Essai bibliographiqueBibliographical EssayEnsayo bibliográfico

Le renouvellement de la théorie et la pratique de la parentéLa nouvelle représentation des relations femmes-hommesThe Renewal of Theory and Practice of KinshipThe New Representation of Gender RelationsLa renovación de la teoría y la práctica del parentescoLa nueva representación de las relaciones mujeres-hombresCollard Chantal et Françoise Zonabend, 2015, La parenté. Paris, Presses universitaires de France, coll. Que sais-je, 128 p.Toren Christina et Simonne Pauwels, 2015, Living Kinship in the Pacific. New York, Oxford, Berghahn Books, 274 p., illustr., bibliogr., index.[Record]

  • Ok-kyung Pak

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    Centre d’études sur l’Asie de l’Est, Université de Montréal, 3744, rue Jean-Brillant, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    ok.kyung@hotmail.com

En terminant la lecture de La parenté et Living Kinship in the Pacific, j’ai eu l’impression de sortir d’un univers de science-fiction tellement les conceptions de la parenté des sociétés vivant dans les îles du Pacifique et celles des sociétés occidentales modernes sont éloignées. Mais comme le soulignent Chantal Collard et Françoise Zonabend dans La parenté, sous cette extrême variabilité se cache en fait la même quête pour la continuité de l’espèce et le principe fondamental de « prohibition de l’inceste et la loi d’exogamie qu’elle sous-tend » (p. 117). Ces lectures m’ont laissée admirative de l’ingéniosité humaine qui transparaît des stratégies de reproduction que différentes sociétés emploient, ainsi que de l’ingéniosité anthropologique à les analyser. En plus d’être fascinantes, ces deux lectures constituent un apport majeur pouvant participer à raviver les études sur la parenté qui sont en déclin dans l’enseignement universitaire. Dans le premier cas, l’ouvrage resitue la pertinence des études sur la parenté au XXIe siècle ; dans le second, l’ouvrage offre des pistes méthodologiques pour analyser les « comportements rituels » dans la vie quotidienne. L’ouvrage La parenté est constitué de trois chapitres. Le chapitre 1 définit ce qu’est la parenté, puis identifie et compare les catégories développées par les anthropologues pour l’analyser. On distingue par exemple les notions de filiation, de germanité et d’alliance ; de filiations patri-, matri- ou bilinéaire ; de lignée, lignage ou de clan ; de famille nucléaire, recomposée, monoparentale, élargie, souche ; d’exogamie et d’endogamie ; etc. Le chapitre 2 présente les principales critiques et les débats qui ont animé l’histoire de la recherche sur la parenté depuis les années 1960 au Royaume-Uni, en France et en Amérique du Nord, notamment autour du biais sexiste et de l’ethnocentrisme de l’anthropologie « classique ». Dans les récits ethnographiques, le sujet a longtemps été celui de l’ego masculin, et la présence féminine est demeurée marginale jusqu’à ce que des femmes remarquent le biais et aillent elles-mêmes sur le terrain. Collard et Zonabend donnent l’exemple d’Annette Weiner (1977) qui soutient que Malinowski, dans ses travaux sur les Trobriandais, aurait sous-estimé l’importance de la distribution rituelle des feuilles de bananiers tressés et des jupes de fibre par les femmes lors des cérémonies funéraires, un rituel crucial pour régénérer le lignage et le cosmos. Or, l’intégration de la place de la femme dans l’analyse conduit à « une vision beaucoup plus équilibrée et complexe des rapports de pouvoir entre les sexes dans cette société » (Collard et Zonabend, p. 61). Malgré ce type de critiques, le champ d’études sur la parenté n’a pas disparu. Au contraire, les diverses études ont stimulé la réflexion et forcé les chercheurs à changer leurs approches et méthodes. Les auteures mettent ainsi en évidence que le champ s’est développé en allant puiser dans les autres disciplines comme l’histoire, la sociologie, la démographie, le droit, la psychanalyse, etc., pour renouveler ses concepts et ses méthodologies. L’une des approches particulièrement intéressantes provient des cercles anthropologiques anglophones qui considèrent la dimension processuelle et constructiviste de la parenté. Par exemple, Marshall Sahlins (2013) définit la parenté comme « mutuality of being », (une mutualité d’existence). L’adoption, le partage de la nourriture, la corésidence, les mémoires partagées, même l’amitié montrent bien que des relations de parenté peuvent se construire bien après la naissance. C’est ce qui mène Sahlins à considérer que la relation de parenté consiste en la pratique d’un « échange mutuel entre les êtres qui participent de façon intrinsèque à l’existence des uns et des autres » (cité in Collard et Zonabend, p. 78). Les auteures considèrent cette approche problématique …

Appendices