Comptes rendus bibliographiques

CATTAN, Nadine (dir.) (2007) Cities and networks in Europe. A critical approach of polycentrism. France, Éditions John Libbey Eurotext, 207 p. (ISBN 978-7420-6077-9)[Record]

  • Thierry Rebour

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  • Thierry Rebour
    Institut universitaire de formation des maîtres d’Amiens

Cet ouvrage collectif dirigé par Nadine Cattan qui étudie le polycentrisme urbain dans le cadre européen se caractérise par une approche empirique et se veut également un outil opérationnel pour l’aménagement du territoire. L’Union Européenne se profile en filigrane derrière ce travail, dans la mesure où elle souhaite encourager la « cohésion territoriale » et le dynamisme économique et spatial à travers le polycentrisme (Gløessen, p. 27). Le livre se divise en quatre parties. La première entend « évaluer le polycentrisme » et son impact sur la concurrence et la compétitivité des territoires (Carrière, p. 15). À cet égard, les conclusions de Vanolo sont plutôt pessimistes puisqu’il ne trouve aucun lien entre le niveau de développement technologique et le degré de polycentrisme (pp. 39-50). Vandermotten, Roelandts et Cornut soulignent également l’absence de relation évidente entre polycentrisme et efficacité économique, contrairement à certaines « visions idéalisées » qu’ils dénoncent (p. 61). Malgré son titre alléchant (Polycentrisme : qu’y a-t-il derrière le concept ?), la seconde partie laisse le lecteur sur sa faim. À l’exception du texte de Baudelle, qui parvient à dégager une réelle perspective théorique, les autres articles se contentent d’études empiriques assez banales sur divers espaces européens. Les troisième et quatrième parties manquent à la fois de cohérence et d’équilibre formel. Trois textes seulement composent la quatrième partie et certains sortent du cadre européen qui fonde pourtant le titre de l’ouvrage. Si certains de ces articles ne manquent pas d’intérêt (Ghorra-Gobin), d’autres n’ont pas grand-chose à voir avec les titres des parties dans lesquelles ils s’insèrent. Avant d’aborder les critiques de fond sur la problématique de ce livre, il convient de clarifier au préalable un contresens fréquent dans la géographie actuelle et qui n’épargne pas cet ouvrage. Il s’agit de la question de l’urbanité ou de la ruralité de la péri-urbanisation dans les pays développés. La cause paraît entendue lorsque Hall et Pain utilisent les néologismes de « mégaville » (p. 5) ou encore de mega-city region (p. 161) pour qualifier les aires métropolisées ; ou encore lorsque Hamez et Lesecq assimilent la Banane bleue européenne à une vaste « mégalopole » (p. 153). Rota elle-même, bien que critique vis-à-vis des approches spatiales en termes de stocks et favorable à l’étude des flux (pp. 125-126), tombe dans un piège similaire en considérant comme urbains, les espaces périurbains occidentaux, alors qu’ils sont le résultat de flux centrifuges, donc dépolarisants. De même, la Banane bleue peut difficilement être considérée comme une mégalopole en formation, quand les agglomérations (stricto sensu) qui la composent stagnent ou déclinent au profit des zones périphériques. A-t-on jamais vu un processus d’urbanisation alimenté par des flux centrifuges ? Cela étant dit, la question fondamentale du livre se situe ailleurs. Il s’agit de l’efficience du polycentrisme sur l’économie et sur l’organisation de l’espace. Il est clair que l’Europe est polycentrique, mais ce polycentrisme est-il intrinsèquement préférable au monocentrisme, comme semblent le penser les experts de l’Union européenne ? Vandermotten, Roelandts et Cornut, en totale contradiction avec cette thèse, montrent au contraire qu’il existe une corrélation non négligeable entre monocentrisme et développement économique (p. 55). Ils ajoutent que le polycentrisme tend à devenir une « doctrine normative », laquelle pourrait en fait s’avérer « contre-productive » (p. 60). Le problème est que les principaux modèles d’équilibre spatial – hormis les modèles intra-urbains qui se cantonnent à l’échelle d’une seule ville – sont polycentriques (Lösch et Christaller, Starret, H.O.S.). Or l’Union européenne fait largement sienne la doctrine néoclassique, d’où l’intérêt de mettre en perspective polycentrisme et équilibre. Malheureusement, le livre ignore peu ou prou cette question …