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Dans quelques décennies, la survie de la planète dépendra de la prise en compte des valeurs environnementales mises en oeuvre dans le cadre de politiques dites de développement durable. Partant de ce postulat, Corinne Gendron pose en principe la nécessaire intégration de l’écologie dans le système économique, ce qui suppose la promotion de nouvelles relations sociales.

Si l’affirmation de ces principes est simple, la démonstration en est ardue, d’autant que l’auteure a fait preuve d’une grande rigueur dans la mise en oeuvre d’un propos binaire. D’une part, comment dégager une théorie socioéconomique englobant la problématique environnementale traduite en termes de développement durable ? D’autre paprt, comment trouver un compromis social qui permette la mise en oeuvre d’une économie basée sur le développement durable précédemment défini.

Cette démarche constructive est soutenue par la présentation et la critique des théories contemporaines. L’ennui est que ces théories sont nombreuses, que leurs fondements sont souvent contradictoires et quelles font parfois appel à des concepts abscons pour le non- initié. La lecture de cet ouvrage dense s’avère donc parfois ardue, mais il faut reconnaître à Corinne Gendron le grand mérite d’un exposé solidement charpenté qui ne rebutera pas les lecteurs motivés. Ressortent au premier chef, les limites des approches économiques, faute d’un cadre cognitif reliant les deux registres économique et écologiste. Le recours à un système régulateur s’impose donc et, au terme du recensement de multiples analyses dominées par les positions et propositions de Lipietz et de Touraine, une formule se dégage à travers la régulation ou le système de synapses reliant les trois instances décisionnelles correspondant aux registres politique, économique et associatif. Le problème est évidemment de savoir quels sont dans chacun de ces registres les acteurs susceptibles de collaborer à la mise en oeuvre d’une politique et d’une action commune.

Pour répondre à cette question, Gendron, après avoir analysé le jeu des influences réciproques entre acteurs, focalise son étude sur les éléments les plus productifs, savoir les dirigeants d’entreprises dont les avis sont consignés dans une enquête qui constitue la trame de la seconde partie de l’ouvrage. Ressort de cette enquête limitée au Québec, une incontestable sensibilité aux problèmes environnementaux, mais une très grande diversité des avis qui ne sont pas toujours compatibles avec la finalité de l’enquête. De façon quelque peu paradoxale au vu de la priorité ainsi définie, le moteur de la marche vers une économie fondée sur le développement durable serait l’action des mouvements associatifs qui, motivés par l’imminence ou l’occurrence de crises majeures, seraient à même de peser sur les décisions d’ordre économique et politique. À terme « le compromis postfordiste écologique pourrait reposer sur une dématérialisation découlant d’une transformation de la consommation et d’un transfert des coûts écologiques vers le Sud ». Certes, un tel propos ressort au domaine de l’utopie, mais il pourrait être simplement prémonitoire. Il constitue en tout état de cause une base solide pour des confrontations à venir.