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Le livre publié sous la direction d’Anne Gillet et Diane-Gabrielle Tremblay fait le bilan des recherches partenariales et collaboratives. Il revient sur les défis que posent ces méthodes de recherche en exposant leurs intérêts, leurs arguments, leurs limites et leurs contraintes. Il est constitué d’une introduction, d’une conclusion et de 14 contributions, dont la première en pose les bases typologiques. Les recherches partenariales sont conçues comme des modalités de recherche impliquant une articulation forte avec un milieu de pratique. Elles prennent forme dans un partenariat participatif entre un chercheur (référentiel scientifique) et un praticien professionnel d’un corps de métier, d’une part, dans une perspective cognitive et réflexive et, d’autre part, dans une perspective d’appropriation et de traduction des connaissances produites en orientations d’action. La typologie distingue quatre critères de mise en situation : relation de collaboration (recherche collaborative), d’investigation (recherche-action collaborative), de tiers intervenant (recherche-intervention) et de coopération (recherche-action coopérative).

La recherche partenariale est significative d’un changement épistémologique en autorisant des processus de coconstruction de connaissance qui favorisent l’innovation et la transformation sociale. La recherche collaborative se distingue de la recherche académique dans la mesure où elle répond à la sollicitation d’un tiers commanditaire, son terrain de recherche se situe en dehors de l’Université et sa démarche se caractérise par la recherche de l’implication active des acteurs. Face à ces nouvelles modalités, le livre pose en filigrane la problématique du devenir même de la recherche. Qu’est-ce que chercher veut dire dans le cadre d’une recherche partenariale ou collaborative ?

Cette question pose d’abord l’implication des concernés dans la recherche et du rapport entre scientifiques et experts dans un apport expérientiel de ces derniers. Le système de recherche s’est constitué en excluant progressivement les non-professionnels de la recherche. La révolution scientifique a imposé un modèle de savoir et une délégation de la fonction de production de connaissances scientifiques à des professionnels de la recherche. Les recherches partenariales et collaboratives placent la pratique de la recherche dans la condition d’une coconstruction où le chercheur remplit une fonction d’accompagnant auprès d’individus participant à la recherche en vue de les aider à une compréhension renouvelée du phénomène social auquel ils sont confrontés. Ensuite, le statut de la connaissance produite ouvre la fenêtre sur la légitimité des chercheurs impliqués ainsi que sur la nécessité de financer les institutions porteuses de ce type de recherche. Les recherches partenariales et collaboratives posent aussi la question de la relation entre les objets de recherche, les cadres de références théoriques et les démarches méthodologiques utilisées.

On comprend alors pourquoi les questions politiques sont attachées aux fonctions de la recherche (orientation, programmation, recherche, expertise). La neutralité axiologique de cette dernière fait face à la tentation de réduire les sciences à une activité politique ou instrumentalisée à travers sa contribution aux finalités de l’action sociale. Devant le fait qu’un des problèmes qui bloquent le développement des sociétés est la difficulté qu’éprouvent ces dernières à nommer les freins aux innovations sociales, la recherche contribue à trouver des pistes de solution à ces problèmes. Toutefois, dans plusieurs types de recherches partenariales où les questions d’émancipation et de changement prédominent, la posture politico-éthique a tendance à dominer au service d’une entreprise morale et politique de mobilisation.

Les tensions qui existent entre acteurs dans la recherche partenariale, de même que les modalités de leur prise en charge et de construction des relations, sont aussi au coeur de ce livre. Les tensions entre chercheurs et praticiens peuvent être liées à la méthode de la recherche, aux résultats de celle-ci ou aux temporalités de la recherche par opposition à celles qui s’imposent au milieu de la pratique. Les auteurs montrent comment se confrontent les différentes identités au sein de la recherche partenariale à travers les niveaux d’implication des acteurs : actifs, actifs mais prenant peu de décision, pas actifs du tout, etc., sans compter les différentes configurations relationnelles dans la recherche partenariale : le contrat ou la collaboration.

Les différentes contributions à l’ouvrage exposent l’idée selon laquelle il existe des savoir-faire logés dans les activités dont la visibilité des effets, au sens d’une production de connaissance, est loin d’être acquise. D’où la nécessité de construire des collectifs dans le cadre de recherches partenariales et collaboratives. Cela renvoie à une vision constructiviste de la coopération qui est loin d’une conception positiviste, voire essentialiste. Ces recherches peuvent être considérées comme démarche itérative proche du grounded theory. On peut également avoir recours à la sociologie de la traduction pour analyser les interactions qui président aux recherches collaboratives entre chercheurs et acteurs alors que la sociologie de la transaction sociale peut servir à mieux appréhender le conflit social créé par cette dynamique.

Cette publication est un document fourni qui regroupe plusieurs contributions, dont certaines sont des recherches abouties tandis que d’autres sont encore en évolution. Le mérite de ce livre est d’avoir couvert plusieurs domaines concernés par la recherche partenariale, avec des études de cas et une contextualisation de la complexité des méthodes, de même que les enjeux qui existent entre acteurs. L’ouvrage a le mérite de présenter la question à travers une diversité de points de vue et d’exemples : approche clinique, travail social, Agir tous pour la dignité (ATD), Quart monde ou la coopération universitaire à travers le réseau Développement durable et lien social (2DLiS). Cette pluralité des cas est enchâssée dans une diversité des pratiques selon les pays : Suisse, Canada et France. Cependant, deux limites doivent être signalées. D’une part, une perspective culturelle aurait mieux complété l’analyse de ces méthodes de recherche. D’autre part, l’ouvrage comporte plusieurs erreurs d’orthographe qui rendent la lecture très inconfortable et portent préjudice à la pertinence de l’édition.