée, alors que la loi en la matière votée par la Chambre des communes à Ottawa, en 2004, n’a toujours pas mobilisé les fonctionnaires de Santé Canada afin qu’ils en rédigent les modalités d’application, la lecture de l’ouvrage Famille à tout prix de Delaisi de Parseval est d’une brûlante actualité. Il pourrait alimenter le « débat citoyen », si un espace lui est toutefois aménagé. La prise en charge par l’assurance maladie des frais occasionnés par la procréation médicalement assistée n’est certainement pas dérisoire. D’autant moins que le parallèle parfois effectué avec la « gratuité » de l’avortement illustre la multiplicité des plans à prendre en considération, sinon le malentendu. Chacun peut admettre qu’avec l’avortement, il y a un enfant qui ne naît pas. Il n’aura donc pas à construire de récit de ses origines, ou de sa place unique dans un groupement familial (pour utiliser le langage le plus neutre) ; ce qui constitue donc une situation inverse de l’enfant qui résulte d’une procréation médicalement assistée (PMA). Le dernier livre de Geneviève Delaisi de Parseval s’adresse aux couples qui s’embarquent dans l’aventure de la PMA et au législateur français qui doit prochainement réviser les lois en matière de bioéthique. C’est à ce titre qu’il doit être lu – même si certains chiffres paraissent parfois peu étayés – et c’est à ce titre qu’il éclaire brillamment le débat, en puisant dans la pratique de la psychanalyste, replacée dans une perspective anthropologique. Il est composé de deux parties : « La cuisine procréative contemporaine » et « Malaise dans la filiation », qui indiquent bien la distinction à opérer entre procréation et filiation. La partie sur « la cuisine » est très utile car elle expose en un langage accessible les diverses occurrences techniques de la PMA – qu’elle nomme, comme en France, AMP (assistance médicale à la procréation) – rapportées à des cas vécus par des couples qui y ont eu recours. Je m’attacherai ici aux recommandations qu’elle propose au législateur français. Elles peuvent largement être adressées telles quelles aux législateurs québécois et canadiens, même si les premiers ont déjà reconnu la bi-maternité d’origine pour les couples lesbiens. Delaisi de Parseval prône la levée de l’anonymat des donneurs de sperme. L’enfant aura accès à son dossier sur sa demande, à partir de 18 ans. Dans l’intérêt de l’enfant (on va y revenir). Dans l’intérêt du donneur : à tort ou à raison, celui-ci exprime la crainte qu’un inceste se produise entre l’un de ses enfants par le sang et par le nom, et l’un des enfants résultant d’une insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD). Dans l’intérêt du père également : pour qu’il puisse le devenir à la naissance de l’enfant, il doit avoir été un « père de grossesse » et pour pouvoir l’être, il doit pouvoir parler de l’IAD. Delaisi de Parseval est plus circonspecte quant à la levée de l’anonymat des donneuses d’ovocyte. En principe, elle se montre pour, comme pour le donneur de sperme. Elle en appelle à l’ouverture d’une période de pédagogie du don de gamètes. Pour l’instant, sa clinique de psychanalyste lui permet de constater la réticence de plusieurs mères receveuses d’ovocyte à cette levée de l’anonymat (même si elles portent et accouchent et sont mères par le nom). Il est vrai que l’opération de « réunir procréation et filiation à partir du don reçu » (p. 331) se passe aussi dans leur corps. En France, seules des femmes qui ont déjà …

Appendices