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Ce livre est un condensé en 180 pages de Histoire du Nord-du-Québec comptant 558 pages et publiée en 2012 aux Presses de l’Université Laval (PUL) sous la direction de Réjean Girard, Réginald Auger, Vincent Colette, Denton David et Yves Labrèche.

Le premier chapitre brosse le tableau de l’environnement de ce vaste territoire situé au nord du 49e parallèle. Les auteurs y présentent sommairement l’histoire géologique de la région, les zones climatiques qui la caractérisent et les principales ressources qu’elle recèle.

Le deuxième chapitre porte sur l’occupation humaine du territoire jusqu’au XVIe siècle, période où les contacts avec les Européens étaient encore inexistants ou peu abondants.

Le troisième chapitre expose comment les différentes ressources du territoire ont été successivement valorisées dans les circuits du commerce international après l’arrivée d’explorateurs, entrepreneurs et commerçants d’origine européenne. L’horizon temporel va du XVIIe siècle au milieu du XXe. Pour cette période, les deux principales ressources ont été la fourrure et les produits minéraux. Le chapitre se termine par un examen des conditions d’existence des Cris et des Inuit ainsi que des modifications à leur mode de vie au cours de la période considérée.

Le quatrième chapitre est consacré à « l’épopée des villes minières et forestières ». En ce qui regarde la forêt, il n’y a que le sud de la région qui est concerné, car c’est la seule portion du territoire où l’on trouve une forêt exploitable. Pour ce qui est des mines, il n’y a eu jusqu’à présent « épopée des villes » que dans le sud du territoire encore une fois, étant donné que le réseau routier et ferroviaire n’a longtemps favorisé que cette partie du Québec. Plusieurs pages sont consacrées aux grands chantiers hydroélectriques du bassin versant de la baie James et aux contestations auxquelles ils ont donné lieu.

Le cinquième chapitre traite de l’entente signée en 1975 entre le Québec, les Cris et les Inuit, et des suites qu’elle a eues. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois a apporté des modifications majeures aux façons de faire des uns et des autres, dans la région. Entre autres, elle a permis au peuple cri et au peuple inuit d’accéder à des formes nouvelles d’autonomie gouvernementale et de jouer un rôle décisif dans la gestion de services importants comme le logement, la santé et l’éducation. Les deux peuples disposent désormais de leviers améliorant leur capacité à prendre des décisions susceptibles d’infléchir leur avenir collectif.

Le sixième et dernier chapitre fait un survol de la situation contemporaine. En 1987, à la faveur d’une retouche aux découpages administratifs existants, le Nord-du-Québec est institué comme région administrative. Il s’agit de la région la plus étendue, en même temps que la moins peuplée du Québec. L’architecture des juridictions est complexe. Plusieurs dispositifs institutionnels se conjuguent dans la gestion de l’espace régional : administration régionale Kativik chez les Inuit, territoire cri parfois désigné comme Eeyou Istchee chez les Cris, municipalités diverses chez les autres, lesquels sont souvent appelés Jamésiens, sans oublier la transformation de l’une de ces municipalités, celle dénommée Baie-James, en gouvernement régional Eeyou Istchee Baie-James où Jamésiens et Cris sont partenaires. L’avenir, démographique et économique, réserve de nouvelles et imprévisibles évolutions. C’est en grande partie dans cette région que se déploie le Plan Nord mis de l’avant par certains premiers ministres du Québec.

Le livre fait partie du grand chantier des histoires régionales lancé par l’Institut québécois de recherche sur la culture et repris par le Centre urbanisation, culture, société, de l’Institut national de la recherche scientifique. Pour chaque région retenue, deux types de publication ont été réalisés, soit un ouvrage étoffé faisant la synthèse des connaissances sur la région suivi d’une « histoire en bref » présentant l’essentiel sous forme abrégée. La première des remarques qui suivent concerne le chantier dans son entier et les autres, le condensé rédigé par Réjean Girard et Normand Perron.

Dans le grand projet des histoires régionales, le découpage territorial a tantôt reflété les régions dites historiques et tantôt les régions dans leurs frontières administratives de la fin du XXe siècle. La tendance a été de préférer les découpages historiques aux découpages administratifs contemporains. Ainsi, pour ne donner que deux exemples parmi plusieurs autres, la région de Charlevoix a fait l’objet d’une histoire régionale séparée de celle de la région de Québec, et les Îles-de-la-Madeleine ont vu leur histoire racontée dans un ouvrage différent de l’Histoire de la Gaspésie. Pour le territoire dit du Nord-du-Québec, c’est le découpage administratif qui a été retenu, ce qui est légitime en soi. Il n’en reste pas moins que le principe du découpage historique se serait particulièrement bien appliqué dans ce cas étant donné, d’une part, que l’espace occupé par les Cris et celui occupé par les Inuit sont carrément distincts l’un de l’autre et auraient mérité chacun leur histoire régionale et que, d’autre part, la trajectoire suivie par la partie sud du territoire, comme cela est d’ailleurs rappelé plus d’une fois dans le livre, se rattache davantage à ce qui s’est passé dans les régions limitrophes de l’Abitibi-Témiscamingue pour la frange sud-ouest, et du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour la frange sud-est. Ni le condensé dont il est question ici ni l’ouvrage plus complet de 2012 n’offrent une discussion convaincante sur les raisons qui ont fait préférer le découpage administratif au découpage « historique ».

Les dernières remarques concernent le condensé. L’information qu’on y trouve est abondante et précise. La rédaction est soignée. L’iconographie est à point. Le texte est accessible à un grand public. Soulignons quelques défauts mineurs : la carte de la page 8, conçue pour être lue en grand format, est difficile à lire dans un format aussi petit que celui dans lequel elle est livrée ; quelques passages du livre (grèves, aux pages 98-102, manifestations culturelles et sportives, aux pages 163-165) reposent sur des énumérations brutes à partir desquelles les auteurs n’arrivent pas à dégager des lignes directrices ; l’expression camp minier utilisée à quelques reprises appartient au jargon de l’activité minière, mais n’apparaît pas des plus heureuses dans un texte destiné aux non-initiés.