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Les professeur.es le savent : enseigner est riche en surprises, et plus d’un peut s’étonner du fait que ses étudiant.es ne semblent montrer aucun intérêt pour la matière enseignée. Ils n’y attachent aucune valeur et semblent eux-mêmes étonnés que leur professeur.e place (ou fasse semblant de placer) sa matière au-dessus de tout. Cet étonnement est similaire aux situations éthiques où les évidences des un.es ne correspondent pas avec celles des autres; manifestement, deux personnes peuvent ne pas donner la même valeur au même acte ou à la même intention. Cette proximité entre la situation d’un.e professeur.e qui s’étonne et celle du désaccord éthique entre deux personnes montre bien qu’un processus de valuation est en cours dans le jugement éthique comme dans l’enseignement.

Nous ne définirons ici l’éthique ni comme la recherche d’un bien définitif ni comme la connaissance d’une fin ultime.[1] Nous faisons l’hypothèse selon laquelle au lieu d’être un champ de la connaissance éloigné de tous les autres, les jugements éthiques ne sont qu’une espèce de jugement de valeur parmi d’autres (comme les appréciations esthétiques, religieuses). Ainsi l’éthique entendue au sens étroit d’une étude de la conduite humaine en tant qu’elle est jugée bonne ou mauvaise est analysée ici à partir du processus plus général de la valuation, c’est-à-dire du comportement humain de donner une valeur aux choses, aux faits, aux actes, etc. Cet angle de la réflexion rend possible notre questionnement de départ : un processus de valuation est-il à l’oeuvre chaque fois qu’un individu entre dans une démarche d’enseignement? Un choix est-il à faire entre plusieurs connaissances, méthodes, cours, et se pose-t-on la question de savoir quelle connaissance est, pour soi, plus souhaitable que telle autre?

Nous ouvrons ici une boîte de Pandore : si nous interrogeons la valeur que peut avoir une connaissance pour quelqu’un et non pas en elle-même, alors cette conception subjectiviste de la connaissance a pour conséquence directe un risque de clientélisation de l’élève. Les étudiant.es parcourant leur université sont-ils semblables aux consommateurs poussant leur chariot dans les allées d’un supermarché? Ce risque est réel, et se réfugier dans une conception objectiviste complète de la valuation d’une connaissance (l’étudiant.e serait naturellement intéressé.e par certaines connaissances et pas d’autres) est une façon, à notre avis tout aussi dangereuse, de se rendre aveugle au problème. Comment penser le processus de valuation du sujet quant à une connaissance? La réflexion éthique peut-elle nous éclairer sur ce problème propre à la pédagogie?

Nous souhaitons revenir ici sur la théorie de la valuation de Dewey, telle qu’il la présente dans l’International Encyclopedia of Unified Science[2] pour étudier les conséquences d’une telle théorie sur la conception pragmatiste de la pédagogie. En effet, pour mener à bien ce processus éthique, Dewey propose d’employer le modèle de l’enquête. Celle-ci sera ici le modèle de rationalité que nous proposons pour mener à bien des jugements éthiques. Ce modèle a le mérite de proposer une voie claire qui ne sombre ni dans un subjectivisme complet où l’individu devient un client roi et aveugle, ni un objectivisme suranné où un deus ex machina vient révéler la valeur objective et éternelle des connaissances.

Ainsi, 1) nous reviendrons sur l’articulation des moyens et des fins dans la théorie de Dewey pour montrer que le processus de valuation construit par le pragmatisme se distingue clairement d’une recherche aveugle du désir. Puis, 2) nous établirons aussi l’importance de la continuité des moyens et des fins qui distingue l’enquête d’une rationalité instrumentale classique. Dans un troisième temps, 3) nous verrons comment la notion d’expérience est centrale dans la valuation et nous oblige à mettre au coeur de notre réflexion pédagogique la question de la qualité de l’expérience qu’une connaissance rend possible. Enfin, 4) à partir de cette nécessité de penser la formation des valeurs dans le travail de l’enseignant.e, nous pourrons esquisser les contours de l’éthique enseignante que propose Dewey.

1. LA THÉORIE DE LA VALUATION DE DEWEY

Notre auteur étudie l’articulation des moyens et des fins-en-vue (end-in-view)[3] tout en essayant d’éloigner les théories confondant désirs et plaisirs au sein de ce processus, ou encore la théorie de la rationalité instrumentale développée par Max Weber[4] et Herbert Simon[5] (dont nous discuterons dans un second temps).

Le premier mouvement que Dewey opère est le constat que le désir naît d’une situation où quelque chose fait problème. Quelque chose manque (un objet, une personne, une relation) et le désir que nous avons de cette chose provient du fait que nous la considérerons comme la solution au problème que nous vivons. Il ne peut donc pas y avoir de désir de choses-en-soi, ni non plus de fins-en-soi, car le processus même du désir fonctionne « en situation ». Il faut qu’un effort ait lieu, qu’une difficulté se présente pour qu’un désir naisse, et par conséquent que le processus de valuation soit engagé.

Ici c’est le schème de l’enquête[6] qui est repris en arrière-fond de la réflexion de l’auteur. Pour comprendre le processus du désir, il faut l’associer à ce schème mental. C’est parce qu’une situation de trouble, de doute, de manque s’installe chez un sujet que celui-ci cherchera une solution[7] pour sortir de cet état, l’identifiera dans une chose et ainsi la désirera en raison du problème qu’il rencontre. Il n’y a donc pas de bons ou de mauvais désirs en-soi, car chaque problème pourra se voir conférer un grand nombre de résolutions possibles. Il existe alors, dès le début du processus, une multiplicité de désirs possibles dans une situation, et une multitude de fins possibles (que nous pouvons pour l’instant concevoir comme des fins en tant qu’éléments de résolution du problème). Mais si on élimine de la réflexion la question des bons et des mauvais désirs en-soi, nous ne résolvons pas pour autant le problème de la détermination des bons ou des mauvais désirs en situation.

Avant d’aller plus loin, remarquons que concevoir le désir ainsi élimine également de la réflexion sur la valuation une confusion possible de celle-ci avec le processus de plaisir, car celui-ci, qu’il soit conçu comme une impulsion vitale ou comme une habitude, échappe à un processus de résolution du problème. Nous verrons pourquoi.

La notion de plaisir (enjoyment)[8] peut être présente sans qu’un effort de valuation ait eu lieu alors que le désir d’un sujet pour une chose ne peut émerger qu’au prix d’un effort, d’un travail propre au processus de valuation. Cela se constate chaque jour. Je peux éprouver du plaisir sans chercher à résoudre un problème. Par exemple, une odeur de pain chaud arrive à mon nez, car je marche près d’une boulangerie et j’aurai plaisir à sentir cette odeur indépendamment du fait que je sois rassasié ou que la faim me tiraille. Je ne peux pas donner une valeur à cette odeur, même si elle me procure du plaisir, car celle-ci n’intègre pas une enquête intérieure. Je l’apprécierai (appraisal) sans la valoriser (prizing). Notons qu’il en va de même pour la notion de déplaisir.[9] Sans une valuation, un plaisir ou un déplaisir ne peut modifier mon action, nous dirons qu’il reste sans effet et « gratuit ».[10] Un plaisir ou un déplaisir qui ne modifie pas une habitude comportementale est donc considéré sans valeur. Aux yeux d’une philosophie de l’action, elle reste exclue du processus de valuation.

Toutefois, à ce stade de la réflexion, on pourrait nous objecter que notre notion de désir reste vague et que de nombreuses choses peuvent être désirées sans pour autant que le sujet accorde à ces choses une valeur. Sommes-nous en train de confondre alors les notions de désir et de valeur? En effet, bien d’autres théories peuvent nous faire croire que le désir tire sa puissance et son origine[11] d’une impulsion vitale propre à l’individu même. Or si le désir est une impulsion vitale, ce n’est pas pour autant que celui-ci devient le fondement d’un processus de valuation. En effet, chez l’homme comme chez l’animal, les impulsions vitales ou « tensions organiques » donnent lieu à des enquêtes inconscientes et produisent des comportements que nous pouvons qualifier d’instinctifs. Mais si ces comportements sont des instincts, ils sont donc réalisés par le sujet sans réflexion sur leur valeur. Ils sont donc, de fait, exclus d’un processus de valuation.

Au contraire d’une impulsion vitale, il faut comprendre le désir comme l’étape d’un processus qui constitue la transformation d’une impulsion antérieure, d’un comportement établi ou encore d’une habitude routinière en un comportement nouveau. L’instinct, à l’inverse, conserve un comportement établi, car jugé satisfaisant dans une situation antérieure, et sera incapable de le réévaluer lors d’une nouvelle situation. Le désir possède une souplesse d’adaptation là où l’instinct se fait droit et cassant. Il a une valeur lorsqu’il modifie la résolution d’une enquête en vue d’une plus grande satisfaction d’un problème, ou de la résolution d’un nouveau problème jusqu’alors inconnu pour le sujet. Il y a donc, et c’est ce que veut montrer Dewey dans un premier temps, un élément intellectuel indispensable au processus de valuation :

Une valuation n’a lieu que lorsque quelque chose fait question : quand il y a des difficultés à écarter, un besoin, un manque ou une privation à combler, un conflit entre tendances à résoudre en changeant les conditions existantes. Ce fait prouve à son tour qu’un élément intellectuel – un élément d’enquête – est présent chaque fois qu’il y a valuation.[12]

Le processus de valuation n’est donc absolument pas instinctif. Au contraire, il est le lieu d’une pleine réflexion intellectuelle. Ainsi, ce que propose Dewey par sa théorie de la valuation, c’est de penser le modèle de rationalité par lequel nous conduisons nos processus de valuation. Si une rationalité est à l’oeuvre dans ce processus, alors il est possible de construire une éthique claire, explicite et justifiée. Celle-ci se pose les questions suivantes, par exemple : ma réflexion porte-t-elle sur le bon problème à résoudre? Ma construction de celui-ci est-elle adéquate par rapport à ma situation? La fin que je me propose d’atteindre résoudra-t-elle ce problème totalement ou partiellement? La valuation porte ainsi en partie sur les critères de justesse de la fin poursuivie, mais également sur la validité du problème construit. C’est pourquoi cette éthique doit être particulièrement attentive à deux moments de l’enquête morale.[13]

1) Le problème établi identifie-t-il clairement le manque en question? C’est-à-dire est-ce que la fin que me propose le problème que j’ai construit est adéquate à ma situation? C’est sur ce point que nous verrons, dans le deuxième temps de notre analyse, en quoi le modèle de l’enquête se distingue du modèle de la rationalité instrumentale. 2) Quelle est la probabilité que j’atteigne cette fin au vu de ma situation? Ou pour le dire autrement, est-ce que la fin que je me propose de poursuivre est réalisable au vu de ma situation?

Adéquation et réalisation correspondent ici aux deux critères épistémologiques de Dewey[14] pour qualifier la justesse d’une enquête. Ces deux critères s’inspirent de la conception évolutive héritée du darwinisme en biologie (pour l’adéquation d’un individu à son milieu et des évolutions qui découlent d’une inadéquation)[15] et de l’expérimentalisme hérité de l’épistémologie des sciences empiriques (pour la réalisation en tant que procès de l’expérience comme contrainte de vérification d’une hypothèse).[16] Nous comprenons ici que fins et moyens d’un désir sont à étudier par un processus de valuation qui est toujours en contexte. Un sujet portera un intérêt[17] à une chose s’il désire ce que la chose lui permettra de combler. C’est-à-dire qu’il accordera une valeur à une chose s’il pense qu’elle peut résoudre son problème. Plus le problème sera jugé important par l’individu et plus la chose en question aura une valeur à ses yeux.

Néanmoins, ces deux critères épistémologiques sont plus simples à formuler qu’à appliquer. Les enquêtes morales que tentent de réaliser les individus au quotidien peuvent être troublées par de nombreux facteurs. La pression sociale des proches, les idéologies acquises par préjugés, l’influence d’une domination symbolique politique ou religieuse… Les occurrences éloignant le processus de valuation du modèle de l’enquête font légion. Elles justifient ainsi par leur existence le travail du philosophe de chercher un moyen de les éviter ou, au moins, de diminuer leur importance. Le but poursuivi par Dewey ici est bien de soulever ces difficultés pour aider – modestement – les individus à mener un peu mieux la façon dont ils attribuent de la valeur à un acte, à un objet ou à une connaissance.

Concevoir ainsi le processus de valuation permet également de comprendre tous les dysfonctionnements quotidiens de l’articulation entre les moyens et les fins. En effet, certains moyens sont alors inadéquats à telles fins et certaines fins sont alors irréalisables. Les moyens inadéquats peuvent être vus comme des corvées, même si la fin poursuivie reste souhaitable. Nous sommes alors dans une situation où l’information qu’a le sujet de l’objet ne suffit pas à rendre la fin poursuivie véritablement souhaitable pour le sujet lui-même. Celui-ci doit donc améliorer les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Certaines fins, irréalisables, deviendront des « idéaux » trop éloignés pour être possibles et décevront l’individu qui les poursuit. Le sujet doit alors modifier cette fin poursuivie pour la rendre plus accessible à la réalisation par les moyens qu’il possède. Entre Charybde et Scylla, Dewey démontre le seul lieu hospitalier au désir humain : le territoire du possible. Comment cartographier ce territoire pour les valeurs?

2. LA CONTINUITÉ DES MOYENS ET DES FINS

Le modèle de l’enquête se distingue de celui de la rationalité instrumentale, car l’enquête ne se fonde pas sur une conception formelle de la raison que l’on appliquerait à priori à la situation. Au contraire, elle prend son point de départ dans le contexte où la pensée est à l’oeuvre. Ainsi la pratique de l’enquête n’est pas aussi mécanique qu’une sorte de calcul; elle se heurte à des incertitudes, des complexités, des doutes et elle rend compte des doutes et conflits de valeurs très réels au quotidien.

Pour le dire autrement, la conception de la rationalité développée par la théorie de la rationalité instrumentale reste technique : la raison est devant un problème à résoudre. Dans cette optique, les questions éthiques peuvent être traitées techniquement, de façon indépendante des fins poursuivies.[18] Or, la conception de la rationalité développée par le modèle de l’enquête fait en sorte que le problème n’est jamais donné, mais doit être déterminé.[19] C’est la situation indéterminée qui crée la qualité problématique par laquelle l’enquête se formulera par la suite. Ce travail de détermination du malaise en problème est ce qui fera réfléchir le sujet sur les moyens qu’il jugera acceptables et sur les fins qu’il se proposera d’atteindre. Mais ce travail n’est pas fixé une fois pour toutes comme dans la théorie de la rationalité instrumentale. Au contraire, pour Dewey, ce processus est dynamique et appelle les fins à être sans cesse interrogées, et non écartées en dehors de l’exercice de la rationalité.

Le problème de l’inadéquation des moyens et des fins apparaît pour Dewey à partir du moment où l’on entre dans une réflexion qui exclut la relation entre ces deux termes. Ne considérer que les moyens pour donner une valeur à telle chose et ne considérer que telle fin sans prendre en compte les moyens de sa réalisation sont deux erreurs de jugement ayant la même source : négliger la continuité des moyens et des fins entre eux. Cette continuité nous semble être le véritable idéal de la valuation pour Dewey. Elle n’est atteignable qu’au moment où le processus de valuation a pu trier entre tous les moyens possibles et toutes les fins imaginables le moyen approprié et la fin adéquate grâce à une codétermination réciproque de ces deux éléments. Une continuité totale entre les deux est donc le résultat d’une enquête parfaite, idéal que le quotidien est souvent bien loin d’approcher. Combien de fois avons-nous sélectionné un moyen inadéquat pour résoudre un problème, ou bien visé une fin trop éloignée de ce qui était en notre pouvoir d’accomplir?

C’est pour répondre à ces deux types d’échecs quotidiens que notre auteur décide de rejeter la maxime populaire « la fin justifie les moyens », car celle-ci, en concentrant son attention sur la fin, risque de nous faire utiliser de mauvais moyens. Son inverse « les moyens justifient la fin » est également faux, car ne décider de la fin qu’en vue des moyens ne nous permet pas non plus de choisir la bonne fin recherchée.[20] L’erreur de ces deux formulations se construit sur la croyance que des fins-en-soi peuvent être attribuées (ou plutôt découvertes) au sein de certaines choses. Ce finalisme est une rupture dans la continuité de la relation moyen/fin et réduit radicalement la compréhension des processus de valuation.

C’est pourquoi, à l’inverse du modèle de la rationalité instrumentale, le modèle de l’enquête revendique une unicité de la situation. Ainsi, lors des questionnements éthiques, chaque situation est unique et l’on ne peut automatiser ou standardiser aucune procédure au sein d’une enquête. On ne peut que chercher un moyen en vue d’une fin, sans espérer pouvoir reproduire à l’identique l’opération. De plus, cette continuité implique un autre point essentiel dans la théorie de la valuation de Dewey : les fins recherchées ne sont jamais finales, mais peuvent devenir des moyens pour d’autres fins. Ce point permet également de justifier le point précédent sur l’inutilité et le danger dans le processus de valuation de favoriser l’un des deux éléments du binôme moyen/fin.

Dewey s’inspire des sciences empiriques pour récuser toutes fins finales et s’appuyer sur une causalité permanente des événements entre eux.[21] Cet argument éclaire d’une nouvelle façon son schème de l’enquête.[22] En effet, ce schématisme pouvait nous induire en erreur en nous faisant concevoir l’enquête sur un mode linéaire, avec un début et une fin. Or il faut davantage la comprendre comme un circuit qui ne cesse jamais. L’état de repos, d’ataraxie, qui compose le début et la fin du processus ne sont jamais que des moments, des états transitoires qu’il serait illusoire de considérer comme permanents. La fin recherchée transformera la situation du sujet, qui désirera ainsi une autre fin et ainsi de suite. Il n’est donc pas étonnant que pour Dewey, considérer une fin comme finale soit la preuve d’une immaturité, d’une routine sédimentée ou encore d’un fanatisme.[23]

Le processus de l’enquête, comme celui de la pensée ou du désir, ne se conclut jamais qu’au moment de la mort de l’individu. De même, cette circularité de l’enquête se retrouve dans celle du processus de valuation où les moyens et les fins recherchés s’enchaînent à l’infini, sans cesse relancés par la situation dans laquelle se trouve l’individu. Les temporalités respectives des moyens et des fins ne permettent pas une hiérarchisation de l’une ou de l’autre dans le processus de valuation. Cette erreur fut commise dans les morales déontologiques de l’Antiquité et on la retrouve dès que la notion de fin-en-soi apparaît. Mais, à ce moment de notre réflexion, un risque survient. Comment dissocier, dans une telle continuité, les moyens des fins? Ne sommes-nous pas en train de procéder à un amalgame qui réduirait la différence de ces deux éléments et en ferait des synonymes?

Pour contrer ce problème d’identification des moyens et des fins, Dewey propose de considérer les fins comme les éléments d’organisation des moyens. Ainsi la fin est ce qui coordonne (et veille sur) l’ensemble du processus où les moyens travaillent. Ce rôle de coordination n’en fait pas un élément supérieur à celui qu’il coordonne, mais en livre la particularité. Et c’est celle-ci qui empêchera cette circularité de se figer dans une succession absurde de moyens sans but. Considérer les fins ainsi permet d’écarter le problème du fondement de la valeur si souvent rencontré dans les réflexions éthiques. Ce problème, formalisé par Hans Albert, montre que chercher une fin-en-soi ou un principe suffisant à la fondation d’une valeur revient à se confronter à une triple aporie appelée « le trilemme de Munchausen ».[24]

Ce trilemme menace toute théorie de la valuation qui cherche à fonder la valeur dans une fin-en-soi et l’oblige à se confronter à 1) l’apparition d’un cercle vicieux, ou 2) une régression à l’infini, ou encore 3) un arrêt arbitraire et dogmatique du processus de justification. Ce à quoi échappe la théorie de Dewey, car :

1) Pour la première aporie du cercle vicieux : ce n’est jamais le même processus qui se reproduit à l’infini dans la valuation réalisée par le sujet, étant donné que la situation de celui-ci évolue sans cesse, ainsi les coordonnées du problème (moyens + fins) évoluent également et l’enquête ne se réalise jamais à l’identique. De fait, il n’y a pas de répétition du même processus, car chaque enquête « nourrit » la suivante de ses acquis. En ce sens, la théorie de la valuation de Dewey s’écarte une fois de plus de la théorie de la rationalité instrumentale pour se rapprocher de la théorie wittgensteinienne du « voir comme » et de l’« agir comme » où la valuation d’une situation peut être influencée par une autre suivant son degré de familiarité avec une situation antérieure.[25]

2) Pour la seconde aporie de la régression à l’infini : le sujet ne cherche pas à l’infini une fin finale qui fonderait la chaîne des moyens. L’éthique de Dewey n’est pas la quête d’un bonheur à partir d’un principe qui détermine hors contexte la valeur de toutes choses. Au contraire d’une régression à l’infini, c’est l’évolution permanente d’une satisfaction contextualisée qui est prônée. C’est la continuité des éléments qui permettra une progression dans la valuation. Ainsi, dans le processus de l’enquête, il ne s’agit pas de distinguer la pensée et l’action comme deux phases séparées. Là aussi, à rebours de l’agir instrumental, le modèle de l’enquête peut s’apparenter à une conversation réflexive où agir et penser ont une co-extension qui donne lieu à une transaction incessante entre le sujet et le contexte, le moyen et la fin. L’enquêteuse ou l’enquêteur ne sont pas des joueurs d’échecs ayant déjà prévu tous leurs coups avant le début de la partie. Au contraire, chacun de leurs coups est une expérimentation qui fait évoluer leur jeu.[26]

3) Enfin, pour la troisième aporie de l’arrêt arbitraire et dogmatique du processus de valuation : celle-ci est sans cesse reportée par l’activité même du sujet. Cette activité correspond à la vie du sujet et ne s’arrête qu’à sa mort, ce qui est donc un arrêt qui ne dépend pas de la valuation même. Toutefois, cet arrêt peut se produire également par un recours à l’instinct ou à l’habitude routinière, mais nous avons vu que ces deux éléments sont des obstacles externes au processus de valuation. Un dogmatisme éthique n’aurait aucun sens au sein de la théorie de la valuation de Dewey, car l’objet de la valuation est contemporain et immanent à son processus. Ce que je juge bon ou mauvais pour moi peut l’être avec justesse, mais seulement si cet objet est devant moi, compris dans ma situation. Sinon mon jugement éthique formera une enquête artificielle avec un problème factice.[27]

Pour revenir à cette continuité des moyens et des fins, nous pouvons dès lors fixer un objectif à nos pratiques éthiques où un processus de valuation est nécessaire. Cet objectif sera celui de la coordination réussie des moyens et des fins au sein de chacune de nos activités. Cette coordination est une réussite lorsqu’elle est à la fois un rétablissement et un déploiement d’une situation. Si l’usage d’un moyen est si coûteux moralement qu’il ne permet pas au sujet de viser, une fois son problème résolu, d’autres fins, alors la valuation sera déclarée défectueuse, car elle n’a permis de rétablir une situation qu’au prix d’un enfermement de l’individu sur soi. À l’inverse, si une fin une fois réalisée permet de déployer une grande diversité de nouvelles situations possibles, mais sans pouvoir rétablir la situation initiale, celle qui pose problème, alors le processus de valuation sera également défectueux.

Ainsi chacun des résultats successifs a un contenu ou un objet qui diffère de celui de ses prédécesseurs, car, si chacun d’eux est le rétablissement (reinstatement) d’un cours d’activité unifié, interrompu un temps par le conflit et le manque, il est aussi le déploiement (enactment) d’un nouvel état de choses.[28] De même qu’en peinture, chaque geste du peintre est réalisé sous la coordination du tableau que le peintre a en tête, chaque coup de pinceau à la fois réaffirme aux yeux du peintre le tableau imaginé et déploie dans son imagination de nouvelles possibilités au tableau commencé. Le modèle de l’enquête deweyenne pour penser les processus de valuation est donc plus proche de la métaphore de la « conversation réflexive » de Schön que de celle du « calcul automatique » de Simon. Ce qui distingue ces deux modèles de rationalité tient dans l’importance donnée à la notion d’expérience dans la valuation.

3. UNE PÉDAGOGIE DE L’EXPÉRIENCE

Nous faisons ici l’hypothèse selon laquelle l’importance de la continuité dans un jugement de valeur permet de déterminer la façon dont les pédagogues doivent proposer des expériences à leurs élèves. Mais pour cela, il nous faut dire à quel point l’expérience est primordiale chez Dewey. En effet si celle-ci est centrale dans la pensée de Dewey, il faut alors, pour réfléchir à une bonne éducation, déterminer la nature de ces expériences et pouvoir les distinguer entre elles.

L’individu fera de multiples expériences tout au long de sa vie, mais toutes ne seront pas « authentiques » ou fructueuses pour lui. Dans ces conditions, construire un milieu où se développe l’enfant, c’est rendre possibles certaines expériences et en interdire d’autres; un règlement intérieur d’établissement scolaire ne fait explicitement pas autre chose que de déterminer les expériences « autorisées » et « proscrites ». L’une des tâches des éducatrices et éducateurs sera donc de faire le tri, de choisir les expériences à favoriser chez l’enfant. C’est ce que Dewey exprime ainsi :

D’où il apparaît que le problème central d’une éducation basée sur l’expérience consiste à choisir la nature des expériences présentes capables de demeurer fécondes et créatrices dans les expériences suivantes.[29]

Le choix des expériences doit donc se faire à la lumière de critères solides au sein d’un processus de valuation de celles-ci. Dans cet extrait, ces critères semblent être la « fécondité » et la « créativité ». Qu’est-ce qu’une expérience féconde et créatrice? Cette question se pose au vu de la notion de continuum expérimental qui permet de sélectionner les expériences selon leur « valeur éducative ».[30] Mais quelle est donc cette continuité que l’on recherche entre les expériences pour qu’elles forment un continuum expérimental entendu ici en son sens le plus étendu et non plus seulement éthique? S’agit-il simplement d’une relation cumulative ou d’une succession temporelle d’expériences?

En voici la caractéristique fondamentale : chaque expérience faite modifie le sujet et cette modification, à son tour, affecte – que nous le voulions ou non – la qualité des expériences suivantes, le sujet étant un peu différent après chaque expérience de ce qu’il était auparavant. […] De ce point de vue, le principe de continuité de l’expérience signifie que chaque expérience, d’une part, emprunte quelque chose aux expériences antérieures[31] et, d’autre part, modifie de quelque manière la qualité des expériences ultérieures.[32]

Voici ce qu’est la continuité expérimentale en tant que principe : une expérience sera jugée « positive » si elle permet au sujet de réaliser d’autres expériences. Téter le sein de sa mère pour un nourrisson sera une expérience enrichissante, car cela lui permettra de croître pour ensuite se nourrir par lui-même d’aliments autres que le lait maternel. La continuité des expériences alimentaires du nourrisson forme l’accroissement du nombre d’objets susceptibles de le nourrir. Chaque étape de ce processus expérimental, c’est-à-dire chaque expérience prise séparément, a une valeur dont la réussite est relative aux expériences réalisées – en amont et en aval.[33] Le but de l’éducation est donc de favoriser cette continuité des expériences pour que le sujet soit toujours plus enclin à faire des expériences qui l’autorisent à leur tour à en faire d’autres. Ainsi, mener un processus de valuation sur nos expériences est non seulement possible, mais prouve également une performativité de celle-ci. Cette enquête démontre notre intelligence. C’est pourquoi Dewey affirme que :

Le progrès de la biologie a accoutumé nos esprits à l’idée que l’intelligence n’est pas un pouvoir extérieur présidant de manière suprême, et statique aux désirs et aux efforts des hommes, mais une méthode d’ajustement des capacités et des conditions à l’intérieur de situations spécifiques.[34]

Ainsi l’enquête est la méthode de l’intelligence et penser devient la capacité à choisir les expériences les plus propices pour l’adaptation à l’environnement. S’adapter signifie alors choisir l’expérience qui rendra plus sûre la continuité entre mes expériences passées et mes expériences futures. Concevoir l’adaptation comme un ajustement entre une situation et un individu c’est avant tout donner un espace de manoeuvre, un pouvoir d’agir à l’individu. Ou pour le dire autrement avec Jean Piaget,[35] l’adaptation chez Dewey est l’expression d’une liberté de l’individu sur sa situation.[36] Cette liberté n’est réelle que parce qu’elle est située dans un milieu (c’est-à-dire une situation), et donc également limitée par la constitution de celui-ci. L’avantage conceptuel d’une telle pensée est de ne plus concevoir le mouvement de l’adaptation comme une lutte pour la survie, mais comme la progression d’une vie grâce à l’intelligence. L’adaptation devient l’expression d’une intelligence et non plus le mouvement de forces aveugles.[37] Ainsi, au sens propre, réaliser le processus de l’enquête consiste à enquêter pour déterminer quelles sont les expériences favorables à l’individu, et que l’on pourrait, pour cette raison, souhaiter lui enseigner. On peut en conclure que la méthode de l’enquête correspond pour Dewey à une attention intelligente au continuum expérimental. L’éducation doit mener l’individu à acquérir la compétence de l’enquête grâce à une attention extrême à la continuité de ses expériences.

C’est pourquoi il faut maintenant reconstruire le gain de l’éducation à partir de cette notion d’expérience. L’éducation doit permettre à l’individu d’accroître son discernement sur la valeur éducative des expériences qu’il peut effectuer. Celle-ci nous apparaît dans sa capacité à soutenir une croissance naturelle chez l’élève. En liant des expériences entre elles, l’enquête nous permet de dépasser nos préjugés, nos problèmes éthiques et nos contradictions morales pour soutenir la croissance de l’élève en élargissant son horizon d’expériences possibles. Dewey ira même jusqu’à dire que la valeur de l’école se mesure à cette capacité d’entreprendre ce processus de valuation des connaissances à enseigner :

La valeur de toute institution : sociale, économique, domestique, politique, juridique, religieuse, se mesure à l’effet qu’elle exerce sur l’élargissement et l’amélioration de l’expérience.[38]

Le critère de la valuation qui permet d’évaluer une connaissance est l’« élargissement et l’amélioration » de l’expérience. C’est alors au regard de la croissance du continuum expérimental des individus que l’on jugera du bénéfice des institutions de son pays. On juge donc cette école suivant la qualité des expériences qu’elle a permises à ses élèves et celles qu’elle leur permet à l’avenir. La théorie de la valuation de Dewey peut dès lors s’exprimer pleinement dans sa théorie de l’éducation. L’enseignant.e peut à sa façon rendre possible la réalisation de ce processus de valuation.

4. ESQUISSE D’UNE ÉTHIQUE ENSEIGNANTE

À partir de ce qui a été développé dans les sections précédentes, est-il possible de mettre à profit les implications de la théorie de la valuation de Dewey pour l’éthique enseignante? Cette interrogation n’a rien de rhétorique, car si c’est le sujet qui est le lieu de la valuation de ses actes et de ses pensées, alors on ne peut lui imposer frontalement une autre valuation en lui disant : « tu te trompes, voici la vraie valeur des choses! ». Cela signifie-t-il que les professeur.es ne peuvent donner tort aux élèves, et que si ces derniers n’accordent aucune valeur aux théorèmes géométriques, par exemple, leur professeur.e ne doive pas les détromper? De fait, une position subjectiviste de la valuation contient le risque de rendre relatif à chacun.e la valuation des connaissances. Or cette relativité peut entraîner chez l’élève un comportement de clientélisme : « telle connaissance m’intéresse, mais pas telle autre ». Cet.te élève n’aurait alors qu’une relation marchande avec l’éducation et risquerait de tomber dans tous les pièges de la consommation. Un tel comportement transformerait l’éducation en un service et la desservirait gravement dans son organisation et ses objectifs.[39]

C’est pour éviter un tel clientélisme de la part des élèves qu’une éthique enseignante est nécessaire. Celle-ci se fonde sur une nécessité indéniable : éviter à l’élève les erreurs dans sa valuation des connaissances. En effet, sans formation, le sujet risque de se laisser guider par ses intérêts immédiats, des influences extérieures de domination, et le choix opéré à la fin du processus de valuation risque non pas d’accroître, mais de faire décroître la qualité de son continuum expérimental. C’est en raison de l’immaturité naturelle des élèves que leurs professeur.es ont pour tâche première de guider ceux-ci dans leur valuation. Loin de les abandonner à eux-mêmes comme des consommateurs dans un supermarché, les enseignant.es doivent d’abord tâcher de les former à des processus de valuation efficaces. Cela dans le but que les élèves puissent à leur tour, clairement, déterminer pour eux-mêmes les connaissances qui auront de la valeur.

Pour mener à bien cette formation, Dewey propose deux objectifs qui forment les premiers jalons de l’éthique enseignante recherchée. Le premier objectif relève de façon évidente de l’intérêt de la formation elle-même, c’est-à-dire que le sujet doit, à la fin de celle-ci, être autonome dans la formulation de ses propres jugements. Faire de l’autonomie de l’individu dans ses processus de valuation un objectif et non une prémisse montre bien que les élèves ne peuvent décider seul.es de ce qu’ils doivent apprendre. Elles/ils ne savent pas, au début, quelles connaissances leur seront nécessaires, donc ils ne peuvent estimer avec justesse les connaissances qui auront de la valeur pour elles/eux. Les professeur.es deviennent des guides pour que les élèves maîtrisent de mieux en mieux la valuation en la rendant explicite, claire et révisable. Il faudra interroger les élèves sur leurs choix, leur permettre de formaliser ces choix et d’en discuter pour qu’ils ne se laissent pas mener aveuglément par leurs désirs, mais qu’ils soient capables d’enquêter sur ce qu’elles et ils jugent bon ou mauvais. Ce premier objectif de l’éthique enseignante est de rechercher l’autonomie des élèves dans leurs jugements éthiques, c’est-à-dire de faire d’eux des enquêteurs aussi lucides que possible sur leurs processus de valuation.

Le deuxième objectif prévient un danger du premier objectif énoncé : si les professeur.es recherchent l’autonomie des élèves, ne risquent-t-ils pas de les enfermer dans une position solipsiste quant à leurs choix et, in fine, quant à leurs connaissances? Enfermé.es dans une telle position, les élèves risquent d’être influencé.es inconsciemment par leur culture, les moeurs en vigueur et les institutions en place. Autant d’obstacles à l’enquête qui nuisent au sujet s’il ne les rend pas explicites pour lui-même. Or la meilleure façon de rendre claires les influences extérieures aux yeux d’un sujet est de les partager avec autrui. Ce partage est indispensable aux jugements éthiques :

La capacité à supporter la publicité et la communication est le test par lequel on décide si un bien supposé est authentique ou sans fondement.[40]

Ainsi les professeur.es auront comme principe éthique de permettre aux élèves de partager leurs processus de valuation pour les confronter à ceux des autres. Les valeurs pourront alors être publiques et discutées par l’ensemble des élèves.[41] Cette confrontation contribue à ce que tou.tes participent à la formation des valeurs et révèle du coup le caractère démocratique de l’éthique enseignante prônée par Dewey.[42]

Nous pouvons, pour conclure, formaliser une esquisse de l’éthique enseignante que rend possible une telle théorie de la valuation en trois propositions. Celles-ci seraient moins là pour imposer par principe tel ou tel comportement que pour orienter la pratique des professeur.es. Une éthique minimale a plus de chance d’être efficiente, car en étant plus souple, son adaptation aux différences de situations pédagogiques permet davantage sa mobilisation.[43]

  1. La première proposition est de ne pas faire croire aux élèves que les connaissances ont une valeur en soi. Il s’agit de ne pas projeter nos propres valeurs en donnant l’impression qu’elles sont vraies ou bonnes pour tou.tes. Cela peut sembler être un geste contre-intuitif, mais il est primordial de faire comprendre aux élèves qu’il n’y a pas, pour les valeurs, de « réalité antérieure »[44] au processus de valuation. Leur réalité appartient toujours à la situation actuelle des personnes;[45] c’est donc à elles d’engager ce processus et non aux professeur.es de l’imposer normativement.[46]

  2. Sensibiliser les élèves au processus de valuation pour qu’ils puissent peu à peu maîtriser de mieux en mieux celui-ci est notre deuxième proposition. Elle constitue le coeur de l’exigence de formation de notre éthique enseignante. Nous ne pouvons ici interroger les moyens didactiques d’une telle formation, mais nous souhaitons souligner la nécessité que ce processus de valuation devienne pour eux une habitude à la fin de leur éducation. L’éthique enseignante de Dewey, si elle veut atteindre son objectif d’autonomie des élèves, doit prendre en compte très tôt cette formation à la valuation dans leur éducation.[47]

  3. Notre troisième proposition suggère de sensibiliser les élèves à l’aspect public de la valuation. Cela signifie qu’il faut, d’une part, exposer l’influence de leur milieu social sur leurs jugements moraux, et d’autre part leur montrer l’intérêt du partage de ces jugements entre eux pour parvenir à un partage conscient et explicite de leurs valeurs. Ce partage de l’enquête morale est indispensable à la théorie de la démocratie de Dewey, car elle conditionne la possibilité d’un partage de l’enquête sociale sans domination des un.es sur les autres.[48] Ainsi, en formant les élèves à échanger et à partager leurs processus de valuation, nous commençons le processus de formation qui permettra de les éduquer à la citoyenneté.[49]