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Birth Kevin K., 2008, Bacchanalian Sentiments. Musical Experiences and Political Counterpoints in Trinidad. Durham, Londres, Duke University Press, 258 p., bibliogr., index[Record]

  • Aurélie Helmlinger

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  • Aurélie Helmlinger
    Centre de recherche en ethnomusicologie, Université Paris Ouest-Nanterre, La Défense, Nanterre, France

L’anthropologue Kevin K. Birth signe ici son premier livre entièrement consacré à l’expérience musicale. Familier de l’île de Trinidad depuis les années 1990, il ancre son observation dans le cadre d’un village révélateur du caractère pluriethnique de l’île, cherchant à « explorer ce que fait la musique trinidadienne, et comment elle est utilisée » (p. 3, traduction libre). Birth aborde les rapports à la musique tels qu’ils ont été vécus dans ce village, en relation avec la politique culturelle de l’État, sans s’attacher à un répertoire spécifique ni aux musiciens plus qu’aux auditeurs. Tout en prenant pour point de départ les liens entre la musique et le conflit (p. 1), l’auteur se refuse à envisager la situation trinidadienne par le seul prisme d’une opposition symbolique (pp. 20-21), paradigme analytique largement utilisé dans l’ethnologie des Antilles (voir par exemple Wilson 1969 ; Abrahams 1983 ; Van Koningsbruggen 1997), et lui préfère l’usage de métaphores musicales. Le terme « contrepoint » est ainsi utilisé en ce qu’il évoque une musique faite de plusieurs thèmes simultanés qui interagissent et font alterner des situations de « dissonance » et « d’harmonie » (p. 4) – ce qui est du moins le cas dans la définition du contrepoint utilisée, extraite d’un traité datant de 1725 et concernant la musique classique occidentale. Cette définition diffère de l’acception ethnomusicologique actuelle du contrepoint, où n’apparaissent pas ces contraintes harmoniques (Lortat-Jacob et Rovsing-Olsen 2004 ; Arom et Alvarez-Péreyre 2007). L’usage néologique du terme et de sa forme adjectivale qualifie ainsi tout au long de l’ouvrage toute situation comprenant plusieurs opinions ou plusieurs acteurs, faisant alterner des moments de désaccord et d’union. Le terme « polyrythmie » du sous-titre est également proposé dans un usage métaphorique mais il est en réalité beaucoup moins usité : il n’apparaît qu’en conclusion. Le premier des six chapitres, intitulé ironiquement « L’organisation gouvernementale de la spontanéité » (p. 43, traduction libre), retrace la construction du pays depuis la période charnière de l’indépendance (1962), et plus particulièrement de la politique culturelle et musicale. Il montre d’abord la structuration du pays par le biais du Better Village Program avec la création de centres culturels dans chaque village – un projet décentralisateur qui se fera peu à peu doubler par une compétition musicale entre villages. Par ailleurs, le carnaval a fait l’objet d’un investissement politique particulier, avec la création d’une variété de compétitions nationales. Birth montre l’influence de certains intellectuels de la classe moyenne, et par voie de conséquence le statut privilégié des cultures musicales des Créoles d’origine africaine (notamment le calypso et les steelbands) en lien avec la visibilité moindre des cultures musicales d’origine indienne. Le second chapitre plonge le lecteur dans une ethnographie fine de la façon dont les villageois vivent les évènements musicaux orchestrés au niveau national, montrant les dissensions et les controverses (avec l’État, entre les sexes ou les ethnies) de ce vécu, tout comme ses moments d’unité. Une analyse véritablement ethnomusicologique de l’hymne national est par exemple proposée (pp. 77-82), dont on mesure la pertinence lorsqu’on en connaît sa fréquence d’utilisation et son importance dans le pays. La discussion met en relation les conditions de sa composition, l’analyse de ses textes et de sa musique, une description des performances et une réflexion sur son efficacité réelle. Birth dessine en outre une ethnographie du comportement d’un groupe dans une fête de carnaval, qui peut comprendre des milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de personnes (p. 171). Il montre la fonction protectrice de ces groupes informels, les posse, qui atteignent une cinquantaine de personnes et sont fondés notamment sur le voisinage. Les …

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