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Divination ? Vous avez dit « divination » ?[Record]

  • Michael Singleton

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  • Michael Singleton
    Laboratoire d’anthropologie prospective–LAAP, Université catholique de Louvain, Place Montesquieu 1, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique
    michael.singleton@uclouvain.be

Il en va de la divination, non seulement comme du temps qui tracassait saint Augustin, mais de toute chose : moins on y pense, plus on est persuadé de savoir de quoi on parle. La raison pour cette (dés)illusion est double : onto-épistémologique et ethnologique. Du côté philosophique, si par « une chose » on entend une réalité à l’identité substantiellement et significativement identique, peu importent ses apparences superficielles (dont ses diverses dimensions purement culturelles), alors « ça » n’existe pas… si ce n’est aux yeux des métaphysiquement myopes qui voient partout et depuis toujours des essences sur lesquelles les situations sociohistoriques ont autant d’impact que les gouttes d’eau sur le dos d’un canard. Ce n’est que si le réellement réel faisait figure de, et fonctionnait comme un artichaut, il faudrait enlever les feuilles ethnographiques avant d’atteindre la Divination en tant qu’un noyau quintessentiel à la signification aussi universelle qu’univoque. Mais le réel étant un oignon, c’est la diversité irréversible des feuilles qui donne à penser en même temps que leurs irréductibles différences. C’est pourquoi je ne ferai état ici que des interpellations interprétatives inspirées par des épaisseurs africaines. Du côté anthropologique, si un air de famille permet de clôturer un champ et de l’étiqueter « divination », l’anthropologue, surtout lui, ne doit jamais oublier que cet exercice de délimitation se fait en famille et selon les critères de crédibilité qui sont en cours dans cette famille, et aucunement au vu d’une réalité qui serait transculturellement déjà tout faite – telle que la Divination ut sic et en soi. Par conséquent, puisqu’il est philosophiquement et pratiquement exclu qu’on puisse parler d’une Divination transculturelle que toute culture reconnaîtrait pour l’essentiel, il ne peut être question ici que des phénomènes qu’on a convenu dans notre grande famille d’anthropologues occidentaux et occidentalisés de caser dans une boîte de rangement labellisée « divination ». À d’autres familles, d’autres casiers. Il suffit de consulter un dictionnaire des synonymes pour se rendre compte que sorcier, prophète et visionnaire ne font pas habituellement partie de notre rubrique « divination », là où d’autres peuples y voient des devins. Mon Roget’s Thesaurus of Synonyms & Antonyms (Mark et Roget 1972) liste plus de 50 espèces de divination à titre d’illustration curieuse d’« of bygone superstitions » (« de superstitions passées »). Le rêve à la base de l’oniromancie n’est qu’un cousin très éloigné dans notre famille, confié en principe aux bons soins des psychanalystes, tandis que pour les Azande, il s’agit d’un proche parent. M’étant occupé du seul oignon africain, mes propres élucubrations ethnologiques à propos de la divination émanent de mes expériences chez les Wakonongo de la Tanzanie profonde entre 1969 et 1972. Regroupées, elles peuvent paraître épaisses quand, à vrai dire, elles sont relativement minces. Car à l’encontre des Azande d’antan (Evans-Pritchard 1937) ou des Yoruba côtoyés en 1973, qui consultaient incessamment leurs oracles respectifs, la pratique divinatoire était devenue qualitativement et quantitativement résiduelle chez les Wakonongo. Heureusement pour moi, elle n’avait jamais rien eu de la complexité inouïe de certains systèmes divinatoires de l’Afrique de l’Ouest, dont l’ifa des Yoruba, qui nécessite le recours à des spécialistes, les babalawo à la formation très poussée (Maupoil 1943 ; Bascom 1969). Je m’excuse donc d’avance du peu (du peu de matériau) – tout en ajoutant que l’absence de ce à quoi on s’attendait est souvent plus interpellant que sa présence ne l’aurait été. Comment se fait-il qu’un phénomène qui donne lieu à de gros chapitres dans la plupart des monographies mériterait à peine une note en bas d’une page d’une ethnographie konongo ? Se pourrait-il que …

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