La montée du mouvement nationaliste et la démocratisation de l’idée indépendantiste dans le Québec des années 1960 ont sans contredit approfondi le fossé entre les collectivités francophones et anglophones de la province. Entre les actions éclatantes du Front de libération du Québec (FLQ), les revendications souverainistes du Parti québécois (PQ) et l’émergence d’une culture francophone forte et originale, les Anglo-Québécoises et les Anglo-Québécois se sont vus progressivement mis à l’écart de la communauté nationale québécoise. C’est dans ce contexte particulier que le cinéaste John Walker a voulu cerner de quelle manière le mouvement indépendantiste a contribué à l’exode de plus d’un demi-million de citoyennes et de citoyens québécois anglophones depuis les débuts de la Révolution tranquille. Son objectif : comprendre les motivations des individus qui ont quitté le Québec, mais aussi cerner les défis qui se dressent encore aujourd’hui du point de vue de la cohabitation entre francophones et anglophones. En résumé, le documentaire présente un récit de l’évolution des relations entre la communauté anglophone du Québec, la communauté francophone et les différents gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1960. Le scénario tourne autour de la manière dont les revendications identitaires et politiques des francophones ont approfondi le fossé avec les anglophones, au point où ces derniers en sont venus à se considérer comme des étrangers dans leur propre collectivité. John Walker est d’ailleurs particulièrement bien placé pour comprendre la complexité de cette cohabitation. Descendant d’une famille d’origine écossaise et irlandaise établie au Québec depuis 250 ans, il a vécu la majorité de sa vie à Montréal, ville qu’il a toujours considérée comme étant sa terre natale. Documentariste reconnu évoluant dans le milieu cinématographique canadien depuis près de quarante ans, Walker a réalisé de nombreux longs-métrages tels que Strand : Under the Dark Cloth (1990), Leningradskaya : The Hand of Stalin (1992) et Utshimassits : Place of the Boss (1996). Il a d’ailleurs remporté plusieurs prix prestigieux pour la qualité de son oeuvre cinématographique, dont un Genie Award (1990), un Gemini Award (1992) et un Fipa d’or (2011), ce qui en fait l’un des grands artisans canadiens du 7e art. Intéressé par les questions de nature historique et culturelle, il n’est donc pas surprenant que Walker ait consacré sa dernière oeuvre documentaire à la question de la cohabitation entre francophones et anglophones au Québec, lui qui est l’un des derniers représentants de sa famille à avoir choisi de demeurer à Montréal. Le film de Walker est d’ailleurs complémentaire à une certaine historiographie qui a mis en lumière les racines du phénomène d’immigration massive ayant marqué l’histoire de la communauté anglo-québécoise dans la seconde moitié du XXe siècle. À l’aide de témoignages et d’entrevues avec des intervenants de différents milieux – peu d’experts sur le sujet, il faut le souligner – et par le biais de son expérience personnelle, Walker propose un regard différent de la Révolution tranquille et de ses suites. Le documentaire débute par une mise en contexte historique qui met en lumière les transformations qui marquent le Québec durant les années 1960 et 1970, notamment par le biais des politiques sociales du gouvernement libéral de Jean Lesage, mais aussi en lien avec l’activisme des mouvements militants en faveur de la reconnaissance du français comme langue officielle au Québec. Le cinéaste et écrivain Jacques Godbout affirme d’ailleurs que la question de la langue est à la source même de la Révolution tranquille et qu’elle structure les débats sur le devenir de la nation québécoise. Le cinéaste Denys Arcand appuie cette interprétation, …
Québec : my country, mon pays (2016)[Record]
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Jean-Philippe Carlos
Chercheur postdoctoral, Université York