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Cet ouvrage collectif réunit les contributions de 29 auteurs, pour la grande majorité des professeurs de géographie, d’urbanisme ou d’études urbaines dans des universités canadiennes, avec aussi quelques spécialistes logés dans des facultés de gestion ou de communication. L’ouvrage s’inscrit dans une collection des Presses de l’Université de Toronto dirigée par David Wolfe de la même université. La collection est issue d’un projet de recherche en réseau sur plusieurs années, financé par le CRSH et portant sur la transformation économique des villes canadiennes, l’innovation et ce qu’il convient d’appeler la « créativité ».

L’ouvrage se situe dans la mouvance des idées de Richard Florida (classe créative, les artistes comme moteurs de développement ; la chasse aux talents…) et de Wolfe dont les travaux sont associés à la notion de systèmes régionaux de l’innovation. Le lecteur proche de ces deux mouvances y trouvera amplement de matériel pour alimenter sa réflexion. Les discussions critiques n’y manquent pas, y compris des regards parfois sévères sur les thèses de Florida. Le coeur de l’ouvrage est constitué d’études de cas sur des villes canadiennes, avec comme trame de fond la mobilité des « talents », lesquels sont souvent assimilés au milieu artistique (mais pas exclusivement). Pourquoi les artistes et les knowledge-workers choisissent-ils de s’installer dans telle ou telle ville ? Comment expliquer le pouvoir d’attraction de la ville X auprès des milieux créatifs ? Est-ce quelque chose qu’on peut planifier ? Chaque auteur y va à sa façon, tout en respectant un guide d’enquête commun (annexé à la fin de l’ouvrage).

Ce que je retiens de l’ensemble des études de cas, c’est qu’il n’est pas possible d’arriver à une théorie globale d’attractivité des villes pour ce qu’il convient d’appeler les « talents ». D’une part, la notion de talents (comme-celle de classe créative) laisse la porte grande ouverte à de multiples variantes. D’autre part, les raisons qui peuvent pousser les jeunes talents à préférer une ville donnée ne sont pas les mêmes pour tous. Tous les « talents » n’ont pas forcément les mêmes priorités ou les mêmes préférences. Une chance ! C’est vrai que les grandes villes partent avec une longueur d’avance (on revient souvent, dans l’ouvrage, sur le dynamisme culturel de Toronto), notamment auprès des jeunes couples professionnels dont les deux membres travaillent ; mais des « talents » s’installent aussi dans des villes plus petites, comme nous le rappellent les études de cas pour des villes comme Moncton, Saskatoon et Saint-Jean, Terre-Neuve. C’est peut-être une évidence, mais cela vaut la peine de le répéter. En cela, cet ouvrage collectif apporte une contribution utile au débat. Mais il ne règle pas le débat entre ceux, comme Florida, qui mettent l’accent sur la force d’attraction des « aménités » et d’autres, comme le géographe Alan Scott, qui maintiennent que l’emploi et la rémunération restent, comme toujours, les principaux motifs de déplacement des travailleurs du savoir. Bref, nous ne sommes pas à la fin du cycle de recherches sur la « créativité » et les facteurs d’attraction des talents.