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Au cours des trois dernières décennies, les espaces offrant une concentration d’équipements commerciaux, d’infrastructures associatives et de lieux de sortie associés aux populations homosexuelles et labellisés comme tels sont devenus des éléments récurrents des centres urbains des pays les plus développés. Il s’agit de lieux où gais et lesbiennes peuvent se rassembler librement ou, à tout le moins, dans un climat d’indifférence qui tranche avec les confrontations passées (Lafontaine, 2002). Souvent nommés villages gais, ces espaces offrent une visibilité accrue, une nouvelle possibilité d’affirmation aux communautés gaies et lesbiennes par un marquage distinctif des paysages urbains, identifiables par tous, homosexuels ou non. Au départ d’une analyse des quartiers homosexuels de Berlin, Grésillon (2000 : 312) résume : « longtemps contrainte de s’exprimer dans les interstices de l’urbain, la culture homosexuelle peut désormais s’épanouir au grand jour, dans les quartiers centraux de l’agglomération ». La présence du drapeau arc-en-ciel sur les devantures de cafés, de restaurants, de boîtes de nuit, d’associations ou de toute une série d’autres types de lieux commerciaux ou de services en est un signe particulièrement marquant et répandu à l’échelle internationale. Les appellations choisies par certains établissements, qui réfèrent avec ou sans ambiguïté à l’homosexualité ou à des figures connues pour leur homosexualité, sont d’autres marqueurs visibles. Dans d’autres territoires, au contraire, comme par exemple les lieux de drague (c’est-à-dire là où on drague), les pratiques homosexuelles n’ont besoin d’aucun symbole pour exister.

La structuration, depuis la fin des années 1960, d’un mouvement homosexuel ayant progressivement acquis une reconnaissance sociale et politique dans les sociétés occidentales (Eribon, 2003) a inspiré plusieurs travaux sur la production sociale des territorialités homosexuelles (Castells, 1983 ; Binnie, 2004). Ces analyses se sont particulièrement attachées à analyser la nature et les fonctions remplies par ce que l’on appelle les villages gais. Territoires identitaires de communautés toujours en quête de reconnaissance sociale et politique pour les uns (Castells, 1983 ; Godfrey, 1988), ces espaces constituent plutôt pour d’autres auteurs de nouveaux pôles de consommation stylisée, en marge des formes plus traditionnelles du commerce et des loisirs urbains (Remiggi, 1998 ; Blidon, 2004). La première partie de cet article revient brièvement sur ces interprétations contrastées disponibles dans la littérature. Celles-ci sont confrontées, dans la suite du texte, à une analyse de l’essor récent d’un village gai au centre de Bruxelles, le quartier Saint-Jacques.

Peu d’analyses, par contre, se sont attachées à l’étude des espaces dans lesquels la présence homosexuelle n’est pas ostensiblement affichée par un marquage distinctif des paysages urbains, et reste donc moins visible voire invisible à l’observateur extérieur. Cet article cherche à combler une partie, certes restreinte, de ce vide à l’aide d’une analyse des multiples territoires homosexuels à Bruxelles. Notre analyse est fondée sur l’hypothèse que gais et lesbiennes investissent simultanément différents types d’espaces dans la ville, selon des modalités variables de marquage des paysages urbains. En pratique, nous développons, à partir d’une diversité d’indicateurs empiriques, une analyse de quatre types de territoires homosexuels à Bruxelles : des espaces de consommation, des espaces de sociabilité, des espaces de sexualité et des espaces de résidence. La présentation successive de ces territoires suit un ordre d’intensité décroissante du marquage des paysages urbains par la présence homosexuelle, passant donc du plus visible au moins visible. Cette démarche met en évidence une géographie de l’homosexualité étendue bien au-delà des limites du quartier gai bruxellois, principale concentration actuelle – et récente – de lieux commerciaux et associatifs tournés vers une clientèle homosexuelle et ostensiblement labellisés comme tels.

Espaces communautaires ou nouveaux pôles de consommation ?

À la suite d’études menées en Amérique du Nord, en particulier celles de Castells (1983) à San Francisco, la formation des quartiers homosexuels a été rapportée à un modèle de regroupement communautaire (Godfrey, 1988 ; Rothenberg, 1995). Ce modèle donne l’image d’espaces où les homosexuels constituent une proportion importante de la population résidante et où s’est développée une offre locale de services spécialisés à destination des gais ou lesbiennes, à l’abri de discriminations ou de violences à leur égard. De la sorte, ces quartiers fonctionnent d’abord comme territoires d’une identité homosexuelle aux composantes à la fois politique, économique et culturelle. Le terme ghetto revient parfois à leur propos. D’autres analyses, cependant, suggèrent que les espaces aujourd’hui marqués visiblement par la présence homosexuelle correspondraient moins à des quartiers résidentiels et de services à base communautaire qu’à de nouveaux espaces festifs et de consommation, certes tournés prioritairement vers les populations gaies ou lesbiennes, résidantes du quartier ou non, mais appropriés également par un public plus large (par exemple les noctambules et les touristes). Ces analyses ont été principalement développées à propos de villes européennes (Sibalis, 2004), c’est-à-dire en regard de configurations spatiales globalement moins marquées par des différenciations à base communautaire que leurs homologues nord-américaines (Remiggi, 1998 et 2000). Par exemple, le quartier du Marais à Paris constitue une nouvelle concentration commerciale où se côtoient bars, restaurants, discothèques, saunas, boutiques, agences de voyage, librairies, pharmacies et boulangeries, tous labellisés homosexuels. En outre, certains établissements s’y affichent désormais comme gay friendly, dans l’espoir de capter une clientèle perçue de manière stéréotypée comme détentrice d’un fort pouvoir d’achat et friande de nouveautés (Blidon, 2004). À Montréal, Remiggi (2000 : 33) décrit le village gai comme « une entité commerciale, au même titre d’ailleurs que d’autres espaces culturels […], Chinatown ou Petite Italie » par exemple, mais suggère que la géographie résidentielle des homosexuels déborde largement les limites du village gai.

En somme, ces exemples donnent à voir la constitution d’un nouveau type de centralité commerciale, dont la spécificité est appuyée sur des activités destinées principalement aux homosexuels en leur proposant aussi bien des lieux de sorties nocturnes que des vêtements, des accessoires, des produits de soin, des voyages, etc. Souvent, l’émergence de ce type d’espace est le produit d’une dynamique d’investissement privé, portée par des entrepreneurs indépendants, issus ou non de la communauté homosexuelle, qui misent sur l’installation de nouveaux établissements dans un quartier central préalablement peu attrayant (Sibalis, 2004). À cet égard, l’émergence de tels espaces paraît s’inscrire dans une dynamique contemporaine plus ample menant à la formation d’espaces socialement et culturellement identifiés auxquels on accorde le nom de quartier ou de village urbain (Bell et Jayne, 2004). Une multiplicité d’espaces structurés autour d’activités à fort contenu créatif et symbolique composent ces nouveaux quartiers, tels que, par exemple, des concentrations de boutiques branchées ou de lieux de production artistique. Hier espaces méconnus et peu valorisés en dehors de la niche culturelle ou fonctionnelle qui en est le fondement, ces quartiers paraissent avoir acquis un nouveau statut d’espace récréatif et de consommation prisé par un public plus large, en particulier les nouvelles classes moyennes urbaines. Celles-ci, composées de professionnels qualifiés bien rémunérés, trouvent dans ces espaces des possibilités d’exprimer une identité sociale particulière par des pratiques de consommation stylisées, à la fois détachées du luxe classique et de la consommation de masse. Les processus de gentrification sont ici récurrents, la niche culturelle initiale devenant niche de marché par suite de son appropriation par un public élargi et – relativement – nanti (Zukin, 1982 ; Ley, 1996). Par ailleurs, le développement de ces nouveaux quartiers apparaît intimement lié à la mise en oeuvre de politiques urbaines d’inspiration néo-libérale, misant sur le rehaussement de la compétitivité territoriale des villes – de leurs espaces centraux en particulier – aux fins d’attraction de nouveaux investissements (Harvey, 1989). Dans ce cadre, ces quartiers composent autant de leviers potentiels de marketing urbain, proposant une image ouverte et cosmopolite de la ville. Ainsi, les organes de promotion touristique de plusieurs villes nord-américaines (Montréal, Toronto, San Francisco, Vancouver, La Nouvelle-Orléans) et européennes (Amsterdam, Barcelone, Berlin, Cardiff, Edimbourg, Glasgow, Hambourg, Londres, Manchester, Newcastle, Paris) s’appuient sur les attraits et les ressources – logistiques, financières et humaine – de leur village ou quartier gai pour se positionner sur le marché devenu très courtisé du tourisme homosexuel urbain (Pritchard et al., 1998).

Dans les villages gais, les dimensions identitaires et de sociabilité homosexuelle s’exprime dans des infrastructures de consommation spécifiques. Les pratiques sexuelles transgressives, moins acceptables ou moins attractives pour un public élargi se trouvent de la sorte marginalisées, et les espaces de leur territorialisation tenus à l’écart de la nouvelle visibilité des communautés homosexuelles (Grésillon, 2000 ; Binnie, 2004 ; Blidon, 2004). Ce type d’évolution appelle à détailler la nature contemporaine des villages gais tout en envisageant la géographie des territoires homosexuels au-delà des quartiers les plus clairement labellisés et les plus largement promus dans les discours sur la ville. C’est vers ce type d’analyse que tend notre étude du cas bruxellois.

Une géographie des territoires homosexuels à Bruxelles

À l’échelle européenne, si l’on ne considère que le nombre de lieux recensés dans le guide Spartacus (guide international des lieux gais), Bruxelles se retrouve nettement derrière Berlin, Amsterdam, Londres ou Paris, en dépit de sa relative importance économique. En l’absence d’une analyse plus précise de la hiérarchie homosexuelle des villes, cette discrétion peut être associée à la petite taille démographique de Bruxelles à l’échelle européenne, à la proximité de grands pôles attractifs tels qu’Amsterdam, Cologne, Paris et Londres, ou encore à la faiblesse du marketing urbain ou touristique ciblant les publics homosexuels. Néanmoins, la visibilité des communautés homosexuelles dans l’espace bruxellois s’est nettement accrue au cours de la dernière décennie, en particulier via l’émergence d’un quartier gai dans une portion du centre-ville et l’organisation de la parade Lesbian and Gay Pride, la seule organisée en Belgique et qui réunit donc néerlandophones et francophones [1].

La formation de la centralité commerciale homosexuelle

Nombre de discours sur la ville associent aujourd’hui la présence homosexuelle à Bruxelles à une portion restreinte du centre historique de la ville (appelé aussi le Pentagone), à savoir le quartier Saint-Jacques. Assimiler ce quartier à un village homosexuel serait pourtant réducteur parce qu’il s’agit d’homosexualité masculine avant tout, mais aussi parce que de nombreux lieux de rencontres et de consommation s’adressant à un public homosexuel existent en dehors de son périmètre (figure 1). En outre, le nombre de commerces ou de lieux associatifs destinés à un public homosexuel y reste limité : 34 commerces et lieux associatifs (source : magazine gai et lesbien Tels Quels, édition 2004). De plus, d’après une enquête réalisée en 2004 auprès de 125 personnes qui fréquentent les bars, restaurants ou boîtes de nuit étiquetés homosexuels à Bruxelles, seuls 8 % (10/125) d’entre elles identifient ce quartier comme première destination de sortie (Deligne et Gabiam, 2004). Certains désignent l’une des rues du quartier (la rue du Marché au Charbon : 6/125), mais une grande majorité préfère parler plus généralement du centre de Bruxelles (73/125).

L’analyse de la nature actuelle de cet espace amène à se pencher sur son processus de formation. En effet, les espaces et les lieux de l’homosociabilité à Bruxelles ont connu une géographie mouvante au cours des cinquante dernières années, marquée par un déplacement de leur centre de gravité au sein de l’espace central de la ville. Quatre phases, indissociables de l’évolution du statut de l’homosexualité, semblent pouvoir être identifiées. Elles correspondent approximativement aux périodes 1950-1970, 1970-1985, 1985-1995 et depuis 1995.

Jusqu’à 1970, les bars et autres lieux de sociabilité homosexuelle étaient situés juste au nord de la Grand-Place (rue des Bouchers et environs) (figure 2). Étant donné un contexte d’une faible tolérance à l’égard de l’homosexualité, cet espace a été décrit par certains témoins comme un « berceau de permissivité » où se côtoyaient homosexuels des deux sexes, artistes, toxicomanes et revendeurs de drogue (Charles et Massion-Verniory, 1957). Fondé sur des éléments autobiographiques, un roman, dont l’action se déroule à Bruxelles en 1955, met en scène des personnages haut en couleurs, dont un homosexuel, et utilise ce quartier pour cadre (Moustaki, 2001). Promis à d’importantes transformations par les autorités bruxelloises désireuses de donner une vitrine moderne de Bruxelles à l’occasion de l’Exposition universelle de 1958, ce quartier fut préservé in extremis d’une destruction partielle par des commerçants et des propriétaires qui regroupèrent les autorités communales autour d’un projet de conservation et de marketing touristique à caractère patrimonial. Dans la foulée de ces efforts, le quartier a été rebaptisé Îlot Sacré et ses ruelles furent transformées en voies piétonnes. Selon des témoignages convergents, ces transformations rendirent moins discrètes les allées et venues des habitués des bars gais et lesbiens, tandis que l’implantation de plus en plus massive de restaurants et la venue d’un nombre croissant de touristes firent progressivement disparaître les endroits interlopes ou permissifs.

Figure 1

Les lieux de l’homosociabilité à Bruxelles

Les lieux de l’homosociabilité à Bruxelles

Auteurs : Deligne, Gabiam, Van Criekingen et Decroly

Source : Guide Ex-Aequo, enquête de terrain

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Dans une seconde phase, qui couvre approximativement les années 1970 et la première moitié des années 1980, les lieux de l’homosociabilité s’étendent à d’autres parties du centre-ville, alors abandonnées par les groupes aisés et les pouvoirs publics, en particulier les alentours de plusieurs places le long ou à l’ouest des boulevards centraux (place Fontainas, place Saint-Géry, place de la Bourse). Toujours aussi interlope, le monde des bars, des clubs et des boîtes de nuit fréquentés par les homosexuels, gais ou lesbiennes, fut encore régulièrement le lieu de descentes musclées de la part de la police, et aussi de groupes mal intentionnés, jusque tard dans les années 1980 (Deligne et Gabiam, 2004).

Figure 2

Les lieux de l’homosociabilité au centre de Bruxelles

Les lieux de l’homosociabilité au centre de Bruxelles

Auteurs : Deligne, Gabiam, Van Criekingen et Decroly

Source : Bruxelles International Tourisme et Congrès (délimitation du quartier Saint-Jacques), Belgian Lesbian and gay Pride

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La troisième phase commence au milieu des années 1980, sur fond de revendications politiques et d’une plus grande tolérance envers l’homosexualité. À Bruxelles, cette évolution ne s’est pas traduite par une explosion du nombre de lieux de l’homosociabilité mais, plutôt, par une visibilité accrue de ceux-ci dans le paysage urbain et par un nouveau déplacement de leur centre de gravité, cette fois vers quelques rues au sud de la Grand-Place, en particulier la rue des Pierres et la rue du Marché au Charbon, où se trouvaient déjà quelques bars gais. Ce glissement est concomitant de la gentrification commerciale des alentours de la place Saint-Géry (Van Criekingen, 1997). Il semble que, poussés par la transformation de la fréquentation d’espaces en voie de gentrification et le renchérissement des baux commerciaux, les lieux de l’homosociabilité aient été contraints de trouver un nouveau terrain d’établissement, alors abandonné, peu fréquentable et bon marché aux environs des rues des Pierres et du Marché au Charbon [2]. La création au début des années 1980, rue du Marché au Charbon, du bar associatif Tels Quels à l’emplacement d’un bar gai constitue probablement un des points d’appui de ce nouvel ancrage spatial. Le nombre de cafés, de bars et de boîtes de nuit dans les deux rues principales de l’actuel quartier Saint-Jacques augmente significativement dans les années 1980 : on passe de 12 à 23 lieux labellisés pour gais et lesbiennes entre 1982 et 1993 (source : magazine pour gais et lesbiennes Tels Quels). Cette augmentation locale est atypique dans l’agglomération bruxelloise où le nombre total de lieux de l’homosociabilité diminue dans le même temps (de 52 à 34), ce qui traduit un processus de concentration dans le quartier Saint-Jacques. La croissance s’y poursuit dans les années 1990 (de 23 lieux en 1993 à 34 en 2004), alors que le nombre total de lieux d’homosociabilité ré-augmente significativement à l’échelle de la ville (de 34 à 85). L’effet d’entraînement dans une société plus tolérante envers l’homosexualité semble avoir joué ici un rôle déterminant.

La quatrième phase (depuis 1995) est marquée par l’organisation des premières parades Lesbian and Gay Pride et la satisfaction de certaines revendications politiques et juridiques (contrat de cohabitation légale en 1998, loi anti-discrimination et mariage en 2003). Elle est caractérisée par une diminution du nombre de lieux d’homosociabilité exclusive (bars, boîtes de nuit), uniquement connus des membres de la communauté, et par l’accroissement du nombre de lieux dits d’homoconsommation ou gays friendly (restaurants, coiffeurs, fleuristes, magasins de vêtements, vidéoclubs, etc.) généralement labellisés arc-en-ciel, autocollant sur la vitrine faisant foi. Ces dernières années sont donc marquées par l’émergence d’un type d’espace inexistant jusque-là, attirant un public branché, homosexuel ou non. Cet espace est centré sur le quartier Saint-Jacques mais ne s’y limite pas, ce dont témoigne la multiplication des bonnesadresses dans les guides destinés aux homosexuels (cf. supra).

Les changements de parcours de la parade Lesbian and Gay Pride bruxelloise au cours des années récentes reflètent bien les changements opérés (figure 2). Tandis que dans ses premières éditions le cortège était organisé un dimanche et cantonné dans des voies peu fréquentées, dans ses dernières éditions, au contraire, il se déroule un samedi et suit un parcours qui emprunte ou effleure les rues du centre où se concentrent les bars et les commerces qui desservent une clientèle homosexuelle, en particulier dans le quartier Saint-Jacques. En grossissant le trait, on pourrait dire que la Lesbian and Gay Pride bruxelloise est passée, jusque dans sa géographie, d’un événement revendicatif et festif à un cortège festif et commercial destiné à un large public. L’intérêt actuel des commerçants pour son organisation ne trompe pas.

Une enquête de terrain menée auprès d’une quinzaine de commerçants, dont dix dans le quartier Saint-Jacques (tableau 1), permet d’approfondir l’analyse des relations actuelles entre fonction commerciale et homosociabilité au centre de Bruxelles. Les commerçants interrogés sont pour la plupart d’installation – ou de reprise – récente (depuis 2000). Ceci se traduit par un fort taux de rotation commerciale constaté à l’occasion de visites effectuées dans le quartier Saint-Jacques au cours des dernières années. Plusieurs commerçants, surtout parmi les tenanciers de bars, décrivent le succès mitigé de leur établissement. La petite taille de la ville conjuguée à la concurrence d’autres villes proches, le contexte actuel relativement libéral qui permet aux homosexuels de se rencontrer ailleurs que dans des lieux clos réservés à un entre-soi gai ou lesbien, voire le succès des rencontres virtuelles sur Internet sont autant de facteurs qui, selon nous, peuvent être invoqués pour expliquer les difficultés des établissements et commerces à la recherche d’une clientèle homosexuelle – le plus souvent masculine – à Bruxelles.

Tableau 1

Profil des commerçants interrogés

 

Type de commerce

Date de création

Localisation à Saint-Jacques

Origine de l'exploitant

Caractère du commerce1

Drapeau arc-en-ciel sur la devanture

Relations avec les associations

1

Bar

1999

Oui

Bruxelles

Gai

Non

Oui

2

Bar

2000

Oui

Bruxelles

Gai et lesbien

Oui

Oui

3

Bar

2002

Oui

France

Gay friendly

Oui

Non

4

Bar

1995

Oui

Bruxelles

Holebi2

Oui

Non

5

Bar

2003

Oui

Canada

Gay friendly

Non

Non

6

Bar

2004

Oui

Flandre

Gay friendly

Non

Non

7

Bar

2004

Oui

France

Gay friendly

Oui

Oui

8

Libraire

1979

Oui

Bruxelles

Gay friendly

Non

Oui

9

Libraire

1997

Non

Wallonie et France

Gai et lesbien

Oui

Non

10

Coiffeur

1995

Oui

Bruxelles

Gay friendly

Non

Oui

11

Vêtements

2003

Oui

Flandre

Gay friendly

Oui

Non

12

Vidéoclub

2003

Non

Bruxelles

Gay friendly

Non

Non

13

Sauna

1975

Non

Bruxelles

Gay friendly

Non

Oui

14

Disquaire

1981

Non

Bruxelles

Gay friendly

Non

Non

1 Selon les personnes enquêtées

2 Abréviation de homo-lesbienne-bisexuel

Source : Propre enquête de terrain, juin 2005

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Étonnamment, très peu de commerçants lient leur choix de localisation à la présence d’un quartier gai (1/14), même lorsque leur commerce est situé dans le quartier Saint-Jacques. Pour moins de la moitié d’entre eux, l’existence d’autres commerces arc-en-ciel dans les environs n’aurait pas pesé significativement dans leur choix. Ce sont plutôt des facteurs plus globaux, tels la centralité à l’échelle de la ville (5/14) ou le positionnement par rapport à un pôle d’attraction ou à un axe très passant, notamment de nature touristique (5/14), qui sont évoqués. Pourtant, la proximité de commerces arc-en-ciel est généralement perçue comme positive pour la bonne marche de leurs affaires (9/14). Ces éléments apparemment contradictoires s’expliquent par une volonté des commerçants de ne pas chercher à rehausser davantage l’image d’un quartier étiqueté homosexuel ou gai. D’ailleurs, la plupart des commerçants interrogés (10/14) se disent gay friendly, une dénomination qui exprime une ouverture à toutes les clientèles. De plus, une minorité d’entre eux (6/14) possèdent des liens avec les associations gaies ou lesbiennes de Bruxelles. Ces liens se nouent surtout à l’occasion des campagnes de prévention du SIDA et grâce à l’organisation de la parade Lesbian and Gay Pride, dont le potentiel commercial est considérable. De manière plus générale, le sentiment d’appartenance à la communauté gaie et lesbienne des commerçants interrogés se laisse difficilement saisir. Pour ceux-ci, l’ouverture d’un commerce ne répond pas à une quête identitaire ou ne constitue pas un acte politique, mais s’inscrit avant tout dans une logique économique. Il s’agit en somme d’abord d’un moyen de gagner sa vie, tout en créant un espace accueillant aux homosexuels ou au public gay friendly. Plusieurs exploitants venus de l’extérieur de Bruxelles ont ainsi volontiers choisi cette ville pour ses potentialités commerciales.

Ces éléments nous mènent à conclure dans un premier temps que l’émergence du quartier gai Saint-Jacques est d’abord le produit d’une logique d’agrégation d’établissements bien moins fondée sur des bases communautaires que sur un processus d’économie d’agglomération au sein d’un espace redéfini comme gay friendly. Certes, plusieurs associations y ont aujourd’hui pignon sur rue, mais leur regroupement dans le quartier est tout récent (le bar associatif Tels Quels fait ici figure de précurseur) et les relations entre lieux associatifs et commerçants relève du commensalisme plus que de la coopération. La présence du milieu associatif dans ce quartier est de manière générale consécutive et non préalable à l’émergence de ce pôle urbain de l’homosociabilité et de l’homoconsommation (par exemple création de la Maison Arc-en-Ciel en 2001, qui regroupe 27 associations tant francophones que néerlandophones). De plus, de nombreuses personnes rencontrées au cours de nos enquêtes de terrain insistent sur le caractère ouvert, pluriel et non ghettoïsant du quartier Saint-Jacques. Du côté des pouvoirs publics enfin, la promotion du caractère spécifiquement gai du quartier reste très discrète, les messages véhiculés insistant plutôt sur la diversité que le centre a à offrir aux touristes, aux consommateurs ou aux habitants.

Les espaces de soutien et de sexualité

En dehors des espaces commerciaux, il existe d’autres types de territoires de l’homosociabilité qui regroupent ce qu’on pourrait appeler les espaces de soutien, d’une part, et les espaces de sexualité, de l’autre.

Les espaces de soutien, qui sont aussi ceux de l’entraide et des revendications, comprennent essentiellement les espaces associatifs. Comme nous l’avons vu, un grand nombre d’associations sont aujourd’hui regroupées dans la rue du Marché au Charbon (au Tels Quels ou sous la coupole de la Maison Arc-en-Ciel), mais beaucoup d’autres restent implantées en dehors du périmètre central, essentiellement dans les communes orientales de la première couronne urbaine (figure 1).

Les territoires de la sexualité, exclusivement masculine, se composent des lieux de drague et des espaces de prostitution. Les lieux de drague (et souvent de consommation sexuelle) se localisent, ou se localisaient, dans certains cinémas (qui n’existent pratiquement plus aujourd’hui), certaines toilettes publiques (la plupart du temps dans les gares), certains saunas et un grand nombre de parcs et de jardins publics. Ces lieux de sexualité dérobée ont longtemps permis l’assouvissement de désirs homosexuels dans des périodes où l’homosexualité ne pouvait se vivre au grand jour. Avec l’irruption du SIDA (1985), puis d’une plus grande acceptation de l’homosexualité (1990), le nettoyage des gares bruxelloises par les autorités (1995) et, plus récemment, la généralisation de l’utilisation d’Internet (2000), l’intérêt pour ce type de lieu a progressivement diminué. Les lieux publics de la drague ont cédé la place aux back-rooms des clubs (c’est-à-dire ces espaces plus ou moins discrètement aménagés à l’arrière de certains bars et boîtes de nuit destinés à accueillir les pratiques et relations sexuelles des clients). En quelque sorte, l’espace de drague et de consommation sexuelle a connu une certaine privatisation. Seuls les parcs semblent résister et restent parmi les derniers bastions des pratiques homosexuelles dérobées, vécues comme plus ou moins secrètes, transgressives ou interclassistes (à la différence des back-rooms). Malgré cette diminution, la géographie des parcs et des saunas labellisés (encore une demi-douzaine à l’heure actuelle) se caractérise par une dispersion périphérique bien au-delà du centre de l’homosociabilité assumée, en fait dans toute la première couronne urbaine de la région bruxelloise (communes entourant le Pentagone). Les lieux de la prostitution homosexuelle masculine occupent quant à eux une place plus centrale. Pourtant, si la prostitution masculine se pratique jusqu’au coeur du quartier Saint-Jacques, on s’y adonne plus généralement dans des espaces situés en bordure de celui-ci, ou encore dans des quartiers qui abritent des bars pour homos considérés comme vieux, c’est-à-dire dont l’existence remonte en général à plus de 15 ans et où la clientèle est habituellement plus âgée.

En tout état de cause, ces contrastes entre spatialisations marchandisées et visibles (Saint-Jacques, quartiers gay friendly, parade Lesbian and Gay Pride) et spatialisations non commerciales et moins visibles (associations), voire invisibles aux yeux de ceux et celles qui ne reconnaissent pas les codes (lieux de drague et de prostitution masculines), indiquent l’existence de tensions spatiales entre les unes et les autres. Tandis que le centre de la géographie visible de l’homosexualité s’adresse principalement à des consommateurs relativement aisés, les autres territoires de l’homosexualité sont destinés à des milieux sociaux plus diversifiés. Ces contrastes témoignent également d’une certaine segmentation des pratiques et des milieux homosexuels.

Les espaces résidentiels

Le recensement belge ne comporte pas de question sur l’orientation sexuelle (non plus que sur l’orientation religieuse ou philosophique), nous privant d’un indicateur essentiel. En revanche, l’émergence, depuis le milieu des années 1990, d’une presse homosexuelle distribuée en dehors des seuls points de vente spécialisés nous a suggéré la construction d’un indicateur basé sur la localisation des librairies (ou kiosques) affichant, sur leur devanture, les couvertures d’au moins un des deux principaux magazines pour homosexuels distribués à Bruxelles, Têtu [3] et Gus [4]. Dans la mesure où l’affichage extérieur relève du libre choix de chaque libraire, nous avons posé l’hypothèse que cette mise en vitrine consciente est en relation avec une présence d’habitants homosexuels dans le quartier, si ce n’est pour des points de vente implantés dans des noyaux commerciaux ou d’activités impliquant un fort passage de populations ne résidant pas nécessairement dans le quartier. Un travail de collecte d’information a alors été mené directement auprès de l’ensemble des libraires de Bruxelles, identifiés à partir de l’annuaire téléphonique. Il leur a été demandé, par téléphone, s’ils vendaient le Têtu ou le Gus (ou les deux) et s’ils en affichaient régulièrement la couverture en vitrine. Cette dernière information a été vérifiée par enquête de terrain. Le résultat de cet exercice est présenté à la figure 3.

Figure 3

Une géographie des espaces résidentiels homosexuels à Bruxelles

Une géographie des espaces résidentiels homosexuels à Bruxelles

Auteurs : Deligne, Gabiam, Van Criekingen et Decroly

Source : Relevés de terrain

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D’emblée, la lecture de la carte amène à rejeter l’idée d’un confinement des populations homosexuelles dans le seul quartier Saint-Jacques. De même, par exemple, qu’à Montréal, « les gais ne sont pas confinés au Village » (Remiggi, 2000 : 33), la notion de ghetto gai n’a visiblement pas de sens à Bruxelles. Si les librairies spécialisées, peu nombreuses, sont concentrées au centre-ville, il n’en va pas de même pour les nombreuses librairies vendant ou affichant les magazines Têtu ou Gus. La carte révèle une géographie centrale, englobant le centre historique de la ville (le Pentagone) ainsi que sa frange sud-est, sur le territoire des communes de Saint-Gilles et Ixelles en particulier. On retrouve ici la principale centralité commerciale et touristique de Bruxelles, de même que des espaces marqués, depuis bientôt deux décennies, par des processus de gentrification au sud et à l’est du Pentagone (Van Criekingen et Decroly, 2003). Des concentrations particulières apparaissent aussi à proximité des gares du Midi et du Nord (librairies sans affichage) et autour du campus de l’Université libre de Bruxelles (librairies avec affichage). Enfin, de nombreux libraires vendent et affichent Têtu ou Gus dans des espaces plus périphériques de la ville, suggérant une large distribution des populations homosexuelles dans l’espace.

En revanche, un important vide se dessine dans les franges occidentale (à Molenbeek et Anderlecht) et septentrionale (à Saint-Josse et Schaerbeek) du centre-ville, soit dans des quartiers anciens paupérisés, où vivent de nombreux ménages d’origine immigrée, de tradition musulmane surtout. La présence de populations homosexuelles semble également réduite dans les quartiers résidentiels de seconde couronne au sud et à l’est de la ville (de Uccle à Woluwé-Saint-Lambert), soit dans des espaces comprenant des maisons unifamiliales habitées par des familles aisées de type classique (c’est-à-dire des couples mariés avec enfant-s). La visibilité de l’homosexualité y est faible d’autant plus que les associations s’y font moins présentes (figure 1).

Le nombre de mariages entre personnes du même sexe constitue un autre indice permettant de mesurer la présence de populations résidentes homosexuelles. Les mariages homosexuels ont été rendus possibles grâce à une loi votée en février 2003 par le premier gouvernement d’après-guerre auquel ne participaient pas les partis démocrates-chrétiens et mise en application depuis juin 2003. Les données relatives à ces unions donnent une indication de la présence de populations homosexuelles à l’échelle communale dans la mesure où au moins un(e) des marié(e)s doit être résidant de la commune où est célébré le mariage. Un relevé effectué auprès des 19 communes de la région Bruxelloise et mené de juin 2003 à mars 2005 a permis de dénombrer un total de 222 mariages entre conjoints du même sexe (170 entre hommes, 52 entre femmes), soit environ 2 % des unions célébrées à Bruxelles au cours de la même période [5]. La ventilation par commune du nombre de mariages parmi les 20 à 64 ans met néanmoins en évidence de nettes variations intra-urbaines (tableau 2). Elle pointe en particulier Bruxelles-Ville, confirmant le rôle déjà noté de la centralité urbaine, et, de manière plus inattendue, Watermael-Boitsfort, soit une commune résidentielle aisée du quadrant sud-est de la région dans laquelle aucun libraire affichant Têtu ou Gus n’a été relevée. On peut à tout le moins y lire une nouvelle marque de la non-limitation des territoires homosexuels au seul espace central de la ville. À l’opposé, deux communes se distinguent par un nombre significativement faible de mariages homosexuels : Anderlecht, une commune pauvre dont une proportion importante des habitants est d’origine immigrée, et Woluwé-Saint-Pierre, en revanche, la commune la plus riche de la ville dont une partie importante de la population est de tradition catholique marquée.

Tableau 2

Les mariages entre personnes du même sexe, distribution par communes

 

Mariages homosexuels

Population de 20 à 64 ans

Rapport

Khi

 

(1)

(2)

(1)/(2)x100

 

Anderlecht

8

53 461

0,299

*‑2,63

Auderghem

5

16 996

0,588

‑0,50

Berchem - Sainte‑Agathe

2

11 176

0,358

‑1,04

Bruxelles - Ville

55

87 714

1,254

*4,01

Etterbeek

11

27 111

0,811

0,33

Evere

8

18 687

0,856

0,43

Forest

13

28 711

0,906

0,75

Ganshoren

4

11 348

0,705

‑0,08

Ixelles

27

53 664

1,006

1,64

Jette

5

24 303

0,411

‑1,32

Koekelberg

1

10 337

0,193

‑1,44

Molenbeek - Saint‑Jean

11

44 205

0,498

‑1,30

Saint‑Gilles

15

29 197

1,028

1,30

Saint‑Josse‑ten‑Noode

4

14 106

0,567

‑0,52

Schaerbeek

24

67 482

0,711

‑0,16

Uccle

13

43 920

0,592

‑0,78

Watermael - Boisfort

10

14 068

1,422

*2,12

Woluwé - Saint‑Lambert

5

28 419

0,352

‑1,69

Woluwé - Saint‑Pierre

2

21 659

0,185

*‑2,11

*Khi significatif à 95

Source : Propre enquête de terrain, juin 2003 à mars 2005

-> See the list of tables

Conclusion

À l’instar de nombreuses villes, Bruxelles a récemment vu émerger un village gai dans une portion de son espace central, le quartier Saint-Jacques. Par la concentration de lieux commerciaux et d’infrastructures associatives affichant clairement les couleurs de la communauté gaie et lesbienne, cet espace constitue un nouveau repère dans le paysage de la ville. L’analyse de la production sociale de ce territoire permet de soutenir que l’essor des villages gais – ou autres types de quartiers branchés – constitue un nouveau type de centralité commerciale plutôt que l’émergence d’un nouveau territoire d’appropriation communautaire associé à un ghetto. À Bruxelles, le quartier Saint-Jacques est avant tout un espace d’homosociabilité et d’homoconsommation nettement masculinisé, c’est-à-dire surtout fréquenté par un public homosexuel masculin, mais dont les acteurs mettent en relief la dimension d’ouverture à des publics diversifiés. On pourrait en quelque sorte le qualifier de gay friendly village.

L’analyse des territoires de l’homosexualité à Bruxelles ne peut cependant se limiter à l’étude du quartier Saint-Jacques. La diversité des indicateurs empiriques évoqués dans cet article indique au contraire que la géographie des territoires de l’homosexualité à Bruxelles dépasse largement les limites du village gai bruxellois. La concentration des signes les plus visibles de l’homosexualité (bars et associations arborant le drapeau arc-en-ciel) au centre-ville, et dans le quartier Saint-Jacques en particulier, ne peut masquer une diffusion spatiale à la fois plus large et plus hétérogène d’autres types de territoires de l’homosexualité, moins directement visibles dans le paysage urbain. Synthétiquement, nos efforts de recherche empirique nous mènent à dresser un portrait de la territorialité homosexuelle à Bruxelles appuyé sur quatre types d’espaces à l’échelle de la ville. Ceux-ci peuvent être rangés par ordre décroissant d’intensité du marquage homosexuel des paysages urbains. Le cas bruxellois montre successivement un centre d’homoconsommation et d’homosociabilité clairement identifié (le quartier Saint-Jacques) ; un espace de soutien associatif et de services (point de vente des magazines pour homosexuels) opérant à l’échelle de la ville quoique de façon non uniforme ; un espace résidentiel diffus à l’échelle de la ville, mais présentant néanmoins certains vides significatifs (en particulier dans les quartiers anciens pauvres où vivent de nombreux ménages d’origine immigrée) et une surreprésentation notable dans certains quartiers en voie de gentrification ; et, enfin, des espaces de sexualité et de prostitution masculine dans des lieux périphériques et très peu marqués dans le paysage.

L’analyse du cas bruxellois nous permet également de suggérer qu’à la structuration d’un quartier commercial gai correspond également une certaine segmentation sociale des milieux homosexuels. En effet, la consommation occupe une place centrale dans la fréquentation de ce quartier. Or cette consommation permet d’affirmer des différences sociales par le double jeu des différences de revenus et de l’affirmation de modes de consommation différenciés.

Les résultats obtenus à la faveur de ce travail sur Bruxelles nous poussent à croire à la pertinence de mener d’autres recherches empiriques sur les formes de territorialisation des modes de vie homosexuels en milieu urbain. En particulier, le rôle précis joué par les activités ou les populations homosexuelles dans certains processus de gentrification commerciale ou résidentielle devraient à notre sens être éclaircis. De même, les spécificités de genre des différents types de territorialités homosexuelles devraient également être appropriées.