Recensions et études critiques

Tom Malleson, After Occupy: Economic Democracy for the 21st Century[Record]

  • Thomas Ferretti

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  • Thomas Ferretti
    Chaire Hoover d’éthique économique et sociale, Université catholique de Louvain

En démocratie, chacun doit être libre, politiquement égal et les pouvoirs publics doivent répondre de leurs décisions devant les citoyens. Cependant, les sociétés contemporaines sont caractérisées par d’importantes inégalités de revenu et de patrimoine. Les plus riches ont une grande influence politique et économique, ce qui menace l’égalité politique des citoyens (Piketty, 2013; Stiglitz, 2012). Le pouvoir déclinant des États et des syndicats a aussi des effets préoccupants sur la croissance des inégalités et la capacité des travailleurs à défendre leurs droits (OCDE, 2011). Avons-nous échoué à créer une société d’égaux? Devrions-nous aller plus loin et étendre les idéaux démocratiques aux organisations économiques et aux marchés? Dans After Occupy: Economic Democracy for the 21st Century, Tom Malleson (Western University, Canada) se penche sur cette question cruciale qui a soulevé tant de débats chez les penseurs politiques, autant chez les libéraux comme John Stuart Mill que chez les anarchistes. Pour John Rawls (2001, §52.3), les questions de démocratisation économique méritent toute notre attention : « the long run of a just constitutional regime may depend on them ». La thèse de Malleson est claire : pour garantir à tous la liberté et l’égalité politique, les lieux de travail, les marchés et la finance et les investissements devraient être démocratisés (p. xiv). Il démontre de manière intéressante comment les politiques de démocratisation dans ces trois secteurs se soutiennent mutuellement. En tant que philosophe, je commenterai surtout les enjeux normatifs mis en lumière par ce livre, mais j’exposerai aussi les enjeux pratiques les plus importants qu’il soulève. Malleson présente son cadre normatif dans l’introduction pour ensuite le préciser tout au long du livre. Selon lui, la liberté et l’égalité politique sont des valeurs largement partagées. Elles requièrent un système démocratique dans lequel les individus qui ont le pouvoir sont responsables devant tous les citoyens (p. xiii). Il cherche à démontrer que respecter ces valeurs mène logiquement à défendre la démocratie économique (DE) (p. xxi). Il suggère que le pouvoir exercé par les plus riches dans les lieux de travail, les marchés, la finance et les investissements est aussi public, car il implique des relations d’autorité et de subordination qui produisent des une liberté inégale entre les individus. Par conséquent, ces secteurs devraient être réglementés de sorte à rendre ce pouvoir responsable devant les citoyens et à garantir à chacun un pouvoir relativement égal dans les associations économiques (pp. xiv, 1). La DE, affirme-t-il, favorise ainsi la liberté des individus (autodétermination et responsabilité), accroît l’égalité (au regard du revenu et des richesses, mais aussi des droits et statuts), et diminue la hiérarchie (les inégalités de pouvoir) (p. xvi). Concernant les lieux de travail (ch. 2), Malleson affirme que le système actuel donne aux propriétaires et aux gestionnaires un pouvoir injuste qui mène à une organisation hiérarchique du travail. Cela affecte la liberté des travailleurs et leurs conditions de travail (p. 27). Beaucoup de travailleurs n’ont pas le choix de travailler dans des entreprises démocratiques et, dit-il, sont forcés de joindre des entreprises hiérarchiques. Il réfute ensuite certaines idées reçues. Les lieux de travail comme les entreprises ne sont pas des associations purement privées. De plus, sur le marché, les échanges ne sont pas entièrement volontaires. Certaines nécessités matérielles et la pression culturelle à travailler ainsi que le manque d’alternatives démocratiques limitent en effet la liberté des travailleurs de choisir le type d’emploi qu’ils préfèrent ou de quitter un lieu de travail dans lequel ils sont exploités (pp. 29-36). En se basant sur plusieurs sondages, il affirme que si les travailleurs avaient véritablement le choix, beaucoup préfèreraient un lieu de travail plus …

Appendices