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Bornand Sandra et Cécile Leguy, 2013, Anthropologie des pratiques langagières. Paris, Armand Colin, coll. U, Sciences humaines et sociales, 202 p., bibliogr., index, glossaire[Record]

  • Clémentine Hugol-Gential

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  • Clémentine Hugol-Gential
    UFR Langues et Communication, Laboratoire CIMEOS (EA4177), Université de Bourgogne, Dijon, France

Du point de vue du fond, les auteures (Sandra Bornand, chargée de recherche au CNRS, et Cécile Leguy, professeure d’anthropologie à Sorbonne Nouvelle) traitent ici d’un courant peu abordé en France dans les sciences du langage : l’anthropologie linguistique. L’ouvrage jusqu’alors de référence était A Companion to Linguistic Anthropology (2004) d’Alessandro Duranti – auteur d’ailleurs largement cité par Bornand et Leguy –, qui n’a jamais fait l’objet d’une traduction française. Les auteures mettent ici en lumière un courant donc peu connu et peu enseigné en France et rendent compte des pensées développées aux États-Unis mais aussi en Europe. Par ailleurs, elles ont recours à tout un ensemble d’auteurs français contemporains, déplaçant un peu le curseur en valorisant des chercheurs pas toujours présents dans l’ouvrage de Duranti, et font de ce fait la part belle à l’ethnolinguistique à la française. La première partie d’ouvrage est plus historique : elle reprend le cheminement de cette discipline qui s’est nourrie de plusieurs courants et de plusieurs théoriciens. Néanmoins, il ne s’agit pas ici de tracer une fresque chronologique mais de construire cette évolution à partir d’un concept clé lorsque l’on s’intéresse à l’anthropologie des pratiques langagières : la notion de contexte, et de remettre en perspective les différentes manières d’appréhender la communication. Le deuxième chapitre permet de mieux comprendre la posture développée en anthropologie linguistique et de la positionner par rapport à des courants tels que l’ethnographie de la communication développée par Gumperz et Hymes dans les années 1960 qui a été peu reprise en France. Les auteures remettent en perspective différents modèles en partant du plus linéaire qui soit (le modèle de Laswell) pour arriver à des modèles résolument plus circulaires et interactionnels, rappelant ainsi que, finalement, ce qui intéresse avant tout l’anthropologue sont les données issues de son terrain, et plus spécifiquement « ce qui se passe ici et maintenant » (p. 70). La deuxième partie de l’ouvrage revient sur l’objet même de la recherche : la parole et ses spécificités. Cet objet muable, longtemps délaissé au profit de la langue et de son analyse normative, donne naissance à de nouvelles méthodologies pour le saisir qui impliquent un engagement du chercheur sur son terrain et de nouveaux champs de pensées pour l’analyser. Dans le chapitre 3 de cet ouvrage, les auteures reprennent le modèle SPEAKING développé par Hymes et les trois paradigmes de l’anthropologie linguistique développés par Duranti. D’un point de vue méthodologique, l’ouvrage dans le chapitre 5 souligne les spécificités de l’observation de situations d’interlocution. On peut cependant regretter pour un ouvrage résolument didactique que des points plus techniques qui engendrent de vraies interrogations en termes de posture du chercheur et de perspective analytique ne soient pas traités : comment capter les données ? Quelles questions juridiques et éthiques cela pose ? Comment les transcrire de manière à rendre compte du caractère émique de l’interaction ? Les auteures terminent cet ouvrage par un chapitre remettant en perspective tout le cadre théorique présenté jusqu’alors. Le chapitre 6 (« Pour une anthropologie pragmatique et énonciative ») remet des notions telles que la performativité et l’agentivité au coeur de la réflexion et permet d’introduire des sujets éclairés de manière nouvelle grâce à la prise en compte du langage comme structuré par, et structurant pour la vie sociale tels que les rapports de pouvoir.

Appendices