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Camille Robert, Toutes les femmes sont d’abord ménagères. Histoire d’un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager. Montréal, Éditions Somme toute, Coll. « économie politique », 2017, 178 p.[Record]

  • Marie-Laurence B. Beaumier

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  • Marie-Laurence B. Beaumier
    Doctorante en histoire, Université Laval

Appréhender le travail ménager comme une fonction sociale historiquement construite, mais aussi comme un enjeu de luttes féministes aux contours changeants, voilà l’objectif du premier ouvrage de Camille Robert. Aujourd’hui candidate au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal, elle présente ici un livre tiré de son mémoire de maîtrise. Campé dans le contexte du renouveau féministe des années 1970, le livre retrace l’évolution des discours et des mobilisations féministes entourant la reconnaissance du travail ménager au Québec, un objet de lutte transversal, mais aussi conflictuel, marqué par de nombreux questionnements stratégiques. Désireuse de renouer avec cet héritage militant, Camille Robert souhaite « refaire de la ménagère une actrice politique » et « secouer le statu quo » dans un contexte marqué par de nombreux reculs quant à la condition des femmes sous le régime néo-libéral. D’entrée de jeu, le propos militant est posé, nous rappelant à quel point le privé est aussi politique. Émergeant comme perspective de lutte à part entière dans les discours féministes au début des années 1970, la lutte pour la reconnaissance du travail ménager connaît une évolution marquée dans la décennie suivante. À travers les trois chapitres de son ouvrage, Camille Robert retrace cette évolution et décortique les lignes directrices de la pensée des différents groupes autonomes, associations, comités et organismes gouvernementaux ayant pris part à ce mouvement. L’analyse plonge ainsi au coeur de l’histoire des mouvements féministes dits « de la deuxième vague », toujours marquée par de nombreux angles morts dans l’historiographie québécoise. L’ouvrage repose sur l’étude rigoureuse d’un large corpus de sources documentaires : journaux, rapports, analyses et programmes produits par les multiples collectifs, associations et organismes des milieux féministes des années 1970 et 1980. L’analyse tire également profit de deux sources issues de productions culturelles : la pièce de théâtre Môman travaille pas, a trop d’ouvrage (Théâtre des cuisines) et le documentaire D’abord ménagères de Luce Guilbeault. La présentation du corpus, largement décrite et justifiée en introduction de l’ouvrage, aurait toutefois pu laisser place à des considérations historiographiques et théoriques plus étoffées, et notamment à une définition plus précise de la notion de travail ménager et du contrat sexuel, pour reprendre l’expression de Carole Pateman, sur lequel il repose. Il faut toutefois souligner le choix de l’auteure d’inclure dans sa définition du travail ménager, aux côtés des tâches d’entretien ménager du logis, tout le travail de soin et de reproduction sociale et familiale accompli par les femmes dans l’espace domestique. Dans le premier chapitre, Camille Robert retrace les racines des luttes féministes pour la reconnaissance du travail ménager dans le discours du mouvement des femmes de la première moitié du XXe siècle. En s’appuyant sur une historiographie déjà riche, l’auteure reprend la thèse de la prédominance, au cours de cette période, d’une posture féministe maternaliste ou différencialiste, notamment à la Fédération nationale Saint-Jean Baptiste. Ce courant féministe aurait d’abord insisté sur les qualités maternelles des femmes pour revendiquer l’extension de leurs droits et de leurs rôles dans l’espace public. L’auteure souligne toutefois la présence, à la même époque, de voix plus radicales sur la question du travail ménager, et notamment celle d’Éva Circé-Côté. Parallèlement, l’historienne revient sur l’émergence des premières politiques publiques visant la protection sociale, ou plutôt l’encadrement, des mères et des ménagères. Le chapitre se clôt sur une présentation du travail de la commission Bird et des grandes lignes de son rapport qui seront marquantes pour les actions féministes des décennies suivantes. Les deuxième et troisième chapitres sont consacrés à l’analyse des discours et des mobilisations féministes sur lesquelles l’auteure a centré …

Appendices