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Introduction

Cette recherche vise à documenter les risques d’exclusion sociospatiale de groupes vulnérables en fonction de leurs contraintes de mobilité, afin de discuter des mesures d’aménagement du territoire pour réduire les iniquités sociales en milieu urbain. [1] Le groupe vulnérable retenu pour cet article est constitué des familles monoparentales. [2] Les ménages monoparentaux sont habituellement considérés comme l’un des groupes les plus défavorisés de la société, car ils ont généralement des revenus plus faibles, ainsi qu’un accès moindre au transport privé et à la propriété résidentielle, que les autres types de ménages (Kearns et al., 1995 ; Titheridge et Solomon, 2008 ; Pelletier, 2012). De même, les familles monoparentales sont habituellement concentrées dans les quartiers urbains défavorisés, caractérisés par un accès limité aux ressources sociales comme l’éducation, la santé et la sécurité (Kearns et al., 1995 ; Pelletier, 2012).

La composante spatiale de l’exclusion sociale constitue l’objet d’étude de cet article. L’exclusion sociale peut être définie comme une insuffisance d’accès aux institutions sociales, au marché de l’emploi et aux différentes possibilités qu’offre l’environnement urbain pour certains membres d’une communauté par rapport aux autres (Kenyon, 2003 ; Kellerman, 2006). Ainsi, l’objectif général est d’acquérir une compréhension détaillée des facteurs affectant la mobilité des membres de familles monoparentales, afin d’analyser comment la variabilité spatiale et temporelle de ces facteurs influe sur le déficit de mobilité des ménages monoparentaux. Ce déficit est défini par les conditions (telles qu’un accès moindre à l’automobile) susceptibles de réduire l’accès aux activités quotidiennes comme le travail, les services de garde, les écoles et l’approvisionnement. L’article introduit également une perspective de genre, car il considère parmi les facteurs susceptibles de générer un déficit de mobilité le sexe du parent monoparental.

Dans cet article, nous définissons la mobilité comme la capacité de se déplacer dans l’espace en utilisant divers modes de transport (Vandersmissen et al., 2001 ; Kenyon et al., 2003). La fonction principale de la mobilité est d’assurer l’accès aux lieux d’activité pertinents pour le développement de capacités individuelles (telles que l’éducation) et pour atteindre ou maintenir une qualité de vie souhaitable (telle que le travail rémunéré). Par conséquent, une mobilité inappropriée peut générer ou renforcer une situation d’exclusion sociale (Kenyon et al., 2003). C’est ce qui incite Kenyon (2003) à considérer les restrictions de mobilité parmi les neuf dimensions de l’exclusion sociale : autonomie (capacité de prendre des décisions personnelles) ; économie (contraintes financières) ; insertion politique (participation aux décisions collectives) ; milieu de vie (caractéristiques de l’espace de vie et possibilités diverses) ; mobilité (restrictions de mobilité et de motorisation) ; dimension personnelle (caractéristiques individuelles telles que l’âge, le sexe, les handicaps) ; réseautage (insertion dans les réseaux sociaux et d’entraide) ; aspect sociétal (facteurs sociaux ayant un impact généralisé) ; dimension temporelle (contraintes de temps et d’agenda).

Ces dimensions de l’exclusion sociale sont liées à des facteurs de défavorisation, un néologisme qui réfère à un ensemble de désavantages sociaux, personnels et économiques observables (la pauvreté, par exemple), associés à un groupe de personnes ou à une localité, lequel ensemble est comparé avec le reste de la société d’appartenance (Townsend, 1987 ; Pampalon et al., 2009). Ces contraintes constituent des obstacles ou des barrières qui entravent la pleine participation à la vie sociale (Herbert, 1975 ; Boros, 2010 ; Groulx, 2011). L’accumulation de désavantages crée un processus de dégradation des conditions d’accès à diverses formes de capital, tant économique qu’humain et social. Cette détérioration d’accès à des institutions sociales et à des possibilités diverses conduira éventuellement au développement d’une situation d’exclusion sociale (Kenyon, 2003 ; Páez et al., 2009 ; Groulx, 2011). Ainsi, l’exclusion sociale résulte en partie de la combinaison de diverses facettes de défavorisation, ce qui permet de caractériser son intensité par l’accumulation de désavantages chez les individus ou groupes affectés (Groulx, 2011).

Ainsi, bien que l’objectif de cet article soit de déceler et d’analyser les facteurs qui ont des répercussions sur le déficit de mobilité des familles monoparentales, sa pertinence repose sur l’impact potentiel des contraintes de mobilité sur d’autres dimensions de l’exclusion sociale. Imaginons une situation où une famille monoparentale n’a pas la capacité financière d’acquérir et d’entretenir une automobile. Ses membres devront limiter leur recherche d’occasions d’emploi, d’éducation et de loisir dans un espace d’action délimité par l’accès en transport collectif ou actif, avec une durée de trajet raisonnable et compatible avec l’agenda du ménage. En limitant les possibilités d’emploi, d’éducation et d’interaction sociale, cette contrainte de mobilité affecte au moins trois dimensions de l’exclusion sociale : économique, personnelle et de réseautage.

Supposons maintenant que la même famille ait accès à un service de partage d’auto. Cela réduirait éventuellement son déficit de mobilité, produisant par ricochet un « cercle vertueux » avec des impacts positifs sur les autres dimensions de l’exclusion sociale. Le potentiel accru de mobilité lié à la disponibilité du partage d’auto permettrait aux membres du ménage d’étendre leur éventail de possibilités d’emplois rémunérés (au-delà du rayon de mobilité [3] antérieur), d’où une diminution potentielle des contraintes financières. L’amélioration de la situation économique et de la flexibilité temporelle liée à la disponibilité de transport privé favoriserait la participation à de nouvelles activités éducatives, de divertissement et de socialisation à l’extérieur de la maison, atténuant les risques d’exclusion sociale liée à l’accès aux réseaux sociaux d’entraide et d’inclusion communautaire.

Considérant ce qui précède, nous concluons que le concept d’accessibilité fournit une clé fondamentale pour comprendre la relation entre le déficit de mobilité et les autres dimensions d’exclusion sociale (Kenyon et al., 2003). L’accessibilité peut être définie comme la capacité de s’engager dans plusieurs activités séparées dans l’espace, tout en étant limité par des contraintes temporelles (Lenntorp, 1978 ; Kwan, 1998 ; Kim et Kwan, 2003). Par conséquent, on a besoin d’un indicateur de mobilité qui procure une mesure indirecte du potentiel d’accessibilité, notamment dans une perspective de budget-temps limité.

La vitesse de déplacement offre cette dimension d’accessibilité en intégrant, dans un indicateur synthétique, la distance parcourue et la durée de déplacement, lesquelles dépendent elles-mêmes de la localisation des résidences et des lieux d’activité, de la configuration et de la qualité des réseaux de transport ainsi que des choix modaux. Par conséquent, la vitesse influence fortement l’espace d’action des membres du ménage. Toutes choses étant égales par ailleurs (localisation, densité et temps disponible), l’accès à des possibilités diverses sur le territoire croît avec la vitesse de déplacement. Ainsi, en comparant deux ménages avec des localisations résidentielles similaires, les membres de celui qui présente une vitesse de déplacement plus élevée ont un espace potentiel d’action plus étendu et un accès à plus de possibilités, dans les limites imposées par leurs agendas respectifs.

Pour cette étude, plutôt que d’opposer les familles monoparentales et biparentales, ce qui aurait induit des décalages en termes de contraintes d’agenda et de budget familial, nous avons comparé l’évolution du déficit de mobilité des familles monoparentales dirigées par la mère avec celles dirigées par le père, dans une perspective de genre inspirée des travaux de Vandersmissen et al. (2001 et 2004). Ces derniers constatent que, dans la région métropolitaine de Québec (RMQ), les femmes ont un accès plus limité à la voiture que les hommes, ce qui restreint les possibilités d’emploi. Ainsi, l’article compare les évolutions de mobilité des familles matricentriques[4] et patricentriques (groupe de contrôle) dans l’espace et dans le temps. Cette option s’avère plus pertinente qu’une comparaison avec d’autres types de ménages puisque les familles monoparentales ont plus de contraintes que les familles biparentales, étant donné qu’il est plus difficile de déléguer certaines responsabilités, telles que la garde d’enfants, les courses, etc. (Robertson, 1984).

Toutefois, il est important de noter quelques différences importantes dans le processus de formation des familles matricentriques et des patricentriques. Traditionnellement, le paradigme social et juridique dans les pays occidentaux favorise la mère, lors de l’attribution de la garde des enfants (Elrod et Dale, 2008). Les cas d’attribution de la garde au père se produisent généralement lorsque le père démontre avoir des ressources financières et personnelles plus que suffisantes pour assurer le bien-être de l’enfant, et que la mère est incapable de fournir un environnement familial stable pour diverses raisons, telles que difficultés personnelles (problèmes de dépendance, de dépression, etc.) qui aggravent une mauvaise situation économique (Bemiller, 2008 ; Grall, 2009 ; Goldscheider et al., 2015). Ces phénomènes ont deux implications pour notre étude: d’abord il est très probable qu’il y ait une plus grande proportion de ménages dirigés par une mère que par un père dans l’échantillon des familles monoparentales utilisé pour développer l’analyse présentée dans les prochaines sections. Deuxièmement, les familles patricentriques représentées dans l’échantillon de ménages monoparentaux sont probablement plus aisées que les familles matricentriques. [5]

Néanmoins, expliquer le processus ou les circonstances qui mènent un homme ou une femme à devenir un parent monoparental va au-delà de la portée de cet article. Par conséquent, la condition de monoparentalité, indépendamment de la façon dont elle est atteinte, est un fait accompli aux fins de cette recherche. Le but de l’article est toujours de déceler différents facteurs qui peuvent générer un déficit de mobilité entre les membres de familles monoparentales, parmi lesquels pourrait figurer le sexe du chef de ménage. La perspective de genre ajoutée à l’analyse comparée des mères et des pères monoparentaux est toujours adéquate, car les deux partagent la contrainte de ne pas avoir de partenaire (contrairement aux ménages biparentaux) pour partager les responsabilités du ménage et la garde des enfants. Cette contrainte persiste indépendamment du processus de monoparentalité. Donc, l’hypothèse de cette comparaison fondée sur le sexe prévoit un déficit global de mobilité des familles monoparentales dirigées par la mère, qui se traduirait par des vitesses de déplacement inférieures chez leurs membres (parents et enfants) par rapport à celles qui sont dirigées par le père. [6]

Le territoire d’analyse comprend la région métropolitaine de Québec, [7] soit une ville canadienne de taille moyenne avec un réseau d’autoroutes urbaines bien développé où plusieurs lieux d’activité et possibilités d’emploi restent concentrés autour d’un axe central [8] délimité par deux centres-villes. La propriété résidentielle y est dispersée dans les banlieues et à la périphérie (Vandersmissen et al., 2003). Cet étalement résidentiel a probablement haussé la dépendance à la voiture chez les résidants des zones périphériques et des banlieues (Fortin et Després, 2008). En général, comme dans d’autres villes nord-américaines, la voiture joue un rôle central dans la mobilité des résidants de la RMQ. La place de l’automobile dans la part modale de la RMQ (incluant conducteurs et passagers) est passée de 71,6 % en 1996 à 73,5 % en 2006. Pendant la même période, la part du transport collectif (autobus urbains du Réseau de transport de la Capitale – RTC – et de la Société de transport de Lévis – STL) a diminué légèrement, de 7,5 à 7,1 %. [9]

Considérant le contexte urbain de la RMQ et la dépendance à l’automobile de ses résidants, il est raisonnable de présumer que, pour les membres des familles monoparentales, en particulier ceux qui habitent dans des secteurs moins desservis par le transport collectif, l’accès à la voiture peut s’avérer essentiel pour accomplir la routine quotidienne. Il est donc probable que les familles monoparentales qui ont un accès restreint ou nul à un véhicule privé subissent un déficit de mobilité qui défavorise leurs membres (Vandersmissen et al., 2004). Enfin, comme l’étude concerne l’évolution du déficit de mobilité au quotidien, il faut tenir compte de la mobilité résidentielle des familles monoparentales durant la période. Ainsi, les transformations de la répartition spatiale des lieux de résidence par type de famille dans la RMQ seront analysées selon le sexe du parent.

La méthodologie de l’étude repose sur trois éléments : des tests statistiques de différences de moyennes et de proportions (pour vérifier si les écarts sont significatifs) ; des analyses centrographiques (pour mesurer la dispersion géographique des lieux de résidence) ; des analyses de régression par quantile utilisant une méthode d’expansion par interaction, pour associer les différences observées aux facteurs de différenciation sociospatiale présumés. L’analyse couvre la période de 1996 à 2006, ce qui permet de profiter de sources des données détaillées (échelles de l’individu et du déplacement) des trois enquêtes origine-destination de la RMQ (1996, 2001 et 2006) produites par le ministère des Transports du Québec (MTQ), le RTC et la STL, ainsi que des recensements de Statistique Canada compilés par secteur de recensement (SR).

Revue de littérature

Cet article s’inscrit dans les études portant sur l’exclusion sociale et sa relation avec des contraintes de mobilité (l’accès limité à l’automobile, par exemple). Ce champ de recherche s’intéresse à l’influence de l’aspect spatial de l’exclusion sociale sur une large gamme d’activités et de possibilités liées à la qualité de vie des groupes désavantagés (Cass et al., 2005). Par conséquent, les analyses plus traditionnelles liées à la littérature sur la discordance spatiale (LDS) et aux études sur le genre et l’accès au transport (EGT) peuvent être considérées comme des cas particuliers dans l’encadrement plus général fourni par la littérature sur l’exclusion sociale (Páez et al., 2009). La LDS a mis l’accent sur les conséquences du manque d’accès aux moyens de transport appropriés, en particulier le transport privé, pour les personnes défavorisées à la recherche d’emploi en dehors de leur quartier (Ong et Miller, 2005 ; Gobillon et al., 2007). Les EGT ont montré que, de façon générale, les femmes ont un accès à la voiture plus restreint que les hommes, ce qui contribue à limiter leur territoire de possibilité d’emploi et à les « piéger » dans des occupations peu qualifiées et mal rémunérées (Vandersmissen et al., 2001 et 2004 ; Blumenberg, 2004 ; Dobbs, 2005).

Néanmoins, les études sur l’exclusion sociospatiale ne s’intéressent pas uniquement aux questions concernant les contraintes d’accessibilité aux possibilités d’emploi (comme la LDS), mais aussi aux barrières potentielles dans l’accès à une plus large gamme d’activités et services qui ont un impact sur la qualité de la vie d’un individu (soins de santé, éducation…). Également, ces études ne se limitent pas exclusivement à un groupe particulier (comme les EGT), mais prennent plutôt en compte tout groupe (aînés, familles monoparentales…) qui fait face à des défis de mobilité pour se rendre aux lieux et activités importantes dans la vie quotidienne (Páez et al., 2009). Le tableau 1 introduit des exemples de la nature plus inclusive des études sur la dimension spatiale de l’exclusion sociale.

Tableau 1

Exemples d’études sur l’exclusion sociospatiale

Exemples d’études sur l’exclusion sociospatiale

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Notre analyse combine plusieurs aspects des études sur l’exclusion sociale. D’une part, analyser l’existence potentielle d’un déficit de mobilité entre les mères et les pères monoparentaux introduit une perspective de genre similaire à celle présentée par les études sur le genre et l’accès au transport (EGT). D’autre part, l’analyse présentée dans les prochaines sections ne se limite pas à explorer cette comparaison basée sur le sexe des chefs de familles, mais fait une évaluation plus globale et inclusive des différents facteurs qui peuvent influer sur les conditions de mobilité des membres de familles monoparentales, indépendamment du sexe du parent. Ainsi, cet article vise non seulement à fournir un cadre général pour souligner les différents défis de la mobilité rencontrés par les ménages monoparentaux (comme l’ont fait les études énumérées dans le tableau 1 pour différents groupes désavantagés), mais il a également pour objectif de révéler un possible déficit de mobilité dans les familles monoparentales dirigées par une mère (suivant la tradition des EGT).

En ce qui concerne la perspective de genre, plusieurs études ont constaté, pour la RMQ, une amélioration au fil du temps dans les indicateurs de mobilité des femmes en général (Vandersmissen et al., 2001) et des femmes de 65 ans et plus en particulier (Vandersmissen, 2012). Toutefois, malgré ce progrès, un écart important entre les sexes demeure, les femmes se déplaçant moins fréquemment et parcourant des distances plus courtes que les hommes. Les deux études concluent que ces phénomènes réduisent l’espace d’action potentielle des femmes, ce qui implique probablement que les femmes ont moins accès que les hommes aux possibilités et activités dans l’espace urbain de la RMQ.

Plusieurs des EGT recommandent une solution globale aux problèmes de mobilité spatiale des femmes qui reconnaîtrait les défis auxquels celles-ci font face lors de l’exécution de multiples tâches distantes sur le territoire, telles que des activités liées à la garde d’enfants alors qu’elles travaillent ou sont à la recherche d’un emploi rémunéré à l’extérieur du foyer. Cette approche holistique veut faciliter l’accès des femmes au transport privé, ainsi que des politiques d’emploi et d’aménagement du territoire visant à ce que les femmes trouvent, dans leur espace d’action, des possibilités d’emploi et des services urbains importants dans leur vie quotidienne (services de garde d’enfants, écoles, médecins de famille, supermarchés, etc.) afin de favoriser leur inclusion sociale et leur développement personnel (Blumenberg, 2004 ; Dobbs, 2005 ; Vandersmissen et al., 2004).

En ce qui concerne l’impact de la mobilité des familles monoparentales sur leurs conditions d’exclusion sociale, les constats indiquent que ces familles sont en général faiblement motorisées, ce qui réduit considérablement leur accès potentiel aux possibilités de travail, de loisir et de consommation (Robertson, 1984 ; Kearns et al., 1995 ; Titheridge et Solomon, 2008).

Robertson (1984) a analysé les conditions d’accessibilité des familles monoparentales vivant dans des logements sociaux, à la périphérie de Glasgow, en Écosse. Il a mis au point des indicateurs d’accessibilité considérant le temps nécessaire pour effectuer les activités routinières typiques d’un ménage représentatif, telles que le magasinage, le travail, les soins de santé et les sorties de loisir. Il a constaté que les familles monoparentales affichent de faibles indices d’accessibilité qui reflètent des durées de déplacement très longues. La cause principale serait le faible niveau de motorisation de ces familles et une planification déficiente des options de transport en commun à proximité des logements sociaux. Ces phénomènes se conjuguent pour limiter sévèrement la mobilité et l’espace d’action potentiel des ménages monoparentaux analysés par l’auteur.

Kearns et al. (1995) ont réalisé une série d’entrevues avec les demandeurs de logements à la Société d’habitation de la Nouvelle-Zélande, majoritairement des mères monoparentales. Ils ont observé que le degré de satisfaction de ces personnes à l’égard de leur lieu de résidence par rapport à la famille, aux amis et aux divers lieux d’activités (centres commerciaux, centres d’emploi et de soins de santé, écoles et garderies) était positivement corrélé avec leur niveau d’accès au transport privé. Ainsi, les auteurs soutiennent que les mères monoparentales considèrent l’automobile comme un outil de mobilité suffisamment flexible pour satisfaire leurs besoins d’accessibilité, dans leur double rôle de pourvoyeuse et de mère. Toutefois, les auteurs soulignent également que les mères monoparentales ont un accès moindre à la voiture que les femmes qui habitent avec un conjoint, probablement parce que les premières ont moins de ressources financières pour acheter ou entretenir un véhicule.

Titheridge et Solomon (2008) ont analysé les caractéristiques des déplacements des familles monoparentales au Royaume-Uni en utilisant des enquêtes nationales sur les déplacements de 1998 à 2001, complétées par une série d’entrevues avec des membres de ménages monoparentaux dans différentes villes britanniques. Ils ont observé que les familles monoparentales étaient, parmi tous les types de ménage, les moins susceptibles d’avoir un véhicule et que cela les rendait particulièrement vulnérables aux tarifs coûteux et à une planification déficiente du transport en commun. Ainsi, ils concluent que les ménages monoparentaux ont des besoins de mobilité complexes en raison de la difficulté de coordonner des activités de travail avec le gardiennage et l’éducation des enfants sans un accès adéquat à des options de transport aussi flexibles que l’automobile. Enfin, ils ont remarqué que les contraintes de temps et de transport des chefs de famille monoparentale limitent l’aire de recherche d’emploi et les contacts avec le réseau social d’appui (famille et amis). Par ailleurs, ces contraintes ont aussi un impact sur l’accès des enfants de ces familles à des activités récréatives à l’extérieur de la maison et au réseautage avec d’autres enfants, ce qui génère des conditions d’isolement social chez eux.

De plus, ces familles sont habituellement concentrées dans les quartiers défavorisés où elles disposent d’un accès limité aux ressources sociales et publiques comme l’éducation et la sécurité (Kearns et al. ; 1995 ; Pelletier, 2012). Kearns et al. (1995) constatent que les familles monoparentales sont généralement négligées dans l’attribution de logements sociaux afin de favoriser les familles « traditionnelles » (ménages avec deux parents) avec le résultat prévisible de reléguer les premières à des logements physiquement détériorés et périphériques qui ne répondent pas aux besoins d’accessibilité (emploi, service de garde) des parents monoparentaux. Pelletier (2012) a analysé l’effet de la structure familiale sur la distribution géographique des ménages dans la région métropolitaine de Montréal, en utilisant des modèles d’« établissement réussi » à partir des microdonnées du recensement de 2006 de Statistique Canada. Il a constaté que les familles monoparentales étaient concentrées dans des quartiers plus pauvres et défavorisés que les autres types de familles et qu’elles avaient donc un accès plus restreint à un milieu sécuritaire pour leurs enfants, à des services communautaires et à des possibilités d’emploi.

Ainsi, les recommandations de lutte contre l’exclusion sociale des familles monoparentales reposent généralement sur une combinaison de politiques publiques incluant la relocalisation résidentielle et des mécanismes d’accès au transport privé (Kearns et al., 1995 ; Pelletier, 2012). Le premier volet de ces recommandations s’appuie sur des politiques de logement favorisant l’installation des familles monoparentales dans des quartiers répondant à leurs besoins spécifiques, soit un environnement sécuritaire pour les enfants et un accès facile à l’emploi et à l’éducation (Pelletier, 2012). Le second volet vise à leur fournir un moyen de transport flexible afin de faciliter un accès efficace aux services de garderie et aux épiceries, reposant parfois sur le transport privé, afin de répondre rapidement aux urgences familiales, comme les accidents ou les maladies des enfants à l’école (Kearns et al., 1995 ; Blumenberg, 2004).

Finalement, par rapport aux études mentionnées ci-dessus, l’originalité de cette recherche repose essentiellement sur une approche quantitative de l’évolution sur 10 ans des conditions de mobilité des familles monoparentales, tout en tenant compte de leur contexte spatial, social et économique. Dans la RMQ, l’impact des facteurs susceptibles de générer un déficit de mobilité parmi les membres des ménages monoparentaux est-il en régression ou en croissance ? Les études canadiennes les plus récentes concernant la mobilité de groupes urbains vulnérables n’ont pas abordé cette perspective longitudinale (Páez et al., 2009 ; Morency et al., 2011). En plus d’être une autre contribution de cette recherche, l’analyse développée dans cet article permet de vérifier si les disparités entre les sexes observées dans la RMQ, en ce qui concerne l’accès à l’automobile, s’étendent également aux familles monoparentales (Vandersmissen et al., 2001 et 2004). Enfin, suivant les traces de Morency (1988), qui a analysé en profondeur les décisions de localisation résidentielle des différents types de familles dans la RMQ, y compris les familles monoparentales, cet article fournit une vision actualisée des interactions entre l’évolution des lieux de résidence des ménages monoparentaux et les défis de mobilité rencontrés par leurs membres.

Données utilisées

Cette étude repose essentiellement sur les données issues des enquêtes origine-destination de 1996, 2001 et 2006 de la RMQ produites par le ministère des Transport du Québec (MTQ), le Réseau de transport de la Capitale et la Société de transport de Lévis . Les enquêtes O-D utilisées ont été produites selon la même méthodologie. Le territoire des enquêtes O-D a été agrandi entre 1996 et 2006 mais, pour des fins de comparaison, cette étude ne concerne que le territoire initial (1996). Le tableau 2 présente le nombre total de familles monoparentales, de personnes et de déplacements obtenus par les trois enquêtes O-D selon le sexe du parent. Les enquêtes O-D sont basées sur un échantillonnage spatial stratifié selon la localité de résidence, représentant respectivement 8,8 %, 8,5 % et 10,1 % des logements habités, puis redressé localement selon l’âge et le sexe des personnes (Québec, 2008).

Tableau 2

Nombre total de ménages, personnes et déplacements échantillonnés dans chaque enquête O-D, selon le sexe du chef de famille monoparentale (territoire de l’enquête 1996)

Nombre total de ménages, personnes et déplacements échantillonnés dans chaque enquête O-D, selon le sexe du chef de famille monoparentale (territoire de l’enquête 1996)
Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Le rapport entre le nombre de ménages monoparentaux dirigés par une femme versus par un homme est passé de 4 contre 1 en 1996, à 3,5 contre 1 en 2006. Toutefois, malgré ces disparités, il y a assez d’observations dans les deux catégories pour réaliser des analyses statistiques comparatives, en particulier en ce qui concerne les déplacements des membres (parents et enfants) par type de famille. D’une façon générale, un minimum de 30 observations est nécessaire afin d’obtenir des résultats robustes lorsqu’on effectue une analyse statistique, telle que les tests des différences de moyennes (Wheeler et al., 2004 ; Rogerson, 2010). Dans la mesure où le nombre d’observations disponibles s’accroît au-delà de ce seuil, ceci augmente également la capacité de l’analyse à fournir des conclusions plus générales et plus représentatives de la population (McClave et al., 2008). Comme nous pouvons le constater dans le tableau 3, même avec la différence dans le rapport entre les mères et les pères, nous avons suffisamment d’observations pour chacun des échantillons (ménages, personnes et déplacements) associés aux familles dirigées par un homme.

De plus, si on considère la fraction d’échantillonnage (FE) associée à chaque logis inclus dans l’enquête, nous constatons que les échantillons de familles monoparentales représentent entre 8,7 % et 11,1 % du total des ménages monoparentaux de la région d’étude (tableau 3). Ces données individuelles fournissent ainsi une représentation appropriée des familles monoparentales dans la RMQ et de leurs caractéristiques de mobilité, tout en permettant l’utilisation de plusieurs variables-clés telles que le sexe, la profession et l’âge du chef de famille.

Tableau 3

Nombre total de ménages monoparentaux selon le sexe du chef de famille sur le territoire de la RMQ (territoire de l’enquête 1996)

Nombre total de ménages monoparentaux selon le sexe du chef de famille sur le territoire de la RMQ (territoire de l’enquête 1996)

F.E : Fraction d’échantillonnage par rapport à chaque enquête O-D.

Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Également, chacun des déplacements répertoriés dans l’enquête O-D est référencé de manière précise en fonction du lieu de départ et du lieu de destination, ce qui a permis de simuler les distances et les durées de trajet dans un système d’information géographique (SIG) spécialisé (TransCAD) en tenant compte de la structure topologique des réseaux (connexité, directions), de l’impédance (vitesse maximale, pénalités aux intersections) et du mode de transport utilisé (le mode de transport collectif incluant les temps de marche entre l’arrêt le plus proche et le lieu d’origine ou de destination). Les distances sur réseau et les durées de trajet ont été estimées avec la même approche, qui mesure la solution idéale (itinéraire le plus rapide) par choix modal en fonction de la configuration des réseaux. Les vitesses de chaque déplacement sont obtenues en effectuant le rapport entre la distance parcourue et la durée du trajet. La vitesse est définie comme la vitesse moyenne du déplacement, car elle représente la vitesse estimée au long du trajet à partir du point d’origine jusqu’à la destination finale. En effet, la vitesse représentative d’un trajet n’est pas constante (périodes d’accélération et de décélération), de sorte que la vitesse estimée pour chaque déplacement peut être considérée comme une moyenne des différentes vitesses expérimentées le long de la route parcourue. Par ailleurs, les estimations de vitesse ont été basées sur tous les déplacements effectués par les membres des familles monoparentales. Ces simulations prennent donc en compte les différents motifs (loisir, travail, étude, etc.) associés à chaque déplacement individuel.

Le tableau 4 présente les paramètres de simulation des trajets pour chaque mode de transport. Pour des raisons d’opérationnalisation, les effets de congestion et d’attente n’ont pas été considérés (Thériault et al., 1999), ce qui a pour effet d’estimer une vitesse légèrement plus rapide (la durée étant sous-estimée). Le but principal de notre analyse consiste à estimer des différences de vitesse de déplacement causées par divers facteurs qui influent sur la mobilité des membres de ménages monoparentaux. Ainsi, le déficit de mobilité entre les ménages matricentriques et patricentriques équivaut à la différence entre la vitesse de déplacement des membres de familles monoparentales dirigées par une femme par rapport à celles dirigées par un homme, et non pas à la magnitude de la vitesse elle-même. Comme il n’y a aucune raison de penser que la congestion a un effet plus important sur un type de ménage que sur l’autre, la surestimation de la vitesse ne devrait pas affecter l’estimation du déficit de mobilité entre les ménages patricentriques et matricentriques. On peut étendre ce raisonnement à l’ensemble des comparaisons effectuées dans les sections suivantes.

Tableau 4

Paramètres de simulation des itinéraires des enquêtes O-D de 1996 à 2006

Paramètres de simulation des itinéraires des enquêtes O-D de 1996 à 2006

* Pour tout déplacement en autobus, les temps de marche pour se rendre à l’arrêt de départ et d’arrivée sont ajoutés pour déterminer la durée du voyage. ** Express circulant sur une autoroute. *** Service de traversier maritime entre les villes de Québec et Lévis. **** Temps total de la traversée incluant le chargement / déchargement.

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Enfin, les enquêtes O-D ne contenant aucune information sur la situation économique des répondants, le revenu moyen du ménage (avant impôt) des recensements de la population de 1996, 2001 et 2006 (Canada, 2012), par secteur de recensement (SR), est utilisé afin de caractériser l’environnement socioéconomique autour du lieu de résidence des familles monoparentales. Chaque SR est classé en fonction des terciles du revenu (SR défavorisé, SR de classe moyenne, SR favorisé) de l’ensemble des SR de la région pour chaque année. Cet indicateur, conjointement avec la profession du chef de famille (disponible dans les enquêtes O-D), compense partiellement l’absence d’information sur le revenu des ménages. Bien que cet indicateur ne soit pas un substitut parfait, ces trois catégories de revenu permettent de caractériser les conditions socioéconomiques du quartier de résidence des ménages monoparentaux. [10]

Analyse des données

L’analyse des données comporte trois volets : 1) vérifier s’il existe des différences globalement significatives de mobilité entre les familles monoparentales dirigées par les mères versus les pères ; 2) les différences observées pouvant découler de conditions de mobilité aussi bien que de choix résidentiels différents, donc il faut comparer les tendances de dispersion résidentielle des deux types de ménages ; 3) modéliser les variations de mobilité en fonction des facteurs sociaux et environnementaux, puis vérifier si les différences mères-pères subsistent quand ces facteurs sont pris en compte dans des régressions multiples qui intègrent des interactions avec le milieu de vie.

Tests de différences des moyennes et des proportions

Le premier volet repose sur des tests statistiques de différence de moyennes et de proportions. Les tests d’hypothèses constituent un moyen usuel pour vérifier l’existence de différence significative de comportement entre les groupes analysés (Wheeler et al., 2004 ; Rogerson, 2010). Dans cette recherche, les tests de différence de proportions ont servi à évaluer les écarts de motorisation des familles matricentriques et patricentriques et les choix modaux des parents, afin de vérifier l’existence de disparités entre les deux types de famille. Les tests de différence de moyennes ont été utilisés pour comparer les écarts entre les distances parcourues, les durées et les vitesses de déplacement des membres de chaque type de famille (parents et enfants).

Le tableau 5 présente les différences de motorisation selon le sexe du parent. On constate une proportion significativement plus élevée de mères non motorisées quelle que soit l’année. Ces différences de motorisation se traduisent par un nombre moyen de véhicules inférieur dans les familles matricentriques, bien qu’il augmente significativement de 1996 à 2006, tant chez les mères que chez les pères. Alors que dans les familles dirigées par le père, la motorisation a légèrement augmenté de 1996 à 2006, ce qui se reflète par une hausse du nombre moyen de véhicules, l’augmentation de la motorisation est nettement plus marquée pour les mères. La deuxième partie du tableau 5 présente les symboles de significativité statistique utilisés dans ce tableau et les suivants.

Tableau 5

Évolution des différences de proportion de motorisation et du nombre moyen de véhicules par ménage monoparental selon le sexe du parent

Évolution des différences de proportion de motorisation et du nombre moyen de véhicules par ménage monoparental selon le sexe du parent
Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Afin de compléter le portait des écarts dans l’accès au transport privé, le tableau 6 présente les choix modaux des parents selon le sexe. Pour chaque année, on note une différence statistiquement significative entre les modes de déplacement des pères et des mères. La proportion de pères qui utilisent la voiture comme conducteurs est toujours supérieure, alors que les mères sont plus souvent passagères ou utilisent le transport en commun et la marche. Les choix modaux des pères sont stables de 1996 à 2006, exception faite d’une réduction significative dans l’utilisation des transports en commun entre 2001 et 2006. L’évolution des choix modaux des mères est plus complexe : 1) hausse de la conduite automobile de 1996 à 2001, suivie d’une baisse de 2001 à 2006 ; 2) réduction de la proportion de déplacements comme passagères de 1996 à 2006 marquée par un creux en 2001. Finalement, pour les deux sexes, on observe une hausse significative de la proportion de déplacements à vélo de 1996 à 2006.

Le tableau 7 montre les tests de différence de moyenne des indicateurs de mobilité considérés (distance, durée et vitesse). On observe un écart positif et statistiquement significatif entre les ménages monoparentaux dirigés par un père et ceux dirigés par une mère, en ce qui concerne la moyenne de la distance parcourue et de la vitesse du déplacement. Par conséquent, en moyenne, les membres de familles patricentriques vont plus loin et plus vite que les personnes appartenant à des familles matricentriques. Pour ce qui est de la durée moyenne des déplacements, la différence n’est significative qu’en 1996, les membres de foyers dirigés par une mère ayant rejoint depuis 2001 ceux dirigés par un père. Des vitesses moyennes significativement plus élevées chez les hommes que chez les femmes soutiennent l’hypothèse d’un déficit de mobilité au détriment des familles dirigées par la mère.

Tableau 6

Évolution des choix modaux des parents (21 ans et plus) des ménages monoparentaux selon le sexe

Évolution des choix modaux des parents (21 ans et plus) des ménages monoparentaux selon le sexe
Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Tableau 7

Test de différences des moyennes des indicateurs de mobilité des membres des familles monoparentales selon le sexe du parent

Test de différences des moyennes des indicateurs de mobilité des membres des familles monoparentales selon le sexe du parent
Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Les tests de différences ont confirmé l’existence de disparités de motorisation et de choix modal au sein des familles monoparentales selon le sexe du parent, de même que des disparités de distance et de vitesse de déplacement. Plus motorisés, les pères ont un rayon d’action plus étendu que les mères et peuvent en profiter sans pénalité de temps grâce à des vitesses plus élevées. Toutefois, ces disparités sont brutes et, pour les interpréter, on doit prendre en compte les inégalités sociales, économiques et spatiales, car elles peuvent générer une plus grande dispersion spatiale des lieux de résidence, tout comme des disparités en termes de défavorisation sociospatiale. Les sections suivantes présentent les résultats de l’analyse centrographique des lieux de résidence et des analyses de régression visant à vérifier la persistance d’un déficit de mobilité des familles monoparentales matricentriques lorsqu’on tient compte de certains facteurs de défavorisation.

Analyses centrographiques

Ce second volet utilise l’analyse centrographique[11] afin de caractériser la structure spatiale des choix résidentiels des familles monoparentales dans la RMQ, de 1996 à 2006, et de mesurer son évolution en termes de centralité et de dispersion. L’analyse centrographique généralise les concepts de statistique descriptive, comme la moyenne, la variance et l’écart type, pour étudier des localisations dans un espace à deux dimensions (X et Y), avec ou sans pondération de chaque point de la distribution. Ce type d’analyse combine deux types de mesures : 1) un point de référence (X, Y) qui représente la résidence de chaque ménage et 2) une éventuelle pondération (Z) qui exprime l’importance relative de chaque point (par exemple, le nombre de résidants). Pour les besoins de cet article, tous les lieux de résidence ont une pondération équivalente et l’analyse centrographique est réalisée séparément pour chaque type de ménage (mères et pères) et chaque année (1996, 2001 et 2006). Les résultats obtenus sont essentiellement descriptifs : 1) le centre de gravité (moyenne pondérée bivariée) représente le point d’équilibre (barycentre) de la distribution spatiale des observations ; 2) la distance type mesure la dispersion radiale des points autour du centre de gravité (distances quadratiques omnidirectionnelles) ; 3) l’ellipse de dispersion mesure la variation de forme de la dispersion radiale en établissant des axes de dispersion maximale et minimale, soit les composantes principales du nuage de points.

Le centre de gravité et la distance type sont équivalents, respectivement, à la moyenne et à l’écart type de l’analyse statistique univariée (Louder et al., 1974; Kellerman, 1981). L’ellipse de dispersion synthétise la répartition des points autour du centre de gravité (Villeneuve et al., 2004) ; son axe majeur indique l’orientation dominante du nuage de points, alors que l’axe mineur, perpendiculaire, indique la direction de moindre dispersion (Kellerman, 1981). Si le nuage de points suit une distribution normale bivariée, la première ellipse de dispersion couvre une superficie équivalente au territoire où l’on retrouve 68 % des observations (Kellerman, 1981).

Souvent dictés par les moyens financiers, les choix de localisation résidentielle reflètent des contraintes et besoins spécifiques en matière de mobilité et un degré variable de dépendance à l’automobile (Delbosc et Currie, 2012). La figure 1 présente les ellipses de dispersion des lieux de résidence de 1996 à 2006 alors que le tableau 8 résume les principaux indicateurs. On observe une forte croissance des aires résidentielles de 1996 à 2006 pour les familles patricentriques (+90 % de la superficie de l’ellipse), alors que les familles dirigées par la mère se sont surtout étalées entre 1996 et 2001 (+33,1 %) et plus lentement de 2001 à 2006 (+8,1 %). Même si les deux types de famille avaient des localisations résidentielles semblables en 1996, on note une dispersion accrue pour les familles dirigées par le père, qui sont nettement plus dispersées (+30,9 %) en 2006.

Figure 1

Analyse centrographique des lieux de résidence des familles monoparentales selon le sexe du parent, de 1996 à 2006

Analyse centrographique des lieux de résidence des familles monoparentales selon le sexe du parent, de 1996 à 2006

Adapté par le Département de géographie de l’Université Laval.

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Une augmentation de la dispersion des lieux de résidence est généralement associée à une dépendance accrue à l’automobile (Fortin et Després, 2008 ; Delbosc et Currie, 2012) dont les effets peuvent être exacerbés dans le cas de la RMQ, puisque les possibilités d’emploi, d’éducation et de loisirs sont concentrées sur son axe central (Vandersmissen et al., 2003). Donc, pour les familles qui demeurent dans les banlieues et à la périphérie de la RMQ, l’accès à la voiture peut s’avérer vital pour vaquer aux activités quotidiennes, surtout dans les secteurs où le transport en commun est absent ou peu performant.

Tableau 8

Synthèse des résultats de l’analyse centrographique des lieux de résidence des familles monoparentales selon le sexe du parent, de 1996 à 2006

Synthèse des résultats de l’analyse centrographique des lieux de résidence des familles monoparentales selon le sexe du parent, de 1996 à 2006

* Dans ce contexte, la distance moyenne représente la moyenne des distances entre chaque lieu de résidence et le centre de gravité (Thériault, 1994). Cette définition diffère de celle utilisée par Kellerman (1981), qui définit la distance moyenne comme la moyenne des distances entre chaque paire de points (c.-à-d. les coordonnées des lieux de résidence) considérée.

Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D de chaque année

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Régressions par quartiles

Bien que les tests statistiques permettent d’établir la significativité des différences de moyennes et de proportions, ils ne peuvent pas faire ressortir les facteurs de différenciation, et encore moins détecter les processus sous-jacents (par exemple, la défavorisation). Ainsi, la troisième phase de l’étude repose sur des analyses de régression afin que nous puissions étudier la relation entre le phénomène (déficit de mobilité) et un ensemble de facteurs « explicatifs » potentiels (Rogerson, 2010). Il s’agit ici de comparer les membres des familles monoparentales en considérant chacun des déplacements individuels, plutôt que de simplement analyser la mobilité à un niveau agrégé (par ménage) ou par chef de famille (somme des déplacements). La modélisation à l’échelle du déplacement enrichit l’analyse en intégrant implicitement des variables comme le motif et la distance de chaque déplacement, ainsi que l’âge de la personne qui se déplace et ses conditions propres de mobilité (permis de conduire, laissez-passer d’autobus, etc.) en plus de celles du ménage (profession et sexe du parent) et du quartier de résidence (offre de transport collectif, distance du centre-ville, etc.).

La vitesse moyenne de déplacement (km / h) a été retenue comme variable dépendante parce qu’elle reflète globalement la capacité de s’engager dans plusieurs activités séparées dans l’espace, sous contrainte du temps disponible (Hägerstrand, 1970 ; Kwan, 1998). Autrement dit, à contraintes spatiotemporelles équivalentes (telles que la distance de navettage domicile-travail, la durée de la journée de travail, des tâches familiales, de sommeil, etc.), une vitesse de déplacement plus ou moins grande libère plus ou moins de marge pour réaliser les activités à l’extérieur du domicile. Cet indicateur permet de dégager une relation claire entre la mobilité effective (la capacité de se déplacer dans l’espace) et l’accessibilité potentielle qu’un individu peut obtenir en fonction des propriétés liées à son choix modal (choix d’itinéraire, temps d’attente, efficacité) qui devient endogène au modèle. Tel que mentionné dans la section précédente, une simulation de la distance et de la durée de chaque déplacement selon le choix modal a permis d’estimer la vitesse effective du déplacement.

Parce qu’elle intègre plusieurs modes de transport d’efficacité différente (marche, vélo, autobus et automobile), la distribution statistique de la vitesse moyenne de déplacement ne suit pas une loi normale. Ainsi, la régression vers la moyenne s’avère contre-indiquée, puisque cette dernière est peu représentative de la réalité et que la variance des vitesses est asymétrique et discontinue.

La distribution étant multimodale, la régression par quantile, une méthode non paramétrique, permet une meilleure modélisation de la relation entre les variables indépendantes et la variable dépendante à différents seuils (quantiles) de la distribution. On peut ainsi mesurer les variations de l’effet et de l’ampleur des coefficients associés à chaque variable indépendante selon les quantiles, ce qui est impossible avec la régression vers la moyenne (Hao et Naiman, 2007 ; Cameron et Trivedi, 2010). Pour les besoins de cet article, nous avons estimé une régression sur le seuil du quartile inférieur (25 %), sur la médiane (50 %) et sur le seuil du quartile supérieur (75 %) de la distribution des vitesses pour chaque année (1996, 2001 et 2006). La régression par quantile utilise toutes les données disponibles, mais pondère chaque observation de manière à estimer les coefficients en tenant compte de sa proximité du quantile visé. Les résultats associés au quartile inférieur reflètent la situation des membres des ménages monoparentaux qui effectuent majoritairement des trajets courts à basses vitesses de circulation (par exemple, reconduire les enfants à l’école à pied), alors que ceux du quartile supérieur concentrent les voyages longs en transport motorisé et à une vitesse de déplacement plus élevée (par exemple, la navette résidence-travail en automobile sur le réseau autoroutier).

Toutefois, considérant que les options disponibles et les contraintes varient non seulement entre les ménages (l’objet de notre modèle), mais également entre les localisations (par exemple, les conditions socioéconomiques de l’environnement urbain, l’accès au transport collectif), il s’avère essentiel de prendre en compte des particularités sociales (quartiers favorisés versus défavorisés) et spatiales (transport collectif et distance du centre). La méthode des expansions de Casetti (1972 et 2010) introduit une structure de « dérive » spatiale (SEki * Skji) dans le modèle de régression par quantile afin de capter différents contextes sociaux et spatiaux (Skji) du quartier « j » où vit le ménage « k » et de contrôler ces effets en complément des caractéristiques socioéconomiques (SEki) propres aux familles monoparentales étudiées. Donc, la vitesse effective de chaque déplacement « i » (vi) est modélisée comme une fonction de variables socioéconomiques, spatiales, d’interactions (expansion de Casetti) et d’un terme d’erreur (εi);

Pour les besoins de cet article, les effets de quartiers sont modélisés à l’échelle des SR (pour les revenus) ou de l’environnement local de la résidence (pour le transport collectif). Les choix modaux sont endogènes (utilisés pour simuler les déplacements) et ne sont donc pas inclus dans les variables indépendantes. Le tableau 9 présente les variables retenues pour l’analyse de régression.

Le choix des variables indépendantes découle de leur lien avec les défis de mobilité des familles monoparentales. Par exemple, la structure d’âge exprime le degré d’autonomie dans les déplacements personnels ; les enfants d’âge scolaire requièrent généralement la compagnie d’un adulte pour se déplacer, ce qui met une pression supplémentaire sur le budget de temps des adultes qui les accompagnent (Helling, 2002). Le type de profession du chef de famille est un indicateur des capacités économiques du ménage et de son potentiel pour affronter les défis de mobilité (par exemple, la capacité financière d’acheter et d’entretenir une voiture). Le sexe du chef de famille est essentiel pour établir l’existence d’un déficit de mobilité entre les ménages dirigés par la mère ou par le père. La présence d’élèves ou d’étudiants de 16 ans et plus dans le ménage vise à saisir l’effet souligné par Fortin et Després (2008) et Vandersmissen (2008) en ce qui concerne l’autonomie des adolescents et son impact sur la mobilité des autres membres du foyer. Selon ces auteures, quand ils dépassent cet âge, les adolescents deviennent plus autonomes et dépendent moins de leurs parents pour effectuer des activités et pour accéder à divers lieux.[12] La motorisation du ménage révèle l’accès à un moyen de transport privé qui constitue un déterminant essentiel de la mobilité (Vandersmissen et al., 2004 ; Delbosc et Currie, 2012).

Le positionnement du lieu de résidence en rapport avec la classe de revenu moyen des ménages (avant impôt) des SR répond à deux objectifs. D’abord, il permet une approximation du revenu du ménage, cette information étant absente des enquêtes O-D. Ensuite, il caractérise l’environnement socioéconomique dans lequel le ménage réside, ce qui peut conditionner l’accès aux services et aux possibilités (Kearns et al., 1995 ; Pelletier, 2012). Nous avons préféré utiliser une variable catégorielle, plutôt que continue, pour le revenu du SR afin de faciliter l’interprétation en termes de classe de revenu: défavorisé, classe moyenne, favorisé.

La présence d’un service de transport public efficace près du lieu de résidence peut compenser les restrictions de mobilité des membres du ménage (Hine et Mitchell, 2001 ; Cass et al., 2005). Les trois types de service de transport en commun par autobus disponibles dans la RMQ (Métrobus, autobus régulier du RTC et de la STL, express du RTC) ont été retenus. [13] Également, chaque type de service d’autobus considéré reflète implicitement différentes fréquences du transport en commun. [14] Finalement, la distance euclidienne des deux centres-villes (Québec – colline Parlementaire – et Sainte-Foy – coin Boulevard Laurier – route de l’Église) permet de considérer un axe central dans une agglomération essentiellement bipolaire, lequel concentre plusieurs des possibilités d’emploi, d’éducation et de loisir dans la région (Vandersmissen et al., 2003). Ainsi, pour les familles monoparentales, la proximité de la résidence de cet axe central aurait un impact sur leur accessibilité aux possibilités et services urbains.

L’équation 2 montre l’expansion de l’équation 1 sur la base des variables présentées dans le tableau 8. La vitesse du déplacement « i » de la personne « p » (forme: 1980322n.jpg) est modélisée en fonction d’un terme constant (α), des caractéristiques individuelles (CIp) de la personne « p », des caractéristiques socioéconomiques de son ménage « k » et de son secteur de recensement de résidence « j » (SEkj), des caractéristiques spatiales de son lieu de résidence (Sk) ; et de l’interaction entre ces trois éléments plus un terme d’erreur (εi) ;

Les résultats des modèles de régression par quartiles sont présentés dans les tableaux 10.1 et 10.2 (quartile inférieur), 11.1 et 11.2 (modèle sur la médiane) et 12.1 et 12.2 (quartile supérieur). Nous avons divisé les tableaux de résultats en deux parties afin de faciliter leur interprétation. Tout d’abord, les résultats des coefficients des variables explicatives dans le tableau 8 sont présentés sans termes d’interaction (tableaux 10.1, 11.1 et 12.1), ensuite les résultats de coefficients d’interaction les plus significatifs, au moins avec un seuil de significativité de 10 % pendant deux des trois années considérées, sont introduits (tableaux 10.2, 11.2 et 12.2). Les modèles de régression s’ajustent adéquatement à la distribution des valeurs malgré un pouvoir explicatif assez limité (pseudo R2), [15] plusieurs variables indépendantes ayant un impact statistiquement significatif sur la vitesse de circulation.[16] L’impact de chaque variable doit être interprété en rapport à sa catégorie de référence respective. Par exemple, les membres des ménages les plus éloignés de l’axe central sont généralement associés à une plus grande vitesse moyenne par rapport à ceux qui habitent près des deux centres-villes considérés. Le cas échéant, les termes d’interaction captent les interdépendances entre les éléments considérés, telles que la relation entre les groupes d’âge et la proximité des services de transport en commun pour les ménages.

La section suivante analyse plus en détail l’impact des variables et de leurs interactions.

Tableau 9

Types de variables utilisées dans l’analyse de régression par quantile

Types de variables utilisées dans l’analyse de régression par quantile

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Tableau 10.1

Régressions sur le quartile inférieur, 1996-2006 : coefficients principaux

Régressions sur le quartile inférieur, 1996-2006 : coefficients principaux

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Omise : variable exclue en raison de problèmes de colinéarité.

Source  : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

Tableau 10.2

Régressions sur le quartile inférieur, 1996-2006 : coefficients des interactions

Régressions sur le quartile inférieur, 1996-2006 : coefficients des interactions

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

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Tableau 11.1

Régressions sur la médiane, 1996-2006 : coefficients principaux

Régressions sur la médiane, 1996-2006 : coefficients principaux

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Omise : variable exclue en raison de problèmes de colinéarité.

Source  : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

Tableau 11.2

Régressions sur la médiane, 1996-2006 : coefficients des interactions

Régressions sur la médiane, 1996-2006 : coefficients des interactions

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

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Tableau 12.1

Régressions sur le quartile supérieur, 1996-2006 : coefficients principaux

Régressions sur le quartile supérieur, 1996-2006 : coefficients principaux

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Omise : variable exclue en raison de problèmes de colinéarité.

Source  : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

Tableau 12.2

Régressions sur le quartile supérieur, 1996-2006 : coefficients des interactions

Régressions sur le quartile supérieur, 1996-2006 : coefficients des interactions

*** Significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 %, * au seuil de 10 %.

Source : Élaboré à partir des enquêtes O-D et des recensements de chaque année

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Les implications des modèles de régression par quantile sont abordées dans la discussion. Pour l’instant, nous mettrons l’accent sur le coefficient qui reflète le déficit de mobilité des familles monoparentales matricentriques versus patricentriques. Il s’agit du coefficient associé au sexe du chef de famille monoparentale dans les tableaux 10.1, 11.1 et 12.1. Cette variable prend la valeur « 1 » si le déplacement a été fait par un membre d’un ménage dirigé par une femme et une valeur « 0 » dans le cas contraire. Donc, dans les régressions qui contrôlent l’effet des autres variables, si ce coefficient obtient une valeur négative statistiquement significative, nous pouvons conclure qu’il subsiste un déficit de mobilité entre les deux types de familles monoparentales, avec des vitesses de déplacement inférieures chez les membres des foyers monoparentaux dirigés par des femmes. Cela s’avère dans tous les modèles, sauf pour le quartile inférieur en 2001.

Puisque les régressions par quantile ont été estimées simultanément et avec les mêmes données, nous pouvons tester l’hypothèse que l’effet du coefficient lié au sexe du chef de famille monoparentale est différent entre les trois quartiles de vitesse de déplacement pour une année donnée. Le tableau 13 montre que, au niveau de confiance de 99 % pour 2001 et de 89 % pour 2006, on peut rejeter l’hypothèse nulle d’égalité entre les coefficients du sexe du chef de famille monoparentale associés aux régressions par quartile de ces années-là, ce qui justifie d’analyser les déficits de mobilité avec une approche par quantile plutôt que par une régression sur la moyenne. En 1996, le non-rejet de l’hypothèse nulle est vraisemblablement lié au fait que les localisations résidentielles des deux types de familles étaient très similaires et plus concentrées dans l’espace urbain que durant les années suivantes. Il est donc possible que l’étalement résidentiel différent survenu depuis 1996 ait coïncidé avec une différenciation accrue des vitesses effectives de déplacement pour les membres des ménages monoparentaux.

Tableau 13

Tests d’hypothèse de l’égalité des coefficients de l’effet du sexe du chef de famille monoparentale des trois régressions par quartile, selon l’année

Tests d’hypothèse de l’égalité des coefficients de l’effet du sexe du chef de famille monoparentale des trois régressions par quartile, selon l’année

Différence entre les coefficients d’effet pour le sexe du chef de famille :

▲ Significative au seuil de 1 %,▲ au seuil de 5 %, ● au seuil de 11 %.

Remarque : le coefficient bêta (β) est évalué à chaque quartile de vitesse effective de déplacement et représente l’effet du sexe du chef de famille.

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Le test d’hypothèse appliqué dans le tableau 13 peut uniquement être effectué avec une régression sur les quantiles d’une même année. Pour effectuer une approximation du même test d’hypothèse entre les coefficients de régression basés sur des années différentes, nous avons utilisé une approche graphique (figure 2) afin de comparer les coefficients liés au sexe du chef de famille avec les intervalles de confiance (à 95 %), des trois dates considérées, ce qui permet de tester l’hypothèse d’une évolution des coefficients.

Figure 2

Coefficients et intervalles de confiance au seuil de 95% de l’effet du genre du chef de famille monoparentale des trois régressions par quartile selon l’année avec des vitesses de déplacement simulé (km/heure) par quartiles

Coefficients et intervalles de confiance au seuil de 95% de l’effet du genre du chef de famille monoparentale des trois régressions par quartile selon l’année avec des vitesses de déplacement simulé (km/heure) par quartiles

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Pour le quantile inférieur (figure 2a), le coefficient a augmenté de 1996 à 2001 alors qu’il n’était pas différent de zéro. Toutefois, le renforcement des inégalités de 2001 à 2006 s’avère significatif au seuil de 95 %, bien qu’il retourne dans les marges de confiance de 1996. Ainsi, pour les déplacements à faible vitesse, le déficit de mobilité des familles matricentriques a évolué. De significatif en 1996, il est devenu non significatif en 2001 pour redevenir significatif en 2006, ce qui révèle un déficit de mobilité des familles dirigées par la mère au début et à la fin de la période pour les déplacements lents.

L’évolution du coefficient lié au sexe du chef de famille pour les déplacements à vitesse médiane a été plus stable (figure 2b), bien que nettement plus prononcée que pour le quartile inférieur. Les coefficients et les intervalles de confiance varient très peu de 1996 à 2006, bien que le coefficient de 2001 ne soit significatif qu’au niveau de confiance de 90 %. Donc, pour les trajets effectués avec une vitesse de déplacement intermédiaire, le déficit de mobilité des membres de familles matricentriques est demeuré relativement stable durant la période.

Tous les coefficients associés à des déplacements rapides (figure 2c) sont négatifs et statistiquement significatifs. Le coefficient de chaque année se situe à l’intérieur des intervalles de confiance des autres années, ce qui traduit l’absence de changement structurel durant la période. Ainsi, l’écart des conditions de mobilité des membres des familles dirigées par la mère versus par le père s’accroît avec la rapidité du déplacement (motorisation), même quand la motorisation et d’autres facteurs socioéconomiques sont maintenus constants. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, il est possible que l’origine du déficit de mobilité soit centrée sur les différentes capacités économiques des ménages matricentriques et patricentriques. Bien que nous ayons essayé d’évaluer approximativement l’effet du revenu du ménage en utilisant la profession du chef de famille et le revenu du secteur de recensement de résidence, des données sur le revenu individuel de chaque ménage seraient indispensables pour bien refléter l’impact des différences dans les capacités économiques des pères et des mères sur le déficit de mobilité. Cette question ne pourra être abordée que lorsqu’une variable de revenu à l’échelle du ménage sera disponible dans les futures enquêtes O-D.

Discussion

L’analyse des coefficients de régression associés au sexe du chef de famille monoparentale révèle la persistance d’un déficit de mobilité statistiquement significatif au détriment des ménages dirigés par une femme. L’écart se creuse quand la vitesse de déplacement augmente, ce qui pourrait également indiquer que, lors des longs déplacements (comme certaines navettes résidence-travail), les membres de familles matricentriques utilisent moins la voiture (si disponible) et plus souvent des modes de transport en commun moins rapides. Cette situation traduit une capacité moindre à rejoindre des lieux d’activité, en comparaison des membres de familles dirigées par un homme. Ce résultat ajoute une perspective de genre aux conclusions de Páez et al. (2009) et Morency et al. (2011) à l’effet que les membres de familles monoparentales sont généralement caractérisés par de faibles niveaux de mobilité. Ainsi, l’analyse développée dans cet article indique que ce désavantage en matière de mobilité des membres est aggravé si le chef de famille est une femme et semble persister au fil le temps. Il ressort également que les mères sont moins aptes à compenser un éloignement des localisations résidentielles que les pères de familles monoparentales.

Il convient d’observer comment les autres variables des analyses de régression influent sur les conditions de mobilité des familles monoparentales indépendamment du sexe du parent. La constante du modèle exprime la vitesse de déplacement pour la personne de référence (personne âgée de 21 ans et plus, vivant dans un ménage dirigé par un père et sans élève ou étudiant de 16 ans et plus, sans emploi, non motorisé, habitant un secteur de recensement de classe moyenne, non desservi par le transport en commun, à moins de 4 km de l’axe central).

Les personnes de moins de 21 ans, spécialement les enfants de 5 à 15 ans, se déplacent nettement moins vite que les autres, bien que la proximité du transport collectif compense une partie du déficit, ce qui est plus perceptible pour le Métrobus (surtout pour les déplacements à basse et moyenne vitesses) que pour les services d’Express. Ainsi, et conformément aux conclusions de Hine et Mitchell (2001) et Cass et al. (2005), l’accès à un moyen efficace de transport en commun pour ce groupe d’âge diminue les contraintes de mobilité, en particulier pour les courts trajets ne nécessitant pas une vitesse élevée. L’interaction entre l’âge et le revenu est également très intéressante, car on constate que, si la résidence est située dans un secteur défavorisé, cela implique une réduction généralisée et significative des vitesses de déplacement. Cette réduction ne s’applique qu’aux personnes de 21 ans et plus, car elle est généralement compensée dans l’interaction du faible revenu avec les âges de 5 à 15 ans. Cela pourrait indiquer que les enfants des ménages monoparentaux situés dans les secteurs défavorisés sont plus autonomes dans leurs déplacements que leurs homologues des secteurs de classe moyenne et des secteurs favorisés. Cette situation pourrait indiquer que ces enfants sont plus susceptibles de se déplacer par eux-mêmes en utilisant les transports en commun.

La présence d’élèves ou d’étudiants de 16 ans et plus dans le ménage a généralement un impact positif sur la vitesse de déplacement (spécialement en ce qui concerne les voyages lents et intermédiaires) et cet avantage tend à croître durant la période. Il s’agit vraisemblablement d’un effet lié à l’autonomie de mobilité de ces jeunes, qui exprime un effet de cycle de vie au sein des ménages monoparentaux. Ainsi, la présence d’adolescents améliore les conditions de mobilité des autres membres du ménage, car les premiers ont une plus grande autonomie (même si leur mobilité est inférieure à celle des adultes), ce qui diminue la pression sur le budget de temps des parents, qui jouent ainsi moins souvent le rôle d’accompagnateur (Fortin et Després, 2008 ; Vandersmissen, 2008).

Cependant, comme prévu, la motorisation a un impact marqué sur la vitesse de déplacement de tous les membres du ménage. Le coefficient associé à cette variable binaire est toujours statistiquement significatif et positif dans toutes les régressions estimées. En outre, l’impact de la motorisation a augmenté au fil du temps, particulièrement de 1996 à 2001. Donc, comme l’ont souligné Vandersmissen et al. (2004) et Delbosc et Currie (2012), l’accès à des moyens de transport privés a un impact important dans l’amélioration des capacités de mobilité des membres de familles monoparentales. Par ailleurs, l’interaction de la centralité avec l’offre de transport en commun de la RMQ ne semble pas avoir un effet très net sur la vitesse effective de déplacement, sauf pour le Métrobus entre 4 et 8 km, en 2006. Enfin, l’interaction entre le sexe et la proximité d’un service d’Express permet de constater un certain effet bénéfique pour les mères en 2001 et 2006, notamment pour les déplacements du quartile supérieur.

Faute d’une variable de revenu du ménage, nous avons utilisé la profession des chefs de famille monoparentale pour une approximation de la capacité financière du ménage et la classe de revenu moyen du ménage (avant impôt) dans le SR de résidence afin de caractériser les conditions socioéconomiques locales. [17] D’une part, les effets de la profession ne sont pas statistiquement significatifs (seule ou en interaction avec la motorisation) sauf dans quelques cas isolés et, surtout, les relations significatives ne subsistent pas d’une classe de vitesse ou d’une date à l’autre (tableaux 10.1, 11.1 et 12.1 et tableaux 10.2, 11.2 et 12.2). [18] D’autre part, l’environnement socioéconomique local autour du lieu de résidence permet de déceler une différence sensible entre les secteurs favorisés et défavorisés. On constate une baisse statistiquement significative des vitesses dans les secteurs de recensement défavorisés alors que les secteurs favorisés se différencient très peu des secteurs de recensement classés à revenu moyen, sauf pour les vitesses élevées, où les écarts changent de signe entre 1996 et 2001. Par conséquent, un environnement économique défavorisé est associé à un rayon de mobilité moindre pour les membres de familles monoparentales (surtout chez les adultes). Ceci confirme les conclusions de Kearns et al. (1995) et Pelletier (2012), à savoir que si les familles monoparentales suivent un modèle de localisation résidentielle typique des groupes de faible revenu, elles rencontrent des défis supplémentaires pour accéder aux possibilités et services en milieu urbain.

En ce qui concerne l’aspect spatial, l’effet de la distance de la résidence à l’axe central de la RMQ est conforme aux attentes, spécialement pour 2006 et pour les déplacements rapides qui profitent de la présence d’un réseau autoroutier bien développé. Rappelons que les simulations ont été effectuées avec un postulat de fluidité de la circulation, de moins en moins observée dans la région. Les déplacements des ménages monoparentaux plus éloignés de l’axe central sont plus longs et plus dépendants des transports motorisés, indépendamment des différences de choix résidentiels (observées avec les analyses centrographiques). L’effet de ces différences étant intégré dans le coefficient de sexe, cela signifie que l’étalement résidentiel des familles patricentriques est largement compensé par les choix modaux effectués par les pères. Toutefois, les familles monoparentales résidant à proximité de l’axe central de la RMQ ont accès à plus de possibilités d’emplois et à plus de services urbains (Vandersmissen et al., 2003). Selon les résultats de nos analyses centrographiques, les mères monoparentales semblent utiliser plus volontiers cette stratégie que les pères, lors du choix résidentiel.

Ce dernier point nous amène à poser une question importante : avons-nous un problème d’endogénéité entre la vitesse de déplacement et la localisation géographique du lieu de résidence ? [19] Ces deux variables sont-elles interdépendantes? En d’autres termes, est-ce que l’emplacement du domicile par rapport à l’axe central de la RMQ détermine la vitesse ? Mais aussi, le désir d’influencer la vitesse des déplacements à travers une réduction de la distance entre le foyer et l’axe central a-t-il un effet sur le choix résidentiel ? Les résultats des modèles de régression par quantile (tableaux 10.1, 11.1 et 12.1) indiquent une relation directement proportionnelle entre la vitesse et la distance du domicile par rapport à l’axe central : une augmentation de la distance est associée à une vitesse de déplacement plus élevée. Donc, un chef de famille monoparentale pourrait potentiellement poursuivre une stratégie de localisation résidentielle visant à réduire la distance entre le domicile et l’axe central afin de profiter d’une vitesse moindre pour se rendre aux lieux d’activités situés à proximité de l’axe central de la RMQ.

Toutefois, l’impact potentiel de ce problème d’endogénéité pourrait être atténué par les facteurs suivants.

Premièrement, le désir de minimiser la distance du transport vers l’axe central à travers le choix résidentiel est limité par la capacité financière de chaque ménage, et les familles monoparentales sont généralement plus pauvres et ont un moindre accès à la propriété résidentielle que d’autres types de ménages (Kearns et al., 1995 ; Titheridge et Solomon, 2008 ; Pelletier, 2012). Ces facteurs conduisent fréquemment les parents monoparentaux à chercher des solutions de logement abordable (comme le logement social et les coopératives d’habitation), ce qui limite considérablement leurs choix (Kearns et al., 1995 ; Land, 2001). Dans ces circonstances, il est raisonnable de supposer que les contraintes budgétaires prévalent sur l’objectif d’influencer la vitesse des déplacements des membres du ménage.

Par conséquent, étant donné les contraintes financières des familles monoparentales, même si la localisation résidentielle a un impact sur la vitesse de déplacement (comme spécifié dans les modèles de régression), il est peu probable que la vitesse ait une influence considérable sur le choix résidentiel. En ce qui concerne la situation particulière des mères monoparentales, il est important de souligner que même si elles sont moins étalées dans l’espace urbain que les pères à la fin de la période analysée, l’étalement des ménages matricentriques dans la RMQ a augmenté en 2006 par rapport à 1996 (tableau 8). Cela pourrait indiquer que les mères monoparentales sont de moins en moins capables de poursuivre une stratégie de centralité résidentielle et que, en conséquence, elles cherchent des logements abordables dans les banlieues et la périphérie de la RMQ, suivant l’exemple d’autres types de familles avec enfants (Fortin et Després, 2008).

Deuxièmement, au moment où les enquêtes O-D ont été effectuées, le choix résidentiel des ménages monoparentaux avait déjà été fait par les chefs de famille. Cette décision peut difficilement être modifiée à court terme. [20] Dans ces circonstances, la localisation résidentielle devient une variable donnée (c.-à-d. un contexte prédéterminé qui ne peut être modifié immédiatement) et les ménages monoparentaux essaient de surmonter leurs défis d’accessibilité par des stratégies de mobilité compatibles avec leurs contraintes financières et de temps (Robertson, 1984 ; Kearns et al., 1995 ; Land, 2001 ; Fortin et Després, 2008 ; Titheridge et Solomon, 2008).

Finalement, il faut considérer la nature des données utilisées dans la discussion d’un enjeu potentiel d’endogénéité. En effet, pour les modèles de régression par quantile, nous avons utilisé des vitesses associées à tous les déplacements des membres de familles monoparentales et non seulement à ceux liés aux navettes domicile-travail, plus susceptibles d’être influencés par une stratégie de minimisation de la distance entre le lieu de résidence et l’axe central. De plus, les déplacements considérés ont plusieurs points d’origine et de destination qui ne sont pas nécessairement reliés à l’axe central. Pour illustrer cet élément, les tableaux A.1, A.2 et A.3 en annexe présentent la distribution des distances des lieux d’origine et destination autour de l’axe central de la RMQ pour chaque année analysée. La proportion de déplacements avec une origine et une destination dans un intervalle de 0 à 4 km de l’axe central n’est jamais supérieure à 31 % du total des déplacements des membres de ménages monoparentaux, indépendamment de l’année considérée. Il est raisonnable de supposer que c’est dans cet intervalle qu’il serait plus probable d’y avoir un problème potentiel d’endogénéité entre la vitesse de déplacement et la localisation résidentielle. Donc, près de 70 % des déplacements sont peu susceptibles d’être affectés par une possible relation d’endogénéité entre la vitesse et la localisation résidentielle par rapport à l’axe central. Également, une proportion importante des déplacements ne présentent aucun lien avec l’axe central. Ce phénomène est plus évident parmi les déplacements avec une origine et une destination de 4 à 15 km de l’axe central.

En somme, cette étude débouche sur les contributions suivantes : 1) les tests de différences mettent en évidence l’évolution récente des conditions de mobilité des membres des familles monoparentales dans une perspective de genre, en contraste avec les études antérieures qui n’intègrent pas cette dimension temporelle, ni l’impact du sexe des chefs du ménage ; 2) l’utilisation de la régression par quantile permet d’évaluer l’impact de plusieurs facteurs sur les déplacements de vitesses lentes, intermédiaires et rapides, au lieu de considérer des mesures habituelles de mobilité moyennes – en effet, la distance est insensible aux contraintes de temps disponible, pendant que la durée du parcours reflète mal l’efficacité à rejoindre les destinations potentielles puisqu’elle reflète seulement le temps, sans prendre en considération la distance effective parcourue ; 3) finalement, au plan méthodologique, nous démontrons que, même si elle ne recouvre pas tous les aspects de l’accessibilité, la vitesse effective d’un déplacement mesure une de ses composantes essentielles, soit l’efficacité de l’accès. Les résultats pourront ensuite servir à estimer le nombre de possibilités accessibles dans un temps « t » depuis une localisation résidentielle quelconque.

Conclusion

Dans cet article, nous avons vérifié l’hypothèse qui prévoit un déficit de mobilité chez les familles monoparentales matricentriques comparativement à celles dirigées par les pères. Les ménages dirigés par les mères ont un accès moindre à la voiture et effectuent une plus faible proportion de déplacements dans un véhicule privé. De plus, ce déficit persiste quand on tient compte de l’effet de divers facteurs environnementaux, socioéconomiques et spatiaux. Cette différence est particulièrement sensible pour les déplacements à grande vitesse.

En général, certains facteurs détériorent les conditions de mobilité des membres de familles monoparentales, par exemple, habiter dans un secteur de recensement défavorisé. L’accès à la motorisation privée compense efficacement ce désavantage en matière de mobilité, ce qui pourrait justifier des politiques visant à augmenter l’accès aux transports privés (Blumenberg, 2004 ; Dobbs, 2005), notamment en favorisant l’accès à des services de partage d’automobile. Dans le cas où cette option serait inaccessible, la disponibilité du transport en commun comme les autobus rapides aurait un effet positif sur les vitesses de déplacement des familles monoparentales, notamment pour accélérer les navettes résidence-travail. De même pour les jeunes (5 à 15 ans), la proximité du service de Métrobus a un effet positif, en particulier pour les courts trajets.

Ces services de transport public doivent être accompagnés d’efforts pour contrer l’étalement des familles monoparentales sur le territoire de la RMQ et pour élaborer des outils de politique afin de contrer la dynamique de production et reproduction de l’injustice spatiale (Dikeç, 2001). Favoriser la relocalisation des familles monoparentales avec des logements abordables (coopératives d’habitation, par exemple) près de l’axe central de la RMQ ou des principaux axes de transport en commun est susceptible de réduire l’effort requis (mesuré en termes de vitesses effectives de circulation) pour accéder aux possibilités et services urbains. De même, l’écart entre les ménages dirigés par une mère ou par un père est inférieur pour les déplacements courts à basses vitesses, notamment pour le transport actif, ce qui indique que le déficit de mobilité lié au sexe est plus faible si les membres de familles monoparentales sont en mesure de trouver ce dont ils ont besoin près de chez eux.

Enfin, les résultats obtenus dans cet article sont basés sur le concept de la vitesse de déplacement comme une mesure indirecte de l’accessibilité potentielle. Ainsi, ces résultats pourront être utilisés pour créer des profils de mobilité en fonction de la vitesse du déplacement estimée à partir de caractéristiques individuelles, du lieu de résidence et de l’environnement socioéconomique autour du domicile des familles monoparentales. Ces profils pourraient être la base d’indices d’accessibilité cumulatifs qui capteraient le nombre total de possibilités et de services urbains dans l’espace d’action des membres des ménages monoparentaux, afin d’évaluer l’évolution de leurs indicateurs particuliers d’accessibilité au fil du temps. L’efficacité d’accès étant modélisée (c’est-à-dire la vitesse), il s’agirait ensuite de déterminer le budget de temps disponible (selon la méthode du prisme spatiotemporel proposée par Hägerstrand) pour effectuer les déplacements liés aux activités à réaliser (motifs de déplacement) ainsi qu’aux modes de transport disponibles, et de mesurer la diversité des possibilités de destination dans l’aire spatiale accessible à partir des localisations résidentielles à comparer.