Étude bibliographique

Environnement et développement : un débat à poursuivreROSSI, Georges (2000) L’ingérence écologique. Environnement et développement rural du Nord au Sud. Paris, CNRS (Coll. « Espaces et milieux »), 248 p. (ISBN 2-271-05794-9)[Record]

  • Steve Déry

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L’environnement, icône du monde scientifique contemporain, à la fois écueil et tremplin du capitalisme expantionniste, thème de recherche pléthorique des dernières décennies, lié au développement et à ses multiples facettes : tel est le sujet de l’ouvrage de Georges Rossi, qui invite à la réflexion et au débat : L’ingérence écologique. Environnement et développement rural du Nord au Sud. Fort d’une expérience de terrain vaste et diversifiée, G. Rossi prend la mesure de ce qu’il appelle l’ingérence écologique, soit la façon dont l’Occident (pour lui, Europe de l’Ouest et Amérique du Nord), après avoir donné naissance à « l‘environnement » a tenté et tente toujours d’imposer sa vision environnementale aux pays du « Sud ». Il propose une réflexion sur la place de l’environnement dans les divers programmes et les actions de développement entreprises par les pays les plus riches dans les pays les plus pauvres de la planète. Le ton est provocateur à dessein, parfois cinglant, en particulier envers les tenants de « l’écologie profonde » : « ces courants […] montrent à quelles dérives (ou délires) on peut aboutir lorsque le souci écologique est accaparé par des idéologues ou des minorités agissantes comme moyen de pression et de pouvoir » (p. 35). L’objectif est clair : il s’agit de remettre en question la façon dont la notion d’environnement a été intégrée au développement et, ainsi, d’ébranler plusieurs certitudes parfois érigées en axiomes. Le livre s’articule en neuf chapitres et un épilogue. L’auteur présente d’abord, dans les trois premiers chapitres, les diverses approches, relate les origines et la « naissance » de l’environnement (chapitre 2), puis « l’exportation du mythe » (chapitre 3). Dans les quatre chapitres qui suivent, on accompagne l’auteur dans un tour d’horizon amorcé dès le chapitre 3, de la Tanzanie au Brésil, en passant par le Vietnam, avec retour à Madagascar et en Guinée… mais on s’y perd un peu. Le fil conducteur entre les chapitres, et parfois même à l’intérieur de ces chapitres (par exemple, chapitre 7, « La forêt peut cacher l’arbre »), reste parfois ténu : ceux-ci sont davantage juxtaposés que logiquement organisés. Ceci tient en partie au fait que certains chapitres, même s’ils ont été enrichis, avaient déjà été publiés séparément (chapitres 5, 6 et 7, voir Rossi 1998a et 1998b). Le chapitre 9 et l’épilogue reviennent judicieusement sur les idées énoncées au départ en insistant davantage sur les façons de sortir du carcan des certitudes biaisées. La bibliographie est riche, près de 500 entrées, et fort diversifiée. D’aucuns trouveront maladroit de vanter les mérites de cette richesse en spécifiant qu’elle a été « acquise notamment auprès des chercheurs et des travaux de langue anglaise, trop souvent méconnus » (préface de Georges Bertrand, p. 7). Cette remarque est incongrue, car dans le monde de la recherche, il est essentiel de diversifier ses sources en faisant appel aux travaux réalisés dans d’autres langues que la sienne, et tout particulièrement en anglais. Par ailleurs, l’avertissement initial de l’auteur quant à l’impasse qu’il a dû faire sur le plan bibliographique (viser à juxtaposer les approches, pas l’exhaustivité, p. 12) s’avère insuffisant pour justifier l’absence de certains ouvrages ou études particulièrement éclairants concernant les questions centrales de son argumentation. J’y reviendrai plus tard. Sur le plan scientifique, cet essai de G. Rossi contribue certainement à faire progresser la réflexion et les débats concernant les relations entre environnement et développement. Il insiste beaucoup sur les conséquences des programmes environnementaux mis en place par les gouvernements pour leurs populations respectives. Il illustre (en bombardant littéralement le lecteur d’exemples souvent judicieux) les déséquilibres, les ruptures, les désarticulations …

Appendices