Comptes rendus bibliographiques

CAPEL, Horacio (2009) Le modèle Barcelone. Paris, Economica / Anthropos, 139 p. (ISBN 978-2-7178-5640-8)[Record]

  • Pierre-Mathieu Le Bel

…more information

  • Pierre-Mathieu Le Bel
    Université de Montréal

Dans le contexte de compétition toujours plus vive entre villes globales – celles qui le sont et veulent améliorer leur statut sur l’échiquier mondial et celles qui aspirent à le devenir – plusieurs cherchent la comparaison avec d’autres métropoles culturelles. Barcelone est de celles avec lesquelles on aime se comparer. Dans les années 1990, la ville a accompli plusieurs grands projets urbanistiques qui l’ont avantageusement située dans le palmarès des villes globales. On évoque depuis un « modèle Barcelone » qu’on tente de reproduire ou qu’on incorpore aux discours politiques. Ce modèle est axé sur une stratégie de développement économique qui s’appuie fortement sur le tourisme que l’on compte attirer par la mise en valeur culturelle de la ville, par de grands événements et par des interventions architecturales d’envergure. Ceci doit s’appuyer sur la participation populaire et l’intégration des quartiers en un ensemble solidaire. Horacio Capel est un urbaniste de renom en Espagne. La sortie du livre dans sa version espagnole, en 2005, y aurait suscité tout un débat, autant chez le public que parmi les spécialistes. C’est que Capel y sert une critique bien relevée de ce modèle. S’il reconnaît plusieurs réussites à la ville en matière d’aménagement du territoire et de conservation du patrimoine, il nuance fortement les ardeurs des défenseurs tous azimuts du modèle Barcelone. L’ensemble est soutenu par une foule d’exemples concrets et de nombreuses photos qui démontrent une grande connaissance du terrain. Les 16 chapitres sont tous très courts. Les caractéristiques du modèle et le contexte particulier sont avares d’information. On peut déplorer ici le travail de l’éditeur français. Puisque le livre traduit trouvera presque nécessairement un public qui n’a pas une expérience aussi vive du lieu dont il est question, une carte de la ville et quelques notes explicatives additionnelles auraient apporté un complément précieux à la lecture. L’ouvrage en français aurait nécessité une introduction plus ample permettant de mieux situer le lecteur étranger. Puisque certains des chapitres proviennent manifestement de textes de conférences, on aurait aimé connaître le contexte de leur diffusion. Les chapitres suivants sont plus édifiants. Des éléments de la riche histoire urbanistique barcelonaise y sont saupoudrés. Une partie des propos porte sur les aspects techniques et administratifs des interventions urbaines alors que les autres sont plus franchement sociopolitiques. Les premiers, qu’on trouve dans les chapitres Optimisme et réalisme, Concurrence internationale et interventions urbanistiques, Rôle des techniciens et commandes à des architectes célèbres et Les appels d’offres, permettent de bien identifier les acteurs politiques et économiques et de faire ressortir les objectifs et stratégies de chacun. Pour le chercheur qui s’intéresse à la métropolisation au Québec, la lecture sera riche d’éléments permettant la comparaison. Notamment, l’auteur critique la gestion de projets en partenariat public / privé, souligne les limites des consultations publiques, et surtout de leur suivi, et fait ressortir, dans le chapitre Ville compacte contre étalement urbain, des tensions semblables à celles qui rendent difficile l’élaboration d’un schéma métropolitain d’aménagement dans la grande région montréalaise. Les propos plus directement sociaux sont abordés dans plusieurs chapitres (Places, jardins, parcs urbains et métropolitains, Équipement tertiaire, Nouvelles centralités et mobilité, etc.) Là encore, les questions soulevées par l’auteur transcendent la seule évolution de la ville de Barcelone. Le modèle Barcelone constitue peut-être alors moins un modèle à suivre qu’une occasion de réflexion. Le titre du chapitre cinq le déclare d’emblée : « Il n’y a pas de modèle, mais des leçons édifiantes. » Celle de Barcelone décrite par Capel en est une.