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Le Conseil du Québec de l’enfance exceptionnelle : réseaux internationaux, promotion des droits et intégration sociale en déficience intellectuelle dans les années 1960-1975[Record]

  • Lucia Ferretti

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  • Lucia Ferretti
    Département des sciences humaines, Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), Université du Québec à Trois-Rivières

Le Conseil du Québec de l’enfance exceptionnelle (CQEE) est créé en 1961 et incorporé en 1963. Il se définit comme un forum « professionnel et scientifique inter et multi-disciplinaire » ouvert à tous les intervenants concernés par l’enfance exceptionnelle. Son principal fondateur, Clément Thibert, est alors président de la sous-commission de l’enseignement aux enfants exceptionnels du département de l’Instruction publique. Or, pour Thibert, les jeunes qui ont des besoins spéciaux doivent être considérés plus globalement que sous la simple lorgnette de l’éducation. Aussi, le CQEE inscrit-il d’emblée son action explicitement au carrefour de l’éducation, de la médecine, de l’éducation spécialisée et du travail social. Parmi ses quelques centaines de membres comme au sein de son conseil d’administration, il regroupe des parents, des professionnels, des fonctionnaires, des chercheurs dans les divers domaines reliés à la réadaptation. Son bureau central situé à Québec et ses chapitres régionaux (quatre en 1963, onze en 1972) sont autant de lieux de rencontres et de discussions pour faciliter la mise en commun des expertises, l’identification des consensus et de moyens d’action. Il aurait été intéressant de faire connaître cet organisme, mais nos recherches intensives et malheureusement vaines de ses archives nous autorisent à avancer sans trop de crainte de nous tromper que celles-ci sont vraisemblablement perdues. Au moins, la revue L’Enfant exceptionnel ouvre-t-elle une fenêtre sur son action jusqu’au milieu des années 1970. Cette note comprend trois parties. Nous faisons connaître le rôle du CQEE comme porte-voix de la réflexion internationale. Nous montrons ensuite la contribution de cet organisme à la diffusion de l’idéologie des droits ; ainsi qu’aux expériences d’intégration sociale conduites au Québec dans les années 1960 et 1970. S’il faut tout dire en quelques mots, résumons ainsi : dès le début des années 1960, le CQEE a voulu donner aux divers milieux québécois concernés par la déficience intellectuelle (et, plus largement, par les enfants à besoins spéciaux) une culture commune en prise sur les grands débats internationaux de l’époque. Il a fait avancer l’idée que les jeunes présentant des incapacités intellectuelles ont des droits, dont celui de vivre dans la communauté avec des soutiens adaptés. Il compte ainsi parmi les acteurs sociaux grâce auxquels le Québec se distingue au Canada comme le premier État à avoir reconnu des droits aux personnes vivant avec des incapacités intellectuelles et interdit la discrimination à leur égard. À la sous-commission de l’enseignement aux enfants exceptionnels, Clément Thibert travaille en concertation avec des collègues psychologues tels que Gérard L. Barbeau, Euchariste Paulhus, et Jean-Charles Lessard, et avec le travailleur social Albini Girouard. À eux cinq, ils détiennent à peu près toute l’expertise québécoise du début des années 1960 en déficience intellectuelle. Dans les années 1950, Barbeau et Thibert ont travaillé au Mont-Providence, l’internat des Soeurs de la Providence qui est aussi l’école spécialisée sacrifiée que l’historiographie a bien étudiée, tandis que Paulhus et Girouard ont dirigé les premiers instituts de réadaptation Val-du-Lac et Doréa. Avec Lessard, tous ont en outre conçu les programmes destinés aux futurs enseignants du secteur des services spéciaux dans les commissions scolaires. Après Thibert, son fondateur, Girouard et Paulhus seront aussi, avant 1970, élus chacun une fois à la présidence annuelle du CQEE. Or, ces premiers experts québécois ont été formés dans des réseaux européens et américains. Depuis les années 1950, ils ont des contacts aux États-Unis, notamment Edgar Doll et Richard Hungerford, chercheurs respectivement à Vineland et à l’Université Columbia. Ils en ont aussi plusieurs en Europe grâce au réseau des organisations internationales catholiques de l’enfance dans lesquels, à l’invitation d’Henri Bissonnier, ils sont assez présents. Henri Bissonnier est alors secrétaire général de …

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