Chronique bibliographique

Marcel Martel et Martin Pâquet (dir.), Légiférer en matière linguistique, coll. « Culture française d’Amérique », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008, 449 p., ISBN 978-2-7637-8816-6.[Record]

  • Guy Tremblay

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  • Guy Tremblay
    Université Laval

Les textes sont regroupés dans trois parties, dont la troisième surtout fait appel à des juristes. Les deux premières parties se situent en amont de la loi et traitent en fait de l’élaboration des politiques linguistiques. Ce qui ne veut pas dire qu’elles manquent d’intérêt juridique. Les facultés de droit canadiennes et québécoises donnent toutes des cours de méthodologie et d’interprétation législative qui intègrent les processus de création du droit. Plusieurs des textes du recueil ici en cause pourraient leur servir d’illustrations concrètes. La première partie s’intitule « Circonscrire le lieu politique ». Le commissaire fédéral aux langues officielles, Graham Fraser, rappelle d’abord la contribution des principaux artisans de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme (commission Laurendeau-Dunton). Certaines recommandations de la Commission ont été mises en oeuvre dès 1969 dans la Loi fédérale sur les langues officielles. M. Fraser souligne que la pensée de la Commission et celle de Camille Laurin, père de la Charte de la langue française au Québec, se rejoignent sur quelques points, notamment sur l’idée que la langue est plus qu’un outil, qu’elle « donne accès à une culture » (p. 24). Il n’explique cependant pas la transition entre le « biculturalisme » de l’époque et le « multiculturalisme » lancé par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1971. Les quatre textes suivants sont le fait d’historiens : Valérie Lapointe-Gagnon démontre le rôle de Frank R. Scott dans l’élaboration des politiques linguistiques au Canada (1960-1984) ; Julia Lalande fait ressortir que les Ukrainiens misaient sur le multiculturalisme en intervenant dans le débat engendré par la commission Laurendeau-Dunton ; Patrick-Michel Noël relate les revendications et les gains de la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick sous le gouvernement conservateur de Richard Hatfield (1970-1987) ; et Sabrina Dumoulin rend compte des rôles joués depuis 1969 par le commissaire fédéral aux langues officielles. Trois interventions de personnes qui ont travaillé en matière d’aménagement linguistique complètent la première partie. L’expert Stacy Churchill fait état des recherches qui ont soutenu le développement de l’enseignement en français dans les provinces anglaises. Il signale que les politiciens n’auraient pas pris leurs responsabilités en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés : en renvoyant les conflits au pouvoir judiciaire, ils « pouvaient éviter d’assumer le risque de perdre des voix aux élections » (p. 139). Aux yeux de l’auteur, toutefois, l’« ère des grands procès semble avoir touché à sa fin » (p. 146). Pour sa part, Joseph-G. Turi, spécialiste du droit linguistique, rend compte de sa contribution aux travaux de la commission Laurendeau-Dunton de même qu’à la rédaction et à l’application de la Charte québécoise de la langue française. Lorsque le Québec envisageait en 1988 d’utiliser la clause dérogatoire pour maintenir l’unilinguisme français dans l’affichage commercial, il savait qu’il risquait la mort de l’accord du lac Meech (p. 171). Enfin, Don Stevenson, ancien ministre ontarien des Affaires intergouvernementales, relate l’élaboration de la politique linguistique de l’Ontario sous le gouvernement du premier ministre Robarts. La deuxième partie, intitulée « Mobiliser un savoir », se situe elle aussi en amont de la loi et elle recense diverses disciplines susceptibles d’éclairer les choix du législateur : la « nouvelle économie statistique » (Beaud et Prévost, p. 193), la sociolinguistique (Heller, p. 217), l’histoire (Fournier-Plamondon, p. 237 ; Hayday, p. 295), la science politique (Bourgeois, p. 267) et la politique linguistique comparée (Courcy, p. 317). Il arrive cependant que les affirmations juridiques dans ces pages soient fausses ou approximatives. Ainsi, l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne protège pas le droit à des services gouvernementaux …

Appendices