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Introduction : Aucanquilcha, le rebelle

Il était une fois, il y a très longtemps, les Espagnols sont arrivés dans nos terres andines il y a de ça plus de 500 ans. Ces hommes ont apporté des idées très différentes de celles des peuples d’origine qui habitaient ces terres inhospitalières. Parmi ces idées se trouvaient celles d’une culture, de traditions et de coutumes changeantes. Ils sont venus de l’Ancien Monde avec d’autres façons de penser. Et c’est ainsi qu’ils ont essayé de changer les noms des volcans présents dans la région et, dans certains cas, ils ont réussi, en leur donnant des noms de saints : c’est pourquoi nous avons encore les volcans San Pedro, San Pablo, Santa Rosa et autres. Cependant, lorsqu’ils ont atteint l’imposant sommet du volcan Aucanquilcha, qui mesure environ 6 200 mètres de haut et qui est niché au sommet des terres andines de la région d’Antofagasta, il s’est rebellé. L’histoire raconte que lorsque les Espagnols ont essayé de changer son nom pour celui de San José, il ne l’a jamais accepté, car il portait le nom avec lequel la Pachamama l’avait baptisé. Quelque temps plus tard, des étrangers sont venus extraire le soufre des profondeurs de la terre. C’est pour cette raison qu’il s’est rebellé, chaque mois d’août, prenant la vie d’un mineur, lançant des pierres et des flammes pour montrer sa fureur, honorant son nom « Aucanquilcha le rebelle », un volcan jamais dominé par les conquérants espagnols[1].

Escuela San Antonio de Padua, s. d. : 31

Ce texte, intitulé « Aucanquilcha le rebelle », est un conte publié en espagnol et en quechua dans un livre pour enfants qui réunit plusieurs histoires traditionnelles et folkloriques d’Ollagüe, une communauté quechua du nord du Chili. Le livre a été préparé par la direction et les professeurs de l’école primaire San Antonio de Padua d’Ollagüe comme une forme de vulgarisation de la culture traditionnelle de la communauté.

En avril 2017, dans le cadre de ma recherche sur l’industrie du soufre à Ollagüe[2], j’avais prévu de visiter et documenter les ruines du camp d’exploitation connu sous le nom de El Ángulo, un site se trouvant au sommet du volcan Aucanquilcha. J’ai donc planifié l’escalade du volcan avec un groupe de collègues afin d’enregistrer les vestiges du camp et ses installations industrielles.

Imposant et fier dans le paysage d’Ollagüe, le volcan Aucanquilcha est reconnu pour abriter la mine de soufre la plus élevée du monde (5 950 mètres d’altitude), exploitée de 1913 à 1992 (Rudolph 1952 ; Araneda 1984). Pour se rendre au site d’extraction au sommet du volcan, il faut prendre la route qui monte le long de son versant nord. En cours de route, nous n’avons vu que les traces des véhicules de quelques alpinistes, sur une voie constamment détruite par les pluies d’été et érodée pendant 30 ans par l’abandon de l’activité minière. Tout véhicule qui s’aventure dans cette direction est arrêté, à mi-chemin, par les débris d’une avalanche de rochers qui l’empêchent de continuer. À partir de là, nous avons dû marcher. La montée n’est pas pénible, car elle suit la trace fantomatique des anciens camions. Cependant, après quelques minutes de marche, j’ai été incapable de continuer à cause des nausées et des étourdissements provoqués par la haute altitude. J’étais soudainement victime de la puna, du soroche, le fameux mal de montagne des Andes, et de ce que les habitants d’Ollagüe appellent « la rage du Quilcha[3] ». Bref, je n’ai pas pu atteindre le sommet du volcan et son site.

Selon le fonctionnaire colonial espagnol Diego Gonçalez Holguin (1952 [1608] : 302), Auccay quincha signifie « le fort, ou palissade en temps de guerre ». Bien que, cette fois, je n’ai pu accéder à la forteresse qu’est le volcan et enregistrer le site comme prévu, cette expérience personnelle m’a permis de comprendre quelque chose d’important concernant l’emplacement topographique et l’environnement géographique des camps miniers d’exploitation du soufre. Les nausées m’ont démontré les possibilités d’autres formes d’expérimentation d’un site archéologique dans un paysage de haute altitude, le même paysage où les mineurs de soufre travaillaient et vivaient dans un passé pas si lointain. Malade au bord de la route, j’ai compris que, comme dans le conte, le volcan était vivant et qu’il s’était « rebellé ». Il a éveillé en moi une problématique que j’ai cherché à développer, m’amenant à me poser la question suivante : comment faire une recherche qui mette en équilibre interprétatif les vestiges matériels « objectifs » et les expériences individuelles de ceux qui ont vécu et travaillé sur les sites miniers les plus hauts du monde ? Comment mettre en rapport ma propre expérience de nausées ? Loin d’une simple anecdote, je souligne l’importance de l’expérience personnelle dans l’analyse archéologique et historique (Brooks 2013), soutenant que les approches phénoménologiques enrichissent l’analyse contextuelle des sites, des paysages et de leur « atmosphère » (Tilley 1994 ; Bille et al. 2015). Depuis ma rencontre avec le volcan et le soroche, j’ai cherché à comprendre ce que Victor Buchli (2016) nomme les « registres » de l’immatériel. Ces registres permettent d’approfondir notre regard sur le passé récent en intégrant les mémoires locales imbriquées avec le matériel. L’immatériel fonctionne dans de multiples registres (ibid.) et les nausées sont, certainement, l’un des aspects ayant contribué à interpréter les vestiges de l’histoire minière d’Ollagüe. Dans ce texte, l’écriture par vignettes cherche à rapprocher ces registres, d’où la nécessité de les découper en petits morceaux apparemment dissociés, mais dont la multiplicité ambiguë est certainement productive (voir Taussig 1993).

Fig. 1

Amincha, logements des mineurs de soufre abandonnés au pied du volcan Aucanquilcha

Amincha, logements des mineurs de soufre abandonnés au pied du volcan Aucanquilcha
Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo

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De ruines, de débris et de cicatrices

En combinant une approche archéologique, ethnographique et historique, cet article explore l’exploitation industrielle du soufre à Ollagüe. Cette approche est basée sur le concept de « cicatrices matérielles » (Storm 2014 ; Rivera 2018), que je comprends ici comme des restes matériels participant à un processus continu de « devenir » (Ingold 2015). Contrairement à l’idée romantique et nostalgique de « ruines », celle de « cicatrices matérielles » portées par le corps social (de la communauté) réduit l’accent mis sur la monumentalité des vestiges et la condition statique des sites industriels abandonnés au profit de leur rôle dans un processus vivant constant de création et de destruction (Mah 2012). L’abandon remet en question, d’un point de vue esthétique, les pratiques conventionnelles d’aménagement de l’espace moderne, suggérant ainsi de nouveaux modes de relation avec le passé (Edensor 2005). Le concept de « ruines », ou de « débris » comme proposé par Gastón Gordillo (2014), se concentre moins sur la nostalgie et l’esthétique que sur les processus de destruction et d’échec économique auxquels il est associé. Les ruines sont des débris qui ont été fétichisés afin de constituer le patrimoine hégémonique des communautés (ibid.). Je comprends donc les débris de l’exploitation du soufre en tant que processus, et non en tant qu’entité immuable figée dans une forme physique permanente (DeSilvey 2017). Les débris de la modernité font ainsi ressortir les relations sociales qu’elles ont articulées dans le passé et continuent de le faire dans le présent (Gordillo 2014).

Nausées coloniales

Les récits de soroche sont nombreux et je n’ai certainement pas été le premier à en faire l’expérience. Au 17e siècle, le jésuite Bernabé Cobo raconte ses malheurs sur les hauteurs des Andes centrales :

Ayant été sur cette terre pendant tant d’années, trois fois quand je suis remonté des plaines vers les provinces d’en haut j’ai ressenti cette maladie dans mon estomac en traversant ces landes ; et la deuxième fois j’étais très mal avec de forts étourdissements et vomissements […] ; je me suis trouvé si fatigué que, inquiet de ne pas retrouver la santé, j’ai demandé à mes compagnons de me laisser mourir là et de continuer, car je ne ferais que rendre l’âme, car en deux jours je n’avais pas pu manger.

Cobo 1964 [1653] : 75-76

Depuis lors, la puna alimente l’imaginaire des nouveaux arrivants comme étant ce que j’appelle ici un « paysage de nausées », sauvage et hostile, un palimpseste façonné par des archives coloniales, des rapports de fonctionnaires étatiques et des descriptions de scientifiques. Il constitue ainsi « la dynamique d’une mémoire plus qu’une histoire périodisée, une mémoire avec tous ses caprices : des pérennités, des discontinuités, des potentialités, des résonances, des déterminismes, des éradications, des transformations et des transmissions, donc des milliers d’itinéraires différents » (Chouquer 2007 : 47).

Ollagüe, « terre des salars et des volcans »

Ollagüe est, selon le slogan de la municipalité créée en 1979, une « terre de salars [“désert de sel”] et de volcans ». Le village se situe à l’extrême nord-est de la région d’Antofagasta, à 3 660 mètres d’altitude. Il s’insère dans la puna, une macro-zone des Andes Centre-Sud ou Circum-Titicaca, la plus aride de l’ensemble du territoire andin (Lumbreras 1981). Paysage rigoureux, aride, froid et sans arbres, la puna constitue un milieu steppique de haute altitude, avec une végétation composée principalement de graminées, qui permettent la vie des troupeaux de camélidés.

Ollagüe se trouve dans une région qui appartenait à la Bolivie jusqu’à la guerre du Pacifique qui opposa le Chili au Pérou et à la Bolivie entre 1879 et 1884. À la suite de la guerre, le Chili imposa sa souveraineté institutionnelle : police, douanes, écoles et municipalités. La région connut également des projets de développement économique liés à l’exploitation minière et à la construction, à la fin du 19e siècle, du chemin de fer Antofagasta-La Paz (Blakemore 1990). L’irruption des industries minières à Ollagüe apporta une forme nouvelle d’habitation et d’occupation de l’espace. L’existence de grandes réserves de soufre et leur exploitation sont à la base de nouveaux modes de vie qui ont modifié l’espace écologique, économique et social d’Ollagüe. Le développement de l’exploitation minière est devenu un phénomène qui a touché la population pastorale locale, cette dernière subissant des processus de désarticulation de ses systèmes de subsistance d’origine. Avec de nouvelles perspectives économiques et l’intégration de la population pastorale en tant que main-d’oeuvre locale dans le secteur minier, sa mobilité et ses modes d’utilisation des terres furent transformés. Le travail minier et le travail salarié furent ainsi les facteurs déterminants de l’émergence d’un nouveau modèle de subsistance et de la concentration humaine autour des nouvelles gares et des nouveaux camps miniers.

Fig. 2

Ollagüe et le volcan Aucanquilcha en 1940

Ollagüe et le volcan Aucanquilcha en 1940
Photo : Robert Gerstmann © Museo Histórico Nacional de Santiago. Reproduit avec autorisation.

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Ppacchas

La relation que les communautés autochtones des Andes ont établie avec les volcans et les montagnes a été, et reste toujours, un sujet largement étudié (voir, par exemple, Castro et Aldunate 2003 ; Salas Carreño 2017 ; Gose 2018). À Ollagüe, cette relation relève de la compréhension d’un ensemble de différentes unités écologiques, telles que les sources d’eau (ojos de agua), les déserts de sel (salars) et les plaines fertiles (vegas) (Romo 1998 ; Cárdenas 2014). La conception de l’espace est ainsi fortement liée à la perception de ces unités écologiques, donnant lieu à une construction symbolique du paysage. L’Acapacha, le monde des humains, est constitué du Ppaccha du haut (Arajpacha) et du Ppaccha du bas (Manqha Pacha), les deux exerçant une forte influence sur les humains. Selon le dictionnaire de Gonçalez Holguin (1952 [1608] : 268), Ppaccha est traduit par « fontaine, jet d’eau, canal, tuyau » (« fuente, chorro de agua, canal, caño »). Dans ce domaine se déploient toutes les activités quotidiennes du berger andin. Toutes les relations rituelles et cérémonielles reliant l’humain à ses divinités tutélaires peuvent s’y développer (Cárdenas 2014). L’Arajpacha constitue l’espace des étoiles et le Manqha Pacha, celui de tous les éléments non domestiqués et sauvages de la nature (ibid.). Ce dernier correspond aussi au niveau où il y a des forces puissantes qui peuvent agir pour le bien ou pour le mal. Pour les bergers d’Ollagüe, cet étage écologique représente la demeure des personnes décédées, les abuelos ou gentiles (ibid.). Ces détenteurs de certains pouvoirs peuvent infliger quelque mal ou maladie à telle personne qui ne respecte pas leur nom ou leur tombe. Des éléments du paysage en particulier sont une partie essentielle du Manqha Pacha : les montagnes et les volcans (Romo 1998).

Hétérotopie et sacralité du volcan Aucanquilcha

Le volcan Aucanquilcha, connu par les habitants d’Ollagüe comme « la montagne du diable », joue un rôle sacré dans la conception spatiale locale, une hétérotopie des hauteurs. Michel Foucault (1986) proposa le concept d’« hétérotopie » comme catégorie spatiale pour comprendre la prédominance de l’espace par opposition au temps dans la société contemporaine. Ces sociétés qui ont subi un processus de désacralisation possèdent toutefois certains espaces qui continuent à être chargés de valeur et de dignité spirituelles, conservant le caractère sacré perdu dans d’autres lieux. À Ollagüe, les volcans, en tant qu’espaces hétérotopiques, font coexister plusieurs lieux et temps incompatibles dans un espace « réel », par exemple pendant les rituels (pagos) qui étaient réalisés les premiers jours du mois d’août, pour apaiser et respecter leur pouvoir. Doña Augusta[4], habitante d’Ollagüe, se rappelle ces pagos aux montagnes que son grand-père, un yacho (aussi appelé yatiri) ou voyant, réalisait : « Il les faisait en août, le 1er août. […] Pour… pour les travailleurs, disait-il, qui devaient mettre cet argent, pour qu’il y ait plus d’argent. Tu dois payer la Pachamama, les montagnes. C’est ce qu’il faisait. »

Ces pratiques s’inscrivaient dans une cosmovision partagée dans plusieurs régions andines (Dorman 1881 ; Bouysse-Cassagne et Bouysse 1984). En Bolivie, par exemple, Tristan Platt (1983) remarque que le mois d’août est le « mois du diable » et souligne que les premiers jours sont interstitiels dans le calendrier agricole. Selon les traditions, la terre s’enflamme et le Tío, propriétaire des ressources souterraines (Absi 2005), porte ses richesses à la surface des montagnes. L’espace hétérotopique du volcan Aucanquilcha s’inscrit dans cette constellation spirituelle. Il possède également des richesses qui ne sont accessibles que par sa faveur en tant que propriétaire. Il inflige des accidents mortels à ceux qui ne le respectent pas. De ce fait, la sociabilité établie entre les communautés et les volcans n’est pas une relation de domination d’un élément de la nature par l’être humain. Au contraire, il s’agit ici d’une isonomie des éléments de la nature et des humains où le principe de réciprocité andine prévaut comme l’une des règles qui doivent toujours être respectées (pour une notion élargie de réciprocité, voir de la Cadena 2015).

Fig. 3

Animita dans le chemin vers le sommet du volcan Aucanquilcha

Animita dans le chemin vers le sommet du volcan Aucanquilcha

Une animita est une structure rappelant une personne décédée sur le site ou ayant eu un lien étroit avec celui-ci. Elle constitue aussi un site informel de vénération de saints ou de personnages auxquels on attribue des caractéristiques miraculeuses.

Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo

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Un territoire aliéné par une guerre

L’espace d’Ollagüe est lié à une cosmovision qui met en relation les unités écologiques et l’espace géomorphologique. Cependant, l’incorporation de la région d’Antofagasta à l’État chilien à la fin du 19e siècle et la création d’un nouvel espace géopolitique brisèrent cette métaphysique de l’espace en imposant une nouvelle forme d’administration et de juridiction, modifiant ainsi le statut de l’espace écologique. Les eaux et les pâturages, auparavant d’usage communautaire, ont été placés sous le statut de l’État et, à ce titre, ont été l’objet de nombreuses concessions par les compagnies minières (San Román 1896). « Dans le passé, elles [les compagnies minières] arrivaient et construisaient là où elles pensaient que c’était le mieux, et elles déclaraient que c’était une zone privée et c’était tout », raconte don Victor, un ancien travailleur minier, critique du relâchement administratif dans l’appropriation privée des terres : « Ce n’est pas comme maintenant où nous devons consulter la communauté pour savoir si nous pouvons construire un camp ou non. Pas dans le passé. » Ces modifications de l’espace écologique et la perte subséquente d’une base agraire intensifièrent l’incorporation d’un pourcentage important de la population locale au marché du travail salarié dans le secteur minier (Sanhueza et Gundermann 2009). Poussée par l’industrie du soufre, l’économie locale d’Ollagüe est devenue, par conséquent, de plus en plus monétaire en raison d’une relation active avec le marché du travail, le commerce des produits agricoles ainsi que des biens de consommation. Ollagüe fut ainsi incorporé dans les circuits du commerce régional et mondial, dont les marchandises atteignirent les hauteurs des Andes pour satisfaire de nouveaux besoins.

La chilenización d’Ollagüe

Au Chili, les bases idéologiques de l’idée de « nation » furent renforcées depuis la fin du 19e siècle avec l’expansion territoriale de l’État chilien après la guerre du Pacifique (1879-1884). L’expansion territoriale a eu un caractère militaire, politique, économique et culturel, impliquant une reformulation des imaginaires nationaux et une réélaboration des politiques d’intégration des populations locales, principalement autochtones, dans l’histoire nationale (Gundermann 2003). C’est un processus connu sous le nom de chilenización. Ce moment constitue, pour les peuples autochtones de la région, un évènement décisif de leur incorporation administrative et symbolique dans l’État-nation chilien. Pendant la guerre, ces politiques d’intégration furent immédiatement mises en place dans les villages d’Atacama. Joaquin Cortés, un militaire stationné dans la région, écrivit :

Les habitants d’Atacama et de ses environs sont pour la plupart des Autochtones tributaires. Après avoir atteint ce point, j’ai convoqué tous ceux qui pouvaient le faire et je leur ai fait savoir qu’à partir du jour où les armées chiliennes ont occupé ces lieux, ils étaient exemptés de toute contribution, qu’ils avaient une liberté absolue ; en un mot, qu’ils étaient considérés, depuis le 14 février de cette année, comme des citoyens chiliens, jouissant donc de toutes les garanties que la nation donne à ses enfants.

Cortés 1979 [1879] : 571, nous soulignons

La construction de l’idée de « nation » prit alors la forme de récits nationaux, articulant un passé qui indiquait sa supériorité, en rupture avec les périodes précédentes et le rejet de tout ce qui échappait aux principes de l’homogénéité culturelle et du progrès (Colmenares 1987). La catégorie d’« Indien » cessa d’être considérée comme un élément « étranger » pour être intégrée dorénavant dans la catégorie de « minorité ethnique ». L’État incorpore cette catégorie, la détachant du passé colonial considéré comme une période d’une position inférieure, « non moderne » (Gundermann 2003). L’« Indien » d’Ollagüe cessa de représenter une catégorie sociale, culturelle ou économique différenciée du reste de la société, et s’inscrivit dans un nouveau paradigme politique au sens moderne : le citoyen (ibid.). En même temps que les entreprises minières créèrent le « sujet mineur », discipliné et contrôlé, les politiques de l’État créèrent de même le « sujet citoyen », membre d’une collectivité nationale.

Imaginez…

À 20 000 pieds d’altitude, la respiration, à un rythme normal, apporte au sang moins de la moitié de l’oxygène fourni au niveau de la mer. L’individu moyen ne peut faire plus d’efforts que pour monter et descendre de sa mule. Même les mineurs chiliens, habitués à des altitudes allant jusqu’à 10 000 pieds, sont incapables d’accomplir grand-chose à des altitudes supérieures à 16 000 pieds. Les Autochtones boliviens, élevés dans de telles conditions, sont les seuls à pouvoir supporter ces difficultés. Le froid extrême à ces altitudes réduit également l’efficacité du travail. Imaginez que vous travaillez dans un endroit où la température maximale jamais enregistrée à midi est de quatre degrés Celsius ! Ajoutez à ce froid extrême un vent qui ne cesse de souffler et qui prend généralement la force d’un ouragan entre midi et le coucher du soleil, et l’être humain, dont la vitalité a déjà été réduite par le manque d’oxygène, en souffre sévèrement.

Officier 1922 : 996

Ces mots, de l’explorateur et ingénieur états-unien Herbert G. Officier, décrivent les conditions des mineurs sur les hauteurs des volcans des Andes chiliennes. Le récit d’Officier, datant de 1922, doit être l’un des plus remarquables et des plus éloquents au sujet des difficiles conditions environnementales et de travail que les mineurs de soufre, principalement autochtones, ont dû endurer. Il montre qu’à bien des égards l’industrie du soufre dans le nord du Chili était unique au monde. L’altitude extrême, le manque d’oxygène, le froid et la précarité du travail ont fondamentalement conditionné l’exploitation minière. Sans vouloir tomber dans ce que les ethnologues appellent un déterminisme géographique, il est clair que ces conditions particulières ont influencé les relations sociales de production dans l’histoire de l’exploitation du soufre.

Mineurs autochtones et boliviens

Le texte d’Officier souligne un aspect fondamental du développement de l’industrie du soufre à Ollagüe : les travaux d’extraction étaient effectués principalement par des mineurs autochtones, quechua et aymara. Les récits soulignent également les différences d’adaptation aux hauteurs entre les travailleurs d’origine bolivienne et ceux d’origine chilienne. José Armando Araneda, un photographe qui visita les camps du volcan Aucanquilcha au début des années 1980, recueillit des témoignages, dont celui d’un employé nommé Alberto Larenas :

De nombreux Boliviens viennent ici à la recherche d’un emploi, suppliant qu’on leur donne la possibilité de travailler. Ils traversent le désert à pied, traînant parfois un vélo à leurs côtés avec leurs maigres possessions, sans papiers. Nous mettons leurs papiers en règle et les acceptons. Cependant, les Chiliens qui viennent disent qu’ils n’ont même pas d’argent pour rentrer chez eux. Après quelques jours, ils n’en peuvent plus. Ils ne sont pas faits pour travailler sur les hauteurs, comme les Boliviens…

Araneda 1984 : 10

Pour les témoins de l’époque, les conditions de travail en haute altitude faisaient partie du côté « épique » de l’exploitation minière (ibid.). L’exploitation du soufre est ainsi, pour certains observateurs, une « épopée ». William Rudolph, un ingénieur états-unien, a écrit : « À certains égards, l’industrie chilienne des mines de soufre est unique. Les hommes travaillent à des altitudes où l’on croyait autrefois que la vie, humaine ou autre, ne pouvait exister. » (Rudolph 1952 : 563) Ces descriptions sont importantes, car elles contribuent à la création des formes par lesquelles l’histoire minière est remémorée et ensuite reproduite dans les récits historiques actuels. Cependant, le « travail épique » défigure d’autres thèmes, comme les conditions de travail, les conflits ethniques ou les différences sociales et de genre. Rudolph remarque :

Les travailleurs autochtones se font généralement embaucher dans les mines de soufre lorsqu’ils ne sont pas nécessaires dans leurs villages pour réparer les fossés d’irrigation, labourer, semer et récolter. Le fait de faire travailler les deux groupes dans les mêmes équipes ne donne pas les meilleurs résultats, car le Chilien méprise le travailleur autochtone et le maltraite.

Rudolph 1952 : 576

Les travailleurs autochtones et boliviens dans l’industrie du soufre ont constitué une main-d’oeuvre subordonnée participant de manière désavantageuse à une relation économique asymétrique (Galaz-Mandakovic et Rivera 2020). Comme souligné par Achille Mbembe (2013), l’accumulation nécessite toujours des suppléments raciaux ou des subventions. Les mineurs de soufre ont constitué, pour leur part, une forme de subsidiarité, subventionnant avec leur corps l’expansion du capitalisme dans la région.

Une histoire androcentrique

Les récits des géologues et des ingénieurs ont une chose en commun : la présence des femmes n’est jamais mentionnée. L’industrie du soufre est, aux yeux des chroniqueurs de l’époque, une histoire essentiellement masculine. Ces récits reproduisent une idée largement répandue selon laquelle les femmes étaient exclues de tout stade du processus de production (voir cependant Klubock 1998). Elles sont cachées, sans voix, sans visage. Dans le monde andin, l’interdiction des femmes dans les espaces d’extraction minière a été une question largement analysée en lien avec les représentations sociales et l’imaginaire minier (Nash 1979 ; Absi 2002). À la suite de ses recherches ethnographiques en Bolivie, Pascale Absi (ibid.) montra que la dimension sexuelle de l’exploitation minière configura le type de relation homme-femme et que l’interdiction aux femmes d’entrer dans les mines a façonné les relations sociales des communautés.

En excluant les femmes des études sur l’exploitation minière, on leur a refusé la reconnaissance et l’accès à cette histoire, les confinant à une recherche marginale et rendant invisible leur rôle au sein du système minier. À Ollagüe, dans un contexte de changements rapides générés par l’irruption de l’industrie du soufre, elles se trouvent toutefois dans la participation et le contrôle des brevets ou des petites sociétés commerciales. Leur présence s’attache, comme dans d’autres contextes andins (Viezzer 1978), à des domaines où leur rôle fut essentiel : l’activisme politique, la lutte sociale, l’organisation communautaire et la défense des droits des travailleurs. Vraisemblablement, c’est ici l’une des raisons de leur absence dans les récits historiques officiels.

Des volcans genrés

Les différences de genre se trouvent également dans les êtres non humains du paysage minier d’Ollagüe. Les volcans sont des êtres genrés. Le volcan Aucanquilcha, masculin et rebelle, représente l’épopée du travail minier. Le volcan Ollagüe ou Santa Rosa, féminin et ambivalent, représente d’autres types de tensions, illustrant les couches hybrides des définitions identitaires et de la religiosité populaire. Pour certains, le volcan est appelé Ollagüe, et (elle) représente l’héritage ancestral autochtone quechua de la communauté. Pour d’autres, au contraire, le nom du volcan est Santa Rosa, symbole de la dévotion catholique et de la conquête hispanique moderne du territoire. Les différenciations de genre, humain et non humain, se construisent à partir de l’hybridation culturelle et des tensions exacerbées au 20e siècle par l’expansion minière-industrielle.

Doña Olivia utilise les remontées mécaniques

L’industrie du soufre d’Ollagüe s’est offert une série d’innovations technologiques qu’elle a rapidement intégrées aux activités d’exploitation. Les remontées mécaniques constituent une innovation fondamentale pour le transport du minerai depuis les lieux d’extraction sur les volcans vers les camps. Dans une région encombrée de ravins et d’accidents naturels, les remontées furent une solution de rechange au transport sur des routes constamment érodées et des lignes de chemin de fer très coûteuses. Grâce à des lignes droites, les remontées mécaniques ont évité les sinuosités et les obstacles naturels imposés par le milieu. Les coûts de production étaient également beaucoup moins élevés. Elles restent l’un des vestiges industriels les plus visibles dans le paysage, et l’un des éléments les plus distinctifs de l’histoire récente de la communauté. Les remontées furent non seulement utilisées pour le transport des minéraux, mais aussi pour le transport des personnes. Doña Olivia, une habitante d’Ollagüe qui travailla comme cuisinière dans les camps, raconte ses expériences avec ces symboles matériels de progrès et de fierté moderne :

[I]l y avait une remontée mécanique… vous avez vu les tours ? J’utilisais ces remontées. Par exemple, à la gare, ils [les travailleurs] prenaient le seau et je montais dessus, et ils me poussaient, et je descendais. Là où je passais à côté des tours… Pum pum ! Pum pum ! Je passais. Je n’avais pas peur parce que je savais qu’il fallait que ça sonne. Soudain, je me disais : « Et si le seau tombait ? » […] Et là, je courais à travers les fils qui se croisaient. Parfois, celui qui parcourait la ligne, celui qui travaillait sur les tours en graissant tout, il me croisait. Il montait et je descendais.

Devenir volcan

Alonso Barros (1997) examina les « paysages conflictuels » à Atacama, soulignant le choc et les conflits générés par les discours et les politiques de développement entre les communautés locales et l’État chilien. De même, dans les Andes péruviennes, Fabiana Li (2015) souligne comment les mêmes tensions resurgissent et mutent à partir des conflits avec les compagnies minières. Pour les auteurs, ces conflits contemporains illustrent deux manières différentes d’agir dans le monde. Ils montrent la tension entre deux épistémologies qui se confrontent, deux cosmovisions face à la compréhension des paysages locaux. Dans le cas d’Ollagüe, les volcans furent artificiellement modifiés en vue de leur exploitation du soufre, cette modification devenant un enchevêtrement à la fois naturel et culturel qui dévoile des tensions similaires. Comme présenté dans le conte « Aucanquilcha le rebelle », cet enchevêtrement remonte beaucoup plus loin dans le passé. Le volcan a une histoire de vie, une personnalité, un « devenir volcan » inscrit dans une temporalité non humaine. Ce devenir souligne son caractère mutable et historique, et ne le présente pas comme étant une entité stable ou comme s’inscrivant dans une même structure ontologique (Gose 2018) : « le volcan, en tant qu’entité hautement mouvante, ne peut en aucun cas être considéré comme “intemporel” malgré sa monumentalité » (Holmberg 2013 : 50).

Fig. 4

Un seau pour le transport du minerai demeure suspendu sur le fil de la remontée mécanique au sommet du volcan Aucanquilcha

Un seau pour le transport du minerai demeure suspendu sur le fil de la remontée mécanique au sommet du volcan Aucanquilcha
Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo

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Des volcans vivants

Les volcans ont une signification particulière pour les communautés qui interagissent quotidiennement avec eux (voir, par exemple, Bouysse-Cassagne et Bouysse 1984 ; Holmberg 2005). Plus que de grandes montagnes souvent menaçantes, les volcans sont des êtres spirituels, des « êtres de la terre » (Salas Carreño 2017) méritant du respect. Ils font partie du monde des humains pour leur fournir des connaissances et des ressources et les guider sur la voie de comportements qui garantissent un mode de vie correct et durable (Stoffle et al. 2015). Ils sont aussi des êtres moralisateurs. Le rebelle d’Ollagüe (comme tous les volcans de la région) n’est pas seulement un élément naturel du paysage, c’est une entité vivante avec une histoire de vie. En fait, on pourrait le voir comme une « métapersonne » (Gose 2018). Samuel Valdés, un fonctionnaire du gouvernement chilien, remarqua ceci après son voyage dans la région à la fin du 19e siècle :

Et puis tout le lac enfermé entre ces deux hauts sommets du San Pedro et de l’Ollagüe, des volcans vivants, couverts de neige perpétuelle et presque toujours couronnés par une colonne de vapeur au milieu d’un ciel serein. L’Ollagua [sic] est le plus actif, et il n’est pas rare de le voir émettre de fortes émanations de vapeur et de lumière au milieu des nuits sombres.

Valdés 1886 : 162, nous soulignons

Une fumerolle patrimoniale

Les volcans d’Ollagüe furent façonnés par l’action humaine et ont été l’objet d’usages instrumentaux. Cette perspective soulève la question de la manière de distinguer le patrimoine naturel du patrimoine culturel (Holmberg 2005 ; Harrison 2015). Valdés décrit, nous l’avons vu, la vitalité du volcan à travers des indices tels que la lumière et les « vapeurs » qu’il exhale. Il entrevoit ainsi l’un des éléments du patrimoine volcanique contemporain qui se situe dans les interstices du matériel et de l’immatériel (Bille et al. 2015 ; Buchli 2016). De loin, la fumerolle qui s’élève du sommet du volcan Ollagüe est considérée comme un élément distinctif du patrimoine local. Elle nourrit à la fois l’étonnement, l’imagination et la peur. Jacinto Jijon y Caamaño laisse les mots s’envoler comme de la fumée lorsqu’il écrit à propos des Andes :

Qui a vu, de près, une de ces grandes masses andines sur lesquelles flotte souvent un immense panache de fumée noire, éclairé la nuit par de nombreuses étincelles ; […] et qui a entendu le bruit rauque du tonnerre souterrain, et vu la montagne frissonner, comprendra bien le respect et la vénération dont les volcans ont été l’objet, même sans tenir compte de la terreur (source fertile de culte) qu’ils ont dû inspirer, par les malheurs et les destructions que chaque éruption a produits.

Jijon y Caamaño 1919 : 307

Alors que nous marchons au milieu des décombres industriels d’un des camps, je parle de la fumerolle avec don Ernesto, ancien chauffeur de camion, qui n’oublie pas l’odeur de ces émanations :

Le gaz de ce soufre est extrêmement fort. […] Les gens qui sont venus pour la première fois pour travailler le soufre ne pouvaient pas dormir la nuit. Parce qu’il y a une terrible démangeaison ; […] le gaz est extrêmement fort, vous ne pourriez pas le supporter. Il vous étouffe.

Les deux fumerolles, d’origine industrielle ou volcanique, se confondent dans une relation mimétique (voir Taussig 1993). Comme la nausée, la fumerolle est un registre de l’immatériel (Buchli 2016) et un indice de la vitalité volcanique. À travers leur effet sur le corps humain, elles unissent ainsi des matériaux incompatibles et apparemment sans valeur, comme les débris industriels, à l’histoire de vie rebelle du volcan.

Fig. 5

Le train, symbole de l’irruption de la modernité, transporte de l’acide sulfurique depuis la Bolivie vers le port d’Antofagasta. Le volcan Ollagüe/Santa Rosa, au fond, étale sa fumerolle

Le train, symbole de l’irruption de la modernité, transporte de l’acide sulfurique depuis la Bolivie vers le port d’Antofagasta. Le volcan Ollagüe/Santa Rosa, au fond, étale sa fumerolle
Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo

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Conclusion : la rébellion comme parabole de l’échec

Le volcan Aucanquilcha a façonné l’imaginaire non seulement de la communauté locale, mais aussi des chroniqueurs espagnols et des capitalistes miniers chiliens. Si les volcans furent traditionnellement considérés comme des sujets d’intérêt pour la géologie ou la géographie, à Ollagüe, en revanche, ce sont des êtres naturels et culturels, avec une histoire de vie qui remonte loin dans le temps. À Ollagüe, le volcan est une entité naturelle, tout en étant considéré comme adaptable aux projets humains. L’exploration de la vitalité des volcans d’Ollagüe permet de mettre en perspective leur personnalité rebelle comme étant une métaphore de l’échec tel qu’insinué par le conte. D’une part, l’illustration d’un échec qui, dans l’imaginaire collectif, est associé à la rébellion des volcans contre les conquistadors espagnols (l’échec de la conquête). D’autre part, le récit d’un deuxième échec fondé sur la rébellion contre l’expansion capitaliste, qui considère les volcans comme une source de production minière à la base de l’utopie modernisatrice du 20e siècle (la rébellion volcanique comme une cause de l’échec du capitalisme minier et de l’industrialisation locale). Enfin, le symbole d’une troisième révolte contre la présence humaine qui se manifeste dans ce « paysage de nausées » (l’échec du nouvel arrivant, de l’Autre étranger, illustré par mon expérience personnelle). Ces échecs permettent d’explorer l’agentivité des volcans et de revisiter une histoire résultant non seulement d’efforts humains, mais également de pouvoirs autres qu’humains (Bennett 2010). La rébellion volcanique a laissé des vestiges matériels qui ont façonné (et façonneront) l’imaginaire ainsi que les ruines actuelles de l’exploitation du soufre. Les volcans d’Ollagüe ne sont pas une représentation ou une métaphore de la rébellion : ils sont rebelles (voir Descola 2014).

L’industrie du soufre à Ollagüe offre un aperçu permettant de contextualiser le processus d’expansion capitaliste dans le nord du Chili depuis la fin du 19e siècle. Le volcan Aucanquilcha a été témoin de l’histoire complexe de cette expansion minière par une exploitation intense de son corps géologique. Cette exploitation laissa de profonds vestiges matériels à la fois dans le paysage et dans le souvenir de l’histoire récente de la communauté. Reprenant la notion de « cicatrices matérielles » (Storm 2014 ; Rivera 2018), le contexte post-industriel d’Ollagüe et ces camps abandonnés permettent une lecture des vestiges matériels, ainsi que des conséquences et impacts générés par cette industrie pour la communauté locale. Les cicatrices sont moins visibles, mais toutes aussi profondes. Les volcans, en tant qu’espaces naturels et culturels de production capitaliste, sont ici des entités vivantes qui configurent à la fois la matérialité de l’exploitation du soufre et l’imaginaire social actuel. La rébellion du volcan est ainsi liée au développement de l’extraction du soufre et au contexte politique et économique global. Une approche des vibrances du volcan ouvre les possibilités d’une lecture alternative pour comprendre l’expansion capitaliste à travers l’industrie minière. Cette perspective devient une voie enrichissante à suivre qui permet d’analyser d’autres contextes andins où les communautés locales furent confrontées à de profondes transformations socioculturelles dues à l’irruption des activités extractives (Flores Galindo 1974 ; Nash 1979 ; Salazar-Soler et Absi 1998 ; Salazar-Soler 2002). Sans aucun doute, l’expansion capitaliste par l’exploitation du soufre a marqué l’un des chapitres les plus importants de l’histoire récente d’Ollagüe. Plus fondamentalement encore, elle a inscrit un autre chapitre dans la longue histoire de vie des volcans rebelles à leur domestication humaine.