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Du fait de l’incontestable succès scientifique et commercial de la première édition de La production des espaces économiques, publiée en 1998, ses auteurs, Christian Vandermotten et Pierre Marissal nous proposent aujourd’hui une seconde version revue et augmentée. On passe ainsi de 323 à 468 pages, de 69 à 79 tableaux et, surtout, de 147 à 165 figures. Au-delà d’une mise à jour de l’important appareil statistique et bibliographique, on doit relever un net effort pédagogique, avec un résumé synthétique de chaque section et une clarification bienvenue de la maquette.

Tout en restant dans la continuité des choix scientifiques qui fondent leurs travaux – une étude mondiale des dynamiques territoriales de la production et de la richesse éclairée par la théorie des cycles de Kondratieff et s’inscrivant dans les perspectives théoriques tracées par Braudel, Wallerstein et Lipietz – les auteurs proposent, dans cette seconde édition, des apports novateurs. En particulier, l’important avant-propos épistémologique en sort renforcé et systématisé, passant en revue de manière critique les apports et les limites respectives des grands théoriciens de l‘économie spatiale. Rejetant à la fois les démarches modélisantes d’inspiration néoclassiques et, à l’inverse, les approches monographiques ou béhavioristes aux prétentions dépassées, l’ouvrage souligne qu’il conviendrait de chercher à comprendre les logiques profondes de ces orientations théoriques, c’est-à-dire de s’interroger sur les conditions de production des connaissances scientifiques elles-mêmes, et plus particulièrement ici sur l’évolution de la pensée en géographie économique. C’est ce qu’ils font avec brio, en réarticulant développement historique, production théorique de concepts spatio-économiques et présupposés idéologiques. Tout ceci rend au fond le chercheur très humble en montrant que la production intellectuelle en sciences économiques et sociales – loin d’être un Deus ex Machina – plonge ses racines dans les grands enjeux géoéconomiques et géopolitiques de son temps et est largement pilotée par la demande politique et institutionnelle ou les grands affrontements idéologiques du siècle passé.

Réaffirmant leur volonté de s’inscrire dans une vision théorique organisée autour de l’analyse de la production sociale de l’espace économique global, Vandermotten et Marissal interrogent les temporalités successives construisant les territoires, mettent en lumière le fonctionnement des acteurs et les basculements des rapports de forces, réarticulent les jeux d’emboîtement d’échelles et définissent les espaces comme la résultante systémique de relations complexes et multiformes entre le politique, l’économique, le social et le culturel. S’appuyant sur de nombreuses études de cas très fouillées et des comparaisons fort instructives, cette nouvelle version rend ainsi le monde plus intelligible et donc le lecteur plus intelligent.