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Ce livre, signale la quatrième de couverture, se veut « une introduction à la géographie et à ses mutations récentes ». Il présente une double originalité. D’une part, il est publié à la fois en version française et en version anglaise. D’autre part, chaque champ de la géographie humaine y est traité par deux auteurs, un géographe anglo-saxon et un géographe du continent européen. Ces duos d’auteurs ont, précise l’avant-propos, « dialogué en permanence un peu partout dans le monde avec plusieurs centaines de collègues », cela afin de mettre en perspective les géographies pratiquées autant dans le monde francophone que dans le monde anglophone. Autres aspects intéressants de l’ouvrage, la bibliographie de chaque chapitre étant précédée de deux annexes présentant, selon le thème abordé, les principaux périodiques et un tableau synoptique de l’évolution de la géographie.

Les deux auteurs responsables du livre, dans l’introduction et la conclusion qui encadrent les six chapitres de l’ouvrage, éclairent le projet (dépasser les enfermements nationaux), en soulignent les cadres (la diversité de la discipline, sa mise en perspective sur un siècle, la reconnaissance d’un tournant à la fin des années soixante, la nature discursive de la géographie, le statut nouveau de la géographie depuis vingt ans, etc.) et concluent sur six points qui, d’après eux, « constituent un ensemble unique de conditions pour les progrès futurs » (p. 345). Il suffit de se reporter au titre des chapitres et au nom de leurs auteurs pour mesurer l’intérêt de l’ouvrage : Visions géographiques : l’évolution de la pensée en géographie humaine du XIXe au XXe siècle, par le regretté Peter Gould et Ulf Strohmayer ; La géographie sociale : la société dans son espace, par Chris Philo et Ola Söderström ; La géographie économique : traditions et turbulences, par Georges Benko et Allen J. Scott ; La géographie politique : les espaces entre guerre et paix, par Peter J. Taylor et Herman van der Wusten ; Lieu et paysage entre continuité et changement : perspectives sur l’approche culturelle, par Paul Claval et J. Nicholas Entrikin ; La géographie historique : localiser le temps dans les espaces de la modernité, par Mark Bassin et Vincent Berdoulay.

Par la nouveauté de sa démarche, ce livre dense, toujours clair et agréable à lire, est très utile en raison de l’étendue de l’information et de ses références. Le premier chapitre mérite une mention spéciale, parce qu’il pose « le contexte des chapitres suivants, en se concentrant sur les positions philosophiques et les questions théoriques entourant les débats plus concrets au sein de la géographie humaine » (p. 16). C’est un livre indispensable, même s’il oublie que la géographie ne date pas du XIXe siècle. Aussi, en se fixant trop sur le XXe siècle, ses écoles académiques et leurs sectarismes, il n’est pas le grand livre que l’on attend, celui qui saura problématiser les sciences géographiques comme une aventure intellectuelle de l’humanité entière, inscrite dans l’histoire longue de la modernité, dont les géants successifs, comme Eratosthène, Mackinder, Sorre et tant d’autres se dresseront avec leur pleine signification civilisationnelle.