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L’immigration est principalement une affaire de grands centres urbains. En effet, les nouveaux arrivants au Canada s’installent, on le sait bien, en très grande majorité dans les grandes villes de Montréal, Toronto ou Vancouver. Mais qu’en est-il de ceux qui décident de s’installer « en région » ? C’est à cette question que cherche à répondre l’ouvrage dirigé par Michèle Vatz Laaroussi et ses collègues Estelle Bernier et Lucille Guilbert en analysant ce qui se passe à la fois du côté des immigrants qui choisissent de s’installer dans de plus petites villes, et du côté des instances économiques, politiques et sociales des régions d’accueil. Une des originalités fortes de cet ouvrage est de faire dialoguer des chercheurs et des intervenants politiques et sociaux actifs dans le domaine de l’immigration en région. En fait, les différents textes composant l’ouvrage découlent d’abord de divers travaux de recherche et sont par la suite commentés par des partenaires des chercheurs. Le portrait de la situation en est d’autant plus riche.

L’ouvrage se divise en deux grandes parties. La première traite des transitions que vivent les immigrants et leur famille en région. Sont alors abordées la question du rapport à l’école, tant du point de vue des familles que des jeunes, puis celle de l’accompagnement lors de périodes de transition de vie (migrer, étudier, travailler, devenir maman). La deuxième partie de l’ouvrage s’intéresse plus particulièrement au capital d’attraction et de rétention des immigrants en région. Cela se fait sous cinq angles différents : celui de l’emploi et de l’employabilité, celui de la gouvernance et de la participation, celui du rôle des communautés anglophones dans l’intégration des immigrants, celui des immigrants de deuxième génération et, enfin, celui de ce que les auteurs appellent le capital d’ouverture à l’immigration des régions.

L’ouvrage se termine par un effort de modélisation du capital d’attraction et de rétention des immigrants en région. Ici, les auteurs développent un modèle générique, intégré, dynamique et circulaire, dans lequel les structures de gouvernance et les politiques, l’ouverture de la collectivité à l’immigration et à la diversité, ainsi que le capital d’employabilité et l’ouverture des entreprises à la diversité interagissent les uns avec les autres, permettant alors de saisir, d’après les auteurs, les processus qui participent à la coconstruction du capital régional d’attraction et de rétention des immigrants. L’utilisation de ce modèle explicatif, au centre duquel se retrouve le projet des immigrants, soulève, selon Vatz Laaroussi et Bernier, des enjeux politiques quant à la représentation et à la participation des immigrants aux instances décisionnelles, des enjeux professionnels et organisationnels en regard notamment d’un développement social territorialisé qui devrait inclure tous les acteurs et des enjeux de nature éthiques renvoyant au dépassement d’une vision strictement utilitariste et fonctionnelle de l’immigration.

En définitive, il s’agit là d’un ouvrage intéressant qui a le mérite de fournir un éclairage nouveau sur la question de l’immigration, particulièrement en portant un regard sur ce qui se passe à l’extérieur des grands centres urbains et en posant la question des interactions entre les collectivités locales, leurs stratégies de développement et d’accueil des nouveaux arrivants et l’apport des immigrants à la vitalité des communautés. Les allers-retours entre la présentation de résultats de recherche, le regard des acteurs sociaux et les efforts de théorisation des auteurs assurent que tant les chercheurs en immigration ou en développement des collectivités que les étudiants et les acteurs sociaux y trouveront matière à réflexion.