À l’époque, il y avait encore l’obligation d’effectuer son service militaire. Et quand j’ai dû le faire, j’ai voulu intégrer ce que l’on appelle la « Coopération ». Ginette Raimbault et Calame-Griaule ont écrit chacune une lettre aux responsables militaires en disant que je voulais travailler dans un domaine très précis qui était celui des rapports entre le corps et les langues en Afrique. Et les militaires ont été très sympathiques. Ils m’ont adressé à une grosse organisation non gouvernementale (ONG) qui s’appelait les Volontaires du Progrès. Et c’est ainsi que je suis parti au Mali, au départ, pour un premier programme qui portait sur l’éducation pour la santé en langue bambara. Donc, je devais travailler à la fois sur des questions de langue et sur des questions de représentation du corps. C’est comme ça que je suis parti la première fois au Mali, dans les années 1980. En Afrique, j’ai tout d’abord fait un long séjour de huit années au Mali, très largement dans des villages où j’ai disséqué des chèvres pour constituer des lexiques anatomiques en langue bambara et reconstituer des « représentations du corps », où j’ai recensé des pratiques populaires de soins pour les maladies oculaires, les diarrhées, les malnutritions, les « pharmacies par terre », etc. Ensuite quatre années au Burkina Faso, et après quatre autres années au Niger où j’ai poursuivi cette articulation de la recherche, de ses applications en santé publique et de l’enseignement, notamment auprès des professionnels de la santé. Ensuite, je suis revenu quatre ou cinq ans pour enseigner la discipline de l’anthropologie de la santé à la faculté de médecine de Bamako. Je crois que, durant ces années, ce que j’ai appris, c’est que l’on peut faire une anthropologie de la santé qui est fondamentale dans les concepts que l’on met en oeuvre, dans les bibliographies que l’on utilise pour penser les questions, et en même temps travailler sur des enjeux qui sont des enjeux forts concernant la santé. Et l’on peut ainsi démontrer comment on peut résoudre certaines des questions que pose la santé publique grâce à des études d’anthropologie. Et c’est ce que j’ai essayé de faire à la faculté de médecine de Bamako grâce à des collègues comme le professeur Dapa Diallo, autour des maladies hématologiques, ou le professeur Baba Koumaré avec la psychiatrie et avec d’autres qui, malheureusement, comme le professeur Ogobara Doumbo, nous ont quittés. Ensemble, et nous étions tous très enthousiastes, on a essayé, en fait, de montrer dans des domaines très précis comment utiliser l’anthropologie de la santé pour résoudre des questions cruciales de santé. Par exemple, avec le professeur Diallo, on a travaillé, avec Aïssa Diarra, sur les représentations populaires de la drépanocytose et les parcours des enfants malades. On a montré comment, par exemple, les enfants et les personnes nomment le plus souvent, en milieu bambara, la drépanocytose koloci, littéralement « la maladie des os cassés ». Et comment ces façons de nommer, et les façons de soigner qui sont, en partie, liées à cette représentation de la maladie, faisaient que les gens venaient vers les services ou, au contraire, accédaient trop tard aux services de santé. On a également travaillé sur l’hygiène hospitalière en montrant comment la description des gestes du personnel de la santé ou des aidants-accompagnants permettait de mieux comprendre les difficultés de mise en place d’une hygiène hospitalière cohérente. Avec le professeur Fatoumata Dicko, nous avions analysé comment l’éducation sexuelle était enseignée à l’école. De même, avec le professeur Doumbo nous avons travaillé sur les représentations des fièvres et du paludisme. En fait, chaque fois, on …
Appendices
Bibliographie thématique
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