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Mazzocchetti Jacinthe et Pierre-Joseph Laurent, 2021, Dans l’oeil de la pandémie. Face-à-face anthropologique. Louvain-la-Neuve, Éditions Academia, 212 p., illustr., fig., tabl., bibliogr.[Record]

  • Benjamin Malo

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  • Benjamin Malo
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

L’ouvrage est écrit par Jacinthe Mazzocchetti (anthropologue et auteure) et Pierre-Joseph Laurent (agronome et anthropologue), tous deux professeurs à l’Université catholique de Louvain. Par ce livre, composé de six chapitres, les auteurs proposent une réflexion sur la pandémie et se questionnent sur ce qu’il arrivera de l’humanité à la suite de celle‑ci : deviendra-t-elle le catalyseur de transformations sociétales à grande échelle ou le statu quo l’emportera-t-il ? Les auteurs s’inscrivent dans une approche d’anthropologie politique résolument critique. À tour de rôle, Mazzocchetti et Laurent discutent de la pandémie selon leurs propres terrains de recherche, leurs propres perspectives anthropologiques et leur propre vécu. Les auteurs traitent de l’importance des chiffres dans la gestion de la pandémie (chapitre 1), de la pensée conspirationniste et de la défiance (chapitre 2), des effets culturels de la distanciation sociale (chapitre 3), des conséquences de la pandémie sur les inégalités sociales et les populations marginalisées (chapitre 4), de la comparaison entre différents modes de gestion de la pandémie (chapitre 5) et de l’espoir d’un monde meilleur (chapitre 6). L’ensemble de l’ouvrage est ponctué d’expériences ethnographiques, d’images et de poésies pour « donner à penser » et « saisir l’insaisissable » (p. 9). Deux chapitres (2 et 5) se démarquent particulièrement. Dans le deuxième chapitre, Mazzocchetti explore la pensée conspirationniste sous l’angle de la défiance. Elle est d’avis que, depuis quelques décennies, il est possible d’assister à une augmentation de la défiance à l’endroit des institutions politiques, publiques, scientifiques et médiatiques. Selon elle, cette pensée, jumelée aux sentiments d’injustice et d’impuissance, est le « socle de la recherche d’un autre narratif à la fois porteur de sens et d’espoir, mais aussi d’une quête de rationalité qui permettrait de comprendre les ressorts des inégalités, des violences vécues et observées » (p. 47). Les premières semaines de la pandémie ont été caractérisées par un contexte où les incertitudes étaient multiples. Celles-ci, liées aux incohérences dans les discours politiques et les mesures appliquées, ont engendré un terreau fertile pour la pensée conspirationniste qui propose des narratifs explicatifs sécurisants, totaux et absolus. En soi, son propos est intéressant dans la mesure où l’auteure lie l’adhérence à la pensée conspirationniste et à la quête de sens, qui manque à l’époque contemporaine. Dans le cinquième chapitre, Laurent présente les résultats d’une analyse qualitative qui compare la gestion de la pandémie dans 59 pays. Ces résultats lui permettent de mettre en relief non seulement ce que la pandémie peut révéler sur l’état du monde, mais aussi de se questionner sur les principes sous-jacents aux décisions politiques liées à la gestion de la COVID‑19. Son analyse a été réalisée de mars à juin 2020. Celle-ci repose, d’un côté, sur l’importance accordée à l’économie ou à la santé de la population par les États et, d’un autre côté, sur les stratégies mises en place pour gérer (ou non) la pandémie. En comparant plusieurs pays entre eux, l’auteur conclut que les gouvernements populistes, de gauche comme de droite, n’ont pas une gestion de crise reluisante. Il souligne cependant que, comme la pandémie était toujours en cours au moment de son analyse, la portée de ses résultats demeure limitée et que davantage d’analyses sont nécessaires pour offrir un portrait plus réaliste de la situation.