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Si, dans le droit international, l’eau demeure une ressource naturelle comme les autres, le débat public a pris depuis quelques années, à l’échelle mondiale, une tout autre direction. Depuis le début des années 90 en effet, c’est la dimension vitale de l’eau qui a été mise de l’avant : revendication pour la reconnaissance de l’accès à l’eau au titre des droits humains, affirmation du caractère patrimonial et collectif de cette ressource[1] et exigences de transmission ont peu à peu élargi le champ de considérations, de l’intérêt national aux relations interétatiques puis à l’intérêt de l’humanité dans son ensemble[2]. Cependant, cette multidimensionnalité de l’objet « eau »[3] n’est pas inscrite en droit international et les États demeurent réticents, pour le moins, à dépasser le paradigme de la souveraineté dans la considération de cette ressource vitale.

À l’heure actuelle, l’eau est considérée par le droit international au titre des ressources naturelles, auxquelles s’appliquent les principes de la souveraineté et de la liberté des échanges[4]. Dans la mesure où l’eau ne respecte pas les frontières, la souveraineté a dû, dans bien des cas et depuis longtemps, être aménagée et pondérée, notamment par les règles de l’obligation de ne pas causer de dommages et de l’utilisation équitable[5], pour tenir compte au moins de cette partie de la réalité physique de l’eau. De fait, la préoccupation principale de ce champ du droit international a été, et reste largement jusqu’à aujourd’hui, de trouver des solutions pacifiques aux conflits qui peuvent surgir entre deux ou plusieurs souverainetés autour d’une « ressource partagée[6] ». De manière générale, il n’est d’ailleurs pas question de droit international de l’eau mais de droit international des cours d’eau ou de droit des cours d’eau internationaux.

Ces normes, relevant essentiellement d’un droit de la coexistence, n’apportent que peu de critères utiles, tant pour régler les conflits qu’en vue de poursuivre les intérêts de la « communauté internationale dans son ensemble », notamment en matière de respect des droits humains et de préservation des écosystèmes planétaires. Sans reprendre ici une analyse systématique des normes de la Convention de New York abondamment discutées dans la littérature, ne pensons qu’à la norme substantielle d’équité, autour de laquelle gravite l’économie générale de cette convention[7] et qui, à notre avis, en affaiblit significativement la portée du point de vue de la résolution des conflits[8].

Or, si, comme nous l’avons soutenu ailleurs[9], la « politisation » des enjeux de l’eau douce à l’échelle internationale dès les années 90 a été induite essentiellement par leur traitement économique, leur captation par les institutions financières internationales et leur « privatisation » par les nouvelles formes de gouvernance mondiale, il reste que, plus récemment, l’attention accordée par le Groupe intergouvernemental sur l’étude du climat (GIEC) aux conséquences du changement climatique sur la problématique de l’eau aura, plus que tout autre argument, rouvert l’espace de la considération du cycle hydrologique et des ressources en eau au titre des enjeux environnementaux globaux. Cette « fenêtre d’opportunité » ne dispose pas, toutefois, des difficultés inhérentes à la construction des catégories juridiques qui pourraient éventuellement contribuer à l’institutionnalisation d’un véritable « en-commun[10] » de l’humanité.

Dans cette perspective en effet, un statut juridique pertinent pour l’eau douce devrait permettre de répondre à la complexité et à la globalité, tenant dûment compte du caractère dialectique du rapport humain/nature et de l’interdépendance local/global. Il devrait par ailleurs permettre de donner un contenu juridique au concept économique de développement soutenable[11], afin de préserver les capacités de régénération des ressources, des cycles, des processus et des équilibres. Il devrait traduire le souci d’assumer nos responsabilités face aux générations futures[12] et de garantir « la reconnaissance de la multiplicité des usages dont les espaces et ressources sont susceptibles[13] », tout en répondant à la finalité de l’accès universel.

Cependant, la première condition d’un tel statut et du régime qui en découlerait est sa légitimité : s’il est possible de faire reposer la légitimité dans la loi[14], il reste que cette dernière tire elle-même sa légitimité du politique, de la « volonté générale » ou de la « souveraineté du peuple ». C’est la volonté politique qui confère la légitimité à la loi, mais il lui faut encore un critère strictement politique capable de légitimer le pouvoir, fonction que remplit la notion classique de « bien commun [15] ». Sur le plan mondial, droits humains et survie de l’humanité, qui ressemblent parfois aux deux pôles, individuel et collectif, d’un même principe, celui de la dignité humaine[16], nous semblent constituer un critère approprié et largement accepté.

Les définitions concrètes du bien commun sont des produits sociaux, historiquement et géographiquement situés. Or, nous pouvons soutenir, avec François Lille, que « la culture émergente à l’échelle mondiale est celle des droits humains[17] ». Sur la base d’un tel critère et malgré les difficultés d’opérationnalisation, un statut tel que celui de res publica[18] de l’eau douce, essentielle à la fois à la survie de l’humanité et à la mise en oeuvre des droits humains, paraît incontournable.

Construction sociale lui aussi, le droit doit cependant se poser la question du pourquoi, afin de répondre ensuite avec pertinence à la question du comment. Pourquoi l’eau douce doit-elle être considérée du point de vue des enjeux environnementaux globaux plutôt que de la souveraineté sur les ressources naturelles d’une part, mais également, d’autre part, pourquoi les catégories créées jusqu’ici ne répondent-elles pas aux objectifs poursuivis ?

Au cours des dernières décennies, les enjeux environnementaux globaux ont ouvert la perspective des « préoccupations communes » de l’humanité, dans laquelle n’a cependant pas été appréhendée l’eau douce. La question du pourquoi demeure donc entière, alors même que c’est elle qui, très largement, sert d’assise à la légitimité des normes : c’est la justification de l’intervention du droit. Avant même de décliner le contenu, les normes et les obligations qui pourraient être attachés à un tel statut de chose publique (res publica), il apparaît donc essentiel d’analyser les fondements, les finalités, bref les motifs justifiant d’un tel statut pour le cycle hydrologique et les ressources en eau douce. C’est notre objectif dans le présent article.

Nous examinerons dans les pages qui suivent les critères auxquels devrait répondre l’application d’un statut de res publica à une ressource vitale telle que l’eau douce, située au moins en partie sur le territoire des États souverains. Il nous faut, dans cette perspective, préciser successivement les critères de détermination d’une telle res publica universelle (1), les critères de gestion devant s’appliquer à une telle ressource vitale (2) et les finalités poursuivies à travers un tel statut et un tel régime (3).

1 Des critères de qualification

La qualification des éléments de l’environnement par le droit international a, pendant longtemps, souffert de peu d’ambiguïté, le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles[19] en renvoyant la compétence au sein de chaque État, à l’exception des modalités d’échange pouvant s’y appliquer.

Durant la seconde moitié du xxe siècle toutefois, les États se préoccupent de ressources sises hors toute zone de souveraineté, notamment la mer et l’espace, et pour lesquelles il s’agit de définir un statut et des règles. Le principe de la liberté des mers ne semble plus suffire ici et l’on voit apparaître le concept de patrimoine commun de l’humanité, concept qui sera intégré et largement défini dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer[20].

Ayant pour objet, à l’origine, un accès équitable pour tous à ces ressources communes[21], le concept de patrimoine commun de l’humanité ne pouvait à lui seul assurer un fondement valide aux constructions juridiques destinées à organiser la destination universelle des biens[22] : « Notre droit est incapable de penser et d’instituer le collectif […] Là se trouve incontestablement la première raison de la non-protection de l’humanité[23] », a fortiori de son éventuel patrimoine. Ayant voulu s’immiscer au coeur d’un droit dépourvu des outils nécessaires pour le recevoir en tant que tel, ce concept s’est vu adapté, interprété, intégré, ramené à une dimension compatible avec la nature des outils dont nous disposons. Avec l’Accord de 1994[24], dont l’objet est d’en réviser les modalités de mise en oeuvre, le patrimoine commun de l’humanité se voit donc soumis aux règles habituelles de la liberté des échanges.

Après les débats ayant entouré l’introduction du concept de patrimoine commun de l’humanité dans la Convention de Montego Bay et le Traité sur la Lune et les autres corps célestes[25], ce dernier n’a plus jamais été utilisé en droit positif pour qualifier une ressource[26]. Il n’est pas pour autant disparu des débats et de la doctrine, mais dans les textes juridiques internationaux, qu’ils soient ou non contraignants, c’est essentiellement le concept de « préoccupation commune de l’humanité » qui a été utilisé depuis lors pour qualifier les ressources vitales. C’est en 1988, pour qualifier l’atmosphère, qu’apparaît pour la première fois le concept de common concern of mankind, ou « préoccupation commune de l’humanité », dans une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies[27].

À un premier niveau et dans une interprétation très minimaliste, il est aisé de considérer que c’est un concept à travers lequel s’exprime l’action collective de la communauté internationale[28]. Lorsqu’il est employé pour qualifier un problème environnemental ou une ressource, il suppose que la communauté internationale devra déployer des efforts communs pour coopérer et résoudre la situation. Cependant, d’autres[29] en font un critère d’identification du jus cogens, dans la mesure où, précisément, ce dernier vise à protéger par des normes péremptoires les intérêts communs de la communauté internationale, transcendant les intérêts particuliers des États pris séparément[30]. Dans une perspective similaire, la « préoccupation commune de l’humanité » peut être considérée comme un stade évolué de l’Affaire delaBarcelona Traction[31], un concept ouvrant la porte à des obligations erga omnes et, s’agissant d’une préoccupation commune tirant son origine d’un intérêt commun, chaque État du monde serait, sur cette base, fondé au locus standi afin de forcer le respect des règles destinées à mettre en oeuvre cet intérêt commun[32]. Pour d’autres auteurs, par contre, ce concept demeure essentiellement politique, par opposition au concept de patrimoine commun de l’humanité qui serait un concept légal. C’est là une opinion partagée par plusieurs juristes en droit international de l’environnement[33].

À la Conférence de Rio en 1992[34], s’inscrit la conscience du fait que certains éléments de l’environnement, mis à part les zones où ne s’applique aucune souveraineté comme la haute mer ou l’espace, ne peuvent être appréhendés utilement dans le contexte de souverainetés territorialement bornées. Le concept de « préoccupation commune » de l’humanité sera donc appliqué pour qualifier ces enjeux environnementaux dits « globaux », tels que l’atmosphère ou la biodiversité, mais les États n’accepteront pas de considérer l’eau douce à ce titre et celle-ci reste à ce jour, sur le plan du droit international, une ressource naturelle[35] comme les autres, bien qu’elle soit de « souveraineté partagée » quand elle traverse le territoire de plus d’un État. Malgré une proposition officielle en ce sens, la communauté des États n’a pas souhaité doter cette ressource vitale[36] d’un cadre normatif. Aucune catégorie spécifique n’a donc, à ce jour, sur le plan international, été envisagée, qui permettrait de tenir compte de la double nature de l’eau comme système et comme ressource[37]. C’est pourquoi les fondements d’une telle considération méritent d’être analysés et précisés.

1.1 D’abord une désignation formelle

Dans une situation d’imprécision, le risque est grand d’un impérialisme du commun. Protéger quoi, au bénéfice de qui et de quels droits : « Une notion “socle” attend des prolongements sans quoi son sens peut être dévié[38] », ce qui a largement été le cas pour le concept de patrimoine commun de l’humanité dans le droit de la mer, avec l’Accord de 1994[39].

En ce sens, le premier critère devant s’appliquer nous apparaît formel, au vu des débats qui ont eu cours par le passé autour des différentes utilisations du concept de patrimoine commun de l’humanité : pour être considéré comme régime de res publica, en effet, il faut que ce concept soit reconnu officiellement comme tel, et non simplement déduit[40], d’autant que l’élaboration d’un statut juridique spécifique répond à un objectif d’application de règles particulières, de contraintes et d’obligations précises en vertu de ce statut, de cette catégorie.

1.2 Le passage du critère territorial au critère fonctionnel

Une fois établi qu’un tel statut ne s’applique qu’aux éléments désignés officiellement à ce titre, la qualification de l’environnement ou de certaines ressources et certains écosystèmes au titre de res publica universelle supposera de « sortir » l’environnement de la division traditionnelle des espaces en droit international , « que nous pourrions caractériser comme étant l’espace d’intérêt général pour la communauté internationale ou de préoccupation globale de l’humanité[41] ».

Les écosystèmes et certaines ressources ne pouvant en effet être circonscrits, dans bien des cas, aux espaces internationaux ou aux espaces des territoires nationaux, leur localisation ne suffit pas à en définir le statut[42].

L’eau douce et les cours d’eau constituent un parfait exemple de cette difficulté à définir territorialement certaines ressources : traversant le territoire d’États souverains[43], ils ne s’y limitent pas et de nombreuses interactions du cycle hydrologique se situent en dehors de tout espace de souveraineté, dans les océans et l’atmosphère. Cette configuration globale systémique[44] oblige à dépasser le critère territorial de définition du statut des ressources pour les appréhender utilement.

Il importe donc dès lors, pour dépasser la question de la localisation d’une ressource, de prendre en considération ses fonctions et ses usages écosystémiques, usages non exclusifs puisque « l’environnement n’appartient à personne[45] ». Ce passage d’une conception territoriale à une conception fonctionnelle[46] exige aussi, par ailleurs, le passage d’une problématisation axée sur la propriété à une conception de responsabilité, de fiduciaire ou de mandataire[47]. Il y a alors substitution, de la logique du souverain à celle de mandataire, ou une considération fonctionnelle de la souveraineté.

Le statut de res publica devrait donc s’inscrire, dans cette perspective, par delà tout autre statut ou norme en tant qu’il désigne cet écosystème ou cette ressource comme d’intérêt public universel au regard des fonctions qu’il ou elle remplit : « it may well branch out into the domaine réservé of states as happened with human rights protection generally[48] ». C’est dans le domaine des forêts tropicales qu’a été le plus systématiquement approfondie cette appréhension fonctionnelle des ressources et des écosystèmes[49].

2 Des critères de gestion

Un statut de res publica universel doit donc, dans un premier temps, se déterminer sur la base des fonctions remplies par un élément de l’environnement et être attribué officiellement à cet élément. Si le caractère essentiel, d’intérêt public, des fonctions exercées par cet élément justifie de lui attribuer un tel statut, il s’agira, dans un second temps, de préciser des critères de gestion à même de garantir l’exercice de ces fonctions et de les préserver. À cet égard, deux enjeux principaux seront examinés ici : la gestion du partage, de la répartition, s’agissant d’une ressource, d’un écosystème « commun » ; et l’échelle de gestion, s’agissant tout autant d’une ressource locale que d’un système global.

2.1 Au-delà du partage équitable, un critère de solidarité

Si le principe du partage équitable intégré au concept de patrimoine commun de l’humanité lors de son introduction dans le droit international pour désigner des ressources extraterritoriales avait avant tout pour objet le partage des bénéfices de ressources essentiellement économiques, en matière d’environnement planétaire, ce sont aussi et surtout les responsabilités qui doivent être équitablement réparties[50]. Le partage des responsabilités pour la préservation des ressources et des écosystèmes trouve ses fondements dans la Déclaration de Stockholm[51], notamment aux principes 2-4 et 5, ainsi que, de manière encore plus précise, dans la Déclaration de Rio, sous la forme des responsabilités communes mais différenciées[52]. Or, dans un contexte où les modes de développement actuels dépassent largement, déjà, la capacité portante de la planète à bien des égards, un tel partage des responsabilités signifie en fait : comment partager les charges et les limites[53] ?

Si ces ressources doivent être préservées en vertu de leur caractère vital et si les charges de cette préservation doivent être équitablement réparties, qu’en est-il, par ailleurs, de l’accès à ces ressources vitales, d’une part, et des bénéfices qui peuvent être tirés de leur utilisation à diverses fins de développement économique, d’autre part ? Il faut rappeler ici la quasi-absence de normes applicables aux ressources en eau douce qui, sous différentes formes, se situent en dehors de la compétence des États : si les icebergs sont au plus considérés comme res nullius, l’hydrosphère, elle, est pratiquement inexistante en droit international[54]. Or, d’intérêt public du fait de leurs fonctions vitales, les ressources en eau n’en demeurent pas moins potentiellement utilisables pour d’autres fonctions, comme l’ensemble des ressources naturelles. En matière d’eau douce, ces différentes dimensions sont d’autant plus problématiques que cette ressource est non seulement nécessaire à la vie humaine mais aussi au maintien de la biodiversité, des équilibres de la biosphère et au développement. Que faire lorsque l’eau disponible ne peut permettre de répondre à ces trois fonctions simultanément[55] ?

L’interprétation du principe des responsabilités communes mais différenciées, largement axée jusqu’ici sur les responsabilités différentes des pays développés et des pays en développement, devrait sans doute être élargie pour appréhender utilement le partage des charges et des limites dans le domaine des ressources en eau.

Une communauté locale, nationale ou régionale a-t-elle l’obligation de renoncer aux bénéfices de développement que pourraient lui apporter des ressources en eau douce excédentaires au nom de la préservation ou de la redistribution, pour l’humanité ? Une telle obligation devrait être strictement circonscrite en tenant compte des exigences de l’équité intergénérationnelle et donner lieu à des compensations, elles aussi équitables[56]. Serait-il ainsi possible de concevoir, par exemple, une « mission de service public » de l’Amazonie, de redistribution/préservation continentale des ressources en eau douce, rémunérée de manière appropriée au titre d’une économie publique de l’eau ? Faudrait-il envisager des mesures d’interdiction et de contrôle de la pollution plus restrictives dans certaines zones de sources, en montagne notamment, dont la charge serait assumée par l’ensemble des bénéficiaires du bassin versant et éventuellement même par un « fonds public universel » dans la mesure de la contribution de tels choix au maintien de l’équilibre écologique des océans et du cycle hydrologique ?

Les États ont reconnu dans la Convention de Montego Bay qu’un État ne devrait pas souffrir seul des conséquences d’une situation géographique désavantageuse. Le même principe ne devrait-il pas s’appliquer au désavantage hydrologique[57] ? Une telle solidarité pourrait prendre différentes formes. Elle ne signifierait pas nécessairement des déplacements massifs d’eau, au contraire, vu les effets écosystémiques graves que de tels déplacements pourraient occasionner dans bien des cas. Le transfert de technologies adaptées et d’expertise, tout comme le transfert d’eau virtuelle[58], à travers l’échange de produits agricoles, pourraient, par exemple, être considérés à ce titre, moyennant leur soumission aux mêmes règles d’intérêt public cependant, et non aux règles du libre marché qui ne pourraient garantir la sécurité alimentaire des populations. Sous le concept d’eau virtuelle pourraient être envisagées des règles de base pour une répartition soutenable des activités de production socialement nécessaires mais exigeant de grandes quantités d’eau, de telle sorte que les fonctions vitales de l’eau puissent être assurées en priorité. C’est aussi sur le plan technologique, notamment, que pourrait être envisagé le partage, dans les régions où la population dépend entièrement de nappes souterraines non renouvelables. Les moyens techniques permettant de « remplir » ces nappes pourraient être mis à la disposition de ces communautés, ce qui éviterait ainsi de dégrader leur capacité de réservoir pour le futur sans compromettre le droit des générations actuelles à une quantité d’eau suffisante pour leur subsistance et leur développement, dans l’intérêt public universel : « Legally, these states, as members of the international community, should be regarded as having an interest in the global hydrologic cycle. Conceptually, the international mechanism would assist them in obtaining an equitable share of the water constantly moving through that cycle[59]. »

Cependant, l’équité — « répartir entre » — ne suffit pas : comme nous l’avons souligné ailleurs[60] dans le cas de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation[61] et du principe de l’utilisation équitable, l’absence de tout critère prédominant peut difficilement mener à l’équité lorsqu’une ressource est à la fois vitale et limitée, et qu’elle fait l’objet de plusieurs usages concurrents[62].

C’est ici que le critère des droits humains — sur lequel nous reviendrons — s’avère essentiel, car il est adossé, conceptuellement, au principe de la solidarité : ensemble. Il faut pouvoir dépasser ici une simple logique d’aide au développement ou de coopération volontaire. Il y a une différence radicale à considérer les besoins de base en matière d’eau du point de vue de la charité ou du point de vue de la justice et des droits humains : dans ce dernier cas, il y a un « titre à », (entitlement), et cela doit se traduire par des normes et des institutions : « Perhaps part of the solution, then, could lie in this kind of redistribution based on the theory that at least the water that evaporates from the high seas is res communis and should be allocated equitably among the peoples of the world[63]. »

Du point de vue des responsabilités, enfin, qui dit préservation, dit limite au développement et qui dit limite au développement, dit limite à la croissance à la fois économique et à celle de la population.

La question de savoir si un niveau d’augmentation de population non soutenable[64], comme des modes de développement économique non soutenables[65], ouvre ou non la porte au soutien de la communauté internationale du point de vue des ressources en eau ne pourra être évitée. Cette question, difficile, est pourtant incontournable du point de vue de la préservation/redistribution d’une res publica universelle, « transtemporelle »[66]. Elle est d’autant plus difficile que le premier cas de figure s’applique essentiellement à des pays pauvres, alors que le second concerne les pays les plus développés. Impossible pour autant de l’éviter, si tant est que l’idée soit d’aborder les présents enjeux dans toute leur complexité, car la problématique de l’eau n’est pas qu’une question d’inégalités dans le présent. Elle concerne aussi les générations futures : le partage des charges et des bénéfices a également une dimension temporelle puisque le potentiel de développement semble illimité, pour une ressource qui demeure, elle, limitée[67]. Cette question, en somme, découle ipso facto de la prise en considération des limites.

Dans le fait de tenir compte de l’interdépendance qui a engendré notamment le principe des responsabilités communes mais différenciées en droit international de l’environnement, il y a l’idée d’une responsabilité partagée par l’ensemble de la communauté internationale à l’égard de la préservation des ressources et de l’environnement, particulièrement des écosystèmes nécessaires au maintien de la vie. Parce que le droit à la vie est inhérent à chaque être humain, présent et futur, il existe une responsabilité commune, un intérêt public à cette préservation. Et même sans prétendre créer un droit individuel au sens strict pour des êtres qui n’existent pas encore[68], nous estimons que la responsabilité demeure de maintenir les conditions générales de mise en oeuvre pour l’avenir, c’est-à-dire un environnement viable. Cette exigence devient d’autant plus urgente que les changements climatiques globaux peuvent induire, au cours des prochaines décennies, la réduction de l’espace effectivement viable sur la planète, ce qui appellera à une nouvelle interprétation du droit à la vie à l’aulne de ces nouvelles contraintes[69].

2.2 Des critères d’échelle et une exigence de subsidiarité

Pour autant, la détermination de principes généraux s’appliquant universellement et un statut spécifique pour les ressources en eau planétaires ne disposent pas des modalités de leur gestion à toutes les échelles, pas plus qu’ils ne peuvent prescrire l’ensemble des règles devant s’appliquer dans une variété de situations, d’autant que le droit des peuples de se gouverner eux-mêmes fait partie des valeurs importantes enracinées dans l’histoire mondiale[70].

Une variété prodigieuse de régimes locaux ou régionaux de gestion des communs peut exister sans que soient remis en cause les principes d’une res publica universelle, dans la mesure où ceux-ci respectent dans leurs finalités les règles générales, principalement les exigences de la dignité humaine[71], du point de vue à la fois de la substance (critères) et de la forme (institutions et actes de procédure). Une variabilité des régimes de communs est possible et même souhaitable pour autant qu’ils respectent les principes universels définis collectivement : « Peu à peu pointe une notion dont il y a beaucoup à attendre, mais non sans une considérable clarification préalable. C’est la notion de subsidiarité. Elle est avec la notion d’humanité, de ces notions porteuses d’évolution véritable[72]. » L’identification de l’en-commun universel ne suppose pas que tout soit géré de manière uniforme et centralisée, mais l’intérêt public universel détermine la répartition et les limites du pouvoir.

Dans le domaine des ressources en eau, le droit est placé devant deux réalités incontournables : la réalité physique de l’eau et la réalité politique des unités d’organisation humaine en communautés politiques. Or, il n’y a aucune correspondance, pratiquement, entre ces deux réalités qu’il s’agit de réconcilier. Les échelles de considération physique des ressources en eau correspondent au milieu de vie (local), au bassin versant de même qu’au cycle hydrologique et pratiquement aucun territoire d’organisation politique ne s’inscrit dans un tel découpage.

S’agissant des ressources et de l’environnement, aucune mise en oeuvre effective de quelque politique que ce soit n’est possible sans ancrage local : « Une des raisons pour lesquelles le contrôle local est essentiel est que l’environnement est localisé [73] », malgré sa globalité. La proximité physique détermine, dans les faits, l’usage des ressources et ces usages, en s’additionnant, déterminent le degré de pression sur les écosystèmes. Si les êtres humains sont aujourd’hui capables, scientifiquement et techniquement, d’aménager ou de détourner les ressources en eau à grande échelle, les usages demeurent largement déterminés localement, et si la dégradation des ressources induite par les usages peut contaminer le cycle dans sa globalité, leur source reste bien souvent, elle aussi, localisée[74].

En ce sens, pour éviter « la délocalisation du “bien” et la confiscation internationale du “commun”[75] », tout autant que la décentralisation totale qui mènerait à nier l’intérêt commun[76], la subsidiarité est essentielle, afin que les décisions pertinentes puissent être prises à l’échelle où elles s’imposent. La subsidiarité cherche à concilier des objectifs qui ne relèvent précisément pas des mêmes échelles de décision sans pour autant donner la préséance à l’une sur l’autre par effet de hiérarchie. Elle veut organiser la conflictualité sans la nier : « Certaines parties en présence […] ont alors rouvert un autre débat habituellement occulté parce qu’il pose le problème de leur propre légitimité, à savoir la place du local dans la politique internationale du bien commun[77] », cherchant à déterminer les conditions d’une synthèse entre gestion locale et bien commun, avec une nouvelle approche de la décentralisation[78].

Ainsi, ni le local ni même l’État national ne peuvent être les lieux uniques de décisions en ce qui concerne les ressources en eau, partie d’un cycle global. Ils deviennent un palier d’articulation parmi d’autres en vue de la mise en oeuvre des règles inhérentes à la res publica universelle. L’intérêt à agir ne peut être laissé seulement aux États : le contrôle démocratique par le bas et sur le plan des bassins versants ainsi que les normes mondiales doivent servir de cadre à l’action des États[79], dont la réalité physique ne correspond pas à celle des écosystèmes considérés. Ils ne peuvent donc pas, dès lors, être le seul lieu de la redistribution ou de la préservation. De même, le principe de la péréquation[80] ne peut plus se limiter au niveau national ni en ce qui concerne le partage équitable des charges, ni pour ce qui est du partage équitable des bénéfices[81].

Au-delà donc des communautés locales et des pouvoirs nationaux, l’interdépendance écologique des ressources en eau au sein des bassins versants exigera une gestion et des règles communes à ce niveau[82]. Cette prise en considération s’opère déjà dans une certaine mesure, soit à l’intérieur des États ou dans les rapports interétatiques à travers une institutionnalisation de la gestion de certains bassins internationaux[83]. Cependant, cette échelle ne dispose pas encore de la totalité de l’interdépendance[84] puisque chaque bassin contribue ultimement au cycle hydrologique global.

La subsidiarité prend ici tout son sens, chaque niveau étant essentiel à l’atteinte des objectifs de préservation et de redistribution et aucun n’étant à même à lui seul de les déterminer et de les mettre en oeuvre, car l’objectif de préservation comprend l’idée de maintenir l’intégrité et l’équilibre du cycle hydrologique lui-même, ce qui dépasse la simple préservation de la ressource qu’est l’eau. Si une gestion pérenne et équitable des ressources en eau doit être décentralisée, à l’échelle des bassins, elle doit s’inscrire dans un régime universel, car, au regard de l’interdépendance, si quelques États s’en extraient, un tel régime, de res publica universelle, ne pourra remplir ses finalités[85].

3 Des critères de nécessité

Ainsi, l’eau, formellement désignée res publica parce qu’elle est vitale dans ses fonctions, gérée dans une perspective de solidarité, doit également permettre la diversité malgré des règles communes. À partir de quels critères, donc, la subsidiarité doit-elle se structurer ? Les finalités de la paix, du respect des droits humains et de la pérennité des systèmes de support de la vie pourraient, à notre avis, servir de critères à la répartition du pouvoir entre les sujets et les échelles de décision, puisque, dans l’état actuel du droit international et de la gouvernance mondiale[86], celles-ci sont probablement les seules qui puissent recueillir un large consensus. Malgré les débats, nombreux, sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre de telles finalités, il reste que ces dernières justifient que les règles destinées à les réaliser, quelles qu’elles soient, relèvent de l’« ordre public[87] », puisqu’elles sont nécessaires à la survie/reproduction de l’humanité en tant que telle[88].

3.1 De la « préoccupation commune »

Dans la mesure où un statut de res publica universelle serait attribué à certaines ressources ou à certains écosystèmes sur une base fonctionnelle plutôt que sur leur localisation, ces fonctions devraient être essentielles eu égard aux finalités communes que sont la paix, le respect des droits humains et la préservation de l’environnement planétaire, composantes de l’intérêt public universel. L’extension d’un statut de res publica universelle à des ressources parfois sous l’autorité nationale, parce qu’elle entraîne des obligations légales tangibles sur le territoire des États, exige un critère de nécessité, celui de « préoccupation commune de l’humanité », qui aurait la même signification que l’expression « vital global importance[89] », et rejoint la conception selon laquelle la préoccupation commune de l’humanité peut servir de critère à la détermination du jus cogens[90]. L’expression « intérêt public universel » pourrait tout aussi bien convenir, mais elle demeurera toujours entachée d’imprécision. Certains y voient l’« ordre public », marquant la limite du pouvoir des États[91].

Kemal Baslar estime que, dans cette perspective, nul ne pourrait considérer à ce titre des ressources qui ne constituent une préoccupation que pour une région spécifique ou quelques pays. Cet auteur soumet, à l’appui de son argumentation, l’exemple de la Convention de Barcelone sur la Méditerranée[92] et affirme qu’il aurait fallu employer l’expression « shared natural resource » plutôt que « patrimoine commun[93] », pour qualifier la Méditerranée. Cet exemple illustre à la fois la pertinence de l’ajout d’un critère comme celui de la préoccupation commune ou de l’importance vitale globale, en même temps qu’il montre bien la difficulté de définir ce qui relève effectivement de cette préoccupation universelle. Dans la perspective présentée, la même question pourrait être soulevée à propos de l’Antarctique par exemple : en vertu de quoi l’Antarctique, partie du cycle climatique global, plus que la Méditerranée, partie du cycle hydrologique global, devrait-il être considéré comme patrimoine commun de l’humanité[94] ? Si c’est dans leur contribution aux cycles globaux ou dans leur incidence sur ces derniers que des écosystèmes localisés peuvent être définis au titre de patrimoine universel, chacun constatera aisément que ce critère peut aider à en préciser juridiquement le contenu, mais qu’il restera toujours une certaine marge d’appréciation[95]. Un tel critère demeure cependant nécessaire et, malgré un certain degré d’incertitude, permettrait de préciser les limites de la res publica universelle[96].

3.2 Des finalités poursuivies et du sens de l’« ordre public »

L’eau douce et le cycle hydrologique interpellent les normes fondamentales les plus évidentes[97] : survie de l’espèce humaine et plus largement de la biosphère, d’une part, puisqu’il s’agit d’un des cycles régulateurs vitaux ; et respect des droits humains, d’autre part, puisque l’accès à la ressource est essentiel à la vie.

Au-delà de cette caractéristique qui touche globalement la survie et le bien-être de l’humanité[98], nous croyons pertinent et nécessaire ici d’intégrer explicitement le critère du respect des droits humains, soit à titre de critère supplémentaire autonome, soit en tant que partie intégrante du critère de préoccupation commune, le respect de ces droits devant être théoriquement, au sens de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, une préoccupation universelle. Relèveraient ainsi de la res publica universelle les ressources et les écosystèmes dont les fonctions s’avèrent nécessaires à la mise en oeuvre effective des droits humains dans les limites, encore une fois, où ces fonctions sont touchées.

Marquant le passage d’une logique de préoccupation transfrontalière de voisinage à une préoccupation universelle[99], ce critère permettrait sans doute de distinguer les écosystèmes et les ressources qui, tout en étant pour une part localisées, participent des grands cycles globaux, ou dont la disponibilité est essentielle à la mise en oeuvre universelle des droits humains, comme c’est le cas des ressources en eau et du cycle hydrologique, « the major long-term natural resources problem of mankind[100] », système circulatoire de la vie sur la planète et donc, par nature, service public universel[101].

Ainsi, les finalités d’un régime universel doivent correspondre à ces impératifs de maintien de la vie et de la dignité humaine. En ce sens, elles exigent aussi, au-delà de la stricte redistribution et de ses critères, des règles propres à assurer la préservation de ce qui doit être distribué ainsi que l’accès aux moyens techniques et financiers nécessaires à cette préservation et à la redistribution. N’est-il pas, en somme, d’« ordre public » que tout moyen d’éviter la pollution des ressources en eau, par exemple, puisse être accessible à tous ?

Toute dégradation de la ressource dépassant sa capacité naturelle de régénération ou d’autoépuration réduit de fait les possibilités d’atteindre les objectifs de redistribution et de préservation. Il existe trois groupes principaux de préjudices globaux de ce point de vue : la contamination, la consommation au-delà de leur capacité de recharge des eaux souterraines et les diversions à grande échelle[102]. De fait, « [by] some estimates, the amount of water made unusable by pollution is almost as great as the amount actually used in the human economy[103] ».

Or, c’est à la fois du point de vue temporel[104] et du point de vue spatial que le droit international est inapte à appréhender utilement le problème de la dégradation des ressources en eau, car il ne dispose pas d’outils adaptés à la prise en considération de la circulation globale ou du caractère cumulatif des effets, ou encore de leur caractère parfois différé[105]. Pourtant, la dégradation des ressources en eau ne peut être considérée comme n’importe quelle pollution ou dégradation du fait de la « non-substituabilité[106] » de cette ressource vitale. Pour cette raison, il convient de définir des règles adaptées et au caractère vital et au caractère non substituable des ressources en eau, jusqu’à l’interdiction de certains polluants[107].

Une protection universelle et efficace des ressources en eau est une condition incontournable pour garantir un accès universel, aujourd’hui et pour les générations futures, à cette ressource vitale : c’est en ce sens que la préservation peut être conçue comme l’« autre face » de la redistribution[108]. Toute dégradation transfère sur d’autres, sur le plan spatial ou temporel, la charge de la restauration — quand elle est possible — et contrevient au principe du partage équitable des charges et des bénéfices, ce qui entraîne inévitablement un coût plus élevé pour les générations futures, voire des régions inhabitables et donc une réduction nette de leurs « options[109] ».

Conclusion

Nous avons tenté d’esquisser dans notre article les critères pouvant fonder l’attribution d’un statut spécifique, en droit international, aux éléments de l’environnement planétaire qui constituent en quelque sorte un « milieu de vie[110] » commun, à partir du cas de la problématique mondiale de l’eau douce et de ses multiples facettes. Nous avons vu l’importance de les désigner formellement et de justifier cette qualification sur la base des fonctions de ces éléments plutôt que sur leur localisation. Nous avons observé également qu’une telle qualification exige des critères de gestion propres à assurer un sentiment de justice par des mécanismes de solidarité et de subsidiarité. Nous avons constaté, finalement, l’importance d’un critère de nécessité en vue de finalités effectivement partagées, communes.

Ces critères, tout aussi essentiels soient-ils, ne servent cependant qu’à déterminer et à désigner ces choses que l’humanité a en partage et les conditions auxquelles elle peut les gérer en commun. L’application d’un statut et d’un régime universel pour les ressources en eau douce planétaire exigera ensuite la mise en place d’institutions propres à les mettre en oeuvre légitimement, d’autant que, considérées comme d’ordre public, les règles définies devraient, en toute logique, relever du jus cogens[111].

En effet, si la légitimité peut se fonder, sur le plan substantiel, sur la définition de fins communes[112], une fois défini un statut, sur la base de critères, il faut encore déterminer qui exerce la régulation, au nom de quels principes et au profit de qui. Ce sont les moyens de la mise en oeuvre[113]. Cet aspect est d’autant plus essentiel que les exigences institutionnelles associées au concept de patrimoine commun de l’humanité ont été, par le passé, parmi les facteurs de résistance significatifs à l’application de ce statut aux ressources situées hors souverainetés. Autour de cette institutionnalisation, se sont cristallisés les débats entre deux « projets d’humanité[114] » : celui d’un ordre juridique commun apte à garantir une « ruée vers l’or ordonnée[115] », et celui d’un « projet de solidarité, dans une perspective d’égalité [qui] participe du mythe kantien [et] transpos[e] le schéma du contrat social au plan universel[116] ». Les formes de l’institutionnalisation ne sont pas neutres, elles se déclinent aussi en termes de valeurs et de principes[117], mais tel n’était pas le propos de notre article.