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  • Ivan Tchotourian and
  • Matthieu Zolomian

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  • Ivan Tchotourian
    Codirecteur, Centre d’études en droit économique (CÉDÉ) ; professeur agrégé, Faculté de droit, Université Laval

  • Matthieu Zolomian
    Maître de conférences, Université de Saint-Étienne ; membre du Centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID)

Le droit des sociétés par actions a longtemps été perçu telle une matière qualifiée de « technique », trop souvent laissée — voire abandonnée — entre les mains des praticiens. Depuis l’avènement des grandes entreprises (authentiques « firmes-mondes » de ce siècle comme les qualifient certains) dont la constitution a été libérée des mains de l’État, cette discipline juridique a pris une tout autre ampleur et est devenue un terrain fertile à la recherche universitaire. Le numéro spécial que nous avons coordonné dans Les Cahiers de droit, avec l’appui de nos centres respectifs (le Centre d’études en droit économique (CÉDÉ) de la Faculté de droit de l’Université Laval et le Centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID) de la Faculté de droit de l’Université de Saint-Étienne), le démontre bien. Aujourd’hui, le droit des sociétés par actions doit être redécouvert pour y jeter un regard bien différent. Depuis plusieurs années maintenant, il est en reconstruction autour d’une philosophie fort éloignée de ce qui l’a aidé à se construire, une philosophie économique assimilant la société par actions à une boîte noire ou à un contrat. Quelle est cette philosophie ? La responsabilité sociale des entreprises (RSE). De part et d’autre de l’Atlantique, les évolutions et les discussions dont le droit des sociétés par actions est l’objet sont guidées par ce nouveau cadre de réflexion. Le droit des sociétés par actions se saisit de la RSE. Si parfois il échoue ou si son évolution traduit imparfaitement ou insuffisamment les enjeux contemporains véhiculés par l’entremise de la RSE (sauvegarde de la nature, gestion du changement climatique, protection des droits de la personne, respect des communautés locales, recherche d’une plus grande justice dans la répartition des richesses, etc.), il est mû par une force irrésistible qui se traduit par une place grandissante faite à la RSE. Au risque de déplaire, le droit des sociétés par actions ne semble plus pouvoir être présenté sans évoquer sa composante RSE, qui gagne inlassablement du terrain en fait de densité, de portée, d’intensité et de garantie normative. La RSE traverse le droit des sociétés par actions et influe sur la constitution, la nature, la mission, l’objectif, la gouvernance, la structure, la responsabilité et la transparence des sociétés. Les textes réunis dans ce numéro spécial confirment cette transcendance de la RSE. C’est ce mouvement nouveau qui anime le droit des sociétés par actions — qu’il soit québécois, canadien, français, européen, étatsunien, australien ou anglais notamment — que nous avons voulu capter et partager avec le lectorat. Faut-il s’étonner de cette évolution du droit des sociétés par actions ? Nous ne le croyons pas, et la pandémie de COVID-19 a confirmé que la société attend plus de la part des entreprises. En 1942, le professeur Paul Roubier notait que, « [l]à où est le pouvoir, là doit être la responsabilité ». De longue date, il a été prouvé que la société par actions permet l’accumulation de capitaux, faisant d’elle un véritable propriétaire et un centre de pouvoirs. À ce titre, le professeur Claude Champaud a brillamment montré il y a longtemps que la société par actions est une technique de concentration permettant à l’entreprise d’augmenter son pouvoir et sa puissance. Devant les enjeux de pouvoirs que les entreprises soulèvent, et par rapport au sentiment d’impunité insupportable pour une partie de la population, le Droit a une responsabilité. Il apparaît comme le fondement même de l’existence du pouvoir des entreprises, particulièrement des plus grandes. Sans le Droit, en particulier le droit des sociétés par actions, leurs pouvoirs ne pourraient pas exister : « C’est l’ensemble de la structure légale de …

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