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García-Acosta Virginia et Alain Musset (dir.), 2017, Les catastrophes et l’interdisciplinarité. Dialogues, regards croisés, pratiques. Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, coll. « Investigations d’anthropologie prospective », 228 p., bibliogr.[Record]

  • Emmanuelle Bouchard-Bastien

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  • Emmanuelle Bouchard-Bastien
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

Cet ouvrage collectif dirigé par Virginia García-Acosta et Alain Musset fait le point sur la nécessité d’étudier les risques et les catastrophes dans une perspective interdisciplinaire. Élaboré à la suite d’un séminaire spécialisé tenu à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris et regroupant des scientifiques issus de pays et de disciplines (histoire, géographie, anthropologie, science politique, sociologie, environnement et économie) variés, Les catastrophes et l’interdisciplinarité. Dialogues, regards croisés, pratiques présente des études de cas et des réflexions à propos d’enjeux théoriques et méthodologiques propres aux échanges interdisciplinaires. À l’instar de l’anthropologue américain Anthony Oliver-Smith, les auteurs reconnaissent que les catastrophes sont des processus socialement construits qui demandent une analyse spatiotemporelle large, et ce constat appelle à la convergence des différentes disciplines des sciences humaines et sociales (Oliver-Smith 2002). En ce sens, les auteurs de ce recueil souhaitent démontrer que l’étanchéité des frontières universitaires ne devrait pas faire obstacle à l’étude systémique des risques et des catastrophes. Les douze contributeurs qui se sont prêtés au jeu de l’interdisciplinarité dans le cadre de cet ouvrage, soit en s’appropriant une théorie ou une méthode provenant d’une autre discipline que la leur, soit en instaurant un dialogue avec un autre chercheur pratiquant une discipline différente, ne prétendent pas offrir une méthode infaillible aux chercheurs tentés par cette expérience. L’objectif de la démonstration est plutôt de présenter des exemples, car, comme le soulignent García-Acosta (anthropologue et historienne) et Musset (géographe) dans l’introduction, « [p]our construire l’interdisciplinarité, il n’y a pas de théorie, pas de méthode, pas de recette. Il n’y a que des pratiques » (p. 17). La première section offre pourtant la déconstruction de concepts largement utilisés dans l’étude des catastrophes et de leur gestion, ce qui permet une mise au point éclairante et nécessaire pour tendre vers l’interdisciplinarité. Intitulée « Critique des notions et des outils », cette première partie s’avère indispensable pour apprécier la complexité des enjeux de la recherche interdisciplinaire. Patrick Pigeon met la table en exposant les limites de six modèles conceptuels reconnus concernant les risques de désastres, et suggère que les approches segmentées de ces modèles contribuent à expliquer les écueils actuellement rencontrés dans les politiques de prévention, qui demeurent majoritairement « aléa-centrées » (p. 22). Béatrice Quenault poursuit cet exercice critique en s’attaquant à la notion de « résilience », « concept “nébuleux” et “protéiforme” » (p. 46) à l’usage pluriel dans l’étude des catastrophes qui est employé sous différentes perspectives. En décortiquant les définitions de la résilience, Quenault nous met en garde contre son actuelle instrumentalisation politique qui tend vers l’individualisation du social et une déresponsabilisation étatique face aux risques. Danièle Dehouve conclut cette section en s’intéressant à l’obligation de chiffrer le risque pour sa gestion et à ses dérives qui conduisent parfois à sa « quantification imaginaire » (p. 71) en raison de l’absence de données mesurables ou de l’utilisation de données inventées, rétrospectives ou prospectives. L’ironie avec laquelle Dehouve s’interroge sur l’objectivité des chiffres utilisés dans certaines études démontre de manière incisive la légèreté que peuvent avoir les raisonnements qui sous-tendent le déploiement d’actions concrètes. Malgré cette première section consistante et stimulante, la deuxième partie de l’ouvrage s’en détache en empruntant une autre voie. Voulant souligner l’émergence de l’« emotional turn » (p. 15) en sciences sociales, cette section intitulée « La catastrophe entre récit et ressenti » présente trois études de cas qui articulent faiblement les enjeux de l’interdisciplinarité. Offertes par trois anthropologues, dont Gaëlle Clavandier, les contributions composant cette partie de l’ouvrage sont incontestablement riches pour l’étude des risques et des catastrophes, mais le lecteur doit présupposer que les …

Appendices