Dossier : La représentation en Nouvelle-FranceArticles

Représenter l’intendant et servir la population locale. Étude politique de la subdélégation canadienne (1680-1760)[Record]

  • Sébastien Didier

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  • Sébastien Didier
    Doctorant, Université Rennes 2 et Université de Montréal

La subdélégation correspond à la délégation d’un pouvoir déjà délégué. Sous l’Ancien Régime, elle est surtout le fait des intendants envoyés dans les provinces métropolitaines ou coloniales du roi de France. Ceux-ci déjà commis par le roi nomment par commission des subdélégués. Selon les dictionnaires de l’époque, la délégation consiste à « envoyer quelqu’un avec pouvoir d’agir, d’examiner, de juger » ou de manière plus ou moins pérenne lui « donner autorité de juger ou de faire quelques procédures ». À l’inverse, les délégués et subdélégués représentent leur délégateur. Ils disposent, à sa place, de son pouvoir et de son autorité. Ils le remplacent et le servent. En Nouvelle-France, la délégation semble plutôt instituée du haut vers le bas et la population dispose de peu de modes de représentation. Par contre, celle-ci bénéficie de nombreux moyens de réclamation. Revendications et protestations s’expriment souvent par le biais judiciaire. Or l’intendant et ses subdélégués s’ajoutent aux juges ordinaires et autres instances d’arbitrage de l’Ancien Régime. Deux types de représentation concernent donc les subdélégués : le service du roi par le biais de l’intendant et celui des Canadiens à travers leurs requêtes. Points de jonction entre les sujets et l’administration monarchique, les subdélégués canadiens ne sont pas de simples exécutants, mais des acteurs importants des processus de négociation et de collaboration développés entre les instances centrales et les sociétés locales. Pourtant, ils sont peu connus de l’historiographie coloniale. Leur étude ouvre ici une réflexion sur la représentation en Nouvelle-France, ainsi qu’un nouveau point de vue sur l’intendance canadienne. Pour changer de la méthode biographique de Guy Frégault et Jean-Claude Dubé, la thèse de Marie-Eve Ouellet a proposé récemment de l’aborder par l’analyse de la procédure administrative. L’étude des subdélégués permet, en plus, de changer d’échelle et de briser l’uniformité administrative apparente de la colonie. Répartis sur le territoire de la province depuis les années 1680, ils sont principalement basés à Québec, Montréal et Trois-Rivières. La Nouvelle-France est plus vaste, mais dans les faits elle ne dépend pas entièrement de l’intendant. Les deux subdélégations atlantiques de Plaisance en Terre-Neuve et de Port-Royal en Acadie, puis de Louisbourg sur l’île Royale (île du Cap-Breton) et de Port-La-Joie sur l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Edouard) correspondent directement avec le ministre. Elles ne nous intéresseront pas ici. Les subdélégations de Pabos et Détroit, plus tardives, ont laissé trop peu d’archives pour bien les comprendre. Pour répondre à la question de la représentation par les subdélégués, j’analyse donc les actes des subdélégués de Montréal, Trois-Rivières et Québec. Dispersées entre les registres de l’intendance de Québec, les minutes de notaires canadiens, les différents fonds des juridictions royales canadiennes et la correspondance coloniale, les sources ont pu être regroupées grâce aux travaux de numérisation et d’indexation des Archives nationales du Québec, des Archives françaises d’outre-mer ou de la Société de recherche historique Archiv-Histo. En plus des documents prescriptifs décrivant le rôle attendu des subdélégués, j’ai pu recenser 198 traces d’actes des subdélégués. Celles-ci donnent une image partielle de leur pratique réelle. Bien évidemment, la plupart sont produits par les subdélégués et l’intendance. Ce sont des ordonnances du subdélégué ou de l’intendant. Mais les actes des subdélégués sont aussi mentionnés par des juges, des greffiers et des notaires. Ces traces regroupent à la fois des commissions et requêtes qui précèdent un acte prévu, des ordonnances et procès-verbaux qui accompagnent l’acte et des appels qui le suivent. Les actes simplement prévus n’ont peut-être jamais eu lieu. Ils sont pris en compte malgré tout et considérés, autant que les autres, comme des traces d’actes, sinon réalisés à coup sûr, au moins attribués aux subdélégués. Le …

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