Chronique bibliographique

Véronique Fortin, Myriam Jézéquel et Nicholas Kasirer (dir.), Les sept péchés capitaux et le droit privé, Montréal, Éditions Thémis, 2007, 290 p., ISBN 978-2-89400-240-7.[Record]

  • Sylvette Guillemard

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  • Sylvette Guillemard
    Université Laval

Certains aiment faire des mélanges inattendus, des alliances surprenantes. Il suffit de penser au cuisinier qui moud du poivre sur les fraises, au peintre qui associe deux couleurs traditionnellement incompatibles, au musicien qui joue du Bach à l’accordéon ou encore à l’orfèvre qui insère du bois dans du métal précieux. D’autres excellent à aborder des sujets sous un angle inhabituel. Nicholas Kasirer est de ceux-ci et de ceux-là : il prend un plaisir évident à marier connaissance ou découverte du droit avec d’autres matières, en particulier la littérature, ou à chausser des lunettes originales pour lire notre discipline. Il n’y a qu’à se souvenir du recueil La solitude en droit privé, où son propre texte, portant sur le droit robinsonien, était fondé principalement sur le roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique. On peut évoquer aussi les textes qu’il a réunis dans Le faux en droit privé où, bien sûr, les fictions et autres artifices ont été à l’honneur. Ou bien l’ouvrage Le droit civil, avant tout un style ? où il avait invité des chercheurs à se pencher sur les qualités littéraires et esthétiques de ce droit. Cette fois-ci, avec Myriam Jézéquel et Véronique Fortin, Nicholas Kasirer réunit en un ouvrage les études présentées lors des ateliers du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec de l’Université McGill, tenus en 2003-2004. À cette occasion, huit chercheurs se sont penchés sur le fait que « le péché joue un rôle certain dans la vie du droit, y compris dans divers champs du droit privé » (p. 3). Ces textes sont augmentés d’une introduction de Nicholas Kasirer et d’une synthèse de Myriam Jézéquel dont le titre peut semer un peu l’effroi pour quiconque n’en prend pas les termes au strict sens premier ! Un avertissement : que le lecteur facétieux ne cherche pas à faire un lien entre le péché et l’auteur de chaque texte. Les péchés ont été choisis par chacun, semble-t-il, uniquement en fonction de leur intérêt intellectuel, scientifique ou métaphorique. Sur le plan formel, cette publication est là aussi originale puisqu’il est rare qu’un ouvrage de droit ou même sur le droit comporte des illustrations juste pour le plaisir, pourrait-on dire. Page de couverture comprise, dix reproductions suggèrent, chacune à leur façon, les transgressions de la loi divine. Précisons que l’ordre dans lequel les textes sont présentés n’a rien de thomiste et que trois d’entre eux sont rédigés en anglais. La grande pécheresse du droit privé, c’est la société par actions. Deux textes lui sont consacrés. À vrai dire, dans un cas, elle est bel et bien pécheresse elle-même, alors que, dans le second, on pourrait la considérer comme complice puisqu’elle favorise un péché. Dans le premier de ces deux textes, Jean-Guy Belley prévient d’emblée le lecteur : « Dans ce texte, je soutiendrai […] que l’héritage culturel judéo-chrétien reste un fondement primordial du capitalisme contemporain » (p. 63). Il illustre son propos avec deux passages bibliques dont la symbolique est éloquente à cet égard, la fable du veau d’or et l’épisode des vendeurs du Temple. Se penchant ensuite sur l’orgueil, l’auteur précise d’abord qu’il ne fera pas une étude très approfondie de ce péché, qu’il estime non nécessaire en l’occurrence, et ensuite que l’orgueil qui l’intéresse n’est pas celui de l’individu mais plutôt celui qui est « un fait social de type institutionnel » (p. 68). Pour Jean-Guy Belley, l’orgueil est un « péché grave, de nature spirituelle, car il affecte l’âme et non le corps » (p. 69). Venant au capitalisme corporatif, dont « [l]e moteur …

Appendices