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Kristoff Talin, Les valeurs de la société distincte. Une comparaison Québec-Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2017, 223 p.[Record]

  • Emmanuel Bernier

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  • Emmanuel Bernier
    Candidat au doctorat en sciences historiques, Université Laval

La question des valeurs est un sujet chaud, non seulement au Québec, mais également un peu partout en Occident. Il est toutefois rare que ceux – politiciens, journalistes ou simples citoyens – qui interviennent dans le débat se fondent sur autre chose que des impressions. Il est vrai que les travaux scientifiques qui étudient ce que les individus valorisent ne sont pas légion au Québec, contrairement aux États-Unis et à l’Europe, où les différents sondages du World Value Survey (WVS) sont à l’origine, depuis les années 1980, de nombreux travaux. Chercheur titulaire au CNRS en France et membre associé du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST) de Montréal, le politologue et sociologue français Kristoff Talin est un des seuls, avec Neil Nevitte, à avoir utilisé les riches données du WVS concernant le Canada. En quatre parties (ou dix chapitres), son ouvrage se donne deux objectifs : « Dessiner une cartographie des valeurs des Canadiennes et Canadiens » (p. 1) et comparer les valeurs des Québécois avec celles des Canadiens des autres provinces pour confirmer ou infirmer l’idée répandue d’un particularisme québécois. La première partie de l’ouvrage se veut une « mise en perspective théorique des valeurs au Québec et au Canada » (p. 6). L’auteur se demande d’emblée ce que signifie le mot « valeur », une notion qu’il qualifie, non sans raison, d’ « ambiguë » (p. 9). Il fait finalement sienne la définition du sociologue belge Olgierd Kuty, qui décrit les valeurs comme des « sentiments puissants fondateurs de légitimité ». Le chercheur revient ensuite sur la pertinence de choisir le Canada comme terrain d’études et sur la possibilité d’existence – ou non – de « valeurs communes » canadiennes. La deuxième partie traite des « valeurs dans l’espace privatif ». L’auteur commence par s’interroger sur « l’individu face à lui-même et aux autres ». L’examen des données du WVS lui permet d’affirmer que les Québécois se différencient moins des autres Canadiens par rapport à leur perception d’eux-mêmes (bonheur, santé, situation financière, etc.) qu’en regard de leur perception des autres, les répondants québécois ayant par exemple tendance à moins faire confiance aux individus évoluant hors du cercle familial. Quant aux valeurs concernant la famille, il apparaît que les citoyens québécois se distinguent en donnant moins d’importance au mariage, mais aussi par leur plus grand respect des aînés. La province se détache également du reste du Canada par rapport aux valeurs que les parents veulent transmettre à leur progéniture. Si les Québécois portent davantage leur choix sur « la générosité, la persévérance et le sens de la responsabilité », les autres Canadiens privilégieraient quant à eux « le travail, l’indépendance, l’imagination et la foi religieuse » (p. 79). Les rapports homme-femme impliquent également un certain nombre de valeurs spécifiques, notamment concernant le partage des rôles dans le couple. Les données fournies par les enquêtes ont permis à l’auteur de délimiter quatre types de répondants, allant du type A, composé essentiellement de Québécoises promouvant des valeurs égalitaristes, au type D, constitué d’hommes catholiques ou protestants pratiquants provenant de partout au Canada et généralement plus âgés qui optent pour un rôle plus prépondérant de l’homme dans la société. La troisième partie du livre sort du « privatif » pour se pencher sur les valeurs concernant « l’espace sociétal ». En ce qui a trait au travail, qui arrive au troisième rang des valeurs à travers le pays (après la famille et les amis), le Québec se distingue en le considérant comme une forme d’accomplissement personnel, en partie grâce aux liens entretenus …

Appendices