Abstracts
Résumé
Les auteurs proposent une réflexion prospective sur le rôle que pourra être appelé à jouer la personnalité des lois dans la nouvelle gouvernance crie qui verra le jour au terme des négociations menées en application de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee conclue le 10 juillet 2007. Après avoir examiné les institutions qui gouvernent actuellement le territoire traditionnel cri au Québec (Eeyou Istchee) conformément au régime mis en place par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les auteurs concluent que la gouvernance crie actuelle demeure largement fondée sur la territorialité des lois malgré certaines manifestations limitées de lois personnelles. Ils examinent ensuite les différents facteurs susceptibles de déterminer la place respective de la territorialité et de la personnalité dans la future gouvernance crie. Compte tenu de ces déterminants, les auteurs avancent que, même si d’importants pouvoirs cris devraient être territoriaux, le recours à la personnalité des lois pourra être une caractéristique significative et innovatrice du fonctionnement des nouvelles institutions en raison des facteurs suivants : 1) la configuration démographique d’Eeyou Istchee ; 2) le caractère ethnoculturel de la collectivité politique crie ; 3) le fait que plusieurs des nouvelles compétences susceptibles d’être dévolues au gouvernement cri seront adaptées à une gouvernance non territoriale ; et 4) le role possible de la coutume crie dans l’ordre juridique de la nouvelle entité autonome.
Abstract
This paper offers a prospective analysis of the part that may be played by the personality of laws within the framework of new Cree governance that will come into force once the Agreement Concerning a New Relationship between the Government of Canada and the Cree of Eeyou Istchee — concluded on July 10, 2007 — has been implemented. Based on their examination of institutions currently governing traditional Cree territory (Eeyou Istchee) in Québec under provisions of the James Bay and Northern Quebec Agreement, the authors first conclude that present Cree governance rests largely upon the territoriality of laws despite limited references to personal laws. They then address various factors likely to determine the respective role of territorial and personal laws in future Cree governance. They conclude that while certain important Cree powers must be territorial, recourse to personal laws could become a significant and innovative characteristic of implementing the new Cree governance because of the following factors : 1) the demographic make-up of Eeyou Istchee ; 2) the ethno-cultural characteristics of the Cree polity ; 3) the fact that many new powers likely to be exercised by the Cree will be uniquely suited to non-territorial governance ; and 4) the possible role of Cree customary law within the legal order of the new autonomous entity.
Article body
Dans la tradition occidentale, dite de Westphalie[1], le territoire étatique ancre physiquement, détermine et délimite aussi bien le politique que le juridique. La construction cartographique de l’espace donne son soutien au pouvoir plénier et exclusif de l’État sur les personnes et les choses qui s’y trouvent. Ce territoire congédie les autres substrats — lignagers, culturels ou religieux — de l’autorité et de la normativité ; il est la clé du monojuridisme étatique moderne. Le principe de la territorialité s’est graduellement implanté en Europe au détriment du principe de la personnalité — essentiellement pluraliste — qui permet à chaque groupe ethnoculturel ou religieux d’observer ses propres lois et donc de configurer l’ordre juridique à partir du critère du statut personnel des individus plutôt que de leur rattachement territorial[2].
La transplantation en Amérique du Nord de la territorialité européenne a nécessairement emprunté un parcours semblable à celui de l’imposition progressive du modèle étatique de gouvernement. Cependant, la persistance des peuples autochtones dans le périmètre physique et juridique de l’État et la mise à l’ordre du jour actuel de leur autonomie politique posent le problème de la place du territoire westphalien dans la gouvernance de ces peuples. Une territorialité porteuse de monisme national et juridique ne convient plus. L’autonomie gouvernementale autochtone passe plutôt par le pluralisme national et juridique. Surgit alors l’hypothèse d’un pluralisme déterritorialisé, donc d’une mobilisation du principe de la personnalité dans le constitutionnalisme moderne, idée qu’un spécialiste de la question a qualifiée de « vieille idée neuve » puisqu’elle reste d’une actualité brûlante bien qu’elle ait été développée dans l’Europe centrale du xixe siècle alors que le modèle westphalien éprouvait déjà ses limites[3].
En outre, la montée irrésistible du discours de l’autodétermination et de l’autonomie gouvernementale autochtones a suscité chez les juristes l’éclosion d’un mouvement de réflexion et de recherche sur les conditions de la reconnaissance des traditions juridiques autochtones[4]. Or là encore se pose la question centrale du pluralisme personnel ou territorial[5]. Plus précisément, il s’agit de déterminer si les cultures juridiques autochtones ont vocation à être territoriales ou personnelles en cherchant notamment à savoir qui participe à l’expression d’une culture et d’un ordre juridique « autochtones ».
Alors qu’ils sont au seuil d’un processus devant déboucher sur la consécration d’une autonomie politique élargie, les Cris du Québec ne peuvent éluder ces questions qui définissent un enjeu majeur de la géopolitique du Nord québécois, soit les modalités juridiques de la cohabitation des Cris et des non-Cris sur un vaste territoire regorgeant de ressources d’une grande importance stratégique tant pour ses occupants séculaires que pour l’ensemble de la population du Québec.
Rappelons que, dans la foulée de la très médiatisée « Paix des braves » conclue avec le Québec[6], le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le gouvernement du Canada signaient, le 16 juillet 2007, l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee[7] réglant les conflits découlant de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ)[8] et posant les bases d’une relation plus égalitaire. En vertu de cette nouvelle entente, les Cris reçoivent des compensations importantes, soit 1,4 milliard de dollars, et les parties s’engagent dans un processus en vue de la rénovation de la gouvernance de la nation crie.
Ainsi, l’Entente prévoit d’abord quelques modifications transitoires à la législation actuelle[9]. Elle met ensuite en place un processus de négociations, auquel participera le Québec[10], devant mener à une « entente sur la gouvernance » ainsi qu’à une « loi sur la gouvernance » portant création d’un nouveau « gouvernement de la nation crie », lequel disposera de pouvoirs plus considérables que ceux qui ont été dévolus aux institutions mises en place par la CBJNQ[11]. Les parties conviendront d’une liste de pouvoirs législatifs et de programmes susceptibles de faire l’objet de dispositions dans l’éventuelle entente sur la gouvernance de la nation crie[12]. Un projet de constitution crie sera préalablement élaboré pour qu’il puisse entrer en vigueur au même moment que l’Entente elle-même[13]. Outre le nouveau partage des compétences, la question centrale du statut juridique de l’Entente devra faire l’objet d’un accord[14]. C’est-à-dire que les Cris et les gouvernements devront décider si l’Entente recevra ou non une protection constitutionnelle en tant que traité au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[15].
Aux fins des négociations, le Canada sera guidé par les lois, les politiques et les directives déjà adoptées en matière d’autonomie autochtone[16]. Plus particulièrement, il appliquera le Guide de la politique fédérale[17] qui prédétermine, par exemple, les compétences législatives pouvant faire l’objet des négociations. Essentiellement, le Canada estime que seules sont visées « les questions faisant partie intégrante de [l]a culture autochtone distincte et […] tous les éléments essentiels pour […] fonctionner en tant que gouvernement ou institution[18] ». Sont par ailleurs exclues des négociations la plupart des compétences exclusivement réservées au Parlement fédéral, notamment les « pouvoirs liés à la souveraineté du Canada, à la défense et aux affaires étrangères [et les] autres pouvoirs d’intérêt national[19] », ce qui comprend, entre autres, l’immigration, la navigation ainsi que les politiques sociales et économiques interprovinciales, nationales ou pancanadiennes.
Nous proposons ici une réflexion prospective sur les modèles de gouvernance dont pourrait bénéficier le peuple cri. Plus particulièrement, nous voulons jauger la pertinence de retenir un régime fondé en partie sur le principe de la personnalité des lois qui rattache l’exercice de l’autorité publique aux personnes plutôt qu’au territoire. Alors qu’une compétence territoriale permettra d’appliquer un droit uniforme à tous les habitants du territoire, mais uniquement à ceux-ci, une compétence personnelle pour les Cris du Québec signifiera que le droit cri vaudra pour les Cris, sans égard à leur rattachement territorial, alors que les non-Cris seront soumis au droit étatique québécois et canadien[20].
Après avoir fait ressortir la prépondérance de la territorialité dans le cadre juridique actuel de la gouvernance crie, nous tenterons de répondre à la question de savoir si, dans la perspective d’une mise en oeuvre du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, la situation particulière des Cris se prête à l’application du principe de la personnalité des compétences et des lois. Notre objectif n’est pas d’évaluer une demande ou une proposition spécifique des Cris ou des gouvernements, mais d’offrir une réflexion générale et prospective, et donc forcément spéculative, sur les variables susceptibles de déterminer le rôle du principe de la personnalité dans la construction de la nouvelle gouvernance crie au Québec.
1 La Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la gouvernance d’Eeyou Istchee : une logique territoriale prépondérante
À la suite de l’entrée en vigueur de la CBJNQ et de ses lois de mise en oeuvre[21], de nouvelles institutions sont nées sur le territoire traditionnel des Cris[22], nommé Eeyou Istchee[23]. Ce territoire est presque entièrement situé entre les 49e et 55e parallèles[24] et englobe de façon plus spécifique l’ensemble du bassin hydrographique de l’est de la baie James[25]. Les chapitres 9 à 11 de la CBJNQ prévoient la mise sur pied des administrations locales cries (ALC), de l’Administration régionale crie (ARC) et du Conseil régional de zone de la Baie-James. De plus, d’autres institutions sont constituées pour décentraliser les programmes en matière d’éducation, de santé et de services sociaux en vertu des lois québécoises et canadiennes[26].
Qualifiées à juste titre de « bandes “améliorées”[27] », les ALC prévues par la CBJNQ ne marquent aucune rupture nette avec l’héritage de la Loi sur les Indiens[28], notamment en ce qui concerne la question de la territorialité.
1.1 Une territorialité héritée de la Loi sur les Indiens
Le chapitre 9 de la CBJNQ recommande au Parlement de voter une loi spéciale ayant pour objet de créer une administration locale pour les Cris, d’incorporer les bandes existantes et d’établir des conseils de bande[29]. C’est dans ce contexte que le Parlement fédéral a adopté, en vertu de sa compétence sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens[30], la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec[31] créant de nouvelles bandes (ALC). En un mot, les bandes cries qui étaient régies par la Loi sur les Indiens sont constituées, dès la mise en vigueur de cette loi, en personnes morales et la Loi sur les Indiens cesse d’avoir effet à leur égard, sauf au regard de la détermination du statut d’indien[32].
Les versions successives de la Loi sur les Indiens avaient pour objet la territorialisation des fonctions administratives et normatives semi-décentralisées reconnues par le droit étatique relativement aux affaires locales des « bandes indiennes » et elles y ont largement contribué. Cette logique est reconduite par la CBJNQ, alors que les compétences des ALC ont essentiellement une portée territoriale, c’est-à-dire que leurs règlements sont opposables à toutes les personnes situées sur le territoire où ces institutions sont compétentes, mais seulement à ces personnes. Les droits politiques se rapportant à la sélection des dirigeants des institutions sont en revanche ethnoculturels, car ils sont exclusivement rattachés au statut cri[33]. Là encore, la Loi sur les Indiens a servi de modèle.
Le régime foncier applicable sur le territoire de la Baie-James est complexe. La CBJNQ prévoit un régime de terres sur lesquelles les Cris et le gouvernement du Québec ont des droits de propriété et d’exploitation partagés. De façon générale et succincte, les terres sont divisées en trois catégories[34]. Les terres de catégorie I — qui comprennent les sous-catégories IA, IB et IB spéciales — ont été mises de côté à l’usage exclusif des bandes cries[35]. Les terres de catégorie IA font partie du domaine public québécois, mais leur administration demeure sous la responsabilité de la législature fédérale en vertu de l’article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867[36]. Les terres de catégorie IB sont détenues en pleine propriété par des corporations foncières cries, mais leur administration relève de la législature provinciale[37]. Sur les terres de catégorie II, qui font partie du domaine foncier provincial, les Cris sont titulaires de droits exclusifs de chasse, de pêche et de piégeage[38]. Enfin, les terres de catégorie III font aussi partie du domaine public. Autochtones et allochtones peuvent y pêcher et y chasser conformément aux lois québécoises, sous réserve de certaines espèces dont le prélèvement est réservé aux Autochtones[39].
Les pouvoirs des ALC constituées par la loi fédérale se déploient sur les terres de catégorie IA[40]. La mise sur pied d’ALC a pour objet d’assurer l’application de la réglementation relative aux terres visées et à leurs ressources (surface et sous-sol) et à gérer l’usage des bâtiments et autres éléments d’actifs qui se trouvent sur ces terres. Les ALC ont également une mission à caractère socioéconomique puisqu’elles doivent promouvoir le bien-être général des membres, le développement communautaire et les oeuvres de bienfaisance au sein de la communauté. Elles ont aussi pour mission d’assurer les services et de gérer les programmes destinés aux personnes résidant sur les terres dont elles ont la responsabilité. Mais plus encore, les ALC ont la responsabilité de préserver et de promouvoir la culture, les valeurs et les traditions cries. Enfin, ces administrations remplacent, selon les termes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les anciens conseils de bande dont l’existence prend fin avec l’adoption de cette loi[41].
Pour remplir leur mission, les ALC ont principalement les pouvoirs énumérés à l’article 45 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec[42]. Essentiellement, cette disposition prévoit que « la bande peut, à des fins de bonne administration locale et en vue d’assurer le bien-être général de ses membres, prendre des règlements administratifs concernant les terres de catégorie IA […] qui lui ont été attribuées et les habitants de ces terres ». Les domaines de compétence ne sont pas exhaustifs et comprennent la réglementation des bâtiments (ex. : construction, entretien, réparation et démolition), la réglementation en matière de santé et d’hygiène, d’ordre et de sécurité publique, d’environnement, de ressources naturelles, de pollution et de nuisances, mais aussi la prestation de services locaux (ex. : égouts, routes, énergie). Les ALC ont aussi le pouvoir d’adopter des règlements dans le domaine de la voirie, des transports et des parcs et loisirs[43].
Il convient d’ajouter que quelques pouvoirs à caractère économique ont été prévus dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ainsi, outre le pouvoir de régir les terres et leurs ressources, ce sont également les ALC qui réglementent l’exercice des activités commerciales et professionnelles et l’exploitation des entreprises sur les terres dont elles ont la responsabilité. Pour ce faire, elles peuvent imposer des droits d’usage pour la prestation des services locaux. Enfin, elles ont le pouvoir d’imposer les intérêts fonciers sur les terres de catégorie IA ainsi que les occupants et les locataires des terres. Le recours à l’impôt sur le revenu leur est toutefois interdit, de même que l’imposition des actifs des gouvernements canadien et québécois[44].
Les autorités cries peuvent emprunter, mais les emprunts à long terme doivent être approuvés par référendum. Les Cris bénéficient aussi de pouvoirs de taxation et de perception pour des objectifs locaux, quoique aucun prélèvement d’impôt sur le revenu ne soit possible. Parallèlement, des exemptions fiscales analogues à celles qui sont prévues dans la Loi sur les Indiens sont prévues[45]. Il est toutefois largement admis que les mesures de financement des institutions cries sont inappropriées, ce qui hypothéquerait la qualité des services offerts[46].
Pour leur part, les « villages cris » créés par le Parlement du Québec en application du chapitre 10 de la CBJNQ sont compétents sur les terres de catégorie IB. Ils présentent à quelques différences près les mêmes caractéristiques que les ALC créées par la loi fédérale pour les terres de catégorie IA, notamment en ce qui concerne la territorialité des pouvoirs normatifs et le caractère ethnoculturel des droits politiques[47].
1.2 Une gouvernance personnelle limitée
À côté des institutions dotées par la loi de compétences normatives territoriales, il existe d’autres institutions ethnoculturelles cries qui manifestent peut-être ce qui se rapproche le plus d’une forme limitée de gouvernance personnelle. Ainsi, l’ARC[48] a notamment pour mission de donner le consentement des Cris dans les instances mises en place par la CBJNQ et d’assister les communautés pour la mise sur pied de programmes sociaux, culturels et éducatifs pour les Cris. L’ARC a aussi pour mandat de fournir une assistance technique et professionnelle aux Cris et de les soutenir dans la défense de leurs droits[49]. Dans la mesure où ces programmes ne sont offerts qu’aux membres des communautés, il est possible de conclure qu’il y a là une application du principe de la personnalité.
Il en va de même d’autres organismes créés par la CBJNQ dans le but de fournir des services aux Cris. C’est le cas, par exemple, de l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris dont la mission est d’encourager et de préserver le mode de vie traditionnel cri en fournissant aux chasseurs et aux trappeurs cris un revenu garanti et d’autres avantages sociaux[50]. Le principe de la personnalité est aussi appliqué, de façon limitée, par la Commission scolaire Crie. En effet, celle-ci permet aux Cris de contrôler l’éducation (primaire, secondaire et éducation des adultes) de l’ensemble des personnes sur les terres de catégorie I et applique, par conséquent, dans ces régions, le principe de la territorialité[51]. En revanche, la Commission scolaire Crie a seulement compétence à l’égard des Cris pour tout programme ou toute activité concernant les terres de catégorie II[52]. La Commission scolaire Crie dispense également des services et offre un soutien financier aux Cris qui fréquentent des établissements postsecondaires dans des centres urbains[53] où elle a d’ailleurs ouvert des bureaux administratifs[54].
Ces manifestations du principe de la personnalité sont cependant d’autant plus modestes qu’elles ne concernent généralement pas des pouvoirs réglementaires.
2 Les déterminants de la territorialité et de la personnalité dans la future gouvernance crie
Les variables favorisant le rejet d’un modèle purement territorial de gouvernance autochtone ont pour la plupart été mises en évidence dans une étude précédente[55]. Nous voulons donc ici préciser la portée concrète de certaines de ces variables dans le cas des Cris.
2.1 Eeyou Istchee à l’heure du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale : la territorialité en question
Au début des années 90, un représentant cri déplorait, non sans raison, le fait que la reconnaissance des peuples autochtones par la Constitution canadienne[56] et par une résolution de l’Assemblée nationale du Québec[57] n’avait alors engendré aucun progrès tangible sur le front de l’autonomie politique réelle et que cette reconnaissance n’avait que produit la « municipalisation des réserves » et permis une « prise en charge de services dans le cadre des lois existantes »[58]. Il reste que la création des institutions gouvernementales issues de la CBJNQ a marqué, en son temps, un moment significatif dans la transformation de la gouvernance d’Eeyou Istchee. De manière générale, nous observons que les organes nés de la CBJNQ possèdent des compétences matérielles plus amples que celles qui sont dévolues au conseil de bande visé par la Loi sur les Indiens et que les pouvoirs des communautés cries excèdent ceux des municipalités du Québec[59]. Le pouvoir réglementaire cri n’est pas assujetti à un pouvoir général de désaveu par l’État comme l’est celui du conseil de bande régi par la Loi sur les Indiens bien qu’un contrôle ministériel existe dans certains domaines[60].
En outre, l’existence des institutions gouvernementales cries, parce qu’elle est prévue par la CBJNQ, bénéficie de la protection constitutionnelle conférée aux droits issus de traités par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[61], ce qui distingue ces institutions des municipalités québécoises. Cette protection limite la capacité des autorités étatiques de modifier unilatéralement les attributs essentiels des institutions cries[62]. De plus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit qu’en cas de conflit entre une loi provinciale d’application générale et un règlement adopté en vertu de son régime, ce dernier sera prépondérant et la loi provinciale inapplicable[63]. Alors que les autres peuples autochtones continuaient de vivre sous le régime de la Loi sur les Indiens, il était donc possible, à bon droit, de conclure, au début des années 90, que « no other form of Aboriginal government in Canada can claim such a broad scope of authority[64] ».
Depuis ce temps, le gouvernement du Canada a adopté sa politique de reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale aux fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 aux termes de laquelle des ententes ont d’ailleurs été conclues avec d’autres premières nations ou avec des Inuits[65]. Certaines de ces ententes, notamment celles qui ont été signées avec les Nisga’a, les Tlichos et les Inuits du Labrador, mettent en place de véritables gouvernements autonomes dans le contexte de constitutions autochtones[66]. Ces gouvernements ont des compétences législatives élargies — qui primeront parfois les lois provinciales et fédérales — et protégées constitutionnellement.
L’un des objectifs de l’accord intervenu récemment entre le gouvernement fédéral et les Cris est donc d’accroître l’autonomie de ces derniers, particulièrement en ce qui concerne l’administration de la justice et le développement socioéconomique. Certaines responsabilités doivent d’ailleurs être assumées par l’ARC dès la ratification de l’Entente de juillet 2007. À compter de cette ratification, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devra être modifiée pour reconnaître à l’ARC des compétences analogues à celles des gouvernements locaux ainsi que le pouvoir d’adopter des normes régionales dans ses champs de compétence[67]. Ce réaménagement des compétences aura vraisemblablement aussi pour effet d’accroître l’autorité centrale crie potentiellement au détriment des ALC suivant les relations qui seront établies entre les deux paliers gouvernementaux[68].
La deuxième phase de négociation a pour objet de moderniser le régime de gouvernance actuel, ce qui aura notamment pour objectif l’adoption d’une constitution propre aux Cris et la simplification des structures existantes de façon, notamment, à accroître la transparence et l’accessibilité[69]. Une des premières tâches des représentants cris consistera à cibler les responsabilités que la nation cherche à assumer dans le contexte des lois et des politiques fédérales[70].
Or, à plus d’un égard, le cadre normatif du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale qui imprégnera la démarche des parties à la négociation induit une mise en question de la territorialité. En effet, ce droit ancestral appartient à un peuple en tant que peuple autochtone. Or le principe de l’« autochtonité » ne favorise pas une définition territoriale du demos — c’est-à-dire de la communauté politique titulaire de l’autonomie — puisque, d’une part, seules les personnes appartenant au peuple autochtone peuvent a priori bénéficier des pouvoirs autonomes et que, d’autre part, toutes les personnes ayant le statut de membre de ce peuple pourront en principe être visées indépendamment de leur localisation. De plus, la substance même du droit est définie d’une façon qui renvoie à une logique ethnoculturelle plutôt que purement territoriale. La politique fédérale décrit en effet le droit inhérent comme la capacité des Autochtones « de prendre eux-mêmes les décisions touchant les affaires internes de leurs collectivités, les aspects qui font partie intégrante de leurs cultures, de leur identité, de leurs traditions, de leurs langues et de leurs institutions et, enfin, les rapports spéciaux qu’ils entretiennent avec leur terre et leurs ressources[71] ».
La gamme des matières législatives susceptibles de négociation ira donc bien au-delà des attributions des conseils de bande régis par la Loi sur les Indiens et des pouvoirs dévolus aux institutions mises en place par la CBJNQ à Eeyou Istchee[72]. En vertu du Guide de la politique fédérale, la liste des pouvoirs admissibles aux fins d’une entente relative au droit inhérent inclut notamment les questions suivantes : le mariage, l’adoption, l’aide sociale, l’aide à l’enfance, les langues, les cultures et les religions autochtones, l’éducation, la santé, les services sociaux, les successions, les activités de prélèvement de ressources naturelles et le logement[73]. Comme nous l’expliquerons plus loin, ces matières sont particulièrement bien adaptées au principe de la personnalité. Certaines de ces questions ayant été régies traditionnellement par le droit coutumier cri, le rôle de ce droit, y compris son application territoriale ou personnelle, deviendra forcément un enjeu.
Il convient donc maintenant d’étudier plus en profondeur le poids effectif que pourraient avoir ces éléments dans la détermination du rôle de la personnalité des lois dans la future gouvernance crie au Québec.
2.2 Le caractère « personnalisable » ou non des matières législatives
Un critère décisif de la personnalité des lois sera le caractère « personnalisable » ou non d’une matière législative. La gouvernance de certaines sphères de la vie en société ne peut tout simplement pas être personnalisée, ou ne peut l’être que très difficilement, soit en raison de l’incohérence du système qui peut en découler, soit parce que les politiques législatives ne peuvent être réalisées pleinement en l’absence d’un contrôle des actions de l’ensemble des individus et usagers de l’espace public. Les exemples de la circulation routière et du contrôle de l’usage des sols et de la qualité de l’air permettent de comprendre l’impossibilité matérielle, ou la très grande difficulté fonctionnelle, de recourir au principe de la personnalité pour départager les compétences normatives ou pour fixer le domaine d’application de certains types de normes[74]. De façon générale, le principe de la personnalité ne convient pas lorsqu’il est question d’organiser juridiquement le partage ou la préservation d’un espace physique commun.
Un nombre important de matières sont toutefois « personnalisables ». Il en va ainsi, au premier chef, des lois qui concernent l’état juridique d’une personne : mariage, divorce, filiation, successions, etc.[75]. De même, la santé, la culture, la langue, les affaires sociales, la famille, le logement, la protection de la jeunesse et le droit pénal sont autant de domaines susceptibles de gouvernance déterritorialisée. Or, la plupart de ces questions figurent parmi celles dont il est admis par les autorités fédérales qu’elles pourront faire l’objet d’une compétence autochtone au terme des négociations de mise en oeuvre du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.
D’autres matières, du fait qu’elles mettent en rapport des biens et des personnes, peuvent être personnalisées sous réserve de certains aménagements juridiques[76]. Les activités de prélèvement des ressources de la terre sont ainsi « personnalisables » et l’ont d’ailleurs été notamment dans l’Accord définitif tlicho[77] aux termes duquel la Première Nation tlicho a compétence pour légiférer en matière de pêcheries seulement à l’égard des citoyens tlichos. Cette tendance à personnaliser les régimes juridiques relatifs aux activités de prélèvement des Autochtones est confirmée par la jurisprudence canadienne se rapportant aux droits ancestraux[78]. Il est dès lors envisageable d’appliquer des lois personnelles aux activités d’exploitation des ressources de la terre en reconnaissant au gouvernement cri la compétence de régir l’exercice par les Cris des droits spéciaux de prélèvement (chasse, pêche, trappe) qui leur sont reconnus aux termes de la CBJNQ à l’intérieur et à l’extérieur des terres de catégorie I[79].
2.3 Le caractère « territorialisable » ou non de l’autorité gouvernementale
Pour une nation sans territoire reconnu, la question du caractère « personnalisable » ou non des matières législatives est tout à fait cruciale puisqu’elle détermine alors la seule substance possible de son autonomie politique. Autrement dit, la gouvernance ne pourra être territoriale que si la collectivité titulaire de l’autonomie politique occupe un espace géographique identifiable et reconnu de sorte que seule une nation territoriale pourra en pratique envisager une combinaison de compétences territoriales et personnelles[80]. Ainsi, l’ancrage territorial constitue un autre déterminant fondamental.
L’ancrage territorial s’entend d’abord dans un sens physique. Les peuples dispersés ou nomades au point de n’être fixés de manière stable sur aucun espace susceptible de délimitation sont les candidats privilégiés à l’autonomie personnelle plutôt que territoriale. Pour leur part, les Cris, dont le nombre varie de 15 000 à 16 000 individus[81], sont très bien implantés dans un territoire identifiable qui correspond largement aux terres traditionnelles du peuple cri. Une grande majorité d’entre eux vivent dans neuf communautés villageoises situées sur le territoire qui englobe tout le bassin hydrographique de l’est de la baie James. Ils utilisent l’ensemble du territoire, notamment pour l’exercice de leurs activités traditionnelles sur leurs terrains de trappage, contrairement aux allochtones qui vivent plutôt dans les municipalités situées dans la partie méridionale du territoire de la Baie-James[82].
Le poids démographique des Cris varie selon le référent territorial qui est utilisé. À l’intérieur du territoire traditionnel cri délimité par les lignes de trappes, qui comprend aujourd’hui une importante population non crie, les Cris comptent pour environ 60 p. 100 de la population[83]. La situation change cependant en fonction des découpages étatiques du territoire effectués plus tard, dont certains ont été préalablement négociés lors de la conclusion de la CBJNQ. Ainsi, lorsque toute la région de la municipalité de la Baie-James est considérée, les Cris sont minoritaires puisqu’ils ne sont plus que 40 p. 100 de la population[84]. Enfin, si nous tenons compte de l’ensemble du territoire visé par la CBJNQ où les Cris détiennent des droits aux termes de celle-ci, les non-Cris deviennent très fortement majoritaires[85].
Par ailleurs, selon les données recueillies par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, environ 1 520 Cris déclarent vivre à l’extérieur du territoire de leur communauté[86]. Approximativement 15 p. 100 de ces personnes vivent dans les municipalités du territoire de la Baie-James, tandis qu’environ 85 p. 100 de celles-ci vivent plutôt dans les municipalités situées à l’extérieur du territoire de la CBJNQ[87].
La territorialité physique est donc une caractéristique forte du peuple cri. Pour fonder l’autonomie territoriale, l’occupation de l’espace devra aussi se traduire par une territorialité juridique. Cette dernière fera défaut chaque fois qu’il y aura présence d’une nation sans base territoriale consacrée par l’ordre juridique effectivement applicable à cette nation. Ce cas de figure est plus répandu qu’il n’y paraît dans l’univers autochtone en raison de la méconnaissance historique des revendications territoriales[88] et des démembrements juridiques des assises territoriales communautaires.
La territorialité juridique n’est guère problématique dans le cas des Cris. Le droit traditionnel cri reconnaît de longue date les droits et les titres territoriaux originaires des Cris. Aux termes de la CBJNQ, un ordre juridique convenu avec l’État est advenu de manière à fixer dans le droit étatique une cartographie territoriale crie officielle dont les contours sont du reste constitutionnellement assurés en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[89]. Les terres de catégorie I sont détenues par les Cris dont elles constituent par ailleurs le patrimoine foncier exclusif et l’assise politico-administrative principale dans l’état actuel des choses.
Il existe, par conséquent, une base territoriale minimale de départ suffisante pour écarter l’hypothèse d’une gouvernance crie purement personnelle préalable à tout découpage territorial juridiquement exécutoire. Seule communauté crie privée de territoire juridiquement reconnu par l’État, la communauté d’Oujé-Bougoumou verra, aux termes de l’Entente de 2007, sa situation « régularisée » et donc sa territorialité juridique consacrée par le droit officiel[90].
2.4 La question « démotique »
L’ancrage territorial n’est cependant qu’une condition préalable qui n’épuise pas le débat autour de l’autonomie déterritorialisée. Cet ancrage ne suffit pas à lui seul pour justifier un gouvernement dont les lois s’imposeront à toutes les personnes présentes à l’intérieur de ses limites territoriales. En fait, la territorialité physique et juridique débouche sur la question du demos, qui est celle de savoir s’il peut y avoir une gouvernance territoriale sans une citoyenneté qui soit largement « territoriale », ou civique, c’est-à-dire porteuse de droits démocratiques en faveur de tout citoyen canadien — Cri et non-Cri — capable de justifier d’un rattachement significatif au territoire[91]. Il faut ici distinguer la question « démotique », dont l’enjeu est la construction juridique du « peuple » en tant qu’assise humaine du corps politique[92], de celle du statut cri donnant accès aux droits économiques et culturels découlant de la CBJNQ[93]. La question posée est donc de savoir si la loi peut être territorialisée lorsque le corps politique est purement ethnoculturel.
Si la territorialité physique et juridique d’un groupe ethnoculturel pouvait à elle seule justifier la territorialisation des lois, alors une entité politique ethnoculturelle crie pourrait théoriquement légiférer et gouverner, dans ses champs de compétence, pour l’ensemble des habitants du territoire de la Baie-James sans qu’il soit pertinent de se demander si les Cris y sont ou non majoritaires. Dans un tel cas, les lois territoriales votées par les autorités cries s’imposeraient aux non-Cris majoritaires, mais ces derniers seraient — en tant que non-citoyens — privés du droit de suffrage leur permettant de participer à la sélection démocratique des législateurs et ne pourraient pas être élus. Pareil régime ne serait pas nécessairement inconstitutionnel[94]. Il se heurterait, en revanche, à des écueils politiques et pratiques peut-être insurmontables dans le cas à l’étude. La question de sa légitimité démocratique se poserait, sans doute de manière décisive, ce qui explique pourquoi la territorialité des lois d’un gouvernement ethnoculturel cri pour l’ensemble du territoire de la Baie-James ne cadrerait pas avec la politique fédérale sur l’autonomie gouvernementale.
Il vaut la peine de noter à cet égard qu’aux États-Unis le rejet par la Cour suprême d’une conception territoriale de la « souveraineté » autochtone a été justifié par l’exclusion des non-membres de la communauté politique. Dans sa plus récente décision sur cette question, la plus haute juridiction américaine a réaffirmé que l’autonomie ancestrale autochtone est en principe personnelle, ce qui signifie que « [the] tribes do not, as a general matter, possess authority over non-Indians who come within their borders[95] ». Les situations où la tribu pourra exercer une compétence territoriale dans les limites des terres communautaires sont exceptionnelles puisque ce type de compétence est, à l’égard des non-membres, « presumptively invalid[96] ».
Cette personnalité des lois s’applique en droit américain dans un contexte de grande mixité ethnoculturelle au sein des terres tribales. Principalement en raison des politiques fédérales de démembrement des tenures communales autochtones ayant sévi jusqu’en 1934[97], il y a une forte présence de non-membres — autochtones et non autochtones — dont les propriétés privées se trouvent enclavées dans les limites de terres tribales. Par exemple, un auteur souligne que, selon les données diffusées au cours des années 90, les non-Autochtones représentaient alors, en moyenne, presque la moitié de la population des réserves et que, dans neuf des dix réserves les plus populeuses, les non-membres étaient très fortement majoritaires[98]. Or seuls les membres d’une tribu ont le droit de vote, peuvent occuper des fonctions électives tribales ou être jurés d’un tribunal tribal et presque toutes les communautés font de l’ascendance indienne une condition d’accès à la citoyenneté tribale[99].
C’est en prenant en considération ces réalités démographiques et juridiques que la Cour suprême des États-Unis a progressivement mis en place un régime de self-government selon lequel « the paradigm for judging tribal sovereignty should be membership, not territory[100] ». Pour expliquer cette approche, la haute juridiction américaine invoque le fait que la souveraineté tribale échappe aux contraintes constitutionnelles opposables aux autres ordres de gouvernement, dont la garantie des droits démocratiques inhérents à la citoyenneté américaine. Dans l’affaire Plains Commerce Bank, la majorité de la Cour suprême des États-Unis souligne ceci :
[N]onmembers have no part in tribal government — they have no say in the laws and regulations that govern tribal territory. Consequently, those laws and regulations may be fairly imposed on nonmembers only if the nonmember has consented, either expressly or by his actions. Even then, the regulation must stem from the tribe’s inherent sovereign authority to set conditions on entry, preserve tribal self-government, or control internal relations[101].
Nous pouvons ainsi avancer que, dans une démocratie constitutionnelle, le choix d’un demos purement ethnoculturel constitue un facteur qui favorisera puissamment le recours au principe de la personnalité des lois lorsque ces dernières régissent des questions par ailleurs « personnalisables ». Or c’est précisément le choix qui transpire de l’Entente conclue entre les Cris du Québec et le Canada en juillet 2007. Son objet est la mise en place d’une nouvelle gouvernance de la « nation crie » définie comme la « collectivité des Cris », c’est-à-dire des « personnes admissibles » au sens de la CBJNQ[102]. L’entité gouvernementale qui pourra voir le jour au terme des négociations sera le « gouvernement de la nation crie » dont le fonctionnement et les pouvoirs seront prévus dans une constitution crie élaborée par la seule nation crie à titre de « loi fondamentale de la nation crie[103] ». Cette constitution sera ratifiée par les Cris et ne pourra être modifiée sans consultation des Cris[104]. Une seule disposition évoque les droits des non-Cris dans un contexte très spécifique mais sans nullement leur garantir la pleine citoyenneté politique[105]. La question « démotique » reçoit donc une réponse ethnoculturelle qui marque une volonté de continuité, sur ce point, avec la situation régnant aux termes de la CBJNQ et de ses lois de mise en oeuvre.
Une des justifications d’un demos ethnoculturel est la volonté de garantir aux membres de la nation autochtone le contrôle politique des institutions gouvernementales autonomes dans un contexte où ils ne représentent pas une majorité stable sur le territoire relevant de la compétence de ces institutions. Dans le cas d’Eeyou Istchee, il serait théoriquement possible d’implanter un gouvernement territorial en délimitant les vastes terres où les Cris représenteraient une majorité des habitants : un demos largement territorial ou civique serait alors envisageable puisque les Cris ne risqueraient pas de se voir marginaliser à long terme au sein des institutions représentatives et ainsi privés de la maîtrise de la destinée à laquelle ils aspirent[106]. On éviterait par ailleurs d’exclure de la nouvelle gouvernance les Cris non résidents en étendant la portée de certaines lois du gouvernement territorial d’Eeyou Istchee au-delà des limites de ce territoire pour régir les Cris de l’extérieur. Il s’agirait en fait d’une application limitée du principe de la personnalité comme manifestation d’extraterritorialité de la loi[107].
Il est facile d’imaginer pourquoi ce scénario paraît exclu par l’Entente de juillet 2007. Les Cris se sont vraisemblablement demandé s’il était dans leur intérêt que les institutions sous leur contrôle prennent en charge la gestion des affaires de l’ensemble de la population pour de multiples matières visées par la politique fédérale d’autonomie gouvernementale. Souhaitaient-ils, par exemple, que le gouvernement qu’ils contrôlent régisse la vie des non-Cris dans les domaines du mariage, du divorce, de l’adoption, de l’aide sociale, de l’aide à l’enfance, de l’éducation, de la formation de la main-d’oeuvre, de la santé, des services sociaux, des successions et du logement ? Les Cris ont sans doute mesuré les implications d’un tel scénario, notamment du point de vue de leurs priorités — politiques, sociales et économiques — ainsi que des ressources financières et humaines nécessaires à la mise en oeuvre de programmes universels efficaces dans ces domaines. Toutes ces matières sont « personnalisables » de sorte qu’une compétence personnelle à leur égard permettra d’emblée aux Cris de contrôler ces aspects de la vie de leur société distinctive tout en laissant à l’État la responsabilité pour les non-Cris.
Les parties à l’Entente ont aussi sans doute considéré, non sans raison, que le Québec serait rétif à l’idée de reconnaître une compétence prépondérante ou concurrente d’un gouvernement d’Eeyou Istchee à l’égard des non-Cris dans autant de domaines sensibles, surtout dans l’hypothèse d’une entente d’autonomie gouvernementale ayant valeur constitutionnelle[108]. Elles n’ont pas non plus sous-estimé l’attachement des allochtones[109] à des lois étatiques dans lesquelles ils se reconnaissent sur le plan culturel et social. Cela est encore plus vrai dès lors qu’il aurait été question de reconnaître au gouvernement d’Eeyou Istchee des compétences territoriales se rapportant à la gestion et à l’usage des terres publiques et des ressources sur des terres des catégories II et III. L’extension des lois d’un gouvernement en principe territorial aux Cris de l’extérieur aurait soulevé en outre des problèmes délicats de représentation politique de la diaspora crie et sans doute exigé une entorse au principe d’un demos civique.
C’est vraisemblablement pourquoi l’Entente de juillet 2007 n’envisage pas que la compétence du gouvernement de la nation crie puisse s’étendre aux non-Cris, sauf sur les terres de catégorie I[110], ce qui est conforme à la politique fédérale sur l’autonomie gouvernementale[111]. Les parties s’inspirent donc du régime actuellement en vigueur sur ces terres, à savoir des institutions ethnoculturelles néanmoins dotées de certaines compétences territorialisées. Le maintien du statu quo — soit une compétence territoriale sans citoyenneté civique ou largement territoriale — se justifie peut-être, même s’il est difficile d’être catégorique sur ce point[112], au nom du respect des droits acquis et par la légitimité d’un contrôle législatif cri sur les terres dont les Cris ont par ailleurs la maîtrise exclusive au regard de la CBJNQ et, partant, de la Constitution[113].
En revanche, pour atténuer la carence démocratique d’un tel dispositif, il conviendrait de limiter les compétences territoriales aux seules matières indissociables des terres et des ressources ou qui sont difficilement « personnalisables » sur le plan matériel ou fonctionnel. Aux termes de la politique fédérale et de l’Entente conclue en 2007, les Cris et les gouvernements auront en outre à prévoir des mécanismes qui permettront aux non-membres de participer à la prise de décisions touchant leurs droits et leurs intérêts[114].
Selon l’Entente de juillet 2007, les négociations porteront notamment sur la portée géographique des pouvoirs de gouvernement de la nation crie[115], ce qui indique bien que les parties n’écartent nullement d’appliquer le principe de la personnalité à l’extérieur des terres de catégorie I et du territoire de la Baie-James où vivent près de 1 500 personnes ayant le statut cri et qui, à ce titre, sont membres de la collectivité ethnoculturelle titulaire du droit à l’autonomie gouvernementale. Une compétence personnelle crie sera parfaitement adaptée à leur situation dans les domaines du statut personnel ou des services éducatifs, culturels et sociaux. L’Entente des Inuits du Labrador permet, par exemple, au gouvernement autonome d’offrir des services et d’assumer certaines responsabilités à l’égard des citoyens vivant à l’extérieur de son territoire traditionnel[116].
2.5 La configuration de l’ordre juridique : la place du droit coutumier
L’univers juridique propre à un peuple ou à une culture pèsera aussi sur la manière d’envisager l’alternative territorialité/personnalité. En effet, certaines communautés juridiques reposent, par essence, sur le principe de la personnalité parce qu’elles se définissent par des caractéristiques personnelles. Ce sera ainsi le cas des droits religieux, notamment du droit islamique classique, dans lequel la communauté des croyants (umma) constitue le siège d’une communauté juridique : seuls les croyants peuvent être assujettis au droit musulman[117].
De même, les droits coutumiers autochtones sont souvent enracinés dans les valeurs, les croyances religieuses et les structures claniques ou sociales singulières de groupes ethnoculturels distinctifs. Au cours de l’histoire, des coutumes originellement ethniques[118] ont pu, à long terme, en venir à se territorialiser à la faveur d’une acculturation graduelle des populations partageant un même territoire[119]. Issus de sociétés marginalisées par des siècles de colonialisme, les droits coutumiers autochtones — là où ils sont encore observables à ce jour — n’ont toutefois pas été adoptés par l’ensemble de la population de manière à se territorialiser avec le passage du temps. Bien qu’ils se soient transformés sous l’effet des mutations sociales, économiques et culturelles, ils sont généralement restés dans leur périmètre ethnoculturel autochtone[120].
Par sa nature même, la coutume tient sa normativité juridique non pas d’un décret formel, mais de l’adhésion générale des acteurs sociaux[121]. Il sera possible certes d’envisager de « territorialiser » la coutume en l’incorporant dans une loi applicable à tous les habitants d’un territoire, mais, outre le problème de la légitimité culturelle de la norme pour les non-membres, il n’est pas sûr que la collectivité autochtone elle-même voudra faire un tel usage du patrimoine culturel unique que représente son droit coutumier.
Ainsi, il n’est guère étonnant de constater que, dans un récent traité d’autonomie gouvernementale où le droit coutumier occupe une place importante dans l’ordre juridique autochtone, son application ne vaut que pour les membres de la collectivité autochtone, et ce, même lorsque le gouvernement autochtone détient par ailleurs une compétence législative territoriale. Cette entente, l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador et sa Majesté la Reine du Chef de Terre-Neuve-et-Labrador et sa Majesté la Reine du Chef du Canada[122], permet aux Inuits du Labrador de prévoir dans leur constitution « la reconnaissance du droit coutumier des Inuit et l’application du droit coutumier des Inuitaux Inuit concernant toute matière qui relève de la compétence et de l’autorité du Gouvernement Nunatsiavut[123] ». À noter que cette disposition a donné lieu à l’adoption d’une constitution inuite qui fait expressément du droit coutumier des Inuits le droit commun des Inuits du Labrador (« the underlying law of the Labrador Inuit and of Nunatsiavut ») dans les domaines qui relèvent de la compétence du gouvernement nunatsiavut[124].
En conséquence, le droit coutumier s’appliquera aux Inuits, à moins qu’une loi inuite régissant une situation donnée ne supplante expressément la coutume[125]. Une ligne de démarcation plus ou moins étanche pourra être tracée entre le domaine de la loi et la sphère coutumière, mais le facteur principal de différenciation des domaines respectifs du droit légal et du droit coutumier sera le statut personnel des individus puisque la coutume n’a vocation qu’à régir les Inuits selon un principe de la personnalité qui fait que les non-Inuits relèveront nécessairement de la loi.
Il reste à voir si les Cris, lorsqu’ils envisagent d’appliquer leur droit coutumier dans un contexte d’autonomie gouvernementale, le conçoivent comme un droit personnel plutôt que territorial. Dans au moins un domaine toutefois, celui de l’adoption coutumière, il est clair que le principe de la personnalité est privilégié puisque leur demande de reconnaissance de la coutume crie n’envisage nullement que les non-Cris soient visés ou liés par cette coutume[126].
Conclusion
Plus l’élargissement de l’autonomie politique des Cris du Québec dépassera la sphère traditionnelle de la territorialité dans la gouvernance autochtone, à savoir le contrôle et la gestion des terres communautaires cries, plus le principe de la personnalité pourra — et sans doute devra — être mobilisé dans la nouvelle gouvernance crie. Il en sera ainsi en raison de facteurs qui interagissent pour produire un effet cumulatif favorable à la personnalité des lois : 1) la situation démographique des Cris qui, d’une part, cohabitent, dans certaines régions d’Eeyou Istchee, avec une population non crie et qui, d’autre part, vivent en nombre significatif à l’extérieur d’Eeyou Istchee ; 2) le caractère ethnoculturel plutôt que territorial de la collectivité politique crie ; 3) le fait que plusieurs des nouvelles compétences susceptibles d’être dévolues au gouvernement cri seront singulièrement adaptées à une gouvernance déterritorialisée ; et 4) le rôle potentiellement significatif que sera appelé à jouer la coutume régissant les Cris dans l’ordre juridique de la nouvelle entité autonome.
Restera alors le défi de vivre au quotidien la pluralité des lois personnelles dans un contexte de mobilité croissante des Autochtones et de changements possibles dans la configuration démographique d’Eeyou Istchee à la faveur du développement du territoire. Pour que la coexistence des lois personnelles cries et non cries se manifeste dans le respect de l’égalité des identités juridiques plutôt qu’en fonction de la subordination de la culture juridique crie, il faudra éviter les écueils du modèle colonial de personnalité des lois qui a tendance à dévaloriser systématiquement le droit autochtone dans l’aménagement des règles de choix de loi et dans le règlement des conflits interpersonnels. Autrement, il pourrait y avoir une re-territorialisation progressive du droit étatique.
Appendices
Remerciements
Les auteurs tiennent à exprimer leur gratitude au professeur Sébastien Grammond dont les commentaires judicieux leur ont permis d’améliorer une version initiale de leur manuscrit. Cette étude a été réalisée avec le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Notes biographiques
Ghislain Otis
Avocat ; titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la diversité juridique et les peuples autochtones, Faculté de droit, Université d’Ottawa (section droit civil).
Geneviève Motard
Avocate ; doctorante (sous la direction du professeur Otis), Université Laval.
Notes
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[1]
Les historiens font généralement remonter aux traités de Westphalie, conclus le 24 octobre 1648, la consécration en Occident du principe de l’État territorial moderne.
-
[2]
Voir généralement Simeon L. Guterman, From Personal to Territorial Law : Aspects of the History and Structure of the Western Legal-Constitutional Tradition, Metuchen, Scarecrow Press, 1972.
-
[3]
Stéphane Pierré-Caps, « Le principe de l’autonomie personnelle : une solution d’avenir ? », dans Alain Dieckhoff (dir.), La constellation des appartenances. Nationalisme, libéralisme et pluralisme, Paris, Presses de science po, 2004, p. 371, à la page 372.
-
[4]
Voir : Commission du droit du Canada,La justice en soi : les traditions juridiques autochtones, document de discussion, Ottawa, Commission du droit du Canada, 2006 ; John Borrows, Recoverering Canada. The Resurgence of Indigenous Law, Toronto, University of Toronto Press, 2002 ; Law Commission of Canada, Indigenous Legal Traditions, Vancouver, UBC Press, 2007 ; James Youngblood Henderson, First Nations Jurisprudence and Aboriginal Right : Defining the Just Society, Saskatoon, Native Law Center, University of Saskatchewan, 2006.
-
[5]
Commission du droit du Canada, préc., note 4, p. 18-20.
-
[6]
Québec, Secrétariat aux affaires autochtones, Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 7 février 2002, [En ligne], [www.autochtones.gouv.qc.ca/relations_autochtones/ententes/cris/entente_cris_20020207.pdf] (19 juin 2008). Conclue en 2002, cette entente avait pour principal objet de régler les différends qui découlaient de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et qui opposaient le Québec et les Cris. Ainsi, en vertu de cette entente, les Cris retirent toutes leurs poursuites contre le gouvernement du Québec. En échange, ce dernier et Hydro-Québec ont promis de verser aux Cris près de 4,5 milliards de dollars. De plus, cette entente prévoit d’aménager le complexe Rupert-Eastmain et d’associer les Cris au développement du Nord.
-
[7]
Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, 16 juillet 2007 (ci-après « Entente »). L’Entente devait être ratifiée par les Cris par voie référendaire. Le référendum a eu lieu le 12 octobre 2007 et l’Entente a été approuvée par 90 p. 100 des électeurs ayant exercé leur droit de vote. Le taux de participation a été d’environ 59 p. 100. L’ébauche finale de l’Entente est consultable en ligne : Grand Conseil des Cris, Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, 12 octobre 2007, [En ligne], [www.gcc.ca/pdf/LEG000000018F.pdf] (2 octobre 2007).
-
[8]
Québec, Secrétariat aux affaires autochtones, Convention de la Baie-James et du Nord québécois et conventions complémentaires, Québec, Les Publications du Québec, 1998 (ci-après « CBJNQ »). La CBJNQ a été mise en oeuvre par la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, L.C. 1976-77, c. 32, et la Loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord québécois, L.R.Q., c. C-67. Elle a été négociée dans le contexte de la politique fédérale sur le règlement des revendications territoriales adoptée en 1973.
-
[9]
Entente, préc., note 7, art. 3.1 (a).
-
[10]
Id., art. 3.12.
-
[11]
Id., art. 3.1 (b).
-
[12]
Id., art. 3.8.
-
[13]
Id., art. 3.10.
-
[14]
Id., art. 3.11 (b).
-
[15]
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.).
-
[16]
Entente, préc., note 7, art. 3.1, 3.8 et 3.9.
-
[17]
Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC),L’autonomie gouvernementale des autochtones. Guide de la politique fédérale. L’approche du gouvernement du Canada concernant la mise en oeuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie, Ottawa, Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, 1995, [En ligne], [www.ainc-inac.gc.ca/al/ldc/ccl/pubs/sg/sg-fra.asp] (20 novembre 2008) (ci-après « Guide de la politique fédérale »).
-
[18]
Id.
-
[19]
Id.
-
[20]
Pour leur part, les personnes membres de peuples autochtones exerçant des compétences législatives personnelles pourraient relever de leurs lois personnelles autochtones indépendamment de leur localisation.
-
[21]
Les principales lois fédérales de mise en oeuvre sont la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, L.C. 1984, c. 18, et la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, préc., note 8. Les principales lois québécoises sont les suivantes : Loi sur les villages cris et le village naskapi, L.R.Q., c. V-5.1 ; Loi sur le conseil régional de zone de la Baie James, L.R.Q., c. C-59.1 ; Loi sur l’administration régionale crie, L.R.Q., c. A-6.1 ; Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, L.R.Q., c. A-33.1 ; Loi sur le régime des terres dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec, L.R.Q., c. R-13.1. De nombreuses lois ont été modifiées de façon à mettre en oeuvre l’ensemble des chapitres de la CBJNQ, comme cela a été le cas en matière de protection de la qualité de l’environnement et d’éducation. Pour une liste de ces lois, voir Renée Dupuis, Le statut juridique des peuples autochtones en droit canadien, Scarborough, Carswell, 1999, p. 73-74.
-
[22]
Certains auteurs se sont penchés sur des aspects de la gouvernance crie. Voir : Sébastien Grammond, « Les effets juridiques de la Convention de la Baie James au regard du droit interne canadien et québécois », (1991-1992) 37 R.D. McGill 761 ; Sylvie Vincent et Garry Bowers (dir.), Baie James et Nord québécois : dix ans après. Actes du Forum sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois tenu à Montréal, les 14 et 15 novembre 1985, Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 1988 ; Alain-Gustave Gagnon et Guy Rocher (dir.), Regard sur la Convention de la Baie-James et du Nord que´be´cois, Montréal, Québec Amérique, 2002 ; Ignatius Edwin La Rusic et autres, La négociation d’un mode de vie. La structure administrative découlant de la Convention de la Baie James : l’expérience initiale des Cris, Montréal, SSDCC, 1979 ; R. Dupuis, préc., note 21, p. 54-86. Voir aussi la documentation suivante : Jo Ann Gagnon, Le régime de chasse, de pêche et de trappage et les conventions du Québec nordique, coll. « Nordicana », Québec, Centre d’études nordiques, Université Laval, 1982 ; Peter Landmann, Co-management of Wildlife under the James Bay Treaty : The Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de science politique, Université Laval, 1988 ; Roger McDonnell, Justice for the Cree : Customary Beliefs and Practices, Québec, Grand Council of the Crees (of Quebec), 1992.
-
[23]
D’autres peuples autochtones ont toutefois des revendications sur le territoire visé par la CBJNQ. C’est notamment le cas des Algonquins, des Attikameks et des Innus : R. Dupuis, préc., note 21, p. 65-68.
-
[24]
La communauté de Whapmagoostui et ses terres sont situées au nord du 55e parallèle. Ainsi, les zones de chevauchement entre les territoires inuits et cris vont au-delà du 55e parallèle et s’étendent sur le territoire extracôtier. Aux fins de notre projet de recherche, nous avons considéré que le territoire d’Eeyou Istchee concernait l’ensemble des terrains de trappage familiaux. Quant au « territoire de la Baie-James », il englobe le territoire compris dans les limites extérieures de la municipalité de la Baie-James ou encore le territoire sur lequel agit la Société de développement de la Baie-James. Ainsi, ce territoire exclut la communauté de Whapmagoostui et ses limites passent à travers les terrains familiaux des communautés de Mistissini, d’Oujé-Bougoumou et de Whapmagoostui. Pour mieux rendre compte de la réalité crie, la situation de Whapmagoostui a été prise en considération lors de l’analyse des données. Enfin, la CBJNQ, préc., note 8, art. 1.16, s’applique à « la superficie complète des terres prévues aux lois de 1912 relatives à l’extension des frontières du Québec (Loi concernant l’agrandissement du Territoire de la province de Québec par l’annexion de l’Ungava, Qué. 2, Geo. V, c. 7, et Loi de l’extension des frontières de Québec, 1912, Can. 2, Geo. V, c. 45) et aux lois de 1898 (Loi concernant la délimitation des frontières nord-ouest, nord et nord-est de la province de Québec, Qué. 61, Vict. c. 6, et Acte concernant la délimitation des frontières nord-ouest, nord et nord-est de la province de Québec, Can. 61, Vict. c. 3) ».
-
[25]
GeoPortal for Eeyou Istchee, General Map, [En ligne], [www.creegeoportal.ca/geoportal/index_report.php#] (14 juillet 2008).
-
[26]
Pour approuver et mettre en oeuvre les différents chapitres de la CBJNQ, les législateurs fédéral et provincial ont adapté leurs régimes législatifs respectifs et ont satisfait ainsi à l’obligation prévue dans l’article 2.5 de la CBJNQ. C’est par l’adoption de lois particulières ou par la modification de lois existantes que les deux législateurs se sont acquittés de cette obligation. Le législateur a par exemple adopté la Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique, L.Q. 1978, c. 78, laquelle met en oeuvre les chapitres 16 et 17 de la CBJNQ. Pour d’autres exemples, consulter R. Dupuis, préc., note 21, p. 64 et suiv.
-
[27]
Sébastien Grammond, Aménager la coexistence. Les peuples autochtones et le droit canadien, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 285-286.
-
[28]
Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5.
-
[29]
CBJNQ, préc., note 8, chapitre 9.
-
[30]
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), art. 91 (24).
-
[31]
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, préc., note 21.
-
[32]
Id., art. 5.
-
[33]
Id., art. 2 (1) « électeur », 17 et 68 : les électeurs et les conseillers doivent être des membres de la bande ; CBJNQ, préc., note 8, art. 9.0.1 (a) (b). Or, pour devenir membre, une personne doit être bénéficiaire au sens de la CBJNQ, art. 3.2.1-3.2.3, préc., note 8 : l’ascendance crie, par filiation ou adoption, est une condition d’admissibilité. Voir également la Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, préc., note 21, art. 5-14.
-
[34]
Voir les chapitres 4 et 5 de la CBJNQ, préc., note 8, pour des précisions quant au régime des terres ainsi que pour des descriptions et des cartes des terres.
-
[35]
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, préc., note 21, art. 2 ; CBJNQ, préc., note 8, art. 5.1.1 modifié par la Convention complémentaire no 3.
-
[36]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 30.
-
[37]
Voir généralement René Dussault et Louis Borgeat, Traité de droit administratif, 2e éd., t. 1, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1984, p. 273 ; R. Dupuis, préc., note 21, p. 82-83.
-
[38]
CBJNQ, préc., note 8, art. 5.2.1, modifié par la Convention complémentaire no 3. Les Cris y ont également le droit d’exercer les droits prévus dans le chapitre 24 de la CBJNQ selon lequel il existe un droit général d’exploitation (capture et abattage de la faune sauvage) sous réserve des mesures de conservation et de sécurité publique nécessaires.
-
[39]
Id., art. 5.3.1 : l’accès aux terres doit être conforme aux règles québécoises relatives aux terres publiques. Voir la CNJNQ, chap. 24 : « Chasse, pêche et trappage », art. 24.12. La Convention complémentaire no 1 précise que les terres de catégorie III sont les terres du territoire autres que, dans les cas des Cris, les terres de catégories I (« IA, IB, IB-spéciales et spéciales catégorie I ») et les terres de catégorie II (voir l’annexe 1, art. 1.6). Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien résume ainsi les droits réservés sur cette catégorie de terre :
Les terres de catégorie III sont des terres publiques québécoises d’un type particulier. Les Autochtones ainsi que les non-Autochtones ont le droit d’y chasser et d’y pêcher, sous réserve des règlements adoptés conformément aux conventions. Les groupes autochtones ont toutefois le droit exclusif d’y exploiter certaines espèces aquatiques et certains animaux à fourrure ainsi que de participer à l’administration et à la mise en valeur du territoire. Pour leur part, le gouvernement du Québec, la Société d’énergie de la Baie James, Hydro-Québec et la Société de développement de la Baie-James possèdent des droits précis en ce qui a trait à la mise en valeur des ressources des terres de catégorie III. Les gouvernements fédéral et provincial doivent, selon leurs compétences respectives, évaluer les répercussions des projets de mise en valeur des ressources.
Secrétariat aux affaires autochtones, Fiche d’information 3. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, [En ligne], [www.ericcardinal.com/documents/fiches/3_Convention_BJ.doc] (13 novembre 2007).
-
[40]
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, préc., note 21, art. 6 (a). Certaines terres de catégorie III relèvent de la compétence des ALC. En vertu de l’article 6 (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les ALC ont en effet compétence sur les terres « situées dans le périmètre des terres de catégorie IA […] et dont la propriété a été cédée par lettres patentes ». En somme, il s’agit des terres cédées à des tiers par lettre patente avant l’entrée en vigueur de la CBJNQ et qui se trouvent à l’intérieur des terres de catégorie I.
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[41]
Id., art. 13.
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[42]
Id., art. 8 : les ALC ont en outre le pouvoir d’adopter des règlements administratifs à des fins prohibitives.
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[43]
Id., art. 45 (1).
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[44]
Id.
-
[45]
Brian A. Crane et autres, First Nations Governance Law, Markham, LexisNexis Butterworths, 2006, p. 72-73.
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[46]
Thomas Isaac, « Aboriginal Self-Government in Canada : Cree-Naskapi (of Quebec) Act », Native Studies Review, vol. 7, no 2, 1991, p. 15, à la page 26 : « The problem has been that the federal government has interpreted parts of the JBNQA as being independent of regular program funding. Of all the disagreements that have arisen over the act, none is sharper than that concerning fiscal relations between the federal and Quebec governments and the Cree and Naskapi. »
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[47]
Ainsi, outre qu’elles sont constituées en personne morale par une loi fédérale, les communautés cries sont constituées en personnes morales de droit public, au sens du Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, par la Loi sur les villages cris et le village naskapi, préc., note 21 ; font partie de ces personnes morales les membres des communautés admissibles en vertu de la CBJNQ. La Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-19, s’applique partiellement, comme le prévoit la CJBNQ. Les communautés cries possèdent, par conséquent, le statut de municipalités québécoises. Leurs territoires s’étendent sur les terres de catégorie IB, ce qui exclut dès lors ces terres du territoire de la municipalité de la Baie-James : voir la Loi sur le régime des terres dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec, préc., note 21, art. 20, qui exclut toutes les terres de catégorie I du territoire de cette municipalité. Enfin, le conseil de la municipalité et le conseil de l’ALC sont composés des mêmes personnes : CBJNQ, préc., note 8, art. 10 ; Loi sur les villages cris et le village naskapi, préc., note 21, art. 1, 2-9 et 11.
-
[48]
Le conseil de l’ARC est composé d’un président, d’un vice-président, du maire et d’un représentant de chaque communauté crie. Tous doivent être des membres des communautés cries : Loi sur les villages cris et le village naskapi, préc., note 21, art. 23 et 24.
-
[49]
Loi sur l’administration régionale crie, préc., note 21, art. 6.
-
[50]
L’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris vise à mettre en oeuvre les dispositions prévues au chapitre 30 de la CBJNQ, préc., note 8, modifié par la Convention complémentaire no 15. Voir : Loi sur l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et des piégeurs cris, L.R.Q., c. O-2.1.
-
[51]
CBJNQ, préc., note 8, art. 16.0.6 (a). Une exception est faite pour les Inuits de Poste-de-la-baleine qui ne relèvent pas de la Commission scolaire Crie. La territorialité n’est donc pas parfaitement appliquée.
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[52]
Id., art. 16.0.6 (b) et 16.0.7. Même si la compétence personnelle sur les terres de catégorie II peut paraître plutôt théorique, certaines activités éducatives relevant des programmes de la Commission scolaire Crie peuvent se tenir sur ces terres. Ce sera le cas, par exemple, de stages ou de séjours de formation destinés à initier les jeunes à la pratique d’activités de subsistance sur le territoire traditionnel.
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[53]
Aux termes de la Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis, L.R.Q., c. I-14, la Commission scolaire Crie peut « conclure des ententes pour l’enseignement post-secondaire aux personnes relevant de sa compétence » (art. 575 (c)). Son budget doit prendre en charge le maintien des résidences des personnes qui étudient « hors de leur communauté » ainsi que « le coût du transport des élèves et du personnel enseignant, y compris celui des élèves qui fréquentent des écoles ailleurs au Québec » (art. 594 (c)). Le rapport annuel 2007-2008 de la Commission scolaire Crie permet de constater que 434 Cris étudient au postsecondaire à l’extérieur des terres cries. Voir : Commission scolaire Crie, Rapport annuel 2007-2008, [En ligne], [www.cscree.qc.ca/PubDoc/CSB-AR2008-lo.pdf] (4 septembre 2008). Pour un aperçu des services offerts au postsecondaire, voir : Commission scolaire Crie, « Post-Secondary Student Services », [En ligne], [142.217.214.197/PSSS/PoliciesProcedures/PoliciesAndProcedures.aspx] (4 septembre 2008).
-
[54]
Les bureaux de la Commission scolaire Crie sont situés à Montréal et à Québec pour les services aux élèves du postsecondaire. Voir : Cree School Board, Schools & Point of Services, [En ligne], [www.cscree.qc.ca/HeadOffice.htm] (4 septembre 2008).
-
[55]
Ghislain Otis, « Territorialité, personnalité et gouvernance autochtone », (2006) 47 C. de D. 781.
-
[56]
Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 15, art. 35 (1).
-
[57]
Québec, Secrétariat aux affaires autochtones, Les fondements de la politique du Gouvernement du Québec en matière autochtone, Québec, Ministère du Conseil exécutif, 1988.
-
[58]
Diom Roméo Saganash, « Le droit à l’autodétermination des peuples autochtones », (1993) 24 R.G.D. 85, 88.
-
[59]
T. Isaac, préc., note 46, aux pages 23-24.
-
[60]
Id., à la page 31. Il s’agit, par exemple, de la taxation locale, de la chasse et du piégeage, des élections, des réunions extraordinaires des bandes, des emprunts à long terme, du registre foncier, de l’expropriation par la bande, des amendes et de la détermination des peines. De même, certains règlements des villages cris, notamment en matière environnementale, sont assujettis à l’approbation préalable du gouvernement du Québec : voir la Loi sur les villages cris et le village naskapi, préc., note 21, art. 20 (ententes et délégation de pouvoir) et art. 21 (environnement).
-
[61]
S. Grammond, préc., note 27, p. 293.
-
[62]
Eastmain c. Gilpin, [1987] R.J.Q. 1637, 1644 (C.S.P.).Voir également R. Dupuis, préc., note 21, p. 62.
-
[63]
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, préc., note 21, art. 3 et 4. En tant que règlements municipaux, les règlements des villages cris, quant à eux, demeurent subordonnés à la législation québécoise et fédérale : R. Dussault et L. Borgeat, préc., note 37, p. 275.
-
[64]
T. Isaac, préc., note 46, à la page 34.
-
[65]
Les ententes d’autonomie gouvernementale et de revendications territoriales globales sont accessibles dans Internet : Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), Lois ententes et revendications territoriales, [En ligne], [www.ainc-inac.gc.ca/al/index-fra.asp] (13 novembre 2008). À ce jour, une vingtaine d’accords définitifs sur l’autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales globales ont été conclus.
-
[66]
Accord définitif nisga’a, 27 avril 1999, Gouvernement du Canada, Gouvernement de la Colombie-Britannique et Nation nisga’a ; Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale entre le peuple tlicho et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada, 25 août 2003 (ci-après « Accord définitif tlicho ») ; Accord sur des revendications territoriales entre les Inuit du Labrador et Sa Majesté La Reine du Chef de Terre-Neuve-et-Labrador et Sa Majesté La Reine du Chef du Canada, 1er décembre 2005, [En ligne], [www.ainc-inac.gc.ca/al/ldc/ccl/fagr/labi/labi-fra.pdf] (20 novembre 2008) (ci-après « Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador »). Voir aussi les textes constitutionnels des Inuits du Labrador : Nunatsiavut Government, Labrador Inuit Constitution, janvier 2002, [En ligne], [www.nunatsiavut.com/pdfs/Constitution.pdf] (2 avril 2008) ; des Tlicho : Tlicho, TlichoConstitution, [En ligne], [www.tlicho.com/constitution/tlicho_constitution.pdf] (20 novembre 2008) ; et des Nisga’a : National Centre for First Nation Governance, The Constitution of the Nisga’a Nation, octobre 1998, [En ligne], [www.fngovernance.org/pdf/constitutions/Nisga’a_Constitution.pdf] (6 juillet 2008).
-
[67]
Entente, préc., note 7, art. 3.2. En date du 1er juillet 2008, la loi n’a pas encore fait l’objet des modifications envisagées.
-
[68]
Id., art. 3.3 ; voir plus particulièrement l’article 3.3 (h) où les parties ont prévu la prépondérance des règlements régionaux sur les règlements locaux. Voir également l’article 3.1 (b).
-
[69]
John Paul Murdoch, « The Future of Governance in Eeyou Istchee », conférence présentée au 6e Forum autochtone sur la gestion des ressources naturelles et du territoire, Montréal, 27 mars 2008.
-
[70]
Les parties se sont entendues pour arriver à une entente de principe sur la gouvernance trois ans après l’entrée en vigueur de l’Entente et pour arriver à un accord définitif durant les cinq années suivant son entrée en vigueur : Entente, préc., note 7, art. 3.14.
-
[71]
Guide de la politique fédérale, préc., note 17, p. 3.
-
[72]
Entente, préc., note 7, art. 3.1 (b).
-
[73]
Guide de la politique fédérale, préc., note 17, p. 6.
-
[74]
Il faut distinguer le principe de la personnalité selon qu’il a pour fonction de délimiter un partage de compétences ou d’être un simple critère d’application des normes : voir G. Otis, préc., note 55, 788.
-
[75]
Jean-Yves Carlier, Autonomie de la volonté et statut personnel, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 171, affirme que la notion de statut personnel prend plusieurs significations dans le temps et l’espace. Par exemple, la signification donnée par la tradition de common law est plus restreinte que celle du droit musulman. À la page 230, il suggère de retenir la signification linguistique de l’expression, soit « tout ce qui, de la naissance à la mort, touche à la personne en elle-même et dans ses relations personnelles à autrui ».
-
[76]
À titre d’exemple, la création de comités mixtes ou encore, le recours à l’harmonisation des lois, à l’adoption de normes minimales ou à un encadrement juridique approprié des conflits de lois favorisera la mise en oeuvre de ces domaines de compétence.
-
[77]
Accord définitif tlicho, préc., note 66, art. 7.4.3.
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[78]
Ghislain Otis, « L’autonomie personnelle au coeur des droits ancestraux : sub qua lege vivis ? », (2007) 52 R.D.McGill 657.
-
[79]
Aux États-Unis, le pouvoir des autorités tribales de réglementer l’exercice par leurs membres de droits de prélèvement reconnus par traité s’étend au-delà des limites des terres dont la tribu a la maîtrise exclusive, voir notamment Felix S. Cohen, Cohen’s Handbook of Federal Indian Law, Newark, LexisNexis, 2005, p. 1142.
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[80]
Cela est reconnu par la politique fédérale relative au droit inhérent à l’autonomie gouvernementale qui envisage une autonomie purement personnelle dans le cas des collectivités autochtones dépourvues de base territoriale propre : voir Guide de la politique fédérale, préc., note 17, p. 23-24.
-
[81]
Grand Council of the Crees, About the GCC/CRA, [En ligne], [www.gcc.ca/about.php] (31 janvier 2008).
-
[82]
Pour un aperçu des activités allochtones et cries sur le territoire, consulter la carte interactive suivante : GeoPortal for Eeyou Istchee, préc., note 25. Les principales municipalités composant la municipalité de la Baie-James sont les suivantes : Matagami, Chapais, Lebel-sur-Quévillon et Chibougamau. La municipalité de la Baie-James est également composée de quelques localités.
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[83]
La population non crie située sur le territoire traditionnel réside principalement à Chibougamau (7 563 personnes, dont 145 Autochtones), Chapais (1 630 personnes, dont 40 Autochtones) et Radisson (approximativement 400 personnes). Au total, environ 23 000 personnes vivent sur le territoire d’Eeyou Istchee, ce qui donne un taux approximatif de 60 p. 100 de Cris (13 810 Cris/23 093 personnes) : Statistique Canada, Profil des communautés de 2006, « Recensement 2006 », [En ligne], [www.census2006.ca/english/census06/data/profiles/community/Index.cfm?Lang=F] (3 septembre 2008).
-
[84]
Grand Conseil des Cris, « Overview of the : “Report of the Working Group on the Impact of the Presence of Hydro-Quebec in the North of Quebec” », [En ligne], [www.gcc.ca/archive/article.php?id=41] (17 janvier 2008).
-
[85]
Si nous considérons successivement les trois zones de l’axe nord-sud propre au découpage opéré par la CBJNQ, nous constatons qu’au nord du 50e parallèle les Cris représentent plus de 90 p. 100 de la population. Dans la zone « tampon », qui est située entre les 49e et 50e parallèles, se trouvent non seulement deux communautés cries – Oujé-Bougoumou et Waswanipi – où vivent environ 1 800 Cris, mais aussi les principales agglomérations allochtones de l’ensemble du territoire de la municipalité comme Matagami, Lebel-sur-Quévillon, Chapais et Chibougamau, lesquelles se composent d’une population de 13 470 personnes : Statistique Canada, préc., note 83. Dans cette zone tampon, les Cris constituent une minorité numériquement faible, puisqu’ils ne représentent qu’environ 10 p. 100 de la population qui y réside. Cette proportion diminue encore significativement lorsque la partie la plus au sud du territoire de la CBJNQ est considérée. Par ailleurs, comme cela a été mentionné précédemment (supra, note 23), il est intéressant de relever que le territoire cri et les territoires traditionnels de plusieurs autres communautés autochtones se chevauchent. Ainsi, une partie du territoire couvert par la CBJNQ est aussi revendiquée par les Innus (voir, par exemple, Matimekosh-Lac John et Pessamit), les Algonquins et les Attikameks qui peuvent également aspirer à exercer une compétence sur certaines activités de leurs membres sur le territoire, ce qui favoriserait dès lors le recours au principe de la personnalité des lois autochtones.
-
[86]
Pour l’année 2006, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec établit à 1 120 le nombre de bénéficiaires cris vivant hors communauté, tandis que le Secrétariat aux Affaires autochtones retient le nombre de 1 723 (données de 2005). Les limites méthodologiques des différents instruments ont été constatées et résumées dans une étude récente : DIALOG, Portrait démographique des Cris de Eeyou Istchee, janvier 2008, [En ligne], [www.reseaudialog.qc.ca/DocsPDF/Portrait_Cris.pdf] (25 juillet 2008).
-
[87]
Statistique Canada dénombre 205 personnes ayant une identité autochtone dans les municipalités de la Baie-James : Statistique Canada, préc., note 83, (Chibougamau, Chapais, Lebel-sur-Quévillon et Matagami). Notre estimation provient du recoupage des données statistiques recueillies par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et par Statistique Canada. La principale difficulté méthodologique provient de ce que Statistique Canada cible la population ayant une identité autochtone (inscrite, non inscrite) résidente dans les villages et les municipalités, mais n’identifie pas les personnes ayant une appartenance crie, tandis que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien tient uniquement compte des personnes qui sont inscrites, qu’elles soient résidentes ou non résidentes. La population autochtone vivant dans les municipalités de la Baie-James n’est donc pas nécessairement uniquement d’appartenance crie.
-
[88]
C’est le cas, par exemple, des Métis.
-
[89]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 30.
-
[90]
Consulter généralement : Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), Région du Québec, [En ligne], [www.ainc-inac.gc.ca/ai/scr/qc/aqc/prof/Ouje-fra.asp] (16 avril 2009). Selon l’Entente, la Loi sur les Cris et Naskapis du Québec, préc., note 21, doit être modifiée de manière à reconnaître le statut de bande à la nation crie d’Oujé-Bougoumou. Parallèlement, les parties s’engagent à modifier la CBJNQ dans le but de reconnaître des terres de catégorie I à la bande d’Oujé-Bougoumou. Voir Entente, préc., note 7, art. 1.1 « bande crie » et 5.6.
-
[91]
Une citoyenneté largement « territoriale » reposera principalement, mais pas pour autant exclusivement, sur un critère de résidence dont la durée pourrait être adaptée au contexte particulier de la démographie nordique.
-
[92]
Vlad Constantinesco et Stéphane Pierré-Caps, Droit constitutionnel, 3e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2007, p. 349 : « la constitution démotique s’attache à l’étude de l’ensemble des dispositions concernant la structure même de la société, qu’on appelle cette dernière nation ou peuple, communauté ou ethnie, nationalité ou minorité ».
-
[93]
Cette distinction est inhérente, par exemple, au régime juridique applicable au Nunavut où coexistent les droits ethnoculturels des Inuits du Nunavut aux termes de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, ratifié en 1993, et les droits démocratiques reconnus à l’ensemble des Canadiens qui résident sur le territoire par l’Accord politique du Nunavut, conclu en 1993. À ce sujet, voir aussi les lois fédérales suivantes : Loi sur le Nunavut, L.C. 1993, c. 28, et Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, L.C. 1993, c. 29.
-
[94]
Voir l’article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés, préc., note 15. Voir également Campbell v. British Columbia, [2000] B.C.J. 1524 (B.C.S.C.). Dans l’affaire Baier c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 673, par. 39, la Cour suprême du Canada rappelait dans les termes suivants les limites de la garantie constitutionnelle des droits démocratiques offerte par la Charte : « Le droit de voter et celui de se porter candidat sont expressément protégés à l’art. 3 de la Charte, mais seulement pour les élections législatives fédérales et provinciales […] Il n’appartient cependant pas à notre Cour de créer des droits constitutionnels à l’égard d’un troisième ordre de gouvernement lorsque, interprété contextuellement, le texte de la Constitution ne le fait pas. »
-
[95]
Plains Commerce Bank v. Long Family Land & Cattle Co., 171 L. Ed. 2d 457, 471 (2008). Voir aussi notamment : Montana v. United States, 450 U.S. 544 (1981) ; Atkinson Trading Co. v. Shirley, 532 U.S. 645 (2001) ; Nevada v. Hicks, 533 U.S. 353 (2001).
-
[96]
Plains Commerce Bank v. Long Family Land & Cattle Co., préc., note 95, 473 ; Atkinson Trading Co. v. Shirley, préc., note 95, 659.
-
[97]
Conformément à l’Indian General Allotment Act of 1887, 24 Stat. 388 (25 U.S.C. § 331), des millions d’acres de terres tribales ont été converties en propriétés foncières privées et sont passées aux mains de non-Autochtones bien qu’elles soient situées dans les limites des territoires autochtones. En 1934, l’Indian Reorganization Act, 48 Stat. 984 (25 U.S.C. § 461) a mis fin à la politique de démembrement. Voir notamment F.S. Cohen, préc., note 79, p. 1041-1043.
-
[98]
L. Scott Gould, « Tough Love for Tribes : Rethinking Sovereignty After Atkinson and Hicks », (2002-2003) 37 New Eng. L. Rev. 669, 690.
-
[99]
David Williams, « La situation juridique des Amérindiens des États-Unis », dans Jean-Yves Faberon (dir.), Les collectivités françaises d’Amérique au carrefour des institutions, Paris, La Documentation française, 2006, p. 129, aux pages 136-137.
-
[100]
L.S. Gould, préc., note 98, 671-672.
-
[101]
Plains Commerce Bank v. Long Family Land & Cattle Co., préc., note 95, 477-478.
-
[102]
Voir les définitions prévues à l’article 1.1 de l’Entente, préc., note 7.
-
[103]
Id., art. 3.10.
-
[104]
Id., art. 3.10 (c) et (d).
-
[105]
Id., art. 3.11 a (a).
-
[106]
La politique fédérale ne mentionne explicitement l’hypothèse d’un gouvernement « public » ou « populaire » que dans le cas des Inuits, voir Guide de la politique fédérale, préc., note 17, p. 22 et 25. S’agissant des Premières Nations, le cas de figure typique serait le gouvernement ethnoculturel. Rien ne permet cependant d’affirmer catégoriquement qu’un gouvernement public contrôlé par une première nation serait incompatible avec la politique fédérale.
-
[107]
Voir, par exemple, la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, L.C. 1994, c. 35, art. 11 (1) (b) et annexe 3, partie II, qui étend certaines compétences législatives des Premières Nations du Yukon à l’ensemble de ce territoire canadien : langue, culture, spiritualité, adoption, formation, succession, célébration du mariage, capacité et règlement extrajudiciaire des différends.
-
[108]
Rappelons que l’Entente de juillet 2007 désigne le statut juridique de l’éventuelle entente sur la nouvelle gouvernance comme un des sujets de négociation. Il est plausible de penser que le Québec serait moins réticent à l’égard d’un gouvernement territorial si le gouvernement régional d’Eeyou Istchee était à l’image de celui qui est envisagé pour le Nunavik. Le projet de gouvernement régional du Nunavik se distingue d’une entente d’autonomie gouvernementale, car il s’inscrit entièrement dans le contexte des lois du Québec, n’est pas enchâssé dans la Constitution et concerne un nombre limité de compétences territoriales. Voir l’Entente de principe sur la fusion de certaines institutions publiques et la création du gouvernement régional du Nunavik, ratifiée le 5 décembre 2007, notamment à l’article 7.1 : Gouvernement du Nunavik, Entente de principe sur la fusion de certaines institutions publiques et la création du Gouvernement régional du Nunavik, 5 décembre 2007, [En ligne], [www.nunavikgovernment.ca/en/documents/AIP%20-%20EP%20trilingual%20version.pdf] (14 juillet 2008).
-
[109]
Cet attachement est sans doute empreint, dans certains cas, de préjugés ou de défiance envers la gouvernance crie.
-
[110]
Voir l’article 3.11 a (a) de l’Entente, préc., note 7. Les données recueillies par Statistique Canada, préc., note 83, « Recensement 2006 », permettent de conclure qu’environ 5 p. 100 des personnes vivant dans les communautés cries déclarent n’avoir aucune identité autochtone.
-
[111]
Ainsi, lorsqu’il est question de gouvernements ethnoculturels, la politique fédérale traite le problème de l’application des lois autochtones aux non-membres comme mettant en cause « [l]es droits et intérêts des non-membres qui résident sur les terres autochtones » : voir Guide de la politique fédérale, préc., note 17, p. 13.
-
[112]
Une objection sérieuse au maintien du statu quo consisterait à faire valoir que, dans la mesure où les Cris sont durablement assurés de constituer une très solide majorité de la population vivant sur les terres de catégorie I, ils n’ont guère à craindre de perdre le contrôle des institutions en reconnaissant de pleins droits de citoyenneté politique aux quelques résidents non cris.
-
[113]
Certains accords mettent sur pied des institutions à caractère ethnique et leur reconnaissent des compétences législatives territoriales. Voir l’Accord définitif nisga’a, préc., note 66, art. 7, 9 (k), 14, 19-23 et 39, ainsi que, notamment, les articles 41, 44, 47, 50, 53, 54, 59 et 60. Voir aussi l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador, préc., note 66, art. 1.1.1 « Inuit » et 17.3.3, ainsi que, notamment, les articles 17.9, 17.10, 17.11, 17.17 (avec consentement écrit), 17.19, 17.24, 17.25 et 17.26.
-
[114]
Le document fédéral précise que, lorsque les lois s’appliquent aux non-membres résidant sur les terres autochtones, « les ententes doivent prévoir des mécanismes visant à permettre aux non-membres de participer à la prise des décisions qui toucheront leurs droits et leurs intérêts et établir des recours à l’intention de ces personnes ». Voir le Guide de la politique fédérale, préc., note 17, section « Les compétences ou pouvoirs sur les non-membres ». Cette exigence est reflétée, par exemple, aux articles 19 à 23 du chapitre 11 de l’Accord définitif nisga’a, préc., note 66, qui accordent notamment aux non-Nisga’a qui résident habituellement sur les terres nisga’a le droit d’être consulté au sujet des questions qui les touchent directement. De même, cet accord reconnaît aux non-Nisga’a un droit de participation à une institution publique nisga’a si les activités de cette dernière les concernent significativement et directement. Voir également : Entente, préc., note 7, art. 3.11 a (a).
-
[115]
Id., art. 3.11 (u).
-
[116]
Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador, préc., note 66, art. 17.8.4, 17.16.1, 17.17 et 17.18.4 : mariage, garde, tutelle et droit de visite, assistance sociale, santé et services sociaux, famille, enfance, jeunesse, éducation, culture, langue et religion. Voir aussi : Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, préc., note 107, art. 11 (1) (b) et annexe 3, partie II (langue, culture, spiritualité, adoption, formation, succession, célébration du mariage, capacité et règlement extrajudiciaire des différends) ; Accord définitif nisga’a, préc., note 66, art. 116 (dévolution des biens culturels).
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[117]
Jacques Lafon, « Les capitulations ottomanes : un droit paracolonial ? », (1999) 28 Droits 155, 167 ; S.L. Guterman, préc., note 2, p. 11. Voir aussi Joseph Schacht, Introduction au droit musulman, 2e éd., coll. « Islam d’hier et d’aujourd’hui », Paris, Maisonneuve et Larose, 1999. Sur le principe de la personnalité et le droit canonique, consulter : Eugène Pacelli, La personnalité et la territorialité des lois, particulièrement dans le droit canon. Étude historique, juridique, Rome, Scientia catholica, 1945 ; Jean Gaudemet, Les naissances du droit : le temps, le pouvoir et la science au service du droit, 4e éd., Paris, Montchrestien, 2006, p. 122-131.
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[118]
La coutume propre à un groupe ethnoculturel sera bien sûr applicable à l’ensemble de la population d’un territoire lorsque seuls les membres de ce groupe sont présents sur ce territoire. On se trouve alors en présence d’une territorialité « par défaut ».
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[119]
Voir : Jean-Marie Carbasse, Introduction historique au droit, 2e éd., Paris, Presses universitaires de France, 1999, p. 95-112 ; Norbert Rouland (dir.), Stéphane Pierré-Caps et Jacques Poumarède, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, Presses universitaires de France, 1996, p. 57-59.
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[120]
Au temps des premiers contacts, les cultures juridiques autochtones ont infléchi toutefois de manière décisive la conduite des relations diplomatiques entre la Couronne et les peuples autochtones de même que certains aspects des relations commerciales entre les colons et les autochtones : voir Commission du droit du Canada, préc., note 4.
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[121]
La coutume est l’« expression d’un consentement général » : J. Gaudemet, préc., note 117, p. 63.
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[122]
Cette entente est entrée en vigueur le 1er décembre 2005 : voir Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), Accord sur les revendications territoriales, [En ligne], [www.ainc-inac.gc.ca/al/ldc/ccl/fagr/labi/labi-fra.pdf] (20 novembre 2008).
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[123]
Voir l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador, préc., note 66, art. 17.3.4 (e) (la mise en évidence de la mention « aux Inuit » est de nous).
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[124]
Id. ; Labrador Inuit Constitution, préc., note 66, art. 9.1.2.
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[125]
Id. ; l’article 9.1.1 de la Labrador Inuit Constitution, préc., note 66, définit le droit coutumier des Inuits du Labrador de la manière suivante : « The customs, traditions, observances, practices and beliefs of the Inuit of Labrador which, despite changes over time, continue to be accepted by Labrador Inuit as establishing standards or procedures that are to be respected by Labrador Inuit are the customary laws of the Labrador Inuit and are referred to as Labrador Inuit customary law. »
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[126]
Lettre d’Abraham Bearskin, directeur de la protection de la jeunesse du Cree Social Services Center, adressée aux « All Band Chiefs », 31 juillet 1984. Un exemplaire de ce document est conservé au centre de documentation du Conseil de la nation attikamek, à La Tuque, dépositaire du fonds d’archives du Conseil attikamek-montagnais (CAM) (boîte no 9700-32-26). L’existence de cette lettre a été soumise à l’attention des auteurs par Me Anne Fournier.