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Ce manuel traite de la question sociale aux États-Unis sous l’angle de la géographie sociale. Il s’interroge sur l’impact sociospatial des réformes du welfare qui cherchent depuis 1996 à réintégrer les pauvres assistés par l’État sur le marché du travail (workfare). Le désengagement de l’État fédéral des questions sociales s’accélère sous l’administration Bush. Giband montre que ce modèle néolibéral aboutit à un creusement des inégalités sociales et spatiales même durant les périodes de croissance économique (cf. les working poor) et provoque un renouvellement des inégalités spatiales aux échelles nationale, régionale et locale. La pauvreté demeure dans les quartiers centraux des villes. Elle augmente dans l’intérieur rural états-unien qui souffre, comme les inner cities, de son éloignement des bassins d’emploi dynamiques. Enfin, l’auteur met en évidence un phénomène encore peu analysé : l’augmentation de la pauvreté dans les banlieues (elle concernerait environ 8% de la population). Il l’associe à l’installation en banlieue de nouvelles populations (Blancs aux revenus modestes fuyant les centre-villes, immigrants occupant des emplois de service peu qualifiés), mais également à l’insécurité sociale. Celle-ci, explique l’auteur, touche les États-uniens des classes moyennes et de la working class fragilisés par la mondialisation et la délocalisation des emplois industriels bien payés, un fort endettement immobilier, l’augmentation des coûts de santé et les incertitudes liées au financement des retraites. Face à cette situation, les États-uniens font des choix territoriaux dictés notamment par la qualité de l’enseignement public et le degré de sécurité. L’entre-soi social est privilégié au détriment de l’intérêt général (cf. le mouvement Not in My BackYard, la privatisation des modes de gouvernance à l’oeuvre dans les gated communities). Les populations, réticentes à financer des politiques sociales, mettent en concurrence les services fournis par les autorités locales, et notamment la pression fiscale. La régulation des questions sociales se fait au niveau local dans ce pays décentralisé où la forte fragmentation institutionnelle se maintient au nom du libre marché de gouvernements. On est loin des politiques sociales fédérales ambitieuses des années 1960, telle la Guerre contre la pauvreté. Le désengagement de l’État fédéral aboutit à une nouvelle géographie du pouvoir. Il renforce les États fédérés au détriment des villes centres qui concentrent la pauvreté et dont le poids démographique et électoral décroît au sein des aires métropolitaines. L’ouvrage permet de mettre en lumière un acteur généralement peu étudié de la vie politique : l’État fédéré. Les idées sont illustrées par de nombreuses cartes, graphiques et tableaux établis à partir des données du recensement. On peut cependant regretter une vision de la société états-unienne qui se limite au seul angle des inégalités. Les questions sociales, telles la santé, le vieillissement de la population, la justice et la criminalité, sont en outre peu abordées. Le titre est en fait trop général par rapport au propos. Ceci dit, c’est un ouvrage qui synthétise utilement les apports des chercheurs états-uniens et français (notamment ceux de la géographe Cynthia Ghorra-Gobin) sur la pauvreté, son traitement politique et son impact spatial aux États-Unis.