Comptes rendus bibliographiques

MADORÉ, François (2004) Ségrégation sociale et habitat. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, (Coll. «Géographie sociale»), 251 p. (ISBN 2-86847-959-6)[Record]

  • Xavier Leloup

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  • Xavier Leloup
    INRS – Urbanisation, Culture et Société

L’ouvrage reprend les deux premières parties d’une thèse d’habilitation à diriger des recherches, ce qui lui imprime un style académique sans pour autant que cela nuise à la qualité de la lecture, l’exposé des arguments gagnant en clarté ce qu’il perd parfois en vivacité. Cet exposé renvoie pour l’essentiel à une synthèse des travaux menés antérieurement par l’auteur, l’ensemble de la démonstration visant à indiquer comment il est possible de tracer un champ de recherche cohérent qui lie la question des divisions sociales de l’espace et les dynamiques de l’habitat. C’est dans ce lien que réside sans conteste la nouveauté de la démarche qu’il propose. Une autre originalité du livre est qu’il s’attarde sur des villes peu étudiées: Nantes comme modèle d’une agglomération de grande taille, Cholet (Maine-et-Loire) et La Roche-sur-Yon (Vendée) en tant que «petites villes moyennes» dont le poids démographique oscille entre 20 000 et 100 000 habitants. La première partie de l’ouvrage apparaît somme toute classique pour tout chercheur s’intéressant aux questions de la division sociale de l’espace et de la ségrégation résidentielle. Elle s’ouvre sur une synthèse détaillée des travaux de géographie sociale menés sur ces questions en France. Elle laisse transparaître un modèle dominant de la géographie française, soit celui qui s’appuie sur les apports de la «nouvelle géographie» pour rompre avec le paradigme naturaliste et descriptif vidalien, modèle qui repose également de manière presque exclusive sur la distribution des catégories socioprofessionnelles et les quartiers de l’INSEE, et qui mobilise enfin principalement les outils de l’écologie urbaine factorielle. Les résultats qu’il produit sont attendus et les mises à l’épreuve qu’en fait l’ouvrage les confirment. Sont rappelés tour à tour la forte division sociale de l’espace, la concentration des catégories socioprofessionnelles extrêmes avec une intensité accrue pour les catégories supérieures, le peu d’impact de la taille de l’agglomération sur le phénomène et la relative inertie des structures urbaines. Cette dernière caractéristique ne doit cependant pas masquer les évolutions lentes qui ont lieu au niveau de la division sociale de l’espace par «le mécanisme de la proximité socio-spatiale». Après avoir indiqué comment ce processus joue de manière importante pour les phénomènes d’embourgeoisement, entre autres, l’auteur insiste sur un des facteurs qui le rend possible en étudiant les dynamiques du «marché du logement de l’occasion», lequel est devenu le segment dominant du marché dans le courant des années 1980. Réalisant une enquête sur les centres-villes de Cholet et de La Roche-sur-Yon, il montre cependant que la mobilité résidentielle liée au marché de l’occasion est plus un vecteur d’inertie que de changement de la structure socio-spatiale. Il est bon de noter que ces enquêtes dataient de la fin des années 1980 et portaient sur des échantillons de petite taille, l’accès difficile aux sources de données enregistrant les événements sur le marché du logement expliquant en grande partie ces limites. La voie de recherche suivie est dès lors de mieux articuler l’analyse sociale et l’analyse morphologique, autrement dit les caractéristiques de la population et celles des logements. Appliqué à Nantes, ce type d’analyse permet d’y dégager, au moyen d’une classification automatique discriminant les territoires selon leur structure socioprofessionnelle, les caractéristiques de leur habitat et leur situation géographique, neuf grands contextes socio-morphologiques. Si la première partie présente une facture relativement classique, il n’en va pas de même de la seconde, qui cherche «à observer comment la façon dont les politiques de l’habitat et du logement mises en oeuvre par les pouvoirs publics peuvent éclairer, du moins en partie, les contextes socio-morphologiques des villes françaises». Cette hypothèse n’est certes pas neuve, comme en témoignent les nombreux travaux cités dans l’ouvrage, mais le …