Abstracts
Résumé
Le silence côtoie indiscutablement le droit. Il s’agit d’un couple en interaction. Le silence saisit le droit à travers les silences du droit. Ces silences, justifiés par plusieurs raisons, sont protéiformes et source d’incertitude. Le droit essaie tant bien que mal de les combler quand il ne les génère pas lui-même. Par ailleurs, le droit appréhende le silence en tentant de le juridiciser. Entreprise perceptible à travers non seulement le droit au silence, mais aussi par l’imposition ou l’interdiction du silence selon les cas. Constatant la présence du silence, le droit l’interprète en lui octroyant ou non une portée juridique.
Abstract
Silence is clearly a close companion to the law — the pair constantly interact. Silence appears through gaps in the law. The gaps, justified by a variety of reasons, are protean and, as a source of uncertainty, the law attempts to fill even those it does not generate. The law deals with silence by attempting to define it in legal terms. This can be seen not only in the right to remain silent, but also when the law requires or prohibits silence in various cases. In the presence of silence, the law interprets it by granting or denying it a legal effect.
Resumen
El silencio se relaciona indiscutiblemente con el derecho, se trata de una pareja en interacción. El silencio recurre al derecho a través de los silencios del derecho, que son polifacéticos y se justifican por diversas razones. Son fuentes ambiguas, que el derecho trata bien que mal de colmar cuando no las produce él mismo. Por su parte, el derecho recurre al silencio y trata de normalizarlo. Esto constituye una tarea que se puede percibir no solamente a través del derecho al silencio, sino también a través de la imposición o de la prohibición del silencio según el caso. Al constatar la presencia del silencio, lo interpreta confiriéndole o no una trascendencia jurídica.
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Le silence entre négation et célébration. Au commencement était la parole. La parole était Dieu et Dieu était la parole. Cette métaphore tirée des Saintes Écritures, notamment du Pentateuque, célèbre la parole comme élément fondateur de l’Univers. Cette assimilation de Dieu à la parole entraîne corrélativement une négation du silence. Cette vision nécessairement excessive masque les vertus du silence que cristallise l’adage populaire : « Si la parole est d’argent, le silence est d’or. » La réalité est beaucoup moins tranchée que cette opposition entre la négation du pouvoir du silence et la célébration de ses bienfaits.
Le silence et le droit : influence ou indifférence. « Vous êtes en état d’arrestation, vous avez le droit de garder le silence : tout ce que vous pourrez dire sera retenu contre vous[1]. » Vulgarisée par les séries policières et judiciaires, notamment américaines, cette formule bien connue du grand public est un indice qu’il existe des rapports entre le silence et le droit. Pourtant, l’existence d’un indice ne suffit pas à rendre compte de l’ampleur et de la profondeur des relations diverses et complexes qu’entretiennent le silence et le droit. C’est pour essayer de saisir la dynamique des interactions entre ces deux concepts ou notions que notre réflexion s’est engagée. Loin d’avoir la prétention de systématiser de manière exhaustive les influences entre le silence et le droit, nous poursuivons le modeste dessein d’en faire une ébauche aussi précise et complète que le permet le contexte d’un article.
Les sens du silence et du droit. Étudier les rapports entre le silence et le droit apparaît comme un exercice attrayant mais difficile. Attrayant, l’exercice l’est certainement puisqu’il invite à démêler l’écheveau des relations plurielles et complexes entre le silence et le droit. Difficile, la réflexion l’est indiscutablement. Le premier obstacle n’est pas le moindre, car il s’agit de donner un contenu aux mots qui constituent le sujet. Cette difficulté, quoiqu’elle soit importante, n’est cependant pas insurmontable : elle nécessite plutôt une clarification notionnelle, ne serait-ce qu’opérationnelle.
Le terme « droit » est par essence polysémique. Bien qu’il fasse l’objet dans une perspective positiviste d’une approche ambivalente, le droit est aussi une science. Dans son appréhension positiviste, le droit fait l’objet d’une acception tant objective[2] que subjective[3]. L’approche du droit en tant que science met l’accent sur la mise en évidence de son objet et de sa méthode. Son objet est la règle de droit. Quant à la méthode juridique, elle est essentiellement ambivalente : elle renvoie, d’une part, à la dogmatique, qui est l’étude de textes de droit, et, d’autre part, à la casuistique, envisagée comme étude des décisions de justice. Cette richesse conceptuelle de la notion de droit sera mobilisée dans notre texte. Dérivé du latin silentium, lui-même tiré du verbe silere qui signifie « se taire », le mot « silence », apparu dans la langue française au xiie siècle, très exactement en 1190, englobe à l’heure actuelle plusieurs significations[4] : « état de celui qui s’abstient de parler, fait de ne pas parler », « fait de ne pas exprimer sa pensée oralement », « calme, cessation de toute sorte de bruit », « interruption du son dans une phrase musicale », « absence de bruit dans un lieu », « absence de mention de quelque chose dans un écrit », etc. Toutes ces significations invitent à adopter une approche ouverte à l’égard de ce terme. Le silence sera donc entendu ici d’abord comme un résultat, c’est-à-dire l’absence de quelque chose, un vide : absence de paroles, de mention dans un écrit, d’encadrement juridique, etc. ; puis, comme l’action engendrant ce résultat.
La présence irréductible et les mystères du silence en droit. La présence du silence en droit est une réalité difficilement contestable[5]. Elle n’est pas sans soulever des problèmes, notamment quant aux sens à lui conférer. Dès lors, bien malin celui qui peut déchiffrer aisément les mystères du silence[6]. D’ennemi, on peut en faire un allié[7]. En effet, parce qu’il est porteur de messages variés, ambigus, différents, selon le contexte dans lequel il apparaît, le silence doit être clarifié, déchiffré, décodé, décrypté, interprété. En d’autres termes, il faut faire parler le silence. Ainsi, devat le caractère flou et indécis du silence, le droit se propose, selon les cas, de servir d’interprète au silence pour lui attribuer un sens, pour lui donner la parole[8]. Pourtant, cette perspective d’un droit introduisant une dose de certitude, de sécurité devant l’ambiguïté du silence en cache une autre beaucoup moins réjouissante. Saisi par le silence, le droit plonge ses destinataires dans l’incertain, le doute, voire une certaine angoisse, marque de l’insécurité juridique. L’étude des rapports entre le silence et le droit repose donc sur l’hypothèse d’une relation réciproque et complexe entre les deux.
L’ambivalence des relations entre le silence et le droit : entre certitude et incertitudes. La seule certitude que l’on a en abordant les rapports entre le silence et le droit est la présence irréductible du silence. Discret, il côtoie divers aspects du droit, saisissant par là même le droit en soi. Saisi par le silence, le droit plonge dans l’incertain et perd ce qui fait son essence : sa prévisibilité. L’incertitude greffant la relation entre le silence et le droit se traduit par les silences du droit (1). Pourtant, le droit essaie d’appréhender le silence pour le dompter et lui accorder un sens, ne serait-ce qu’opérationnel. En tentant de décrypter le silence, le droit veut lui donner une certaine prévisibilité. De telle manière que, une fois tamponné par le droit, le silence ne sera plus un objet juridique non expliqué : le droit lui attribue un sens, voire une force, quand il ne lui en dénie pas. Cette quête de repères par rapport au caractère essentiellement gazeux du silence est largement perceptible dans l’appréhension des silences en droit (2).
1 Le droit saisi par le silence ou les silences du droit
Du silence du droit aux silences du droit[9]. L’omniprésence du silence dans les différents aspects de la vie sociale induisait sa rencontre inévitable avec le droit, ce dernier ayant vocation à encadrer les rapports sociaux. L’idée du silence du droit[10], bien qu’elle soit dérangeante, n’est plus discutable aujourd’hui. Le silence étant par essence « toujours protéiforme[11] », sa rencontre avec le droit ne peut donc se faire que de manière plurielle et variée : les silences du droit. La recherche des possibles causes des silences du droit (1.1) nous permettra d’aborder la problématique de ses visages (1.2).
1.1 Une justification pluralisée des silences du droit
Aux sources des silences du droit. Loin d’aborder ici le silence longtemps entretenu sur les origines normatives du système juridique[12], nous tentons d’essayer de découvrir les raisons qui pourraient expliquer la présence des silences du droit, du non-droit, selon la formule du doyen Jean Carbonnier. Notre recherche des causes des silences, sans être exhaustive, retient l’idée d’incomplétude ou de discontinuité du droit (1), de même que l’attitude des instances d’élaboration du droit pourrait les expliquer (2).
1.1.1 L’incomplétude ou la discontinuité du droit comme facteur justificatif des silences du droit.
Rendons-nous à l’évidence : le droit n’est pas complet[13]. La question de la complétude ou de l’incomplétude du droit ou du système juridique est vieille et controversée[14]. En effet, ses pourfendeurs admettent l’incomplétude du droit écrit qui est, selon eux, comblée par l’intervention du juge, celui-ci jouant, de ce fait, le rôle de clôture. Cette idée est remise en question par la théorie des lacunes du droit et en droit[15]. Souscrivant à cette théorie, l’idée d’incomplétude du droit implique l’existence des absences du droit, des vides, des espaces de non-droit. Elle peut être envisagée de manière ambivalente.
L’aspect matériel de l’incomplétude du droit. Le droit ne peut pas et ne doit pas tout prévoir. Son incomplétude peut d’abord être envisagée de manière intrinsèque. Il s’agit d’appréhender les lacunes dans le droit lui-même. Le cas se révèle simple : le droit ayant choisi de réglementer tel ou tel aspect de la vie sociale, il prendra la forme écrite, coutumière ou jurisprudentielle. Quelle que soit leur forme, les règles juridiques élaborées ou créées pour régir un rapport social X ne seront jamais exhaustives. On trouvera toujours une question ou un aspect oublié ou encore délibérément délaissé. L’incomplétude du droit n’est pas en soi une mauvaise chose : le droit ne peut pas et ne doit pas tout prévoir, ce qui fait qu’il y gagne en adaptabilité et en flexibilité.
L’incomplétude extrinsèque du droit. Le droit ne peut pas tout régir. L’essence du droit est de régir les rapports sociaux. Bien qu’elle s’avère légitime, une telle finalité apparaît titanesque au regard de la pluralité, de la diversité et de la complexité des rapports sociaux. L’évaluation extrinsèque de la complétude du droit serait mesurée à l’aune de sa capacité à régir de manière exhaustive tous les rapports sociaux qui existent dans la société. En effet, si l’on envisage le droit comme sous-système du système social global[16], sous-système ayant vocation à régir les autres sous-systèmes, il paraît utopique de penser que le droit peut tout régir dans la société. Il apparaît plus réaliste de conclure, avec le doyen Carbonnier, que « le droit est plus petit que l’ensemble des relations entre les hommes[17] ». Si nous rejetons toute idée de « panjurisme[18] », il importe de reconnaître que le droit ne remplit pas tout l’univers social. Bon nombre d’aspects de la vie sociale échappent au droit. Pour reprendre une image chère à Gérard Timsit[19], la présence du droit dans la société serait à l’image d’un archipel où le droit représenterait les bandes continentales et les rapports sociaux, l’océan dans lequel elles baignent. Le doyen Carbonnier, rendant compte de cette idée de relativité du droit, conclut en ces termes : « Le droit, est une écume à la surface de la société[20] ». Dans une perspective tant endogène qu’exogène, le droit est matériellement incomplet.
L’aspect temporel de l’incomplétude. Le temps qui passe creuse l’écart entre le droit et la réalité sociale. Le droit a vocation à encadrer les rapports sociaux. Il existe donc une relation intime entre les faits sociaux et le droit. Les premiers fondent le second qui tend à leur fournir un encadrement juridique. Ils en constituent la cause : l’ocassio juris. Ils sont mis en évidence par l’étude des sources réelles du droit. La masse complexe de pratiques, de besoins et d’aspirations issus du corps social est la cause réelle du droit. Celui-ci ne peut les encadrer de manière satisfaisante qu’en en faisant une photographie plus ou moins fidèle. Cette perspective statique qui fait du droit un fils de son temps ne résiste pas au temps qui passe. À vrai dire, la vie sociale loin d’être statique est le siège d’un dynamisme certain. Dès lors, l’évolution sociale implique nécessairement que le droit doit courir après les faits pour essayer de les saisir. L’intervalle, le décalage existant entre l’état des faits sociaux et le degré d’encadrement juridique justifie l’existence des vides, le temps pour le droit de se mettre à niveau[21].
Le droit a vocation à régir les rapports sociaux. Dans cette quête noble, le rêve du panjurisme serait qu’il le fasse de manière exhaustive sans failles ni silences. Cette idée est une utopie. La réalité est là : le droit n’est pas complet et ne le sera jamais. Cette incomplétude tant matérielle que temporelle, bien qu’elle soit contestée, est un facteur explicatif des silences du droit, tout comme l’attitude de ceux qui ont la charge de l’élaboration du droit.
1.1.2 L’attitude des instances d’élaboration du droit comme vecteur explicatif des silences du droit
Les silences du droit : entre silence complice et silence coupable des instances d’élaboration du droit. Les autorités chargées de l’élaboration du droit ont une part de responsabilité dans la présence des lacunes, des vides et des silences du droit. Leur attitude à cet égard se révèle ambivalente, oscillant entre le silence coupable et le silence complice.
Le silence complice des instances d’élaboration du droit. Le silence du droit peut résulter d’un comportement actif des instances d’élaboration du droit. À cet effet, le silence apparaît comme le résultat d’un choix de politique législative[22]. De manière irréductible, l’idée de politique suppose un choix tendant à répondre à un besoin social ou à le satisfaire. De manière schématique, le législateur peut décider de garder le silence sur un aspect d’un phénomène social qu’il encadre. Une illustration en est donnée par le concubinage en droit de la famille. En droit de la famille camerounais, il ne fait l’objet d’aucun encadrement textuel. Il s’agit d’un choix délibéré de politique législative. Ce qui est vrai pour la politique législative l’est aussi pour la politique jurisprudentielle, le choix d’une option entraînant nécessairement l’exclusion d’autres. Les choix faits dans le contexte d’une politique juridique peuvent donc être à l’origine de ce qu’il convient d’appeler des « silences-options » du droit.
Le silence coupable ou la perfectibilité des instances d’élaboration du droit. Ce silence-option fait écho à un autre qui est la conséquence de la perfectibilité des instances de création du droit : les « silences-omissions ». En effet, il arrive très souvent que les silences du droit ne soient pas prémédités, délibérés, mais simplement fautifs parce qu’ils résultent d’omissions involontaires. Il est courant en lisant un texte de droit de se rendre compte que ses rédacteurs ont omis de régler un aspect pourtant essentiel de la question traitée. Ces omissions, marques de la perfectibilité greffant toute oeuvre humaine, sont des causes pouvant expliquer les lacunes du droit. En somme, les silences, les lacunes du droit sont le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs. L’incomplétude du droit présente un aspect matériel qui se dédouble, ce qui met en exergue les lacunes internes du droit, tout comme son incapacité à régir de manière exhaustive la réalité sociale. Cette perspective substantielle est amplifiée par une approche temporelle qui insiste sur le caractère dynamique, évolutif et changeant de la réalité sociale. Pour ce qui est de la contribution de l’attitude des instances d’élaboration du droit dans le cas de la survenance des silences du droit, elle se résume tantôt à créer délibérément le silence du droit à travers des choix de politique juridique, tantôt à l’engendrer involontairement par des omissions dans le travail d’encadrement des rapports sociaux.
1.2 Une appréhension éclatée du silence du droit
Du silence du droit aux silences du droit. L’intitulé de cette partie est justifié par l’existence non pas d’un silence mais des silences du droit. En effet, la protéiformité des visages du silence couplée à la richesse conceptuelle du droit ouvre la porte à une approche plurielle du silence. Dès lors, il importe d’envisager aussi bien les nombreuses manifestations du silence du droit (1.2.1) que les réactions diverses du système juridique devant ses silences (1.2.2).
1.2.1 Une manifestation arborescente ou diversifiée du silence du droit
Le silence du droit : une réalité aux multiples facettes. Vouloir appréhender les silences du droit se révèle une entreprise bien périlleuse. Le risque est grand de garder le silence sur certains aspects de la question. Même si l’on restreint la grille d’analyse à l’approche objective du droit, le champ reste encore très large du fait de la polysémie de la notion de droit objectif (1.2.1.1). Et le caractère diversifié du silence du droit est conforté par le constat d’une asymétrie des positions du droit relativement au silence (1.2.1.2).
1.2.1.1 Une arborescence engendrée par la polysémie de la notion de droit
Quand le silence hante le droit. Le droit objectif peut revêtir diverses formes : textuelle, coutumière, jurisprudentielle, voire doctrinale. Parler des silences du droit, c’est donc les considérer dans ces différentes perspectives. Pourtant, de manière arbitraire, nous n’envisagerons pas les silences de la doctrine juridique, cette dernière n’étant pas une source directe de droit.
Dès lors, toutes les instances de création du droit doivent se rendre à l’évidence : « Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre[23]. » Les silences du droit[24] sont ainsi une réalité irréductible et variée.
Les silences du droit textuel. Les sources textuelles du droit sont variées. Elles peuvent faire l’objet d’une appréhension pyramidale ou hiérarchisée : constitution, traités internationaux, droit communautaire ou de l’intégration dérivé, lois, textes réglementaires. L’hypothèse est que chacun de ces textes peut être saisi par le silence. On aura ainsi les silences de la constitution, des traités internationaux, du droit dérivé, des lois ou des textes réglementaires sur telle ou telle question. À titre illustratif, en lisant la Constitution camerounaise du 2 juin 1972 révisée le 18 janvier 1996 et le 14 avril 2008[25], on peut constater qu’elle n’a pas expressément prévu le statut de l’opposition[26]. On a aussi pu souligner en droit français l’absence de consécration expresse du principe de la sécurité juridique[27]. De même, il n’est pas rare de se rendre compte, en parcourant une convention internationale, qu’un aspect de la question traitée n’a pas été réglementé. C’est ainsi qu’à la lecture du Traité de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), signé à Port-Louis dans l’île Maurice le 17 octobre 1993 et révisé à Québec le 17 octobre 2008, on observe que le législateur, après avoir indiqué les différentes modalités obligatoires de la procédure d’élaboration du droit dérivé de l’OHADA (actes uniformes)[28], garde le silence sur les sanctions de leur inobservation.
La place importante de la loi, expression de la volonté générale dans les sources textuelles, a conduit à focaliser l’attention sur les silences de la loi. Ils peuvent être appréhendés de manière intrinsèque ou de manière extrinsèque. Dans la première approche, le silence de la loi est une lacune interne, une omission. À titre illustratif, la lecture du Code civil de 1804 révèle de nombreux silences. On peut ainsi citer sans souci d’exhaustivité : la non-réglementation de la période précontractuelle en matière contractuelle ou encore le silence gardé sur le concubinage en matière matrimoniale. Le silence légal s’étend aussi dans une perspective extensive à l’absence de décret d’application, le cas échéant. Son absence paralyse souvent l’application de la loi et fait ainsi d’elle une réalité incomplète, inachevée. Dans une optique exogène, le silence de la loi est d’abord le résultat de la détermination du domaine matériel de la loi par la constitution[29]. La loi doit nécessairement être silencieuse sur les matières qui ne ressortissent pas de son champ matériel.
Dans une tout autre perspective, la question de la transposition des directives en droit communautaire européen relève de la même dynamique. La directive lie les États visés quant au résultat et aux buts à atteindre et leur laisse la liberté du choix des moyens. Prévue par l’article 249 du Traité constitutif de l’Union européenne[30], la directive a besoin, pour son application, de béquilles nationales. Ainsi, les directives fixent le résultat et gardent le silence sur les moyens à utiliser. L’absence de dispositions internes prive la directive de tout effet. Ces quelques illustrations montrent à suffisance que le silence, réalité irréductible du droit textuel, se prolonge pour saisir les droits coutumier et jurisprudentiel.
Les silences du droit coutumier. La coutume[31] est une source de droit. Dans une perspective historique, il n’y avait pas en France, avant les codifications des années 1800 et en Afrique avant l’arrivée du colon, un droit coutumier mais des droits coutumiers[32]. De par son mode de naissance, le droit coutumier est nécessairement silencieux sur les pratiques n’ayant pas cours dans le groupe social visé et, par conséquent, non répétées. À titre illustratif, on pourrait imaginer que les coutumes des peuples de la forêt ne seraient pas identiques à celles des peuples vivant au bord de la mer. De manière plus concrète, on a souvent souligné en droit camerounais le silence des coutumes sur la notion de régime matrimonial. De plus, le législateur camerounais a imposé le silence aux coutumes en matière pénale où elles sont dénuées de toute compétence. Les silences du droit coutumier tantôt constatés, tantôt imposés n’épuisent cependant l’idée de silence du droit puisqu’elle se nourrit aussi des silences du droit jurisprudentiel.
Les silences du droit jurisprudentiel. La jurisprudence[33], source de droit jadis contestée dans les systèmes continentaux, est aujourd’hui largement reconnue[34]. La question de ses silences a été traitée, de manière restrictive, en droit français sous le prisme des silences du jugement[35]. Toujours est-il qu’ils peuvent être le résultat d’un choix délibéré ou d’une obligation imposée ou encore le fruit d’une regrettable omission. En effet, il n’est pas rare, dans une décision fondée sur plusieurs moyens, de voir le juge ne se prononcer que sur certains d’entre eux. C’est le cas lorsque la juridiction estime que la procédure n’a pas été respectée ou qu’elle n’est pas compétente. Ces raisons la dispensent de connaître le litige au fond. De même, il est interdit au juge de l’urgence de connaître de l’affaire au fond. Il est donc tenu de garder le silence sur le fond de l’affaire. Sur un tout autre plan, l’absence de motivation d’une décision est un motif d’annulation ou de cassation. La loi interdit donc au juge de garder le silence sur les fondements juridiques de sa décision. Il s’agit là d’une règle essentielle, gage de sécurité juridique et moyen de lutte contre l’arbitraire du juge. Le silence peut aussi résulter d’une omission dans la décision d’un élément qui devrait normalement y figurer, c’est-à-dire être le fruit d’une omission du rédacteur de la décision. Dès lors, si le silence du juge est prohibé devant le silence du droit textuel ou coutumier, ces quelques illustrations montrent bien que le silence côtoie les décisions de justice.
Dans une perspective anglo-saxonne, les silences du droit jurisprudentiel se conçoivent comme des lacunes dans le stare decisis par rapport à la situation de fait présentée dans le litige soumis au juge. Comme le droit textuel, il est légitime de penser que, quel que soit le nombre de décisions constitutives d’un prédédent (precedent), elles ne peuvent pas apporter des solutions exhaustives à tous les litiges. Comme les droits textuel et coutumier, le droit jurisprudentiel n’échappe pas au silence.
En somme, il ne fait aucun doute que le silence hante le droit. Même si l’on retient une conception positiviste du droit, le silence du droit est protéiforme. Cette protéiformité se nourrit de la richesse conceptuelle du droit éclatée entre le droit textuel, le droit coutumier et le droit jurisprudentiel. Pourtant, l’arborescence du silence du droit, générée par la polysémie de la notion de droit, est confortée par l’asymétrie des positions du droit relativement à la survenance de ses silences.
1.2.1.2 Une arborescence accentuée par une asymétrie des positions du droit
Les silences du droit entre option, abstention et omission. Les silences du droit peuvent être voulus ou survenus. Tiraillé entre les vertus du silence et ses méfaits, le droit se fait tantôt le maître du silence en l’instrumentalisant à sa guise, tantôt son esclave en constatant simplement sa présence indésirable.
L’instrumentalisation du silence par le droit ou quand le silence devient une option de politique normative. Le silence n’a pas que des vices : il a même des vertus insoupçonnées[36]. Le législateur le mobilise comme un instrument de politique législative. Il n’est pas rare que celui-ci choisisse de garder volontairement le silence sur telle ou telle facette de la réalité réglementée. Ce silence-option ou cette « lacune de convenance[37] » ouvre la voie, d’une part, à l’expression de la liberté (ce qui n’est pas interdit étant permis) et, d’autre part, à une éventuelle intervention du juge pour corriger les excès de la liberté. Cela a été le cas en matière de fiançailles ou de concubinage lors de l’élaboration du Code civil français en 1804. Le législateur révolutionnaire n’a pas souhaité intervenir dans ce domaine de prédilection de la liberté individuelle. Le législateur mobilise donc les virtualités du silence au service de la politique législative. Alors que l’intervention du législateur fixe le canevas, indique la conduite à suivre, le silence laisse ouvert un vaste champ de potentialités ou de possibilités. Cette utilisation du silence nous édifie quant à sa richesse instrumentale. Elle repose sur un paradoxe : alors que le silence indique en principe une absence ou un vide, il en dit beaucoup plus long que les mots en matière de politique normative. Cette fonctionnalisation du silence par le droit ne saurait faire oublier que le silence est irréductible : chassez le silence, et il revient au galop.
L’infiltration du droit par le silence ou quand le silence trompe la vigilance du droit. Les silences du droit sont le plus souvent contingents, fortuits, involontaires. Cette présence fréquemment accidentelle du silence s’explique par le caractère essentiellement perfectible de l’oeuvre de création du droit. Le droit est lacunaire, se taisant alors qu’il n’a pas souhaité le faire. Malgré la volonté des instances de création du droit de réduire le silence au silence, ce dernier comme un fantôme continue de hanter le droit en trompant sa vigilance pour se glisser dans ses interstices. Ces silences du droit, que l’on pourrait qualifier de « silences-omissions » continueront à cohabiter avec le droit tant qu’il demeura une oeuvre humaine marquée par sa perfectibilité.
En fin de compte, le silence, tantôt voulu par le législateur comme un instrument de politique législative ou normative, tantôt combattu, mais jamais vaincu par ce dernier, présente à l’image de Janus deux visages : l’un vertueux, l’autre vicieux. Alors que sa jumelle — la parole ou les mots — dit ce qu’elle veut dire, le silence, lui, en dit long sans rien dire. Sa forte teneur virtuelle explique son utilisation en matière politique législative. Insidieux, il se glisse dans l’édifice juridique pour en révéler les lacunes, les failles, les cassures. Pourtant, devant ses silences, le droit ne reste pas indifférent ; son attitude différenciée, voire fluctuante à l’égard du silence est à l’image du caractère fuyant du silence.
1.2.2 Une position fluctuante ou différenciée du droit devant à ses silences
Le droit devant ses silences : entre engendrement et refoulement. De manière générale, le droit a tendance à combattre, voire à apprivoiser ses silences. Pourtant, l’étude du droit sur le continent africain révèle que le droit peut lui-même être un facteur générateur de ses silences.
L’engendrement du silence du droit par le droit ou la réduction au silence des coutumes par le droit textuel. L’histoire du droit en Afrique est marquée par une réalité irréductible : le pluralisme[38]. Avant l’arrivée des Blancs[39], le continent africain s’apparentait à un royaume où régnaient les coutumes. Ces droits originellement africains[40] ont subi pendant la période coloniale une véritable entreprise d’éradication : le règne du « terrorisme légal[41] ». De fait, le législateur colonial n’a pas caché sa volonté de réduire les coutumes locales au silence[42]. Un tel génocide juridique, véritable tentative manquée en vue de réduire au silence toutes les coutumes, est l’oeuvre du législateur[43] aidé en cela par un juge complice[44]. Toutefois, cette entreprise de réduction au silence des coutumes n’a pas produit les résultats escomptés[45]. S’il peut a priori paraître paradoxal que le droit lui-même prémédite ses silences, c’est pour mieux les combler. Dans le cas des droits coutumiers africains, c’est la volonté de vouloir imposer un modèle social, en l’occurrence occidental, à d’autres sociétés qui peut expliquer les actions menées.
Le refoulement de ses silences par le droit ou la lutte du droit contre ses lacunes. La question des silences du droit a retenu l’attention de la doctrine tant sur le plan interne que sur le plan international[46]. En droit interne, cette question, souvent abordée sous le prisme des lacunes de la loi, connaît aujourd’hui une constitutionnalisation plus ou moins marquée.
L’appréhension classique des lacunes du droit. Jadis cantonné dans une perspective légaliste reposant sur la sacralisation de la loi au sein des sources formelles du droit[47], ce dernier ne peut aujourd’hui être lu à travers la seule loi dévêtue de ses attributs royaux[48]. Devant ses silences, le droit réagit de manière ambivalente à travers le législateur et le juge.
Le législateur intervient très souvent à travers la modification, la révision des textes existants, qu’ils soient de nature constitutionnelle, légale ou réglementaire. Cette intervention corrective du législateur est généralement problématique du fait de la lourdeur et de la lenteur des processus de modification consacrés. De manière pragmatique, la combinaison de ces freins avec l’irréductible incomplétude du droit textuel pousse le droit à s’en remettre au juge pour combler les lacunes des sources dites directes du droit.
Quant au juge, il apparaît comme l’instrument par excellence de lutte contre les lacunes du droit. Qu’il s’agisse des systèmes juridiques continentaux ou anglo-saxons, le juge se pose en tant qu’acteur central, voire incontournable, pour pallier les silences du droit. Si, dans les systèmes de common law, cette place semble aller de soi du fait du pouvoir créateur accru reconnu au juge sous réserve de l’observation de le stare decisis et de la règle du précédent (precedent), elle est attachée dans les systèmes romano-germaniques, notamment le système français, à une longue tradition qui fait du juge, selon les termes de Montesquieu, « la bouche de la loi[49] ». En effet, nonobstant la persistance de la thèse du juge « serviteur de loi », force est de reconnaître avec Portalis[50] qu’il est impossible de tout prévoir. Fort de ce constat, sous le fondement de l’article 4 du Code civil français[51], le juge a une obligation de dire le droit même dans le silence du droit, sous réserve de l’observation de la restriction posée par l’article 5 du même Code[52]. Cette responsabilisation, manifestation des mécanismes institués en vue de répondre aux lacunes de la loi[53], déborde largement l’hypothèse des lacunes légales[54] pour englober les silences des droits textuel et coutumier. Elle fonde la reconnaissance du pouvoir créateur du juge sur les systèmes juridiques continentaux[55]. L’une des figures marquantes de l’action du juge dans sa tâche de comblement des lacunes du droit est sans doute les principes généraux du droit[56]. Si le principe général du droit « révèle que le droit est plus vaste que la loi[57] », un auteur dressant leur topographie affirme que c’est « essentiellement grâce aux principes généraux du droit que la loi connaît ses lacunes et le droit n’en a pas[58] ». Reconnaissant que « [l]’utilité principale des principes généraux du droit consiste à permettre de compléter les silences, l’ambiguïté et les lacunes de la loi[59] », voire du droit, nous pouvons conclure avec un auteur que « [l]e principe général du droit peut dès lors être considéré comme une source subsidiaire destinée à combler les lacunes de la loi ou, plus exactement, à se glisser dans les interstices entre celles-ci[60] ». Il devient ainsi évident que « [l]e principe général est la forme la plus élaborée de la notion de droit affirmée par le juge[61] ». Pour finir, malgré les réserves d’une frange de la doctrine à l’égard de la thèse des lacunes juridiques[62], il faut admettre que les silences englobent les lacunes des sources tant textuelles que coutumières et jurisprudentielles du droit. Pourtant, la théorie des lacunes du droit repose sur un paradoxe : elle « se dévore elle-même[63] ». Il importe donc de se rendre compte avec François Ewald que « le silence de la loi [mieux, du droit] exclut moins le juge qu’il ne l’appelle[64] ». Cette assertion déjà justifiée pour le juge judiciaire et administratif l’est aussi pour le juge constitutionnel.
La constitutionnalisation récente et inachevée de la question des lacunes de la loi. La question des lacunes fait l’objet, notamment dans les pays continentaux, d’une constitutionnalisation. Saisie par le droit constitutionnel, est considérée comme une lacune du droit celle qui est interdite par une constitution ou par un autre acte juridique de niveau supérieur. La doctrine distingue les lacunes intrinsèques[65] de celles qui sont extrinsèques[66]. Cette constitutionnalisation essentiellement prétorienne de la question des lacunes de la loi n’est pas uniforme.
En France, par exemple, la notion de lacune de loi n’est pas reconnue formellement par la Constitution. En effet, on constate, d’une part, une absence d’un statut du « vide juridique » en droit français et, d’autre part, l’absence, en droit interne, d’une action en carence contre les omissions du législateur. Pourtant, sans égard à cette consécration formelle, on note l’existence d’un dispositif de sanction des lacunes de la loi : la sanction de l’incompétence négative[67]. En droit belge, si, en cas de lacune intrinsèque de la loi, le juge doit combler la lacune à condition que son constat soit clair et précis[68], il doit cependant s’en abstenir lorsqu’il s’agit d’une lacune réglementaire. Dans le cas d’une lacune extrinsèque, c’est au législateur qu’il revient de combler le vide tout en laissant intacte la norme contrôlée[69].
La spécificité des lacunes en droit international. En droit international, la question des silences du droit se pose de manière singulière[70]. À cette difficulté s’en ajoute une autre liée aux contours flous du système international. En fonction de la conception large ou restrictive des sources retenues, on rétrécira ou l’on augmentera le champ des lacunes. Pourtant, malgré cette spécificité du système international, le comblement des lacunes incombe aux sujets de droit international et au juge international. Les premiers le font d’abord de manière souple en interprétant les dispositions obscures, puis, de manière plus radicale en créant de nouvelles règles ou en modifiant les anciennes. Le second, exceptionnellement tenu de dire le droit en cas de silence de ce dernier, comble les lacunes du droit sans expressément le dire. La seule condition semble être que le juge, dans cette tâche, statue en droit. La question des lacunes du droit a souvent retenu l’attention de la doctrine jusqu’à ce jour. Au départ, cantonnée dans la question des lacunes de la loi, elle fait aujourd’hui l’objet d’une domestication constitutionnelle qui, bien qu’elle soit amorcée, n’est pas aboutie. Cette question gagnerait à être l’objet d’une systématisation en théorie du droit, et ce, d’autant qu’elle n’est pas sans lien avec les préoccupations actuelles sur la qualité du droit que cristallise le concept ou la notion de sécurité juridique. Il s’agit là d’un défi qui est semblable à celui que lance la présence du silence en droit.
2 Le silence saisi par le droit ou les silences en droit
Les silences en droit : entre subjectivisation, célébration et tribulations. Bien qu’il soit discret, le silence en droit est protéiforme. L’attitude du droit à son endroit est tout aussi variée, voire variable : la condamnation ou l’interdiction du silence, l’indifférence du droit à son endroit côtoie son imposition, même sa protection. Les deux acceptions courantes du mot droit offre une perspective intéressante pour saisir les silences en droit. On oscille ainsi entre une subjectivisation du silence à travers la reconnaissance généralisée du droit au silence (2.1) et son objectivisation par une appréhension différenciée du silence par le droit (2.2).
2.1 Une consécration généralisée du droit au silence
Le silence saisi par les droits subjectifs ou la subjectivisation du silence. En droit, le silence est l’objet d’une subjectivisation perceptible à travers la consécration généralisée en matière processuelle, notamment pénale, du droit au silence[71]. Ce droit est né de la conjugaison de la désacralisation de l’aveu comme moyen de preuve du fait des dérapages que sa recherche occasionnait, en particulier la torture[72]. Fondé sur le droit naturel, le droit au silence a aujourd’hui reçu une consécration positive plus conséquente (2.1.1). Cette reconnaissance par le droit invite à en appréhender les manifestations (2.1.2).
2.1.1 La consécration multiforme du droit au silence
La percée du droit au silence ou le droit au silence à l’intersection des ordres juridiques. La trajectoire historique du droit au silence permet de révéler sa filiation originelle anglo-saxonne[73]. Aujourd’hui, sa résonance positive a largement débordé ce cadre originaire pour s’étendre à d’autres ordres juridiques.
Le droit anglo-saxon ou le foyer initial du droit au silence. Le droit au silence va s’imposer progressivement en droit anglais durant l’époque de restauration de l’oralité des preuves avec la Révolution anglaise à la suite de l’expulsion des Stuart. Pourtant, bien qu’il ait été discuté depuis le xiie siècle et invoqué depuis le xvie siècle, le droit au silence n’a été reconnu qu’au milieu du xviie siècle[74]. En effet, les règles de procédure (Judges Rules), élaborées par les juges du Banc du Roi en 1912 et en 1930, retiennent expressément le droit au silence devant la police. Ce droit joue également devant les juridictions[75]. Le droit anglais, source originelle du droit au silence, a servi de bassin versant aux autres pays qui se fondent sur le système de la common law du fait du partage de la procédure accusatoire par ces pays.
C’est dans cette perspective que le droit au silence a été consacré aux États-Unis d’abord dans la Déclaration des droits (Bill of Rights). Par la suite, il a été incorporé dans le ve amendement : « No person shall be […] compelled in any criminal case to be a witness against himself[76]. » Cette assise constitutionnelle a été confortée par un fondement jurisprudentiel[77]. Le droit canadien voisin n’est pas en reste[78]. La Cour suprême du Canada a interprété cet article comme posant un principe fondamental de justice, en l’occurrence le droit au silence[79]. Malgré cette filiation anglo-saxonne marquée, le droit au silence a progressivement quitté ce berceau pour s’étendre à d’autres systèmes juridiques.
L’expansion du droit au silence ou le droit au silence à la croisée des systèmes juridiques. L’ascension du droit au silence dans les pays appartenant à d’autres familles juridiques, notamment romano-germaniques, a été beaucoup plus lente du fait de la prédominance de la procédure inquisitoire dans ces États. Pourtant, il faut noter que les droits portugais[80], italien et allemand[81] l’ont consacré[82]. En France, jusqu’à un passé récent, il était admis que « [l]e droit au silence n’existe pas en droit français[83] ». Cette affirmation, discutable en son temps[84], est aujourd’hui formellement démentie par la loi renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes qui consacre le droit au silence[85]. Cependant, cette assise légale ne saurait masquer sa constitutionnalisation déjà amorcée en droit français[86]. Considéré comme le parent pauvre de la procédure pénale française, le droit au silence est désormais reconnu non seulement pendant la phase d’enquête mais aussi pendant celle de jugement. Sur la même lancée, une incursion en droit africain, spécialement en droit camerounais, aboutit à des résultats nuancés. Tout d’abord, une lecture synoptique du Code de procédure pénale camerounais ne permet pas de conclure à une consécration expresse du droit au silence[87]. Pourtant, la Constitution camerounaise consacre le principe de la présomption d’innocence dans son préambule[88] et affirme son attachement aux principes contenus dans les conventions internationales[89] que le pays a ratifiées, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dont l’article 7 est le pendant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Rien ne s’oppose à ce que, comme son homologue européenne, la Cour africaine des droits de l’homme et des Peuples interprète cette disposition consacrant le droit à un procès équitable comme contenant un droit au silence pour toute personne poursuivie. Dans l’attente de cette consécration jurisprudentielle, il serait prématuré de penser que le droit de se taire n’existe pas en droit camerounais.
Le droit au silence entre fondamentalisation et internationalisation. Le caractère impérialiste du droit au silence n’est plus à démontrer, lui qui prétend aujourd’hui à l’universalité du fait de son rattachement aux droits fondamentaux[90], à travers la présomption d’innocence[91], du droit à un procès équitable. Il s’agirait d’un droit de la défense, mieux d’un droit fondamental processuel.
En droit international, le droit au silence semble silencieux[92]. Il n’est pas expressément prévu par la Déclaration universelle des droits de l’homme[93] ni par le Pacte international sur les droits civiques et politiques[94]. Dans la même optique, les conventions américaine et européenne des droits de l’homme ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne le prévoient pas formellement, bien qu’elles consacrent le droit à un procès équitable[95] et le principe de la présomption d’innocence[96]. Contrairement à cette tendance, les instruments internationaux créant les tribunaux pénaux internationaux procèdent à une consécration expresse du droit au silence. Il s’agit notamment de la Cour pénale internationale, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie[97]. En somme, le droit au silence ou le droit de se taire fait son chemin. De son foyer anglo-saxon, il s’est insinué progressivement dans les ordres juridiques nationaux, continentaux et internationaux. Entre sa légalisation, sa constitutionnalisation, son internationalisation et sa fondamentalisation amorcée, il est promis, s’il n’est pas réduit au silence, à un bel avenir, mais encore faudra-t-il que l’on puisse bien déterminer ses contours toujours nuageux.
2.1.2 Les manifestations protéiformes du droit au silence
Le succès du droit au silence n’a cependant pas résolu toutes les questions qu’il soulève. Il oscille entre acquis et défis.
Les acquis ou quelques certitudes sur le droit au silence. Initialement, le droit de se taire a pu être perçu comme une prérogative reconnue à une personne poursuivie en matière pénale. Il s’agissait d’un droit de la défense, d’une obligation pour les autorités engagées dans ce type de procédure. Par la suite, en le fondant sur le droit à un procès équitable et sur la présomption d’innocence, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a ouvert la porte à son érection comme droit fondamental processuel. Cette qualification est confortée par la constitutionnalisation de ce droit, mais elle n’est pas sans impact sur son régime juridique.
Primo, le droit au silence doit nécessairement être notifié à son bénéficiaire[98]. Il est greffé d’un droit à l’information à l’égard des personnes poursuivies : « c’est aussi la conscience de détenir un droit qui donne vie à ce droit[99] ». En effet, « [n]ul ne peut exercer un droit dont il ignore l’existence[100] ». Secundo, le droit au silence ou de se taire est une faculté reconnue à une personne poursuivie. Il s’agit donc d’un droit-liberté (right of silence), car elle peut donc y renoncer. Il apparaît aussi comme un droit-créance (right to silence) impliquant une obligation pour la personne assujettie à son observation. Il suppose, selon la conception retenue par la CEDH, pas moins de neuf propositions[101], au rang desquelles figurent non seulement l’interdiction du recours aux moyens coercitifs ou à la contrainte[102], mais encore la prohibition principielle de fonder les condamnations exclusivement sur l’exercice du droit au silence[103]. Cette prohibition s’adresse au juge et au jury, le cas échéant[104].
Les incertitudes du droit au silence ou les défis du droit de se taire. La première imprécision relative au droit au silence est la détermination de son champ d’application. Sur le plan ratione materiae, alors que certains États, notamment d’obédience romano-germanique, limitent son domaine de prédilection, à savoir la matière pénale[105], d’autres, attachés à la tradition juridique anglo-saxonne, l’étendent à des domaines différents[106]. La CEDH tend à élargir son domaine à travers sa conception singulière de la « matière pénale[107] ». Dès lors, s’il semble acquis que le domaine de prédilection du droit au silence est le domaine pénal (phase policière et phase judiciaire) rien n’empêche qu’il conquiert progressivement de nouveaux territoires. Cependant, à qui s’applique-t-il exactement ? Ratione personae, ce droit est reconnu à toute personne poursuivie en matière pénale, peu importe qu’il s’agisse d’un suspect[108] ou d’un accusé[109]. Une question demeure cependant en suspens : ce droit s’étend-il aux témoins ? La CEDH semble l’élargir au témoin dont les déclarations pourraient conduire à le poursuivre comme accusé dans une affaire connexe[110].
Un autre point d’incertitude est le sort réservé au silence de la personne poursuivie : le silence gardé constitue-t-il une preuve de sa culpabilité ? La tendance observée est l’interdiction de la prise en considération exclusive de l’exercice du droit au silence par la personne poursuivie pour fonder sa culpabilité[111]. Ces réticences internes sont cependant tempérées par la position de la CEDH[112]. Un autre questionnement réside dans les sanctions de l’inobservation du droit au silence[113]. La protection du droit au silence pourrait être assurée par des sanctions objectives et subjectives. Les premières sont relatives à tous les mécanismes tendant à sanctionner l’acte dont les conditions d’élaboration n’ont pas respecté le droit de se taire[114]. Dans une perspective subjective, rien ne s’oppose à ce que les auteurs de telles violations soient poursuivis sur le plan civil ou sur le plan pénal lorsque ces dernières sont constitutives d’infractions. Sur le plan supranational, l’érection du droit au silence en droit fondamental processuel ouvre la voie à la responsabilité de l’État pour violation par ses organes d’un droit consacré par une convention internationale. À la vérité, la pérennité et l’effectivité du droit au silence dépendront de la capacité de ses promoteurs à lui aménager une protection conséquente.
En définitive, le droit au silence est un édifice entamé mais inachevé. Sa fondation juridique plurielle, ses trois principaux piliers, soit le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence et les droits de la défense, laissent entrevoir le caractère inabouti de la construction. Des murs manquent, d’autres sont entamés, mais sont loin d’être finis. Il faut en préciser le domaine matériel et personnel, la portée réelle et les garanties. De telles précisions concernent aussi les positions du droit à l’égard du silence.
2.2 Une appréhension différenciée du silence par le droit
L’état du silence en droit et le silence dans tous ses états en droit. Si la présence du silence en droit est une réalité implacable, son appréhension et son interprétation ne semblent pas pour autant aller de soi. À l’analyse, l’attitude du droit à l’égard du silence n’est pas uniforme. Tantôt il l’interdit, quand il ne l’impose pas (2.2.1), tantôt il le constate puis l’interprète (2.2.2).
2.2.1 De l’imposition et de la prohibition du silence par le droit
L’indécision du droit à l’égard du silence ou le droit partagé entre la prescription et l’interdiction du silence. L’attitude du droit à l’égard du silence n’est pas univoque : parfois il l’impose, quand il ne le prohibe pas. Dans bien des hypothèses, le droit impose le silence. L’archétype de cette imposition est sans doute le secret[115] et ses cousines, c’est-à-dire la réserve et la discrétion[116]. Le secret est une réalité variée : le secret de la confession, le secret du patient[117], le secret de l’enquête[118], le secret de l’instruction[119], le secret du délibéré, le secret de fabrication, le secret de l’avocat[120], le secret militaire, le secret bancaire, le secret commercial[121], le secret de l’Administration[122], le secret-défense[123], etc. Tout comme le secret lui-même, les personnes qui y sont assujetties sont nombreuses : le prêtre, les professionnels de la santé, les magistrats et les auxiliaires de justice, les agents du ministère des Finances, les avocats, les policiers, les officiers ministériels comme les notaires, les inspecteurs et les agents de caisses de sécurité sociale, les agents des Douanes, des Postes et télécommunications, les journalistes constituant une catégorie particulière[124]. Reposant sur le dogme de la confidence, la finalité commune des secrets est, d’une part, de garantir les droits de la personne privée[125] et, d’autre part, de préserver les intérêts de l’ensemble du corps social.
Pourtant, les secrets ont des traits communs : l’obligation de non-divulgation à des tiers par la personne qui en est détentrice, une protection intégrant la plupart du temps un volet pénal[126], l’impossibilité de se décharger tout seul du secret, la persistance du secret même après la mort ou la cessation de fonction. De plus, on peut utilement se demander : que reste-t-il du secret ? En effet, « [l]’époque moderne est vouée à la transparence, voire même, dans des cas extrêmes, à l’indiscrétion[127] ». Dans ce contexte, où « [l]’air du temps est à la transparence[128] », le secret est aujourd’hui bien relatif, percé qu’il est par les nombreuses atteintes tant imposées qu’autorisées par le droit[129]. Au final, le secret, bien qu’il ne soit pas la seule hypothèse d’imposition du silence par le droit[130], impose le silence non seulement à son détenteur pour qui il est un devoir[131], mais pour les tiers face à qui son bénéficiaire le brandit comme un droit.
L’interdiction de se taire ou quand le droit impose la parole. Dans bien des situations, le silence peut être dangereux. C’est le cas notamment lorsque le silence s’assimile à la dissimulation. C’est dans cette perspective que l’on peut situer la généralisation de l’obligation d’information[132], de divulgation, de renseignement. Elle met à la charge des personnes qui y sont assujetties un devoir d’informer, sanctionné de diverses manières selon la qualification retenue et la matière visée. Fondée sur l’exigence de bonne foi[133] ainsi que sur les devoirs de loyauté et de coopération contractuelle[134], cette obligation fait penser, en matière contractuelle, à l’interdiction de la réticence dolosive[135]. Un autre exemple est fourni par le droit de l’OHADA des voies d’exécution où le silence gardé par le banquier tiers saisi dans une saisie attribution des créances ou des rémunérations est sanctionné par la condamnation au paiement des causes de la saisie ou l’octroi des dommages et intérêts[136]. Sur un tout autre plan, l’article 36 du Code procédure civile et commerciale impose au juge une obligation de communication au procureur de la République, mais il ne précise pas la sanction de l’inobservation de cette formalité[137].
En somme, le droit conscient des vertus et des vices du silence l’organise. Se refusant à un jugement de Salomon, à la quête d’un équilibre difficile, tantôt le droit impose le silence quand cela est nécessaire, tantôt il le prohibe lorsqu’il paraît dangereux. Cette position empreinte de réalisme, voire d’un certain pragmatisme, se vérifie aussi en matière d’interprétation du silence par le droit.
2.2.2 De la constatation à l’interprétation du silence par le droit
Grandeur et misère du silence en droit. La présence du silence en droit n’est pas discutable. Même discrète, elle est tantôt apparente, visible, tantôt sous-jacente, voilée, et elle emprunte les habits de certaines institutions juridiques bien connues[138]. La principale difficulté du silence est l’obstacle que constitue l’interprétation qui en est faite. Devant cette problématique, le droit interprète différemment le silence. Il lui confère même un pouvoir créateur et destructeur de droit ou de droits[139].
Le silence créateur de droit ou la grandeur du silence. Le silence peut créer des droits subjectifs ou le droit objectif. Pour ce qui est de ce dernier, le silence gardé par un État en matière de transposition des directives européennes est un exemple édifiant[140]. Dans le même sens, il a été soutenu et démontré que le silence de l’État en droit international peut valoir, à certaines conditions, acceptation ou reconnaissance[141]. En droit interne, notamment en droit administratif, les solutions ont évolué[142]. Alors que, de manière classique en droit français, le silence de l’Administration valait rejet[143], depuis 2013, ce silence vaut désormais acceptation[144]. Cette règle importante est assortie de nombreuses dérogations[145].
Le silence destructeur de droit ou la misère du silence. « Qui ne dit mot consent ». Pourtant, en droit des obligations, en principe, le silence ne vaut pas acceptation. En droit des obligations, donc, qui ne dit mot ne consent pas. Ce principe, sans cesse rappelé et sanctionné par les juges[146], n’est cependant pas absolu puisque de manière exceptionnelle le silence vaut acceptation[147]. D’autres exemples de silence destructeur de droits existent[148].
Conclusion
Voici venu le moment de conclure, et grande est la tentation de ne pouvoir garder le silence devant la richesse et la complexité des rapports entre le silence et le droit. La sagesse serait ici de dire beaucoup en peu de mots. Pour ce faire, résumons-nous dans un premier temps avant de conclure dans un second temps. La réflexion sur l’articulation entre le silence et le droit est partie de l’hypothèse de leur réciprocité et de leur complexité. Nous avons emprunté une perspective dialectique, et cette hypothèse s’est plus ou moins confirmée au fil de notre réflexion à travers deux idées essentielles.
Premièrement, il y a l’idée du droit saisi par le silence mise en évidence par l’étude des silences du droit. Cette perspective, quelque peu effrayante lorsqu’on envisage l’idée d’une société sans droit, a d’abord été mise en exergue par la recherche des possibles raisons à faire valoir pour expliquer les silences du droit. On a ainsi pu avancer de manière indicative non seulement l’idée d’incomplétude ou de discontinuité du droit, voire du système juridique, mais aussi la part de l’attitude des instances d’élaboration du droit dans la survenance de tels silences. Par la suite, les silences du droit, même réduits à une perspective positiviste, se sont révélés protéiformes et empruntent des visages textuels, coutumiers et jurisprudentiels. Devant ses silences, le droit agit et réagit : les engendrant parfois et les refoulant souvent en essayant de les combler. Dans cette lutte du droit contre ses silences, les instances directes de création du droit jouent un rôle important. Quant au juge, il apparaît comme un rouage essentiel, voire incontournable dans ce travail de comblement des lacunes.
Deuxièmement, sur un tout autre plan, le droit essaie de saisir le silence. Cette appréhension présente un visage subjectif perceptible à travers la généralisation en matière pénale d’un droit au silence. Ce droit de la défense à l’intersection des systèmes juridiques laisse en suspens certains de ses aspects. Dans une perspective objective, le droit prend note de la présence irréductible du silence. Il le déifie en l’imposant, quand il ne le diabolise pas en l’interdisant et en le sanctionnant. Il va même plus loin en lui conférant des vertus juridiques de création voire de suppression du droit ou des droits.
En fin de compte, le silence en lui-même n’est ni un bien ni un mal, tout dépend de ce que l’on en fait. Entre vices et vertus, le droit devrait pouvoir tirer parti du silence, tout comme le silence au contact du droit gagnerait en clarté, en visibilité et en prévisibilité. Pour finir, méditons cette assertion du doyen Carbonnier : « Le silence doit se concevoir comme la liberté de la pensée intérieure, il n’est pas de valeur qui y soit supérieure[149]. »
Appendices
Notes
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[1]
Cette formule désormais célèbre est tirée de l’affaire Miranda v. Arizona, 384 U.S. 436 (1966) (notre traduction), de la Cour suprême des États-Unis en 1966.
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[2]
Au sens objectif, si nous retenons comme critère de définition la règle de droit, le droit s’entend comme un ensemble de règles générales, impersonnelles et obligatoires ayant vocation à régir les rapports sociaux et dont l’inobservation est sanctionnée par l’autorité publique.
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[3]
Philippe Malinvaud, Introduction à l’étude du droit, 12e éd., Paris, Litec, 2008, p. 4 et 5. Dans une optique subjective axée sur les sujets de droit, le droit ou plutôt les droits sont un ensemble de prérogatives ou de pouvoirs reconnus aux personnes par le droit objectif et qu’elles peuvent exercer soit sur des personnes, soit sur des choses.
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[4]
Josette Rey-Debove et Alain Rey (dir.), Le Petit Robert. Dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2012, s.v. « silence ».
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[5]
Fabien Gélinas, « Codes, silence et harmonie – Réflexions sur les principes généraux et les usages du commerce dans le droit transnational des contrats », (2005) 46 C. de D. 941, 942 : « La loi et la musique ont le silence en partage, pourrions-nous dire. Il est d’abord pour elles deux un vide à combler, un vide incommensurable. »
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[6]
Alexandra Bensamoun, « Précisions sur la place du silence en droit », D. 2006.1025 : « Le silence est souvent équivoque et toujours protéiforme. »
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[7]
F. Gélinas, préc., note 5, 942 : « Le silence se présente ensuite comme un ennemi que chacun sait irréductible, qui est combattu sans répit, avant d’être apprivoisé un peu ; un ennemi qu’il est possible d’apprécier, au final. Car la loi, comme la musique, n’est rien sans interprète, celui pour qui et par qui le silence s’exprime et devient matière première. »
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[8]
Laurent Lachaise, Marie Lefort et Orianne Vergara (dir.), Parole au silence, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2012, p. 193.
-
[9]
Tel est l’intitulé donné à la première partie du colloque « Le silence en droit public », tenu le 6 décembre 2011, à la Cour administrative d’appel de Paris.
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[10]
Jean Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., Paris, L.G.D.J., 2001, p. 9 et suiv. L’éminent auteur parle de « non-droit » pour signifier l’absence du droit dans certains rapports sociaux où il aurait vocation, du moins théoriquement, à être présent. À noter que le non-droit n’est pas l’anti-droit, encore moins le sous-droit.
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[11]
A. Bensamoun, préc., note 6, 1025.
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[12]
Sylvie Delacroix, « Du silence au bruit : possibilités de discours sur les origines fondatrices du système juridique », Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2001.153.
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[13]
Paul Reuter, « Principes de droit international public », (1961) 103 Rec. des cours 425, 489, relève avec raison ceci : « En fait, tout ordre juridique est formé de normes juridiques exprimées dans un langage ; par là même, tout ordre juridique est discontinu par nature, et l’image de la continuité ou de la plénitude du droit n’est pas très exacte pour aucun système juridique. »
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[14]
Certains auteurs soutiennent la thèse de la complétude du droit ou du système juridique. Voir Ronald Dworkin, Taking Rights Seriously, Londres, Duckworth, 1978.
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[15]
Chaïm Perelman (dir.), Le problème des lacunes en droit, Bruxelles, Bruylant, 1968.
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[16]
Voir à titre indicatif : Niklas Luhmann, « Remarques préliminaires en vue d’une théorie des systèmes sociaux », Critique 1981.995 ; Niklas Luhmann, « Le droit comme système social », (1989) 11-12 Droit et société 53 ; Talcott Parsons, The Social System, Glencoe, Free Press, 1951.
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[17]
J. Carbonnier, préc., note, 10, p. 23.
-
[18]
Ce terme, emprunté à J. Carbonnier, préc., note 10, p. 23, renvoie à l’idée excessive que le droit est partout et régit tout.
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[19]
Gérard Timsit, Archipel de la norme, Paris, Presses universitaires de France, 1997.
-
[20]
J. Carbonnier, préc., note 10, p. 24.
-
[21]
Jean-Louis Bergel, « À la recherche des concepts émergents en droit », D. 2012.1567 :
Le droit ne cesse d’évoluer dans un monde qui change. Les juristes travaillent […] pour traiter des réalités de la vie et des relations humaines, politiques, économiques et sociales qui ne cessent de se développer et de se transformer. On ne peut alors se contenter de ce que l’on connaît fort bien en droit positif et qui risque de ne pas suffire pour répondre à de nouvelles situations et à de nouveaux besoins. Il faut donc tenter d’inventer d’autres instruments et d’autres méthodes, d’imaginer des solutions nouvelles, d’anticiper sur un droit en perpétuel devenir…
-
[22]
La notion de politique juridique, à l’origine assimilable à la politique législative, s’est aujourd’hui enrichie avec l’admission progressive de l’idée de politique jurisprudentielle qu’il faut cependant éviter de confondre avec la politique judiciaire (orientation de la justice, parfois de l’organisation juridictionnelle).
-
[23]
Jean-Étienne-Marie Portalis, Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, Paris, Joubert, 1844, p. 6.
-
[24]
Claude Du Pasquier, « Les lacunes de la loi et la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse sur l’article premier du Code civil suisse », (1952) 2 R.I.D.C. 380, 381 : ces silences renvoient à une absence devant la « présence d’un état de fait qui postule nécessairement à une solution juridique ».
-
[25]
Constitution du Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la Loi no 96-06 du 18 janv. 1996 modifiée et complétée par la Loi no 2008-001 du 14 avr. 2008 (ci-après « Constitution du Cameroun »).
-
[26]
Id., art. 3 : « Les partis et les formations politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils doivent respecter les principes de la démocratie, de la souveraineté et de l’unité nationales. Ils se forment et exercent leurs activités conformément à la loi. »
-
[27]
Bertrand Mathieu, « La sécurité juridique : un principe constitutionnel clandestin mais efficient », dans Mélanges Patrice Gélard. Droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 1999, p. 301 ; Bernard Pacteau, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », A.J.D.A. 1995.151, 155 et suiv.
-
[28]
Traité portant révision du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, 17 octobre 2008, art. 5 et suiv.
-
[29]
Constitution du Cameroun, préc., note 25, art. 26. Voir la Constitution française du 4 octobre 1958, art. 34.
-
[30]
Article 249 du Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes, [1997] J.O., C 340/1.
-
[31]
La coutume se définit en droit comme une pratique répétée ayant acquis une certaine valeur dans le temps et acceptée comme étant obligatoire : opinio juris. Laurent Waelkens, La théorie de la coutume chez Jacques de Révigny, Leiden, Brill, 1984, p. 170 et suiv. : « La coutume est fondée sur la volonté du peuple. La coutume est un Droit issu d’une longue pratique populaire. » François Gény, Méthode d’interprétation et source en droit privé positif. Essai critique, 2e éd., t. 1, Paris, L.G.D.J., 1954, p. 218, en parle comme d’« un fait, ou plutôt un ensemble complexe de faits qui révèle un sentiment de légalité ». Pour Étienne Le Roy, Fondements anthropologiques des droits de l’homme, sommaire de l’enseignement donné pour la 25e session de l’Institut International des Droits de l’Homme de Strasbourg, 4-29 juillet 1994, p. 37, la coutume « est la manière de dire les manières de faire des ancêtres ».
-
[32]
Georges Gurvitch, L’idée du droit social, Paris, Sirey, 1932, p. 120 : « Chaque groupe particulier et chaque combinaison de groupes est un foyer spécial de génération autonome d’un ordre de droit, en pleine indépendance de ses rapports avec l’État ».
-
[33]
Dérivé du latin jurisprudencia qui signifie « prudence », le terme « jurisprudence » renvoie tantôt à l’ensemble des décisions rendues par une juridiction, tantôt à une solution juridique dégagée par une juridiction sur une question de droit donnée.
-
[34]
Il n’y a pas de doute que, dans les systèmes de common law, la jurisprudence a toujours été admise comme source de droit principale. A contrario, dans les systèmes romano-germaniques, la jurisprudence a été réduite jusqu’à être perçue comme bouche de la loi, et son rôle créateur a été longtemps contesté, voire renié. Aujourd’hui, ce rôle est admis, bien que la jurisprudence n’ait pas la même prestance que les sources écrites et coutumières. Voir à titre indicatif : Nicolas Molfessis (dir.), La Cour de cassation et l’élaboration du droit, Paris, Economica, 2004 ; Guy Canivet, « Introduction générale. Activisme judiciaire et prudence interprétative », (2007) 50 Ar. philo. dr. 7, 9 ; Jean-Louis Bergel, Nature et rôle de la jurisprudence dans les systèmes juridiques, R.R.J. 1994.1167 ; Jacques Maury, « Observations sur la jurisprudence en tant que source de droit », dans Le droit privé français au milieu du xxe siècle. Études offertes à Georges Riper, t. 1, Paris, L.G.D.J., 1950, p. 28 ; Association Henri Capitant, Les réactions de la doctrine à la création du droit par les juges, Paris, Economica, 1982 ; Christian Atias, « D’une vaine discussion sur une image inconsistante : la jurisprudence en droit privé », R.T.D. civ. 2007.23 ; Sadok Belaid, Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, Paris, L.G.D.J., 1974 ; Mauro Cappelletti, Le pouvoir des juges, Paris, Economica, 1990, p. 33 : « Ce qu’il faut bien voir est que, lorsqu’on parle des juges comme étant des créateurs de droit, on ne fait qu’exprimer une évidente banalité ; il va de soi que toute interprétation a un caractère de création, que toute interprétation judiciaire est law making. Pour citer […] Lord Radcliffe : […] il n’y a jamais eu de controverse plus stérile portant sur le pouvoir créateur du juge. »
-
[35]
Laetitia Janicot, « Les silences du jugement », R.D.P. 2012.1032, 1064-1077.
-
[36]
F. Gélinas, préc., note 5, 942.
-
[37]
Ce mot est emprunté à Jean J.A. Salmon, « Quelques observations sur les lacunes du droit international public », p. 441.
-
[38]
Jacques Vanderlinden, « Les droits africains entre positivisme et pluralisme », [En ligne], [www.dhdi.free.fr/recherches/etatdroitjustice/articles/vanderli3.htm] (8 mai 2015).
-
[39]
Pierre F. Gonidec, Les droits africains. Évolution et sources, t. 1, Paris, L.G.D.J., 1968, p. 5.
-
[40]
Moussa Thioye, « Part respective de la tradition et de la modernité dans les droits de la famille des pays d’Afrique noire francophone », (2005) 57 R.I.D.C. 345, 350.
-
[41]
Gérard Conac, « La modernisation des droits en Afrique : du droit de l’État à l’État de droit », dans Un passeur entre les mondes. Le livre des anthropologues du droit disciples et amis du recteur Michel Alliot, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 281, à la page 281.
-
[42]
Id., à la page 282 :
Ils laissaient en quelque sorte au temps le soin de faire naître un courant qui irriguerait les terres desséchées par l’extinction des droits traditionnels.
Le succès des politiques législatives anticipatrices reposait incontestablement sur un postulat : celui de la supériorité des droits occidentaux sur les droits autochtones en raison même de leur modernité […] les droits autochtones étaient jugés inaptes à intégrer la modernité. Ils étaient condamnés comme archaïques et réfractaires au progrès social et technique […] La vie du nouveau droit relevait de la chronique d’une mort attendue sinon déjà annoncée. Les droits coutumiers bénéficient d’un sursis. Ils n’étaient qu’en survie. Dans la concurrence des droits, on ne doutait pas que les plus modernes l’emporteraient à plus ou moins long terme.
-
[43]
Stanislas Melone, « Le Code civil contre la coutume : la fin d’une suprématie. À propos des effets patrimoniaux du mariage », Revue camerounaise de droit 1972.12.
-
[44]
Paul-Gérard Pougoue, « Considérations sur le droit “traditionnel” devant la Cour suprême du Cameroun », dans Gérard Conac (dir.), Les cours suprêmes en Afrique, t. 4, Paris, Economica, 1990, p. 26.
-
[45]
Michel Alliot, « Les résistances traditionnelles au droit moderne dans les États d’Afrique francophone et à Madagascar », dans Jean Poirier (dir.), Études de droit africain et de droit malgache, Toulouse, Cujas, 1965, p. 235 ; G. Conac, préc., note 41, à la page 294 :
Avec le recul des années, les nouveaux députés se rendent compte d’ailleurs que la modification brutale par voie législative des droits vécus (statut personnel, droits des obligations, droits des biens) ne peut manquer d’entraîner des réactions de rejet ou de résistance des populations. Comme le colonisateur lui-même en avait fait l’expérience, ils sont de plus en plus conscients que la méconnaissance des réalités sociologiques limite la réception du droit étatique par la société civile.
Pierre Meyer, Introduction à l’étude du droit Burkinabé, Namur, André Boland, 1988, p. 132, note 96 : « On peut être sceptique sur l’effectivité de la soi-disant abrogation des coutumes qui risque de ne pas avoir plus de portée que son impression au journal officiel. »
-
[46]
Voir à titre illustratif : Arnold Mulder, « Les lacunes du droit international public », (1926) 7 Revue de droit international et de législation comparée 555 ; Lucien Siorat, Le problème des lacunes en droit international, Paris, L.G.D.J., 1958 ; Charles de Visscher, Théories et réalités en droit international public, 2e éd., Paris, A. Pedone, 1955, p. 411, note 2 : « Il n’y a pas de place ici pour la stérile controverse d’école que suscite la thèse dite de la plénitude du droit international. Ni les idées de justice ni les exigences des rapports internationaux ne s’accommodent de cette représentation toute formelle et statique qui se satisfait en décrivant le droit comme “complet”, tout en reconnaissant qu’il est gravement “imparfait”. »
-
[47]
Bertrand Mathieu, La Loi, 2e éd., Paris, Dalloz, 2004, p. 1. La loi est présentée comme « sacrée, divinisée, oeuvre de perfection ».
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[48]
Francis Hammon et Céline Wiener, La Loi sous surveillance, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 7 :
Commune à toutes les démocraties issues du Siècle des lumières, cette mystique de la Loi perdura longtemps en tant que rempart contre l’exécutif. Elle déclina cependant dans la mesure où la souveraineté du législateur devenait à la fois moins absolue et moins incontestée : l’influence croissante du gouvernement sur le contenu des textes, l’encadrement des normes nationales par les règles communautaires et la remise en question des lois au gré des alternances politiques firent perdre au Parlement une bonne part de son rôle, mais aussi de son prestige.
L’avènement du Conseil constitutionnel a certainement été un élément déterminant dans la perte du prestige de la loi qui, désormais, se devait d’être conforme à la Constitution. Voir, à ce propos, Pierre Brunet, « Que reste-t-il de la volonté générale ? Sur les nouvelles fictions du droit constitutionnel français », Pouvoirs, no 114, 2005, p. 5, à la page 7 : « La volonté générale conformément à la constitution. »
-
[49]
Code civil français, art. 4 et 5 ; Code civil suisse, art. 1. En effet, plus de 30 législations nationales consacrent les solutions identiques à celles de ces articles. Cf. Bin Cheng, General Principles of Law, Londres, Stevens, 1953, p. 400-408.
-
[50]
Jean-Étienne-Marie Portalis, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. VI, p. 358-361 : « c’est une sage prévoyance de penser qu’on ne peut tout prévoir […] il est donc nécessairement une foule de circonstances dans lesquelles un juge se trouve sans loi. Il faut donc laisser alors au juge la faculté de suppléer à la loi par les lumières de la droiture et du bon sens. »
-
[51]
L’article 4 du Code civil français dispose : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Voir, dans le même sens, l’article 1 alinéa 2 du Code civil suisse : « À défaut d’une disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier, et à défaut d’une coutume, selon les règles qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur ». L’article 5 du Code judiciaire belge interdit au juge de « refuse[r] de juger sous quelque prétexte que ce soit, même du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi ». De plus, l’article 404 alinéa 1 du Code judiciaire belge fait du déni de justice une faute disciplinaire sanctionnée. Voir aussi l’article 147 du Code pénal camerounais sur le déni de justice : « Est puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans tout juge qui dénie, après en avoir été dûment requis, de rendre une décision. »
-
[52]
Code civil français, art. 5 : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Voir, dans le même sens, l’article 6 du Code judiciaire belge qui interdit au juge de se « prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui [lui] sont soumises ».
-
[53]
Charles Huberlant, « Les mécanismes institués pour combler les lacunes de la loi », dans C. Perelman (dir.), préc., note 15, p. 31, à la page 32.
-
[54]
Sur une approche de la notion des lacunes de la loi, cf. Chaïm Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, Paris, Dalloz, 1976, no 30, p. 47 et 48 :
Traditionnellement, on distingue trois espèces de lacunes : les lacunes intra legem, praeter ou contra legem. La lacune intra legem est une lacune résultant d’une omission du législateur […], une lacune de construction […] Dans la plupart des cas, les lacunes sont créées par les interprètes qui, pour l’une ou l’autre raison, prétendent que tel domaine devrait être régi par une disposition normative, alors qu’il ne l’est pas expressément, qui affirment donc l’existence d’une lacune axiologique, c’est-à-dire d’une lacune praeter legem […] Enfin, les cas les plus flagrants sont ceux où des interprètes, désirant éviter l’application de la loi, dans une espèce donnée, en restreignent la portée par l’introduction d’un principe général qui la limite, et créent une lacune contra legem, qui va à l’encontre des dispositions expresses de la loi.
-
[55]
Sur la persistance de la méfiance à l’égard du rôle créateur de la jurisprudence, voir à titre indicatif à propos de la question des revirements de jurisprudence : Guy Canivet et Nicolas Molfessis, « Les revirements de jurisprudence ne vaudront-ils que pour l’avenir ? », J.C.P. 2004.2295 ; Vincent Heuzé, « À propos du rapport sur les revirements de jurisprudence. Une réaction entre indignation et incrédulité », J.C.P. 2005.671 ; Christophe Radé, « De la rétroactivité des revirements de jurisprudence », D. 2005.988.
-
[56]
Sur la question des principes généraux du droit, cf. Steve Gilson (dir.), Au-delà de la loi ? Actualités et évolutions des principes généraux du droit, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2006. Pour une définition des principes généraux du droit, voir Jean-Pierre Gridel, « Le rôle de la Cour de cassation française dans l’élaboration de la consécration des principes généraux du droit privé », p. 138. Il définit les principes généraux comme « axiomes de prétention normative assis sur des sources matérielles du droit que sont tantôt la tradition d’ordre social tantôt la raison ou l’équité sans lien nécessaire avec un texte précis, et fertile en virtualités d’application ».
-
[57]
G. Flécheux, L’avocat et les principes généraux du droit, droit français, droit des pays arabes, droit musulman, dénominateurs communs, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 491.
-
[58]
Citant Jean-François Romain, « Topographie des principes généraux du droit en droit privé, à caractère primaire, secondaire, tertiaire (principes généraux de liberté individuelle, de responsabilité et bonne foi, d’équité, de sécurité juridique, et autres principes liés) », dans Liber Amicorum Jacques Malherbe, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 903.
-
[59]
Amaryllis Bossuyt, « Les principes généraux du droit en droit administratif et droit public dans la jurisprudence de la Cour de cassation », dans S. Gilson (dir.), préc., note 56, p. 161, à la page 161.
-
[60]
S. Gilson, préc., note 56, p. 7.
-
[61]
G. Flécheux, préc., note 57, à la page 493.
-
[62]
À partir d’une conception positiviste du phénomène juridique, il paraît difficile de concevoir la notion de « lacune juridique » : Christian Behrendt, Le juge constitutionnel, un législateur-cadre positif, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 415-417 ; Jean-Claude Scholsem, « La Cour d’arbitrage et les lacunes législatives », dans Les rapports entre la Cour d’arbitrage, le Pouvoir judiciaire et le Conseil d’État, Bruxelles, La Charte, 2006, p. 216.
-
[63]
C. Huberlant, préc., note 53, à la page 66.
-
[64]
François Ewald (dir.), Naissance du Code civil. Travaux préparatoires du Code civil, Paris, Flammarion, 2004, p. 117.
-
[65]
Michel Melchior et Claude Courtoy, « L’omission législative ou la lacune dans la jurisprudence constitutionnelle », Journal des tribunaux 2008.669, 670 : la lacune intrinsèque est une lacune « contenue dans la norme contrôlée elle-même, en ce que cette norme – et cette norme-là, et donc non une quelconque autre norme législative – ne s’applique pas à des sujets de droit comparables aux destinataires de la norme, en ce qui concerne l’objet et le contenu de la norme ». Pour une application jurisprudentielle, voir : C. arb. belge 26 oct. 2005, no 160/2005 ; J.-C. Scholsem, préc., note 62, p. 218.
-
[66]
M. Melchior et C. Courtoy, préc., note 65, 670. Par contre, il y a lacune extrinsèque lorsqu’une « lacune ne provient pas du contenu de la norme contrôlée, mais de l’absence d’une norme comparable ». Pour une application par le juge belge : C. arb. belge 6 nov. 2001, no 140/2001.
-
[67]
À titre indicatif, voir : Cons. const. 26 janv. 1967, décision no 67-31 DC, Rec. Cons. const., p. 19 (refus de prendre une décision ou renvoi à une autorité inférieure). Cons. const. 18 sept. 1986, décision no 86-217 DC, Rec. Cons. const., p. 141 :
En raison de l’insuffisance des règles énoncées par les articles 39 et 41 de la loi pour limiter les concentrations susceptibles de porter atteinte au pluralisme, le législateur a méconnu sa compétence au regard de l’article 34 de la Constitution ; […] au demeurant, du fait des lacunes de la loi, risquent de se développer, en particulier dans une même zone géographique, des situations caractérisées par des concentrations, non seulement dans le domaine de l’audiovisuel, mais également au regard de l’ensemble des moyens de communication dont l’audiovisuel est une des composantes essentielles.
-
[68]
Cf. : C. const. belge 31 juill. 2008, no 111/2008 ; Trib. trav. Bruxelles (19e chambre), 8 févr. 2006, J.L.M.B. 2006.631, note Bernadette Renauld ; C. const. belge 12 juill. 2012, no 93/2012 ; C. const. belge 1er juill. 2010, no 79/2010.
-
[69]
C. arb. belge 15 mai 1996, no 31/1996 ; C. arb. belge 6 juin 1996, no 36/1996 ; C. arb. belge 10 nov. 1999, no 116/1999 ; C. arb. belge 6 nov. 2001, no 140/2001 ; C. arb. belge 26 juin 2002, no 112/2002 ; C. arb. belge 19 mai 2004, no 89/2004 ; C. arb. belge 22 déc. 1999, no 136/1999 ; C. arb. belge 11 déc. 2002, no 185/2002 ; C. arb. belge 19 avr. 2006, no 57/2006 (considérant B.6) ; C. arb. belge 17 janv. 2007, no 16/2007 ; C. const. belge 21 févr. 2008, no 23/2008 (considérant B.7.3) ; C. const. belge 17 déc. 2009, no 198/2009 ; C. const. belge 16 déc. 2010, no 148/2010 ; C. const. belge 18 mai 2011, no 74/2011 ; C. const. belge 31 mai 2011, no 98/2011 ; C. const. belge 20 oct. 2011, no 161/2011 ; C. const. belge 16 févr. 2012, no 23/2012 ; C. const. belge 31 mai 2012, no 70/2012 ; C. const. belge 14 nov. 2012, no 138/2012.
-
[70]
Cette spécificité tient, d’une part, à l’absence de dispositions contraignantes interdisant au juge le déni de justice et, d’autre part, à l’absence en droit international de législateur formalisé ou de juridiction obligatoire comme en droit interne.
-
[71]
Le droit au silence peut être défini comme « le pouvoir de refuser de répondre aux questions de la police, mais aussi pour l’accusé le pouvoir de ne pas témoigner à son propre procès, sans que le juge en tire une conséquence » Antoine J. Bullier et Frédéric-Jérôme Pansier, « De la religion de l’aveu au droit au silence ou faut-il introduire en France le droit au silence des pays de common law ? », Gaz. Pal. 1997.208, 208.
-
[72]
Delphine Chalus, « La dialectique “aveu – droit au silence” dans la manifestation de la vérité judiciaire en droit pénal comparé », (2009) 43 R.J.T. 321, 334 et suiv. : le droit au silence « est apparu concomitamment au rejet de la torture judiciaire répandue et reconnue dans toute l’Europe occidentale comme un moyen classique d’obtention de l’aveu pour la recherche de la vérité factuelle ». Pour une critique de la torture, voir Cesare Beccaria, Des délits et des peines, trad. P.J.S. Dufey, Paris, Dalibon, 1821, chap. xii « De la torture », p. 44-46 :
J’ajouterai que c’est violer toutes les convenances que d’exiger qu’un homme soit en même temps son propre accusateur, que la douleur devienne une épreuve nécessaire de vérité, dont les muscles et les fibres du malheureux qu’on torture seraient l’organe […] L’impression de la douleur peut croître au point, qu’absorbant toutes les facultés du torturé, elle ne lui laisse d’autres sentiments que le désir de se soustraire par le moyen le plus rapide au mal qui l’accable. Alors, la réponse de l’accusé est un effet de la nécessité comme les impressions du feu et de l’eau. Ainsi, l’innocent faiblement constitué se déclarera coupable, alors que cette déclaration est l’unique moyen de faire cesser son tourment […] L’incertitude reste. La torture n’est donc qu’un moyen sûr d’absolution pour le coupable robuste, et de condamnation pour l’innocent incapable de résister à cette douloureuse opération. Tels sont les funestes inconvénients de cette prétendue épreuve de vérité.
-
[73]
D. Chalus, préc., note 72, 334 : « Puisée dans le droit naturel, sa première formulation positive est d’origine anglo-saxonne. »
-
[74]
Id., 337.
-
[75]
Mohammed Ayat, « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit pénal comparé et en droit international pénal », Archives de politique criminelle, no 24, 2002, p. 251, à la page 258.
-
[76]
U.S. Const. amend. V (notre traduction) : « Aucune personne, mise en cause dans une affaire pénale, ne doit être forcée à témoigner contre elle-même. »
-
[77]
Cour suprême des États-Unis, affaire Miranda v. Arizona, préc., note 1. Voir également Sylvain Leboeuf, Le rôle du silence de l’accusé en droit pénal comparé, thèse de doctorat, Québec, Faculté de droit, Université Laval, 2010.
-
[78]
Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)] (ci-après « Charte », art. 7 : Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. » Dans la même optique, l’article 11 c) de la Charte prévoit que tout inculpé a le droit « de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l’infraction qu’on lui reproche ». Voir également S. Leboeuf, préc., note 77.
-
[79]
R. c. Hébert, [1990] 2 R.C.S. 151.
-
[80]
L’article 61-1 du Code de procédure pénale portugais reconnaît à l’accusé le droit de se taire à toutes les phases de la procédure. Par ailleurs, l’article 345-1 du même Code précise que le président du tribunal doit informer l’accusé qu’il est libre de faire des déclarations à tout moment et que, s’il se tait, son silence ne lui portera pas préjudice.
-
[81]
En droit allemand, l’article 136 du Code de procédure pénale allemand impose à la police avant l’interrogatoire d’indiquer au suspect son droit au silence et à l’assistance d’un conseil. Dans un même ordre d’idées, l’article 243 alinéa 4 oblige le juge à indiquer à l’accusé son droit de se taire.
-
[82]
Jean Pradel, Droit pénal comparé, 2e éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 501 et 502.
-
[83]
A.J. Bullier et F.-J. Pansier, préc., note 71, 210.
-
[84]
En effet, bien qu’il n’ait pas été consacré par un texte juridique interne, le droit au silence existait déjà en droit français du fait, d’une part, de la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, (1976) 999 R.T.N.U. 171 (ci-après « PIDCP »), dont l’article 14 § 3 g) prévoit le droit de toute personne de « ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable » ; et, d’autre part, la Cour de justice des Communautés européennes, se fondant sur l’exigence d’un procès équitable prévue dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, S.T.E. no 5, art. 6, a consacré depuis 1989 le droit au silence dans l’affaire Orkem c. Commission des Communautés européennes, Affaire 374/87, [1989] Rec. C.E. I-03283. Voir également l’affaire Funke c. France, no 10828/84, CEDH 25 février 1993, § 44 (violation).
-
[85]
Loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, J.O. 16 juin 2000, p. 9038, art. 8. L’article 63-1 du Code de procédure pénale dispose alors que la personne gardée à vue est également immédiatement informée qu’elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs.
-
[86]
Cons. const. 2 mars 2004, décision no 2004-492 DC, Rec. Cons. const., p. 66, par. 110. Voir les commentaires de cette décision : Bertrand Mathieu et A.-L. Valembois, « Décision no 2004-492 DC du 2 mars 2004 : Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », L.P.A. 2005.14 ; Jean-Claude Zarka, « Loi Perben II : le Conseil constitutionnel a prononcé deux censures et émis diverses réserves d’interprétation », J.C.P. 2004.619. En doctrine, voir Pascale Salvage-Gerest, Le droit de ne pas s’accuser soi-même et la justice pénale française, thèse de doctorat, Grenoble, Université de Grenoble 2, 1971, p. 3 et 4 : « C’est donc en tant que dispense de preuve que la présomption d’innocence protège le défendeur au procès pénal en lui conférant un droit au silence, entraînant aussi bien le droit de ne pas se défendre que le droit de ne pas s’accuser. » Or la présomption d’innocence est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, art. 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
-
[87]
Certaines dispositions militent en faveur d’une consécration implicite. Ainsi, l’article 170 par. 2 a) du Code de procédure pénale camerounais énonce que le prévenu « est libre de ne faire aucune déclaration sur-le-champ ». De même qu’une lecture a contrario de l’article 315 alinéas 2 et 3 de ce code, interdisant l’obtention de l’aveu par la torture, en n’admettant comme moyen de preuve que l’aveu volontaire, laisse penser que le délinquant poursuivi est libre de se taire. De plus, l’article 370 envisage le refus du prévenu de plaider coupable ou non. Une telle hypothèse renvoie à son silence. Dans un sens inverse, l’article 92 b) dispose que : « La personne convoquée est tenue de comparaître et de déposer. » Cette disposition pose l’obligation de déposition en cas de comparution. Dans un même ordre d’idées, l’article 174 (3) énonce :
Toutefois, les dispositions de l’article 170 alinéas (2) et (5) ne sont pas applicables en cas de crime ou délit flagrant et dans tous les cas d’urgence, notamment lorsqu’il y a risque de disparition des indices importants ou de décès d’un témoin. Le Juge d’Instruction procède dans tous ces cas, dès la première comparution, à l’inculpation et à l’interrogatoire, même contre le gré de l’inculpé.
Cet article in fine laisse croire que le juge d’instruction procède à l’interrogatoire de l’inculpé même contre son gré ; il ne dit cependant pas si ce dernier est tenu de répondre.
-
[88]
Constitution du Cameroun, préc., note 25, préambule : « Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense. »
-
[89]
Voir, à titre indicatif, le PIDCP, préc., note 84, art. 14 § 3 g) : « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : […] À ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable. »
-
[90]
En effet, si non seulement on fonde le droit de se taire sur le principe essentiel de la présomption d’innocence (Patricia Volo, « Le silencieux droit au silence », L.P.A. 1993.17 cité par M. Ayat, préc., note 75, 252 et suiv.), on rattache aussi le droit au silence à un procès équitable (John Murray c. Royaume-Uni, no 18731/91, CEDH 1996-I, § 45). D’autre part, « il ne fait aucun doute que, même si l’article 6 (art. 6) de la Convention ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire lors d’un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l’article 6 » (arrêt Funke c. France, préc., note 84). En mettant le prévenu à l’abri d’une coercition abusive de la part des autorités, ces immunités concourent à éviter des erreurs judiciaires et à garantir le résultat voulu par l’article 6. La CEDH a ouvert grand la voie à la fondamentalisation de ce droit (Funke c. France, préc., note 84 ; John Murray c. Royaume-Uni, préc., note 90 ; Saunders c. Royaume-Uni, no 19187/91, CEDH 1996-VI. Pour une critique de la première décision, voir Jean Pannier, « La condamnation d’une personne pour refus de communication de documents en matière de réglementation des changes est-elle conforme à la Convention européenne des droits de l’homme ? », D. 1993.457).
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[91]
À titre indicatif : Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 11 al. 1 (ci-après « DUDH ») ; PIDCP, préc., note 84, art. 14 § 2 ; Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, préc., note 84, art. 6 § 2 ; Charte, préc., note 78, art. 11 d).
-
[92]
M. Ayat, préc., note 75, 265.
-
[93]
La DUDH consacre cependant, d’une part, le droit à un procès équitable (art. 10) et le droit à la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense (art. 11).
-
[94]
La PIDCP, préc., note 84, art. 14, contient les ingrédients nécessaires pour asseoir un tel droit.
-
[95]
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, préc., note 84, art. 6 ; Convention américaine relative aux droits de l’homme, 22 novembre 1969, (1979) 1144 R.T.N.U. 123, art. 8, Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, 27 juin 1981, (1988) 1520 R.T.N.U. 217, art. 7.
-
[96]
Voir, en ce sens, l’affaire Funke c. France, préc., note 84.
-
[97]
Pour des développements plus détaillés sur sa reconnaissance aux suspects, voir M. Ayat, préc., note 75, 269 et suiv. Cf. : Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, 8 novembre 1994 ; Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, 25 mai 1993, art. 17 (3) et 18 (3) ; Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, (2002) 2187 R.T.N.U. 3, art. 55 alinéa 1 a) (droit de la personne objet d’une investigation de ne pas s’incriminer ou de s’avouer coupable). De manière plus incisive, ce sont les règlements de procédure de ces juridictions qui consacrent expressément le droit de se taire. Cf. l’article 42 alinéa A) paragraphe iii) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : « droit de garder le silence et d’être averti que chacune de ses déclarations pourra être enregistrée et pourra être utilisée comme moyen de preuve ». Pour les accusés, cf. : Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, préc., note 97, art. 20 (4) g) ; Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, préc., note 97, art. 21 g) (« à ne pas être forcée à témoigne contre elle-même ou à s’avouer coupable ») ; Statut de Rome de la Cour pénale internationale, préc., note 97, art. 67 d) et g) ; Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, art. 63. Sur la Cour pénale internationale, voir Alain-Guy Tachou Sipowo, La Cour pénale internationale et le secret : de l’atténuation de la confidentialité au nom de l’impératif d’effectivité, thèse de doctorat, Québec, Faculté de droit, Université Laval, 2014.
-
[98]
Arrêt de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Miranda v. Arizona, préc., note 1, 445 et suiv.
-
[99]
Charlotte Girard, Culpabilité et silence en droit comparé, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 145. La connaissance de l’existence du droit de se taire par son bénéficiaire est essentielle pour son exercice, voire son effectivité.
-
[100]
C.A. Agen., 18 février 2010 : « la personne gardée à vue ne peut exercer un droit dont elle ignore l’existence, et ce, même si “nul n’est sensé ignorer la loi”, adage qui en l’espèce ne constitue qu’une fiction juridique et ne permet pas la protection concrète et effective de ce droit ».
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[101]
C. Girard, préc., note 99, p. 124. Selon S. Leboeuf, préc. note 77, le droit au silence, dans la conception retenue par la CEDH, implique neuf propositions distinctes : 1) Le droit au silence peut être invoqué par des personnes physiques ou morales ; 2) Le droit au silence peut être invoqué non seulement par la personne inculpée, mais aussi par la personne subissant l’enquête préliminaire ; 3) Le droit au silence peut être invoqué non seulement au cours d’une procédure pénale, mais aussi de toute procédure qui mènerait à une sanction pécuniaire quelconque ; 4) Le droit au silence peut être invoqué non seulement pour éviter l’auto-incrimination, mais aussi pour d’autres motifs tels que la protection d’autres personnes ; 5) Le droit au silence comprend le droit de refuser de fournir toute information, même sous forme de documents ; 6) Lorsque le suspect ou l’accusé a exercé son droit de demeurer silencieux, les autorités ne peuvent pas adopter des mesures le forçant à divulguer des informations ; 7) Le fait qu’un accusé ou un suspect choisisse de demeurer silencieux ne peut en lui-même donner lieu à une présomption de culpabilité ou a fortiori à une déclaration de culpabilité ; 8) L’accusé ou le suspect doit être informé le plus tôt possible par le procureur ou l’enquêteur de sa faculté de « garder le silence et de ne pas contribuer à s’incriminer » ; 9) L’accusé ou le suspect peut renoncer à son droit au silence.
-
[102]
John Murray c. Royaume-Uni, préc., note 90, § 45 : « En mettant le prévenu à l’abri d’une coercition abusive de la part des autorités, ces immunités concourent à éviter des erreurs judiciaires et à garantir le résultat voulu par l’article 6 » ; Saunders c. Royaume-Uni, préc., note 90, § 68 :
[M]ême si l’article 6 de la Convention (art. 6) ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et – l’une de ses composantes – le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par ledit article (art. 6). Leur raison d’être tient notamment à la protection de l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités, ce qui évite les erreurs judiciaires et permet d’atteindre les buts de l’article […] En particulier, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’accusé. En ce sens, ce droit est étroitement lié au principe de la présomption d’innocence consacré à l’article 6 par. 2 de la Convention (art. 6-2).
Dans le même sens : Jalloh c. Allemagne, no 54810/00, CEDH 2006-IX, Göçmen c. Turquie, no 72000/01, CEDH 17 octobre 2006. La CEDH a retenu les menaces de torture : Gäfgen c. Allemagne, no 22978/05, CEDH 1er juin 2010.
-
[103]
Averill c. Royaume-Uni, no 36408/97, CEDH 2000-VI, § 45 : « il serait incompatible avec le droit de garder le silence de fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence de l’accusé ou sur son refus de répondre à des questions ou de déposer ».
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[104]
Condron c. Royaume-Uni, no 35718/97, CEDH 2000-V : dans ce cas, il est « plus que souhaitable d’indiquer à ce dernier qu’il peut tirer des conclusions en défaveur de l’accusé seulement s’il a la conviction que l’on peut raisonnablement attribuer le silence de celui-ci lors des interrogatoires de police au fait qu’il n’avait pas de réponse à fournir ou aucune qui résisterait à un contre-interrogatoire ».
-
[105]
Voir, à titre illustratif, le cas de la France : Cons. const. 2 mars 2004, décision no 2004-492 DC, Rec. Cons. const., p. 66, par. 110.
-
[106]
Les États-Unis l’admettent non seulement en matière pénale mais également dans le cadre des procédures d’enquête du Congrès. W.J. Wagner, « La preuve dans le droit des États-Unis », dans Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Bruxelles, Librairie encyclopédique, 1963, p. 417, à la page 443. Quant au Canada, il le restreint à la preuve testimoniale et aux limites d’un procès.
-
[107]
Mireille Delmas-Marty, « La “matière pénale” au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit pénal », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 1987.819.
-
[108]
D. Chalus, préc., note 72, 356 : le suspect s’entend ici comme « la personne qui, dans une enquête pénale, fait l’objet d’interrogations par la police non en tant que témoin, mais en tant que personne contre laquelle pèsent de fortes suspicions de culpabilité ».
-
[109]
Id., 357.
-
[110]
Serves c. France, no 20225/92, CEDH 1997-VI, § 47 : « Le requérant pouvait redouter que, par le biais de certains des propos qu’il pouvait être amené à tenir devant le juge d’instruction [qui l’avait convoqué comme témoin], il témoigne contre lui-même. Il eût ainsi été admissible qu’il refuse de répondre à celles des questions du juge qui auraient été de nature à le pousser dans cette direction. » La CEDH soumet ainsi le témoin à son obligation de témoigner, puis elle lui reconnaît le droit de se taire s’il devait être poursuivi ultérieurement.
-
[111]
C’est ainsi qu’aux États-Unis il est interdit au ministère public de commenter la stratégie de la défense reposant sur le silence : D. Chalus, préc., note 72, 361 et suiv. ; Miranda v. Arizona, préc., note 1 ; Griffin v. California, 380 U.S. 609 (1965). Le Canada retient la même solution : (R. c. Noble, [1997] 1 R.C.S. 874 ; R. c. Prokofiew, [2012] 2 R.C.S. 639 ; S. Leboeuf, préc., note 77. En droit français, l’article 353 du Code de procédure pénale met le juge en garde contre les risques de commentaires dommageables sur la stratégie de défense de l’accusé :
La loi ne demande pas compte [aux juges] des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? ».
Contrairement à ces pays, en Grande-Bretagne, le ministère public s’est vu reconnaître le droit de faire certains commentaires sur le fait que certaines preuves à charge ne sont pas réfutées du fait du silence de l’accusé. De manière plus incisive, le Criminal Justice and Public Order Act, 1994, c. 33 (R.-U.), autorise que des conclusions puissent être tirées du silence de l’accusé dans quatre cas : 1) omission de mentionner un fait à la police lors de l’interrogatoire ou de l’arrestation ; 2) omission d’expliquer à la police sa présence sur les lieux du crime ou celle d’éléments matériels liés au crime en sa possession ; 3) omission de préciser à la police où la personne se trouvait au moment du crime ; 4) lors du procès, refus de témoigner ou de répondre aux questions.
-
[112]
John Murray c. Royaume-Uni, préc., note 90, par. 51. La CEDH indique :
Le Tribunal national ne peut conclure à la culpabilité du prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C’est seulement si les preuves à charge « appellent » une explication que l’accusé devrait être en mesure de donner, que l’absence d’explication « peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens, qu’il n’existe aucune explication possible et que l’accusé est coupable ».
-
[113]
M. Ayat, préc., note 75, 277.
-
[114]
On pense ici aux nullités, à l’irrecevabilité ou encore aux exceptions (Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, préc., note 97, et Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, préc., note 97, art. 5). Pour ce qui est des nullités, elles sont en principes textuelles. Cependant, en fonction de la gravité des atteintes, la jurisprudence pallie souvent le silence textuel. Il est évident que la violation du droit au silence, droit de la défense reconnu à la personne poursuivie, pourrait constituer une exception conduisant à l’annulation ou à l’irrecevabilité des preuves visées.
-
[115]
Le terme « secret » dérivé du latin secretus, lui-même tiré du verbe secernere, qui signifie « séparer de, isoler de », renvoie aussi bien à une confidence qui impose le silence aux personnes dépositaires du secret qu’à un ensemble de connaissances, d’informations, réservées à quelques personnes en particulier et que le détenteur ne doit pas divulguer.
-
[116]
Jacques Grosclaude, « L’obligation de discrétion professionnelle du fonctionnaire », Revue bimestrielle de l’administration moderne 1967.127.
-
[117]
Aline Marcelli, « Relations entre le secret médical et les secrets professionnels », 2000, [En ligne], [www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/secretprofessionnel.pdf] (18 mai 2015).
-
[118]
Code de procédure pénale camerounais, art. 102 :
(1) La procédure durant l’enquête de police judiciaire est secrète. Toutefois, le secret de l’enquête n’est pas opposable au Ministère Public. (2) Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l’article 310 du Code Pénal. (3) Nonobstant les dispositions de l’alinéa 1, les officiers de police judiciaire peuvent, après visa du Procureur de la République, publier des communiqués et documents relatifs à certaines affaires dont ils sont saisis. (4) Les communiqués et documents ainsi publiés par la police judiciaire doivent être diffusés sans commentaires par les organes de presse, sous peine des sanctions prévues aux articles 169 et 170 du Code Pénal.
-
[119]
Code de procédure pénale français, art. 11 : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
-
[120]
Morgane Woloch, Le secret professionnel de l’avocat, mémoire de maîtrise, Paris, Université Panthéon-Assas, 2010 ; Raymond Auteville, « La Cour européenne des droits de l’homme veille au respect du secret professionnel de l’avocat », Les Annonces de la Seine, 9 mars 2009 ; Gianno, « Secret professionnel de l’avocat et enquêtes pénales : aperçu du droit des États-Unis d’Amérique », Gaz. Pal. 1999.18 ; Olivier Cachard, « Le secret de l’avocat en Europe », J.C.P. 2006.1871.
-
[121]
Code de procédure pénale camerounais, art. 311 (violation du secret commercial) : « (1) Est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 5 millions de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui révèle sans l’autorisation de celui auquel il appartient un fait ou procédé industriels ou commerciaux dont il a eu connaissance en raison de son emploi. (2) La juridiction peut prononcer les déchéances de l’article 30 du présent Code. »
-
[122]
Louis Fougère, « Les secrets de l’administration », Bull. I.I.A.P. 1967.21 et suiv. ; Marcel Walline, « Le secret professionnel des fonctionnaires », D. 1930.65.
-
[123]
Code de procédure pénale camerounais, art. 109 (définition du secret de la défense nationale) : « Est réputé secret de la défense nationale pour l’application du présent code tout renseignement de toute nature susceptible d’aider des entreprises hostiles contre la République et qui n’a pas déjà été rendu public » ; Marc Guillaume, « Secret de la défense nationale et État de droit », dans L’État de droit. Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p. 365.
-
[124]
Le secret gardé sur ses sources par le journaliste a pour objet de protéger la liberté d’expression.
-
[125]
Yves Mayaud, « La condamnation de l’évêque de Bayeux pour non-dénonciation, ou le tribut payé à César… », D. 2001.3454 :
Il importe à l’ordre social que la discrétion et le silence soient assurés lorsque la connaissance s’inscrit dans un rapport particulier de confiance, ce rapport étant précisément recherché pour ce qu’il suppose et garantit de secret […] Le bon fonctionnement de la Société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient pas assurées d’un secret inviolable.
-
[126]
Voir, à titre illustratif :
– Code de procédure pénale camerounais, art. 198 (publications interdites) :
(1) Est puni d’une amende de 10.000 à 500.000 francs celui qui publie : a) Un acte de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’il ne soit lu en audience publique ; b) Un compte rendu des débats dans lesquels le huis clos a été ordonné ou des débats des juridictions pour enfants ; c) Une décision condamnant un mineur assortie de tout moyen permettant son identification ; d) Une information relative aux travaux des commissions d’enquête parlementaire, sauf les communiqués émanant du bureau desdites commissions avant le dépôt du rapport général ; e) Une information relative aux travaux et délibérations du Conseil supérieur de la magistrature, sauf celles qui sont communiquées par le Président ou le Vice-président dudit Conseil. (2) Est puni d’une amende de 10.000 à 3 millions de francs celui qui rend compte des délibérations internes des cours et tribunaux. (3) En cas de publication par voie de la presse écrite, de radio ou de télévision, les peines sont doublées. (4) Sont interdits dans les salles d’audience et pendant le cours des procédures judiciaires, sous les peines prévues à l’alinéa 2 ci-dessus : a) Tout enregistrement sonore ; b) Toute prise de vue par caméra cinématographique, photographique par télévision ou par autre procédé analogue.
– Code de procédure pénale camerounais, art. 310 (secret professionnel) :
(1) Est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs celui qui révèle sans l’autorisation de celui à qui il appartient un fait confidentiel qu’il n’a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction. (2) L’alinéa précédent ne s’applique ni aux déclarations faites aux autorités judiciaires ou de police judiciaire portant sur des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit, ni aux réponses en justice à quelque demande que ce soit. (3) L’alinéa 2 ne s’applique pas : a) Au médecin et au chirurgien qui sont toujours tenus au secret professionnel, sauf dans la limite d’une réquisition légale ou d’une commission d’expertise ; b) Au fonctionnaire sur l’ordre écrit du Gouvernement ; c) Au ministre du culte et à l’avocat. (4) La juridiction peut prononcer les déchéances de l’article 30 du présent Code.
– Code pénal français, art. 226-13 :
Délit de violation du secret professionnel (livre deuxième, titre ii, chapitre vi et section iv intitulée « De l’atteinte au secret ») : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
– Code pénal français, art. 434-7-2 :
Sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler sciemment ces informations à des personnes qu’elle sait susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est réalisée dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
– Code pénal français, art. 413-9 (secret-défense) :
Présentent un caractère de secret de la défense nationale […] les procédés, objets, documents, […] données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion.
-
[127]
Julien Chambre, « Secret professionnel de l’avocat et incitation à la dénonciation », Gaz. Pal. 2002.782, 782.
-
[128]
Jean-Marc Varaut et Laurent Ruet « Secret professionnel et confidentialité dans les professions juridiques et judiciaires », Gaz. Pal. 1997.1054.
-
[129]
La formule de Y. Mayaud, préc., note 125, à propos de la dénonciation est édifiante : « La dénonciation sert donc de justification à la violation du secret, et le secret de justification à la non-dénonciation ».
-
[130]
On pense ici au développement des clauses de confidentialité en matière contractuelle.
-
[131]
Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 6e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2004, s.v. « Secret professionnel » : « Obligation, pour les personnes qui ont eu connaissance de faits confidentiels dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, de ne pas les divulguer hors les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » ; Jean-Louis Baudouin, Secret professionnel et droit au secret dans le droit de la preuve. Étude de droit québécois comparé au droit français et à la common law, Paris, L.G.D.J., 1965. L’auteur parle, à propos du secret professionnel, du devoir du professionnel de garder le « mystère du secret ». Plus loin, il ajoute que « [c]’est une obligation de se taire et un droit au silence ».
-
[132]
En matière contractuelle : Muriel Fabre-Magnan, Essai d’une théorie de l’obligation d’information dans les contrats, thèse de doctorat, Paris, Université Paris I, 1991 ; Mustafa El Gharbi, L’obligation d’information dans les contrats, thèse de doctorat, Paris, Université Paris-Est, 1994.
-
[133]
Com., 8 nov. 1983.
-
[134]
Civ. 1re, 10 mai 1989, Bull. civ. I, no 187 : « Manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution [l’incitant ainsi] à s’engager ». Jacques Mestre, « D’une exigence de bonne foi à un esprit de collaboration », R.T.D. civ. 1986.97, 101 ; Yves Picod, « Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat », J.C.P. 1988.3318 ; Gérard Morin, « Le devoir de coopération dans les contrats internationaux. Droit et pratique », (1980) 6 Droit et pratique du commerce international 9.
-
[135]
Sur la réticence dolosive : Jacques Ghestin, « La réticence, le dol et l’erreur sur les qualités substantielles », D. 1971.247 ; Civ. 3e, 15 janv. 1971, Bull. civ. III, no 38 : « Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » ; Civ. 3e, 2 oct. 1974, Bull. civ. III, no 330 ; Civ. 3e, 22 juin 2005, no 04-10415.
-
[136]
Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, OHADA, art. 156 et suiv.
-
[137]
Code de procédure civile et commerciale, art. 36 :
Seront communiquées au procureur de la République les causes suivantes : 1o Celles qui concernent l’ordre public, l’État, le Territoire, les domaines, les communes, les établissements publics, les dons et legs au profit des pauvres ; 2o Celles qui concernent l’état des personnes et les tutelles ; 3o Les déclinatoires sur incompétences ; 4o Les règlements de Juges, les récusations et renvois pour parenté et alliance ; 5o Les prises à partie ; 6o Les causes des femmes non autorisées par leurs maris, ou même autorisées, lorsqu’il s’agit de leur dot, et qu’elles sont mariées sous le régime dotal, les causes des mineurs, et généralement toutes celles où l’une des parties est défendue par un curateur ; 7o Les causes concernant ou intéressant les personnes présumées absentes.
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[138]
Nous pensons notamment à la prescription, au désistement, à l’abrogation par désuétude et, de manière générale, à toute institution reposant sur l’inaction.
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[139]
Le silence saisi par le droit privé, colloque des 16 et 17 janvier 2014, à la Faculté des lettres de Besançon, organisé par l’Université de Franche-Comté. Les effets du silence sur l’existence des droits, [En ligne], [crjfc.univ-fcomte.fr/download/crjfc/document/flyer_silence_droit_prive--_martial-braz_terryn.pdf] (29 mai 2015). Fabienne Terryn et Nathalie Martial-Braz (dir.), Le silence saisi par le droit privé, Paris, I.R.J.S., 2014.
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[140]
Voir les communications suivantes : Mouna Mouncif Moungache, « Les sources du droit européen : l’exemple de la transposition des directives en général » ; Alexandra Bensamoun, « Les sources du droit européen : l’exemple de la transposition des directives en droit d’auteur », dans F. Terryn et N. Martial-Braz (dir.), préc., note 139.
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[141]
Maurice Kamto, « La volonté de l’État en droit international », (2004) 310 Rec. des cours 1, 134 et suiv. ; Alexis Marie, Le silence de l’État comme manifestation de sa volonté, thèse de doctorat, Paris, Faculté de droit public, Université de Paris II, 2013. Voir également la jurisprudence : Affaires des pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J. Recueil 1951, p. 116 (18 décembre 1951) ; Affaire de la sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), C.I.J. Recueil 1960, p. 192 (18 novembre 1960) ; Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), C.I.J. Recueil 1962, p. 6 (15 juin 1962). Contra Arrigo Cavaglieri, « Règles générales du droit de la paix », (1929) 26 Rec. des cours 311, 512 et suiv.
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[142]
En droit administratif camerounais, après avoir montré que le silence de l’Administration est une forme tacite d’expression de l’acte administratif unilatéral, Maurice Kamto et B.R. Guimdo, « Le silence de l’administration en droit administratif camerounais », Lex Lata no 005, 15 décembre 1994, p. 10 et suiv., démontrent que le silence peut être un silence-refus (« silence normateur de sens négatif ») ou un silence-acceptation (« sens normateur d’effet positif »).
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[143]
Pour mémoire, la Loi du 17 juillet 1900 avait instauré le principe selon lequel le silence de l’Administration vaut décision implicite de rejet.
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[144]
Depuis la Loi no 2013-1005 du 12 nov. 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, J.O. 13 nov. 2013, p. 18407, art. 21, le silence de l’Administration dans un délai de deux mois vaut désormais décision implicite d’acceptation. Jean-Gabriel Sorbara, « Le silence de l’administration », R.D.P. 2012.1078.
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[145]
Loi no 2013-1005 du 12 nov. 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, préc., note 144, art. 1 : « La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise. » Voir la Loi no 2013-1005 du 12 nov. 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, préc., note 144, art. 21 al. 2 et ses textes d’application.
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[146]
Civ. 25 mai 1870, Bull. civ., no 113 : « Attendu, en droit, que le silence de celui que l’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » ; Civ. 1re, 18 avr. 2000, Bull. civ. I, no 111 : « Attendu, cependant, que le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ; Civ. 1re, 16 avr. 1996, Bull. civ. I, no 181.
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[147]
Le silence peut ainsi valoir acceptation : lorsque l’acte profite au contractant silencieux ; lorsque les parties ont souhaité donner au silence cette valeur ; lorsque les parties ont des relations contractuelles suivies. Voir : A. Bensamoun, préc., note 140 ; Pascal Diener, Le silence et le droit, thèse de doctorat, Bordeaux, Université de Bordeaux I, 1975 ; Pierre Godé, Volonté et manifestations tacites, Paris, Presses universitaires de France, 1977, no 175 et suiv., p. 192 et suiv. ; Aix, 13 août 1873, D.P. 1877.5.456 ; Com. 21 mai 1951, Bull. civ. III, no 168 ; Req. 29 mars 1938, D. 1939.1.5, note Voirin ; Civ. 1re, 24 mai 2005, R.T.D. civ. 2005.588, obs. Mestre et Fages.
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[148]
Voir la réticence dolosive, la prescription, le désistement ou encore l’acquiescement.
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[149]
Jean Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951.119, 121.