Chronique bibliographique

Olivier Jouanjan et Friedrich Müller, Avant Dire Droit. Le texte, la norme et le travail du droit, coll. « Dikè », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007, 96 p., ISBN 978-2-7637-8559-2.[Record]

  • Guillaume Provencher

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  • Guillaume Provencher
    Université Laval

La direction de la collection Diké a offert aux auteurs Olivier Jouanjan et Friedrich Müller de se réunir une nouvelle fois pour produire un ouvrage en commun. Le duo d’auteurs, tous deux constitutionnalistes, a profité de l’occasion afin de poursuivre son activité discursive nécessaire à l’institution du dialogue entre linguistes et juristes. Les auteurs se penchent dans ce volume paru en 2007 sur « des questions pratiques du travail juridique qui sont, pour beaucoup, des questions de sémantisation posées, dans le mouvement de la “lutte pour le droit”, dans la tension des litiges et procès, sous la forme de “luttes sémantiques” » (p. 21). Leur ouvrage regroupe quatre textes qui trouvent tous leur source inspiratrice dans la Théorie Structurante du Droit élaborée par Müller durant les années 60. Traduite par Jouanjan et par la suite soutenue par les deux auteurs au fil des années, cette théorie constitue la trame de fond du présent ouvrage. À la suite d’une présentation commune de l’ouvrage, Friedrich Müller signe seul un texte intitulé « Travail de textes, travail de droit. La question linguistique dans la Théorie Structurante du Droit » (p. 23). Cet essai constitue l’élément déclencheur de la discussion menée dans l’ensemble de l’ouvrage. Olivier Jouanjan enchaîne ensuite avec trois textes publiés antérieurement, mais révisés à l’occasion de cette parution. Dans son premier texte, l’auteur français explore le rapport langage/droit. Intitulé « Nommer/Normer » (p. 43), ce texte est consacré à la notion de la normativité de la norme dans un contexte juridico-linguistique. Puis, dans son deuxième texte, Jouanjan expose brièvement la Théorie Structurante du Droit, mais cette fois-ci, il « se bornera à indiquer seulement, sur la carte des doctrines, sa position » (p. 75). Enfin, dans son troisième et dernier texte, Jouanjan se penche sur l’acteur de la théorie juridique, sur le travailleur du droit, celui par qui le droit devient possible. Le lecteur trouvera également à la fin de l’ouvrage une bibliographie générale complète et détaillée de tous les articles et ouvrages auxquels les auteurs ont fait référence. Müller et Jouanjan font tous les deux partie du Groupe de Heidelberg, un regroupement de linguistes et de juristes s’intéressant à la relation particulière entre le langage et le droit. Le texte proposé par Müller dans l’ouvrage recensé a fait l’objet de nombreuses discussions au sein de ce groupe. Il traite de la relation entre la Théorie Structurante du Droit et la linguistique moderne. Selon Müller, il est impossible d’aborder la première sans devoir aussi envisager la seconde, car, par surcroît, la théorie de Müller est fondée sur certaines considérations linguistiques. Engagé personnellement depuis plus de vingt ans au sein du Groupe de Heidelberg, Müller constate que faire l’économie de la linguistique dans une théorie sur les fondements du droit ne permettrait pas de représenter la réalité du droit qui est, selon lui, fondamentalement langagière : « Les juristes travaillent inévitablement non pas seulement avec, mais aussi dans la langue » (p. 23). En effet, peu importe le repère juridique invoqué par un juriste, il ne sera jamais donné autrement que comme texte précise Müller. Le juriste ne trouve pas ses repères à l’extérieur de la langue. À partir du moment où il choisit de faire entrer en discussion un concept juridique ou une idée quelconque, le juriste doit faire usage du langage. Cette nécessité à user de la langue positionne les concepts et les repères juridiques dans le langage : Ainsi, soutient Müller, une décision judiciaire ne peut pas être la solution d’un processus mécanique qui pourrait laisser croire à une précompréhension du cas jugé. Autrement dit, une décision judiciaire …