Abstracts
Résumé
En plus d’être biologiquement fondamentale, l’alimentation a une valeur identitaire importante. C’est une activité fréquente à laquelle tous doivent s’adonner. Cela en fait un domaine privilégié pour exercer un pouvoir sur l’Autre. Comme dans d’autres contextes coloniaux, les autorités canadiennes ont instrumentalisé l’alimentation dans leurs relations avec les peuples autochtones. Concrètement, comment un colonialisme alimentaire a-t-il été orchestré au Canada ? Alors que la littérature permet d’en saisir certaines composantes, l’expérience des Premières Nations au Québec n’est jamais examinée. Ont-ils eux aussi vécu une forme de colonialisme alimentaire ? Leur expérience a-t-elle des particularismes ? Proposant un va-et-vient entre le contexte national (Canada) et provincial (Québec), j’examine trois mécanismes (contrôle, civilisation et dépendance) par lesquels le colonialisme alimentaire s’est opérationnalisé. Pour chacun d’eux, j’expose des actions mises en place par les autorités gouvernementales et je montre leurs effets sur les cultures alimentaires des peuples autochtones.
Mots-clés :
- Hamel-Charest,
- alimentation,
- colonialisme,
- Autochtones,
- Premières Nations,
- dépendance,
- contrôle,
- civilisation,
- ration
Abstract
Biologically fundamental, food also has an important identity value. Everyone must engage frequent in that activity. Thus, it is a privileged domain to exercise power over Other. As in other colonial contexts, Canadian authorities have instrumentalized food in their relations with Indigenous peoples. Concretely, how has food colonialism been orchestrated in Canada? While the literature makes it possible to grasp certain components, the experience of the First Nations in Quebec is never examined. Did they also experience a form of food colonialism? Does their experience have any particularities? Proposing a back-and-forth overview between the national (Canada) and provincial (Quebec) contexts, I examine three mechanisms (control, civilization, and dependence) through which food colonialism was operationalized. For each of them, I expose actions implemented by government authorities and show their effects on the food cultures of indigenous peoples.
Keywords:
- Hamel-Charest,
- food,
- colonialism,
- Indigenous,
- First Nations,
- dependency,
- control,
- civilization,
- welfare
Resumen
Además de estar biológicamente fundamentada, la alimentación tiene un valor identitario importante. Es una actividad frecuente a la cual nos abocamos todos. Es de hecho un terreno privilegiado para ejercer el poder sobre el Otro. Como en otros contextos coloniales, las autoridades canadienses han instrumentalizado la alimentación en sus relaciones con los pueblos autóctonos. Concretamente, ¿cómo un colonialismo alimentario se ha orquestado en Canadá? Mientras que la literatura permite obtener ciertos de sus componentes, la experiencia de las Primeras Naciones en Quebec nunca ha sido examinada. ¿También ahí se vivió una forma de colonialismo alimentario? ¿Esa experiencia presenta particularidades? Proponiendo un ir y venir entre el contexto nacional (Canadá) y provincial (Quebec), examino tres mecanismos (control, civilización y dependencia) mediante los cuales el colonialismo alimentario fue operacionalizado. Para cada uno de ellos, expongo las acciones implementadas por las autoridades gubernamentales y expongo sus efectos sobre las culturas alimentarias de los pueblos autóctonos.
Palabras clave:
- Hamel-Charest,
- alimentación,
- colonialismo,
- Autóctonos,
- Primeras Naciones,
- dependencia,
- control,
- civilización,
- ración
Article body
Introduction[1]
L’alimentation n’a pas su susciter l’intérêt de nombreux anthropologues avant les années 1930, du moins dans sa dimension quotidienne considérée banale (De Garine 1988 ; Fichsler 2018). Pourtant, la fréquence de l’activité, sa dimension incontournable et le fait que tous doivent s’y prêter sont justement des caractéristiques qui en font un domaine privilégié pour exercer un pouvoir sur l’Autre. À ce titre, elle apparaît à travers diverses rencontres coloniales et s’en trouve bouleversée (Connell et Mathieu 1982 ; Dietler 2006 ; Durmelat 2015 ; Ranta et al. 2022 ; Trigg 2004). Le contexte canadien ne fait pas exception. Mais, comme le souligne Michael Wise (2011), alors qu’il s’intéresse au colonialisme alimentaire vécu par les Blackfeet au nord du Montana, peu d’attention a été portée à la place des cultures alimentaires dans les politiques fédérales relatives aux Autochtones en Amérique du Nord.
Comment une forme de colonialisme alimentaire s’est-elle déployée envers les peuples autochtones au Canada ? Leur alimentation a été à la fois la cible d’actions coloniales et un outil pour mener à bien le projet colonial, c’est-à-dire l’assimilation des peuples autochtones et l’acquisition du territoire. Sam Grey et Lenore Newman parlent plutôt de colonialisme culinaire (culinary colonialism), qu’elles décrivent comme
un passage historique impliquant la destruction et le dénigrement des ingrédients et des cuisines autochtones et menant à l’assimilation forcée à une norme gastronomique coloniale ainsi qu’à l’appropriation culturelle des aliments et des plats autochtones.
Grey et Newman 2018 : 726, ma traduction
C’est à la dimension historique de ce processus transformatif que je fais référence quand je parle de colonialisme alimentaire et sur laquelle se penche l’analyse qui suit[2].
Des parcelles de l’expérience d’un colonialisme alimentaire au Canada vécu par les peuples autochtones apparaissent dans des études qui prennent la santé comme thématique de recherche (Daschuk 2018 [2015] ; Dawson 2018 ; Kelm 1998 ; Lux 2001 ; Mosby et Galloway 2017). Ces recherches ont en commun de conduire des analyses pour comprendre l’état de santé passé ou actuel de peuples autochtones au Canada et de montrer que leur santé découle, à plusieurs égards, de certaines politiques coloniales. Les dimensions alimentaires du projet colonial sont ainsi abordées par la bande puisque la santé des individus en est tributaire. Je propose de faire basculer l’angle d’analyse et de mettre l’alimentation au coeur du questionnement, en m’intéressant à l’architecture du colonialisme alimentaire. Je veux ainsi proposer une lecture plus globale en sortant des frontières de la santé.
D’autres ont commencé à le faire. Par exemple, Kristin Burnett, Travis Hay et Laro Chambers (2016) explorent comment trois programmes fédéraux d’assistance alimentaire ont eu des impacts sur l’alimentation et la santé de communautés autochtones situées dans le nord du pays. Tabitha Robin, Mary Kate Dennys et Michael Anthony Hart (2020) se penchent sur les conditions des expériences de la faim (malnutrition, famine, insécurité alimentaire) vécues par les populations des Prairies. Quant à Tabitha Robin, Kristin Burnett, Barbara Parker et Kelly Skinner (2021), elles analysent comment l’État canadien a nui, et continue de nuire, à la souveraineté alimentaire autochtone en imposant des règles et des régulations de sécurité alimentaire et, ce faisant, en limitant l’accès à des aliments traditionnels. Une autre particularité des études qui permettent de saisir en partie comment l’alimentation a pu être au coeur du projet colonial canadien est qu’elles se concentrent principalement sur l’expérience des Autochtones de l’ouest du pays, ou dans une moindre mesure, du nord. Qu’en est-il du Québec ? Les Premières Nations habitant la province ont-elles vécu une forme de colonialisme alimentaire ? Leur expérience a-t-elle des particularismes ?
Pour répondre à ces questions, il faut pouvoir comparer l’expérience québécoise avec celle d’autres régions du Canada afin d’en distinguer les similitudes et les particularismes. Par exemple, de nombreuses communautés autochtones de l’ouest sont signataires d’un des onze traités numérotés (1871-1921) alors que celles situées au Québec n’y sont pas assujetties. Comment cela a-t-il influencé la mise en place d’un colonialisme alimentaire ? Il faut aussi prendre en compte les nuances dans l’approche envers les Autochtones habitant au sud du pays et ceux au nord. Par exemple, ces derniers ont poursuivi plus longtemps leurs activités sur le territoire alors que les bandes plus au sud ont vécu plus rapidement la pression coloniale.
La démonstration s’appuie donc sur un va-et-vient entre le contexte national (Canada), en particulier les Praires, et le contexte provincial (Québec). Je me restreins à l’expérience du colonialisme alimentaire vécue par des Premières Nations, principalement celles qui étaient semi-nomades, et n’aborde pas celles des Inuit ni des Métis. J’explore les composantes du colonialisme alimentaire dans le cadre des relations entre les Premières Nations et les autorités coloniales ainsi que leurs alliés, les missionnaires ou leurs représentants, notamment les agents des Affaires indiennes. Je dégage trois mécanismes par lesquels s’est concrétisé un colonialisme alimentaire : le contrôle, la « civilisation » et la dépendance. Pour chacun d’eux, j’explore les actions mises en place et leurs effets sur l’alimentation des peuples autochtones. Les actions sont variables d’un contexte à l’autre et je ne prétends pas faire une présentation exhaustive de toutes celles qui sont notables dans l’histoire canadienne. Je propose plutôt des exemples pour illustrer chacun des trois mécanismes. Ceux-ci sont interreliés, au sens où des actions visant à obtenir un contrôle peuvent aussi participer à consolider une dépendance et vice versa.
Outre les exemples tirés de la littérature, la dimension québécoise de l’analyse s’appuie sur des données issues de ma recherche doctorale menée auprès des Anicinabek de Lac Simon (Abitibi, Québec). Pendant 14 mois, j’ai partagé le quotidien de familles au sein de la communauté ou sur des territoires familiaux. En plus de conduire 21 entrevues, j’ai activement participé à diverses activités et discussions, mettant en place une méthodologie et une axiologie relationnelles (Hamel-Charest 2022). Dans le cadre de cette recherche, je m’intéressais à leur contemporanéité alimentaire afin de comprendre comment ces familles ont négocié les adaptations de leur culture alimentaire. Il me fallait historiciser les transformations alimentaires, ce qui m’a conduit à me pencher sur le colonialisme alimentaire au Canada.
Un colonialisme alimentaire et ses mécanismes
Contrôle : réduction de la mobilité et de l’accès
Le contrôle est l’un des mécanismes contribuant à concrétiser un colonialisme alimentaire. Il est dirigé vers les personnes, le territoire et les ressources alimentaires. Pour usurper le territoire occupé par les Autochtones, le contrôle était nécessaire aux autorités coloniales. Une part des peuples autochtones étaient nomades ou semi-nomades, un mode de vie qui entravait le projet de colonisation. Leur sédentarisation et leur installation dans des réserves[3] visaient notamment à limiter leur mobilité. D’un côté, la réduction de l’accès à certaines ressources alimentaires aida les autorités canadiennes dans leur quête de contrôle du territoire. De l’autre, l’encadrement de l’accès au territoire eut des impacts sur l’accès à des ressources alimentaires. Examinons le cas de deux ressources importantes, le bison pour l’ouest puis le castor pour l’est, et, parallèlement, deux formes de législations visant à contrôler le territoire, les traités numérotés et la création d’aires protégées.
Le bison était une ressource centrale dans l’alimentation des peuples autochtones habitant dans les plaines (ou les Prairies) du Canada. Il servait aussi à confectionner objets et vêtements. Le bison a été surexploité, ce qui mena à sa quasi-extinction au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Robin et al. (2020 : 655) avancent que les bisons « ont été surchassés dans une tentative délibérée de dégager les terres » (ma traduction). Les facteurs à prendre en compte pour expliquer ce phénomène et les acteurs y ayant contribué sont multiples, mais, comme l’explique Krech, le commerce avec et pour les allochtones a été central :
Cependant, la demande des Autochtones, la sécheresse, la concurrence des chevaux, les maladies et les incendies n’ont pas eu raison du bison. Ce sont plutôt les nouveaux marchés et moyens de transport qui l’ont condamné : l’expansion rapide de la population européenne américaine, dont l’appétit pour la viande était sans limite ; de nouveaux marchés pour les langues et les peaux de bisons ; et enfin, les chemins de fer qui ont pénétré au coeur du territoire du bison dans les Plaines, avec les moyens de transporter la viande et les peaux de bison vers les populations d’autres régions.
Krech 1999 : 138, ma traduction
Les conséquences pour les Autochtones, qui dépendaient largement de cette ressource (d’un point de vue alimentaire, matériel et économique), furent importantes : famines, épisodes prolongés de faim et de malnutrition, etc. Devant l’impossibilité de maintenir l’économie du bison, une transition économique forcée s’enclencha (Daschuk 2018 [2015] : 155 ; Lux 2001 : 20).
C’est dans ce contexte que les traités numérotés ont commencé à être signés. Pour les autorités, ils visaient à libérer le territoire des Prairies, une portion du pays nouvellement acquise, pour permettre l’installation de la colonie et la construction du chemin de fer transcanadien (Lux 2001 : 33). En adhérant aux traités, les bandes signataires étaient attitrées à une réserve. Les rations alimentaires[4] ont été utilisées comme outils de chantage alors que les autorités voulaient assujettir les peuples autochtones et assurer leur contrôle du territoire (Daschuk 2018 [2015] ; Savard 2002). Par exemple, des rations ont été retenues pour inciter les familles à se déplacer sur les réserves (Robin et al. 2020). Des chefs autochtones ont vu dans ces rations une solution pour assurer la survie de leur peuple, dans un contexte social qui les contraignait souvent à l’expérience prolongée de la faim. D’autres ont longtemps résisté, mais ont finalement adhéré à un traité faute d’options (Daschuk 2018 [2015]). Ainsi, la raréfaction du bison a contribué à créer un contexte favorable au projet colonial, qui reposait notamment sur le contrôle du territoire et des populations.
À la fin du XIXe siècle, des espèces animales connaissaient aussi un déclin dans l’est. Claude Gélinas (2002) rapporte cette situation en territoire atikamekw vers les années 1880, notamment en lien avec le castor, espèce jouant un rôle central dans la traite des fourrures. Cela amena les autorités gouvernementales à établir diverses lois. Gélinas (2002 : 45) est d’avis qu’il importe de reconnaître que des lois québécoises sur la chasse, votées à partir de 1868, ont été profitables aux activités des Atikamekw, au sens où elles ont permis de ralentir la disparition des ressources animales sur le territoire de la Haute-Mauricie. En même temps, certaines de ces législations ont causé des torts importants. C’est le cas d’une loi québécoise émise en 1868 qui s’adressait à tout le monde et qui réglementait la chasse au gros et au petit gibier ainsi qu’aux oiseaux sauvages entre février et septembre (Ratelle 1987 : 235). Les années suivantes, elle a subi des modifications et d’autres lois encadrant l’exploitation de ressources animales importantes pour l’alimentation des Premières Nations ont été promulguées (Gagnon 2003 ; Morantz 1995).
À la fin des années 1920, le système de réserves à castor a été mis en place. Les Autochtones étaient les seuls autorisés à y trapper le castor et d’autres gibiers à fourrure. Les familles se voyaient réserver un lot de trappe. D’un côté, ce système permet de limiter la diminution de la ressource et participe à la réintroduction du castor dans certaines zones. De l’autre, il instaure une surveillance des activités de trappe des Autochtones : ils devaient payer un permis pour le piégeage et rendre des rapports des prises et des peaux récoltées. Les données recueillies servaient à établir des quotas. Le non-respect de ceux-ci pouvait conduire à l’arrestation des fautifs. D’un point de vue alimentaire, la diminution de la population de castors, et par la suite l’encadrement de son piégeage, a fait en sorte que les Autochtones ont dû se tourner, au moins en partie, vers d’autres ressources. À l’instar de Frenette (1993a : 47), je pense que ce système peut être vu comme niant la capacité de gestion des Autochtones.
Les aires protégées sont un autre exemple de la régulation de l’accès au territoire. Dans bien des cas, elles limitaient l’accès à certaines portions du territoire et, par le fait même, limitaient la possibilité de se procurer des ressources alimentaires. Par exemple, en 1939, la colonisation de la région abitibienne s’accélère avec la création d’une route interrégionale qui traverse les territoires de chasse de nombreuses familles anicinabek. Leur accès à une bande de territoire (vingt milles) de part et d’autre de cette route fut grandement restreint (Leroux et al. 2004 : 76). Neuf règlements encadraient les activités et la présence autorisée pour les Autochtones, qui devaient se faire discrets, voire être invisibles, à moins d’agir comme guides pour les touristes et les pêcheurs. Cette bande de territoire devint la réserve de chasse et de pêche de la route Mont-Laurier–Senneterre (CPIFQ 1973 : 31). Cette réglementation visait à protéger la faune par un contrôle des activités halieutiques et cynégétiques. Puis, en 1950, après un agrandissement, cette bande devint le parc de La Vérendrye. Il était possible d’être emprisonné pour y avoir chassé illégalement l’orignal (Dandenault 1969). Pour nourrir leur famille, des Anicinabek devaient parfois pratiquer des activités de subsistances traditionnelles « illégalement » ou bien se tourner vers d’autres ressources alimentaires.
L’accès au poisson a également été limité. Par exemple, dans les années 1850, le gouvernement fédéral loue les rivières à saumon à des particuliers. Les Innus, pour qui le saumon est une ressource alimentaire importante pendant l’été, doivent alors se tourner vers leur ration alimentaire gouvernementale (Gagnon 2003). Des Innus mettent aussi en place des stratégies pour continuer à se procurer du saumon, par exemple en pêchant la nuit ou à des endroits peu surveillés (Charest 2020 : 164). En outre, le développement hydroélectrique de la province a limité la possibilité des Premières Nations de se nourrir de poissons sains traditionnellement consommés, étant donné leur contamination au mercure à la suite de la création de grands réservoirs (à cet égard, voir par exemple Roué et Nakashima 1994).
Au Québec, des Premières Nations, des missionnaires et des agents des Affaires indiennes ont à maintes reprises dénoncé et contesté les législations provinciales restreignant l’utilisation du territoire qui permettait la subsistance des communautés autochtones (Morantz 1995). Même informées des difficultés alimentaires de Premières Nations, les autorités (fédérale et provinciale) ont tardé à modifier ces régulations, et dans certains cas, elles ne les ont même pas clarifiées (Charest 2020). Les Anicinabek interrogés sur certains encadrements territoriaux m’ont souligné le climat de surveillance et de peur engendré par ces régulations. L’un d’entre eux m’a expliqué que leurs impacts ne se sont pas limités à des questions d’accès et à une diversification alimentaire obligatoire. Il a aussi observé des conséquences sur la transmission de connaissances alimentaires, par exemple celles nécessaires pour dépecer un orignal. Limitées dans leur accès à la ressource, des familles n’ont pu transmettre ces savoirs.
Dans les Prairies canadiennes, l’imposition de régulations provinciales à propos de la chasse et des prises animales est décrite par Robin et al. (2021 : 3) comme l’une des tactiques du plan gouvernemental pour briser les liens ancestraux que les peuples autochtones entretiennent avec le territoire. Au Québec, les régulations n’avaient pas nécessairement pour objectif direct de nuire aux relations des Premières Nations avec le territoire ou encore d’affamer les communautés. À propos des législations québécoises entourant l’exploitation du gibier, Toby Morantz affirme ceci :
Il me semble évident que le Québec n’agissait pas de manière malveillante, mais pensait protéger les droits de ses citoyens. Ces politiques se sont faites au grand détriment des peuples autochtones ; cependant, ceux-ci ne relevaient pas de la responsabilité provinciale et n’avaient pas de valeur politique pour le Québec à l’époque.
Morantz 1995 : 289, ma traduction
On peut tout de même penser que les conséquences allaient dans le sens du projet d’assimilation.
La diminution, voire la perte d’accès aux ressources animales sur lesquelles s’appuyait le mode de vie des Premières Nations semi-nomades a contribué à leur marginalisation économique et à la réduction de leur autonomie alimentaire. L’ouverture du pays à la colonisation, la diminution de la disponibilité des ressources fauniques et la réglementation des activités sur le territoire ont fait en sorte qu’il est progressivement devenu difficile, voire impossible pour les Premières Nations de vivre comme leurs ancêtres. Plusieurs se sont tournés vers le travail salarié. Ces contrats de travail ont favorisé les contacts avec des allochtones et les échanges alimentaires. De plus, l’accès à un salaire leur a permis d’acheter de plus en plus d’aliments issus du commerce. Enfin, le temps consacré au travail salarié a limité le temps disponible pour se rendre sur le territoire et y pratiquer des activités de subsistance. Ainsi, les cultures alimentaires autochtones ont dû s’adapter. Nous verrons que le contrôle est aussi notable dans les actions associées aux deux autres mécanismes, alors que les autorités coloniales tentent de modifier le mode de subsistance et qu’ils ont un pouvoir sur le contenu de l’alimentation par le biais de rations.
« Civilisation » : le façonnement de mangeurs plus « nobles »
Le deuxième mécanisme par lequel se met en place un colonialisme alimentaire est la « civilisation ». Inscrite dans un projet d’assimilation, la « civilisation » de pratiques alimentaires a pour objectif de faire adopter aux peuples visés les pratiques et les normes alimentaires du peuple colonisateur. Ce mécanisme sous-tend une idéologie raciste teintée par l’évolutionnisme social. Certaines pratiques alimentaires étaient considérées comme plus nobles ou plus « civilisées » que d’autres. Par exemple, au XVIIIe siècle, des missionnaires français jugeaient le fait que des Autochtones consommaient de la graisse animale sous forme de « gras pur » (Chaffray 2006 : 259). Cette consommation était dite « démesurée » et vue comme le signe d’une gourmandise sans civilité. La non-régularité des repas collectifs quotidiens choquait aussi les missionnaires, pour qui cela représentait l’effacement du caractère social de l’acte alimentaire et reléguait l’alimentation à un besoin biologique (ibid. : 267). Un processus de « civilisation » devait alors cibler les manières de table et l’étiquette (ibid. : 281).
Au XIXe siècle, ce type de jugement est toujours notable. Dans le rapport de la Commission Bagot (1845 : n. d.), une section propose un portrait des conditions de vie passées et présentes des Autochtones de l’est du Canada et il est question de leurs habitudes alimentaires :
Les Indiens n’ont en général pas d’heure fixe pour leurs repas, à l’exception du petit déjeuner, qu’ils prennent avant de quitter la maison. En effet, leur langue ne contient pas de termes pour désigner les repas périodiques de la vie civilisée ; ils sont tous compris dans le terme manger. Ceux qui en ont les moyens mangent trois fois par jour, lorsqu’ils ont faim, mais la plupart ne mangent que deux fois par jour, le matin et le soir. Lorsqu’ils restent à la maison et qu’ils ont de la nourriture à leur disposition, ils mangent plusieurs fois au cours de la journée.
Commission Bagot 1845, ma traduction
Le dédain envers des pratiques alimentaires autochtones ne se limite donc pas aux premières années des contacts. Comment faire pour inculquer de nouvelles normes culinaires considérées plus « civilisées » ? J’explore trois manières : les cours d’arts ménagers, les pensionnats autochtones et l’incitation à l’agriculture.
Enseigner pour « civiliser »
Je l’ai évoqué, le système des réserves a été l’un des instruments de contrôle du territoire et des peuples autochtones. Il était central à la politique d’assimilation (Gélinas 2002). À cela se sont adjointes des formations pour faciliter l’adaptation à ce milieu de vie qui impliquait des nouveautés quotidiennes. Dans la cuisine, le passage à la sédentarité vient avec de nouveaux instruments de cuisine comme le réfrigérateur, le congélateur ou encore la cuisinière électrique. Un peu partout au pays, des cours d’arts ménagers ou de cuisine ont été offerts à des femmes autochtones.
Au Québec, des femmes innues étaient ciblées par des cours visant à leur enseigner à prendre soin adéquatement des nouvelles maisons offertes par le gouvernement (Maltais-Landry 2017). Des Anicinabek ont suivi des cours d’économie domestique (Bousquet 2015). À Lac Simon, cette formation visait à « permettre aux épouses d’être en mesure de mieux intégrer les nouvelles maisons que le ministère a fait construire » (Dandenault 1969 : 9). Une aînée anicinabe l’ayant suivie m’expliquait qu’on leur y enseignait à cuisiner « comme des Blanches », avec des mesures et des temps de cuisson, notamment. Un dispositif semblable a été déployé dans les Prairies : par exemple, des femmes d’instructeurs agricoles venaient enseigner aux femmes autochtones à faire du beurre (Carter 1990 : 178).
Ces cours n’étaient pas offerts à des femmes dépourvues de savoir culinaire et alimentaire, comme le souligne José Mailhot (1973 : VII). Ils visaient l’apprentissage des normes alimentaires du peuple majoritaire et colonisateur, d’où leur volonté « civilisatrice ». Ils marquent les débuts d’une série de formations dont l’objectif est d’apprendre aux Autochtones comment s’alimenter selon des standards nutritionnels allochtones porteurs d’une vision de la personne et du corps. Les arts ménagers étaient également enseignés aux jeunes filles dans les pensionnats autochtones, alors que l’initiation au jardinage et à l’agriculture était principalement destinée aux garçons. Outre les normes alimentaires, ces institutions visaient la transformation d’un ensemble de standards (sexuels, éducatifs, économiques, d’hygiène, etc.) (Bousquet 2017 ; Giancarlo 2020).
« Civiliser » la jeunesse au pensionnat
Les pensionnats autochtones ont été en activité dès le XIXe siècle et pratiquement tout au long du XXe siècle (Ottawa 2010). À travers le pays, les conditions alimentaires ont varié d’une institution à l’autre, d’une époque à l’autre et d’une administration à l’autre. Tenter de dresser un portait global de l’alimentation dans les pensionnats est nécessairement réducteur, mais l’expérience de la faim semble transversale dans une mesure ou une autre (CVRC 2015a, Robin et al. 2020). Autrement dit, globalement, les pensionnaires n’ont pas bénéficié d’une alimentation qui répondait adéquatement à leurs besoins nutritionnels.
Ces institutions ont agi comme des espaces de socialisation alimentaire. En y prenant leurs repas quotidiens sur une longue période pendant l’enfance, les jeunes autochtones ont intégré des valeurs, des goûts, une étiquette à table, un rythme et une structure de repas. Cela s’observe dans l’expérience alimentaire telle que rapportée par des survivants anicinabek ayant fréquenté le pensionnat d’Amos. Par exemple, pour plusieurs, l’entrée au pensionnat a été marquée par les nouveautés alimentaires : betteraves, viandes d’élevage, etc. La cuisine des pensionnats a participé à élargir la gamme des produits alimentaires industriels avec lesquels les jeunes autochtones étaient familiers. Quand les aliments étaient connus des enfants, ils n’étaient généralement pas cuisinés comme à la maison : le gruau était liquide et grumeleux alors que le pâté chinois[5] était sec, par exemple.
Ces nouveautés alimentaires ont eu pour conséquence de « changer le goût », pour reprendre l’expression utilisée par des Anicinabek interrogés. De retour auprès de leur famille, ils n’étaient plus familiers avec le goût des aliments consommés. Ils avaient développé de nouvelles préférences alimentaires à force d’être exposés à de nouveaux goûts et de nouvelles préparations. Habituellement, la famille joue un rôle central dans la socialisation alimentaire, mais, étant séparés plusieurs mois par année de leur famille, les pensionnaires ont été coupés de cette source d’apprentissage. La transmission des connaissances a été brisée. À leur sortie du pensionnat, certains ont dû réapprendre à apprécier des aliments comme le gibier. Le fait d’être obligé de se familiariser avec l’ensemble de ces nouveautés alimentaires a pu participer à amplifier la désorientation vécue par les enfants (Norman 2015).
À cela s’ajoutent des traumatismes alimentaires rapportés par des survivants alors qu’ils ont, par exemple, été forcés de consommer toute leur assiette malgré un dégoût, parfois même malgré le fait qu’ils venaient de vomir son contenu (CVRC 2015b : 92). Les conséquences ne sont pas seulement d’ordre culturel et social. Des retombées sur la santé des survivants s’observent. L’expérience de la faim et les pratiques alimentaires abusives sont des souvenirs répandus parmi les survivants, ce qui a pu contribuer à développer une relation malsaine à l’égard de l’alimentation et, par le fait même, à engendrer des problèmes de santé (Bodirsky et Johnson 2008). Il semble y avoir un lien entre la malnutrition pendant l’enfance, comme vécue dans les pensionnats, et le développement de maladies chroniques à l’âge adulte (Mosby et Galloway 2017).
Des pensionnats autochtones se dégage une volonté de mettre à mal un mode de vie, le semi-nomadisme. Non seulement ce dernier nuisait au contrôle des individus, comme nous l’avons vu, mais il était aussi considéré comme moins « civilisé » puisque reposant sur la chasse, le piégeage, la pêche et la cueillette. L’agriculture était perçue comme une activité de subsistance plus noble (Bédard 1988) et faisait partie du programme de plusieurs pensionnats, notamment ceux de Fort Albany et de Moose Factory (Ontario) :
Le programme visait à remplacer l’éducation traditionnelle par une formation scolaire en anglais ou en français pour acquérir des connaissances religieuses, des compétences agricoles et s’intégrer à la culture de la société canadienne dominante.
Preston 2001 : 380, ma traduction
Pour ce faire, des pensionnats avaient une ferme ou un jardin (CVRC 2015c). Au Québec, ceux d’Amos et de Fort George en possédaient (Goulet 2016). Aux pensionnats sont donc associées des tentatives de conversion agraire, mais celles-ci ne se sont pas seulement organisées dans ce milieu.
Agriculture
Le Canada, tout comme les États-Unis, a mis en place des programmes pour introduire l’agriculture chez les peuples autochtones semi-nomades, connectant ainsi ce mode de production à la colonisation (Matties 2016). Un document des Affaires indiennes datant de 1890 rapporte le lien entre l’installation des peuples autochtones dans les réserves et l’agriculture :
ils seront également contraints de s’installer dans leur réserve du lac Témiscamingue et d’adopter des méthodes civilisées pour gagner leur vie, dont la principale doit nécessairement être l’agriculture.
Inksetter 2015 : 413, ma traduction
L’adoption de l’agriculture peut être considérée comme le passage à un autre paradigme économique impliquant notamment la notion de propriété privée et de compétition (Carter 1990). Ainsi, l’agriculture s’inscrit dans la double logique coloniale notée par Jean Comaroff (1994) : elle a été un instrument pour la transformation des Autochtones et elle était un signe de leur « civilisation ».
Au Québec, quand, dans certaines portions du territoire, la chasse et le piégeage des animaux à fourrure connaissent un déclin, les Affaires indiennes envisagent l’agriculture comme une activité d’appoint pour les Autochtones. Certains vont s’y adonner pour répondre aux besoins de leur famille. Les missionnaires ont souvent encouragé l’agriculture. Chez les Innus de Pessamit, ils sont décrits comme « les principaux artisans de cette tentative de transformation de l’économie » locale (Bédard 1988 : 67). Gélinas (2002 : 39) rapporte que les Atikamekw ont mobilisé la volonté de pratiquer l’agriculture pour appuyer leur demande de réserves, mais qu’en réalité, peu d’efforts seront mis à la culture de pommes de terre. Frenette (1993b : 48) explique qu’au sein de la bande de Kitigan Zibi, le développement de l’agriculture, qui n’a pas connu un grand succès, était un projet des Affaires indiennes et des Oblats. Il ajoute que l’agriculture était considérée comme la dernière solution pour faire face au déclin des ressources animales. À Lac Simon, un aîné me rapportait que le missionnaire les avait encouragés à cultiver des pommes de terre. Chez les Anicinabek au Témiscamingue, Leila Inksetter (2015 : 414) montre que la vie agricole a pu être une option volontaire, mais qu’elle ne s’est jamais généralisée.
Une logique similaire est notable dans l’ouest. Le soutien à l’agriculture est présent dans des traités numérotés alors que des semences et des instruments sont offerts. Quant à l’élevage du bétail, il est appuyé dans le traité numéro 7, et du bétail (taureau, vache) était occasionnellement offert aux bandes. Maureen K. Lux (2001 : 20) décrit la négociation des traités numérotés dans les Prairies comme une entente entre les Autochtones et la Couronne « afin de bénéficier d’une aide gouvernementale pour passer de la chasse à l’agriculture » (ma traduction). Le recours à l’agriculture devient inévitable face au déclin de l’économie liée au bison qui s’observe au cours du XIXe siècle (Daschuk 2018 [2015] : 185). Dans ce contexte, comme je l’ai évoqué plus haut, les signataires voient dans l’adhésion aux traités une façon de s’assurer un soutien pour leur passage à l’agriculture ainsi qu’une assistance alimentaire (Savard 2002 : 140).
Cette aide gouvernementale n’a pourtant pas fait en sorte que le passage à l’agriculture soit un succès. Sarah Carter (1990) explique que les restrictions gouvernementales et le manque de soutien ont été des embûches importantes aux initiatives agraires. Cela permet de comprendre l’échec de l’adoption de l’agriculture sur les réserves des Prairies canadiennes. Selon elle, certains ont d’abord manifesté de l’enthousiasme et ont même connu des succès relatifs avant d’expérimenter des échecs. En Ontario, chez les Ojibway, cette régulation, qui permettait notamment au gouvernement fédéral de réguler les ventes des Autochtones et qui restreignait leur accès aux marchés, dissuada des acheteurs allochtones et établit un contrôle du fédéral sur leur agriculture (Waisberg et Holzkamm 1993). Les tentatives de conversion agraire apparaissent d’autant plus comme un outil colonial : n’ayant eu d’autre choix que de s’adapter à un nouveau mode de vie, ces Autochtones se sont vus confrontés à des obstacles délibérément instaurés par les autorités, les mêmes qui encourageaient leur conversion agraire.
L’incitation à adopter ce mode de subsistance n’avait pas qu’une portée « civilisatrice ». L’agriculture limitait la mobilité des Autochtones, ce qui était bénéfique pour le contrôle du territoire et des personnes. De plus, l’encourager visait à atténuer la peur des administrations coloniales de voir les Autochtones devenir dépendants de leur assistance, une obsession continuelle selon Hugh Shewell (2004 : 29). D’ailleurs, l’agriculture est perçue par les autorités gouvernementales comme une activité ayant le potentiel de permettre aux Autochtones de maintenir une certaine autonomie et d’éviter qu’ils ne dépendent uniquement de l’assistance gouvernementale (Gagnon 2003 : 112).
Dépendance : de l’aide à double tranchant
Le troisième mécanisme associé au colonialisme alimentaire est la dépendance. Encourager la dépendance des Autochtones envers les denrées alimentaires du commerce n’était pas un objectif direct des actions coloniales. Les autorités gouvernementales la redoutaient et soulignaient l’importance de favoriser l’autosuffisance des Autochtones. L’assistance devait être offerte en l’absence d’autres recours ou en échange de travail. La dépendance a été un outil colonial au sens où elle a contribué à mettre à mal certains aspects du mode de vie semi-nomade et des cultures alimentaires autochtones, mais elle est aussi le revers de politiques coloniales et, en ce sens, elle est indésirable aux yeux des autorités. Le rationnement ou l’assistance alimentaire est l’un des moyens par lequel cette dépendance s’est organisée. Le Canada n’est pas le seul contexte colonial à l’avoir mobilisé. En Australie centrale, le rationnement a été la pierre angulaire du colonialisme : « Les colonisateurs ont rationné pour diverses raisons, avec diverses attentes quant à la mentalité et au comportement des bénéficiaires » (Rowse 1998 : 3, ma traduction). Concrètement, il consiste dans le fait que les colonisateurs fournissent de la nourriture, des vêtements ou d’autres biens aux peuples autochtones (ibid. : 3). S’ajoute une volonté d’assimilation visant à inciter les Autochtones à adopter le mode de vie des colonisateurs.
Au Canada, au gré des partis politiques au pouvoir et de la situation sanitaire et politique, le format de l’assistance alimentaire s’est modifié. Les allocations et les programmes d’assistance pour les Autochtones étaient financés par le fédéral, mais aussi parfois par certains programmes provinciaux, ce qui ne manque pas de complexifier la tâche pour une compréhension de l’aide alimentaire offerte aux Autochtones. Non seulement celle-ci a varié au fil des années, mais aussi selon les provinces et parfois, selon les bandes. L’assistance était administrée par un agent des Affaires indiennes sur place, par un missionnaire ou par un employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson (Shewell 2004). Sans tenter de refaire une reconstitution chronologique des programmes, je propose d’explorer certaines initiatives pour examiner leurs objectifs et tenter de comprendre en quoi elles ont pu servir le projet colonial.
À l’époque de la traite des fourrures, beaucoup de familles autochtones sont progressivement devenues dépendantes des compagnies qui leur faisaient crédit pour se procurer des aliments ou des biens nécessaires à leur séjour sur le territoire. À leur retour au poste de traite, l’échange de fourrures permettait de rembourser les crédits acquis. L’assistance alimentaire a aussi servi à contrôler les déplacements : les familles devaient revenir au même endroit pour obtenir leur ration (Maltais-Landry 2017 ; Gagnon 2003 : 114). La consommation d’ingrédients disponibles dans les magasins de la Compagnie de la Baie d’Hudson a contribué à transformer les cultures alimentaires des peuples autochtones, en particulier la farine (voir par exemple Mailhot 1973 ; Vincent 1991), qui était aussi centrale à de nombreuses rations. Les ingrédients échangés ou reçus se sont diversifiés et ces ingrédients jadis complémentaires en sont venus à acquérir une importance plus grande dans l’alimentation des Autochtones.
Dans l’ouest, les impacts des traités numérotés doivent encore être soulignés. Comme je l’ai mentionné, la majorité des traités numérotés prévoient des annuités auxquelles s’ajoute parfois le versement d’une allocation pour l’achat de munitions pour la chasse, de ficelle pour la pêche ou encore d’instruments agricoles. Les annuités étaient versées en nature ou en espèces. Des traités prévoyaient des rations principalement composées de farine et de porc (Robin et al. 2020). En général, l’assistance promise était loin d’être suffisante pour répondre aux besoins des familles. À la fin du XIXe siècle, dans les Pairies, le contexte a mené des groupes autochtones à dépendre complètement des rations alimentaires (Daschuk 2018 [2015] : 319). Cette position de force a permis aux autorités de conduire ce que Daschuk (ibid.) qualifie de « politique de la famine », affamant les populations faisant obstacle aux objectifs coloniaux des autorités gouvernementales.
Outre ce contexte précis des Prairies et de la signature des traités numérotés, au Canada, des formes de rations ont été offertes à plusieurs catégories de personnes ou dans certaines situations. Il y eut des secours collectifs alloués aux bandes pour faire face à certaines épreuves : des fonds pour l’achat de semences ou de matériel d’agriculture, etc. (Shewell 2004 : 45). Il s’agissait d’une assistance de dernier recours, par exemple lorsque des familles souffraient de famine ou parce qu’elles ne pouvaient se nourrir adéquatement (ibid. : 49). Pour ces cas, les rations étaient sous forme de provisions. Aude Maltais-Landry (2017) rapporte l’utilisation de bons de commande distribués par les Affaires indiennes aux Innus de Nataskuan pour qu’ils se procurent certains aliments aux comptoirs de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Elle décrit ces bons comme des « rations d’urgence » distribuées aux Innus à la fin du XIXe siècle alors qu’une famine découlant de l’interdiction de pêcher le saumon faisait rage. Toby Morantz (2002, 2017) rapporte que, vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, dans le nord du Québec, le gouvernement fédéral a offert une assistance sous forme d’allocations ou plutôt de rations de secours aux malades et aux pauvres. Les commerçants de la Compagnie de la Baie d’Hudson et éventuellement d’autres commerçants étaient responsables de leur administration. Ces rations, composées de nourriture et de provisions (ficelles, munitions, etc.), devaient servir à « aider un chasseur et sa famille à survivre lorsqu’ils traversaient une période difficile » (Morantz 2017 : 171).
Des rations étaient spécifiquement destinées à des personnes malades, à de jeunes enfants et à des mères sous-alimentées. En Haute-Mauricie, chez les Atikamekw, Gélinas (2002 : 38) rapporte un écrit du missionnaire Guinard, datant de 1945, qui évoque, sans préciser le format, des « rations mensuelles aux malades, aux impotents, aux vieillards, et aux nécessiteux ». Gélinas (ibid. : 41) mentionne également la distribution d’une allocation annuelle (10 $) en argent aux membres de la bande. Il est aussi question de « secours annuels » dont les modalités ne sont pas précisées. Il existait également des allocations pour les personnes âgées. Par exemple, Morantz (2017 : 246) rapporte, pour les Cris du Québec, des pensions de vieillesse permettant aux personnes âgées de passer l’hiver au poste de traite. Des rations de veuves sont aussi relevées. De l’assistance alimentaire du même ordre (malades, veuves, en cas de famine ou d’épidémie, etc.) est notée chez les Anicinabek au XIXe siècle (Inksetter 2015). Encore dans la deuxième moitié du XXe siècle, des Anicinabek de Lac Simon m’ont rapporté l’utilisation de bons d’achat qui pouvaient exclusivement être échangés dans certains commerces alimentaires. Une aînée se souvient qu’on lui avait présenté un bon d’achat en spécifiant que c’étaient les Affaires indiennes qui leur fournissaient afin qu’ils achètent de la nourriture. Richardson (1961 : 106) rapporte que pour les Innus de Maliotenam, des « reserve vouchers », seulement échangeables au magasin de la Compagnie de Baie d’Hudson situé sur la réserve, étaient émis pour la nourriture et les vêtements jusqu’en 1960.
Un certain tournant marque la deuxième moitié du XXe siècle, alors que les Autochtones bénéficient, comme les Canadiens, de programmes d’assistance sociale universels (Morantz 2002). En 1945, le gouvernement fédéral crée l’allocation familiale. Alors que les mères canadiennes recevaient leur allocation sous forme de chèque, les agents des Affaires indiennes avaient un pouvoir discrétionnaire pour déterminer la méthode de paiement convenable pour les familles autochtones (Gettler 2011). Ainsi, pour un grand nombre de femmes autochtones, cette allocation a d’abord pris la forme de crédit, soit un montant échangeable contre des denrées alimentaires et des vêtements approuvés par les Affaires indiennes (Burnett et al. 2016 ; Morantz 2017). De plus, l’accès à l’allocation familiale dépendait de la fréquentation scolaire des enfants, ce qui limitait la possibilité de maintenir un mode de vie mobile et qui contribuait au contrôle des individus (Gettler 2011). À la fin de 1956, le « ministère de la Santé nationale et du Bien-être social a conclu qu’afin de garantir une bonne nutrition, il serait souhaitable de délivrer des aliments spécifiques en remplacement des allocations familiales » (Shewell 2004 : 246, ma traduction). Cette mesure devait s’appliquer aux Premières Nations et aux Inuit recevant déjà l’allocation familiale en nature. Chez les Innus, l’assistance en argent ne serait venue qu’au milieu du XXe siècle, et seulement lorsque les autorités les auraient considérés comme « aptes à dépenser correctement » (Maltais-Landry 2017 : 64). Il s’en dégage une surveillance justifiée par un soi-disant manque de compétence de la part des Autochtones.
Pendant longtemps, les autorités ont donc offert une assistance alimentaire sous forme de denrées. Le département des Affaires indiennes ne faisant pas confiance au jugement des Autochtones pour gérer leurs propres allocations, cela le poussa à appliquer un contrôle sur l’allocation offerte aux « Indiens inscrits » (Shewell 2004 : 233). En particulier au sein du Indian Health Service (qui relevait du Department of National Health and Welfare), il y avait une crainte répandue : on croyait que si les rations étaient offertes en argent, la nutrition des Autochtones serait appauvrie (ibid. : 245). Dominique Marshall rapporte que Brooke Claxton, qui était ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, soutenait que le paiement en nature de l’allocation familiale avait une visée éducative, soit une « initiation aux produits de consommation de la société blanche » (Marshall 1998 : 137-138). Une logique paternaliste se dégage de cette pratique, qui a aussi contribué à assurer une forme de contrôle et de « civilisation » des pratiques alimentaires des Autochtones.
L’assistance alimentaire offerte aux Autochtones s’est organisée dans des contextes de raréfaction des ressources animales (pour causes naturelles ou à cause de restrictions), de présence d’obstacles à la pratique d’activités de subsistance comme la pêche et le piégeage, de restriction d’accès au territoire et, parfois, de perte de connaissances découlant de fractures générationnelles. Cette aide gouvernementale en est venue à occuper une place importante dans l’alimentation des peuples autochtones qui ont dû s’installer dans des villages sédentaires. En d’autres mots, l’assistance est devenue nécessaire quand des actions coloniales ont mis à mal les canaux d’approvisionnement traditionnels des Autochtones et leur mode de vie. Grey et Patel (2015 : 437) décrivent d’ailleurs les rations gouvernementales et les annuités de traité comme des technologies de gouvernance visant à détruire les systèmes alimentaires autochtones. Cela témoigne de l’étendue de cette stratégie qui, comme d’autres, a été déployée à l’échelle du pays sous différentes modalités.
Conclusion
Cet examen de l’architecture d’un colonialisme alimentaire au Canada a permis de constater comment l’alimentation a été instrumentalisée, directement ou indirectement, par les autorités coloniales afin de prendre possession du territoire, mais aussi comment des politiques coloniales (sédentarisation, scolarisation, etc.) ont eu des impacts importants sur les cultures alimentaires autochtones. J’ai montré concrètement comment chacun des mécanismes (contrôle, civilisation et dépendance) a été mis en pratique. Aux politiques fédérales s’ajoutent des particularités provinciales et géographiques. Il apparaît que les peuples autochtones au Québec ont eux aussi expérimenté un colonialisme alimentaire.
L’analyse permet de constater que les actions et les politiques gouvernementales étaient ciblées et adaptées aux réalités des peuples autochtones, qui ne représentent pas un bloc homogène. Les expériences du colonialisme alimentaire sont donc différentes d’une région à l’autre, voire d’un peuple à l’autre, mais l’analyse permet de dégager une expérience commune. Que ce soit en encadrant l’accès au territoire ou à ses ressources, en encourageant l’agriculture, en formant de « bonnes ménagères » selon les normes euro-canadiennes, en forçant une nouvelle socialisation alimentaire à travers les pensionnats, en nuisant à la transmission des connaissances alimentaires ou encore en mettant en place divers programmes d’assistance qui favorisent une dépendance alimentaire envers les aliments du commerce et, par le fait même, une déconnexion partielle avec le territoire, les politiques coloniales ont imposé des transformations aux cultures alimentaires autochtones.
En plus de la perspective historique du colonialisme alimentaire proposée dans cet article, il serait intéressant de voir si, et dans quelle mesure, les mécanismes sous-jacents sont toujours notables aujourd’hui. Shewell (2001 : 138) soutient qu’après la Deuxième Guerre mondiale, la solution envisagée par les autorités pour régler le « problème indien » se résume à « trouver des moyens pour les aider à s’adapter » (ma traduction). L’idée d’assister l’Autre pour qu’il adopte de nouvelles habitudes de vie se retrouve dans nombre de relations entre spécialistes allochtones et autochtones, notamment ceux représentant la santé publique. Peut-on y voir une continuité dans les rapports de pouvoir considérant que les adaptations visées consistent à embraser des normes allochtones ? Un colonialisme alimentaire teint-il la contemporanéité alimentaire des peuples autochtones ?
Appendices
Notes
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[1]
Les données de terrain découlent de ma recherche doctorale qui a été possible grâce à l’appui financier du Conseil de recherche en sciences humaines (Bourse Joseph-Armand-Bombardier). Je tiens à remercier les membres de la communauté anicinabe de Lac Simon qui ont accepté de participer à la recherche ainsi que le Conseil de bande qui a approuvé sa réalisation.
-
[2]
Je n’utilise pas le concept comme Lisa Heldke (2001 : 77), qui parle de « cultural food colonialism » pour d’écrire le comportement d’Occidentaux consommant et cuisinant de la « nourriture ethnique » dans une certaine quête d’exotisme, ni comme Uma Narayan (1995), qui en fait une utilisation similaire, mais qui parle aussi de « culinary imperialism » et qui propose une lecture à partir d’une perspective différente, celle d’immigrants en contextes occidentaux.
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[3]
Une réserve est une terre réservée à l’usage d’une bande de Premières Nations, mais appartenant au gouvernement fédéral (Dupuis 1999 : 48).
-
[4]
Le contenu des rations alimentaires n’est pas précisé dans bon nombre de publications qui les évoquent, mais il semble avoir varié selon les époques, les ententes et les produits disponibles. La farine est l’un des ingrédients les plus fréquemment rapportés. Une ration pouvait également comprendre d’autres aliments comme du riz, du thé, de la poudre à pâte, du lard, etc.
-
[5]
Il s’agit d’un étagé composé de viande hachée (généralement du boeuf), de maïs en grain ou en crème et de purée de pommes de terre.
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