Chronique bibliographique

Elodie Bordes, Le silence et le droit. Recherches sur une métaphore, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, 230 p., ISBN 978-2-7637-3348-7.[Record]

  • Wend-Nongdo Justin Ilboudo

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  • Wend-Nongdo Justin Ilboudo
    Université Laval

Après avoir été l’objet des numéros 3 et 4 du volume 56 de la revue LesCahiers de droit en 2015, la thématique du silence est de retour dans les publications juridiques à l’Université Laval avec l’ouvrage d’Elodie Bordes, intitulé Le silence et le droit. Recherches sur une métaphore et publié en 2018 aux Presses de l’Université Laval dans la collection « Dikè ». Enseignante de l’Université de Toulon, en France, spécialisée en droit constitutionnel et en théorie du droit, l’auteure a entendu la voix de cette collection qui appelle des penseurs venus de tous horizons et disposés autant à « débattre des questions juridiques urgentes » (p. ii) qu’à une « critique aussi polymorphe et diverse que les structures complexes du droit contemporain » (p. ii). Le livre de Bordes s’inscrit d’emblée au coeur du paradoxe qui marque les relations entre le droit et le langage. Le droit se dit et il se dit, faudra-t-il ajouter, même dans les décisions avant dire droit. À ce titre, le droit est tributaire du langage pour son existence. Cependant le langage n’épuise pas l’être du droit. En d’autres termes, le droit dit et exprimé n’est pas le tout du droit. C’est ainsi qu’au centre même de leurs relations intimes fuse le silence. « Est-il possible, dès lors, pour ce droit qui est enserré dans les rets du langage de “dire le silence” ? » (p. 8). Ce silence incompressible peut s’entendre de trois manières. Il s’agit d’abord d’un silence délibéré. C’est le mutisme, dit l’auteure, d’un acteur du système juridique, que ce soit le citoyen, le juge, le législateur ou le constituant lui-même. Ce silence choisi, donc intentionnel, revêt toujours une portée symbolique. La deuxième forme de silence est un silence imposé. C’est la parole d’un acteur du paysage juridique, plus fort et plus légitime qui réduit d’autres acteurs moins forts et moins légitimes au silence. Ce silence imposé met de l’ordre dans une communication qui, autrement, serait chaotique. Si cette forme de silence est relative dans le sens qu’il y a eu au préalable une tentative de prise de parole, la troisième forme de silence s’avère absolue. Ce silence radical indique ce que le droit, de par son inscription dans les structures langagières ne peut pas dire. C’est le tacite, l’implicite, l’indicible (p. 167). Ces silences ne sont pas vides et il est possible de leur faire livrer le message qu’ils renferment. L’enjeu de l’entreprise de Bordes consiste à restituer la totalité du droit que le langage n’arrive pas à produire. Toutefois, le langage n’est pas le seul phénomène qui tronque le droit. Il en va de même pour la modernité qui réduit le droit à un simple moyen et à un consommable dans l’unique dessein de servir la performance technique. Le droit dit n’est plus alors qu’un droit mutilé et qui désenchante le monde. Pour faire advenir le temps de la consolation, il convient de restaurer l’être du droit en faisant parler les silences. Pour ce faire, Elodie Bordes choisit la « métaphore vive » (p. 10) comme une méthodologie susceptible de saisir ces silences et de produire les sens dont ils sont porteurs. L’auteure distingue deux types de silence. Il y aurait d’abord le silence dans le droit qui fait écho au silence des acteurs du système juridique, c’est la dimension positive du silence. Ensuite, il y aurait le silence du droit lui-même qui évoque la dimension ontologique du silence. Chacune de ses deux branches fait l’objet d’une partie de l’ouvrage. Dans la première partie, l’enseignante de l’Université de Toulon expose, d’une part, le silence du citoyen …

Appendices