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Les Inuit et les Cris du Nord du Québec découle d’un colloque tenu à l’Université d’Angers en octobre 2009, lequel prend les 35 ans d’histoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois comme prétexte à réflexion. Cet ouvrage s’attaque à un défi peu banal, soit celui de faire place à une multitude de voix (scientifiques, administratives, allochtones ou autochtones) qui, sans être entièrement exclusives, apparaissent parfois divergentes. Dans l’ensemble, l’ouvrage relève le défi.

Ces différentes voix se rencontrent à l’intérieur de chacune des trois principales parties : la première se penche sur la gouvernance territoriale et le régime légal qui la supporte ; la deuxième aborde les enjeux sociaux, environnementaux et de santé touchant le Nord québécois ; la troisième traite de la dimension culturelle, soit précisément les rapports à la langue et au patrimoine.

Le principal point fort de Les Inuit et les Cris du Nord du Québec repose sur la place accordée aux regards autochtones sur la question. La chose peut sembler naturelle, mais elle ne l’est pas. Peu d’auteurs s’aventurent sur un tel terrain, tant il est peu commode de concilier la vision autochtone des réalités étudiées et le regard souvent hégémonique de l’approche scientifique occidentale. À cet égard, plusieurs des textes à proprement dit scientifiques de l’ouvrage offrent un regard critique sur la science et restent suffisamment ouverts aux perspectives autochtones et, de surcroît, montrent bien les rapports de force sur lesquels s’articule la relation historique et contemporaine entre les autochtones et l’État québécois (ou, plus largement, les Québécois non autochtones) : c’est particulièrement le cas de ceux signés par Morantz, Oblin, Rodon, Martin et Cournoyer, Lajoie, Bonnier Viger et Visart de Bocamé, pour n’en nommer que quelques-uns.

Cet effort d’ouverture aux particularités autochtones reste toutefois inégal. Plusieurs autres textes ne font pas montre d’un esprit critique aussi aiguisé, ce qui est particulièrement vrai de ceux qui mettent l’accent sur les dimensions plus administratives des relations entre autochtones et allochtones où est souvent dépeinte, d’une seule couleur, la gouvernance des territoires autochtones du Nord québécois. Il en va de même de certains textes de chercheurs qui mettent la vision scientifique au-dessus de toute autre forme de savoir ou de rapport au territoire et à l’environnement (ontologique, spirituel et ainsi de suite).

Ces aléas auraient pu être évités moyennant quelques efforts éditoriaux supplémentaires de la part des directeurs de l’ouvrage. Il en va de même de la cohésion générale de l’oeuvre, qui est relativement déficiente et qui nuit quelque peu à la lecture globale ; d’un texte à l’autre, le lecteur doit souffrir de nombreuses répétitions d’ordre contextuel (effets combinés dans le temps de la Révolution tranquille, des travaux d’aménagement hydroélectrique, de la signature de la Convention, etc.). C’est sans doute le prix à payer pour un ouvrage dont la source des intervenants est aussi variée et, plus largement, pour la lecture d’actes de colloque. Cela étant dit, de courtes introductions de sections auraient sans doute permis d’harmoniser les différents regards exposés ici et d’en révéler ainsi encore davantage toute la richesse.

Malgré ces quelques bémols et même s’ils ne sont pas explicitement cités comme faisant partie du lectorat potentiel, bon nombre de géographes sociaux, culturels et historiques – du Québec, du Canada ou d’ailleurs dans la francophonie – sauront trouver leur compte à la lecture de cet ouvrage collectif.