Chronique bibliographique

Guillaume Rousseau, L’État-nation face aux régions. Une histoire comparée du Québec et de la France, Québec, Septentrion, 2016, 525 p., ISBN 978-2-89448-857-7.[Record]

  • Charles Breton-Demeule

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  • Charles Breton-Demeule
    Université Laval

Plus que jamais, la décentralisation est vue par les États comme un moyen d’assurer une gestion démocratique et respectueuse des collectivités locales. Ce contexte ne se trouve pas étranger à l’adoption de textes décentralisateurs comme le traité sur l’Union européenne ou encore la Loi sur le développement durable au Québec qui, tous deux, quoiqu’en le définissant de manière différente, consacrent le principe de subsidiarité. Dès lors, il s’avère pertinent de s’interroger sur les origines de ce principe et, surtout, de vérifier si la décentralisation qu’il sous-tend peut coexister, dans le contexte d’un État unitaire, avec des institutions centralisées. C’est dans cet esprit que Guillaume Rousseau, professeur de droit public à l’Université de Sherbrooke, s’est intéressé à la gestion de la décentralisation par l’État dans une étude comparée entre la France et le Québec. L’auteur base son analyse sur le concept d’identité et utilise cette notion pour soutenir la thèse selon laquelle l’État unitaire peut concilier unité et diversité. Ainsi, il revient sur les grandes réformes législatives ayant façonné les modèles de décentralisation français et québécois. Si le thème est assez large, l’ouvrage se concentre davantage sur les grandes lois décentralisatrices adoptées à partir des années 70 et 80 et offre donc l’occasion de revenir sur les réformes ayant marqué le droit québécois des collectivités locales et de l’aménagement du territoire. Cet ouvrage est composé de trois grandes parties. Dans la première partie, Guillaume Rousseau traite des textes fondateurs ayant permis de donner naissance aux nations française et québécoise. Cette rétrospective législative aborde, pour le Québec, la longue période allant de la Nouvelle-France à la Seconde Guerre mondiale. L’auteur se penche notamment sur l’influence de plusieurs textes constitutionnels quant à l’organisation territoriale québécoise, comme l’Acte de Québec de 1774 et l’Acte constitutionnel de 1791. En France, c’est avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui centralise le système de justice et fait du français la langue commune, que les fondements de l’État moderne apparaissent. Guillaume Rousseau estime que ces mesures législatives, plutôt centralisatrices, ont jeté les bases identitaires des nations française et québécoise. Qui plus est, cette phase de décentralisation a permis de paver la voie à des réformes législatives décentralisatrices importantes, comme l’instauration du régime municipal au Québec en 1855 avec l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada. Ce mouvement, comme le souligne l’auteur, s’est par la suite amplifié avec l’adoption, par le Parlement du Québec, de diverses lois conférant des nouveaux pouvoirs aux municipalités à partir du début du xxe siècle. La deuxième partie de l’ouvrage, plus circonscrite dans le temps, s’intéresse surtout aux réformes mises en avant dans un contexte politique favorable à la décentralisation, soit de 1945 à 1985. L’auteur trace un portrait des mesures de décentralisation adoptées à cette époque. En France, l’adoption de la Loi du 5 juillet 1972 permettra de créer les établissements publics régionaux (EPR), organes régionaux dirigés par des élus locaux. Au Québec, c’est en 1966 que sont tracées, par décret, les frontières des dix premières régions administratives. Puis, en 1969, pour régler des problèmes liés à l’urbanisation, le gouvernement québécois institue deux communautés urbaines et une communauté régionale. Comme le rappelle Guillaume Rousseau, la mise en place de ces instances, qui regroupent les municipalités locales et qui disposent de pouvoirs en matière d’aménagement du territoire, a été le premier pas vers une décentralisation plus durable. Toutefois, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, adoptée par le premier gouvernement Lévesque en 1979, marquera un tournant majeur en matière de décentralisation avec la création des municipalités régionales de comté (MRC). Dès lors, les régions québécoises – que l’auteur qualifie de petites …