Dossier : Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidaritéTémoignages : les amis du Chili

Une aide aux victimes de la répression

  • Ovide Bastien and
  • Wynanne Watts

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Cover of Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidarité, Volume 31, Number 1-2, Summer–Fall 2023, pp. 7-331, Bulletin d'histoire politique

Je suis né le 4 septembre 1942, de parents canadiens-français qui vivaient de revenus fort modestes sur une petite ferme dans la paroisse de Rivière-aux-Canards, située dans la pointe sud de l’Ontario, à environ 10 km de Windsor. L’importance du catholicisme dans notre vie quotidienne était telle que cinq d’entre nous, dans une famille de neuf enfants, ont fini par rejoindre la vie religieuse. J’ai moi-même passé huit ans chez les Oblats de Marie Immaculée, dont deux à Rome, à me préparer à devenir prêtre et missionnaire. J’ai abandonné cette « vocation » en décembre 1968, à peine quelques mois avant d’être ordonné. Quelques jours plus tard, soeur Françoise Séguin, directrice de l’école primaire du pensionnat autochtone de Fort Albany, en Ontario, me demandait d’enseigner aux élèves de 7e et 8e années, de janvier à juin 1969. C’est là où j’ai fait la connaissance de Wynanne, une anglophone originaire de Toronto qui avait été mandatée par le département des Affaires indiennes et du Nord canadien pour venir enseigner au pensionnat autochtone de Fort Albany. Cette circonstance nous a permis de nous connaître, de devenir amoureux et de nous marier six mois plus tard. Au moment où Allende a été élu, j’enseignais la philosophie au Cégep de Rouyn-Noranda. J’étais aussi coordonnateur du département de philosophie et directeur – un poste bénévole – du Service universitaire de coopération internationale du Canada – Canadian University Service Overseas (SUCO-CUSO) dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Cette ONG, qui était alors pancanadienne, s’occupait principalement d’envoyer des coopérants – professeurs et infirmières – dans les pays en voie de développement et de sensibiliser le public canadien et québécois aux questions Nord-Sud. C’est Michel Blondin, qui dirigeait alors l’aile francophone de l’éducation du public, qui m’a amené à contester l’esprit colonialiste que pouvait revêtir l’envoi de coopérants dans les pays en voie de développement. Envoyer là-bas professeurs et infirmières sans en même temps chercher à identifier et éliminer les racines du sous-développement, c’était, disait-il, comme appliquer un pansement sur une plaie en ignorant l’origine de la blessure. Si le système capitaliste et sa propagation par le colonialisme représentaient une cause fondamentale du sous-développement, ne fallait-il pas avoir le courage de le remettre en question ? Mon épouse Wynanne partageait mes inquiétudes. Elle avait fait un stage, durant l’été 1968, comme animatrice à Ahousaht, une réserve autochtone située sur l’île de Vancouver. Et durant la session d’automne suivante, elle avait participé à l’organisation d’une importante conférence à l’Université York réunissant, avec l’aide du département des Affaires indiennes et du Nord canadien, des représentants de plusieurs communautés autochtones du Canada. Nous rêvions de changer le monde, d’éliminer l’injustice, l’exploitation et l’inégalité. Pour nous, le Parti québécois incarnait ce rêve à bien des égards. Il proposait de lutter pour la reconnaissance du peuple québécois, pour la fin de l’exploitation capitaliste et impérialiste. Les nombreux discours de René Lévesque nous inspiraient. Comme tant d’autres en France, en Italie et ailleurs, nous suivions dans les nouvelles ce qui se passait au Chili. La révolution socialiste et pacifiste en cours sous l’Unité populaire que dirigeait Salvador Allende représentait une sorte de concrétisation de notre rêve d’un monde meilleur. C’est pourquoi, au printemps 1973, Wynanne et moi avons pris la décision d’aller poursuivre des études universitaires de deux ans au Chili. Nous voulions pouvoir examiner de près un processus qui nous paraissait porteur d’un grand espoir. Comme nous tenions mordicus à garder toute notre autonomie, nous n’avons pas essayé d’obtenir une bourse ou l’aide d’une institution pour financer notre séjour au Chili. Nous avons vendu notre auto, notre maison et nos appareils ménagers, …

Appendices