Comptes rendus bibliographiques

FOURNIER, Jean-Marc, dir. (2001) Faire la géographie sociale aujourd’hui. Caen, Presses universitaires de Caen (Coll. « Les documents de la maison de la recherche en Sciences humaines de Caen », no 14), 255 p. (ISBN 2-84133-146-6)[Record]

  • Anne Gilbert

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  • Anne Gilbert
    Université d’Ottawa

En 1984, quatre géographes réunis par diverses recherches menées en commun et par une certaine communauté de préoccupations produisaient ensemble le premier ouvrage consacré à la géographie sociale en France (Frémont et al., 1984). Ils reconnaissaient dans cet ouvrage, qui s’imposerait rapidement comme la principale référence de langue française dans le domaine, quatre facteurs explicatifs des relations entre sociétés et espaces : l’effet de lieu, l’effet de classe, l’effet culturel et l’effet de mobilité. Leurs intuitions et analyses ont profondément marqué la géographie sociale française. En témoignent la trentaine de textes présentés au colloque Faire la géographie sociale aujourd’hui, tenu à Caen en novembre1999, et dont les actes sont parus deux ans plus tard. Armand Frémont le remarque dans l’introduction du livre, après avoir rappelé comment celui-ci s’inscrit dans une démarche collective de plus de trente ans. Dès le début des années soixante-dix en effet, à l’issue de mai 1968, des équipes de recherche se structuraient dans les universités de l’ouest de la France pour faire de la géographie sociale, les unes par le biais de l’espace vécu, les autres en s’intéressant aux rapports de classe inscrits dans l’espace. Leur collaboration a fait naître une approche d’autant plus originale qu’elle était peu influencée par la géographie anglo-saxonne, ici peu fréquentée. Il constate, quelque trente ans plus tard, combien la géographie sociale française, à laquelle participent aujourd’hui de nombreux autres groupes qui s’intéressent aux mêmes questions, s’inspire toujours de cette trame initiale. De nouveaux thèmes sont apparus néanmoins, qui témoignent de l’élargissement de la perspective et du rapprochement de la géographie sociale avec les autres domaines de la discipline. L’environnement est désormais considéré comme un objet social, qui n’aurait d’existence que par les individus et les groupes qui y vivent, qui le façonnent et le subissent. Construction idéologique, il constitue un enjeu auquel s’intéresse toute une génération de jeunes géographes. Plusieurs textes le montrent. La géographie sociale a aussi découvert le patrimoine, non pas en soi, mais en tant que processus qui engendre de nouvelles situations sociales et contribue ainsi à créer du sens et de l’identité. Enfin, le territoire est devenu une notion centrale, alors qu’il a complètement évincé l’espace dans le discours. Le territoire, la territorialité, la territorialisation sont en effet utilisés comme références de presque tous les participants à l’ouvrage pour signifier les relations des individus, des groupes et des sociétés à leurs espaces. Si le recours à ces concepts plus évocateurs, plus imagés et qui matérialisent par un objet plus concret la très grande abstraction de l’espace géographique n’a pas changé le fait que le social reste au centre de l’attention, il n’en traduit pas moins un changement de perspective. En passant de l’effet du lieu à celui du territoire, d’essence sociale mais d’expression individuelle, le sujet s’est imposé dans l’analyse. Le sens prêté à l’effet culturel s’est ainsi modifié pour refléter la tendance croissante à l’individuation culturelle et la multi-appartenance qui l’accompagne. Dans un contexte d’élargissement des univers relationnels, on s’interroge moins sur l’effet de la mobilité aux différentes échelles spatiales que sur le rôle des liens sociaux de proximité et sur les possibilités qu’ils ouvrent à la participation citoyenne. Bref, on s’éloigne de l’étude de l’organisation spatiale des sociétés et des rapports de classe qu’elle révèle pour centrer l’attention sur les relations complexes par lesquels les groupes sociaux localisés produisent, à partir de représentations ancrées dans leur espace vécu, des pratiques identitaires qui contribuent à définir leurs rapports aux autres. La notion de médiation territoriale, développée par Di Méo (1998) et reprise dans de nombreux textes, illustre bien ce point de vue. Si …

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