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Ce livre se propose d’aborder de façon synthétique (en 253 pages et avec une police assez grosse, il le faudra bien) les différentes facettes de la géopolitique de la gestion de l’eau, un enjeu majeur au XXIe siècle avec l’augmentation rapide d’une demande pour une ressource stratégique. Le thème n’est certes pas novateur, mais le sujet est loin d’être épuisé, d’une part ; d’autre part, la complexité même du sujet rend la diversité des points de vue a priori intéressante pour souligner les interactions entre les acteurs et les dimensions politiques de la gestion de l’eau.
Ambitieux, bien illustré et accompagné de nombreux documents en encadré, cet ouvrage se divise en quatre parties, elles-mêmes articulées en quatre sous-parties. La première, La pression sur les ressources en eau : la raréfaction de l’eau et la croissance des inégalités, se propose de jeter les bases de l’hydrologie, avec l’étude du cycle de l’eau, des usages anthropiques et de l’accès à l’eau puis une étude de cas avec une présentation rapide de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (curieusement sous son nom anglais de Middle East and Northern Africa). Une seconde partie revient sur les usages de l’eau, en agriculture et dans les villes, en développant également les thèmes de la gestion institutionnelle de l’eau, de l’ingénierie et des grands travaux, puis du prix de l’eau. La troisième partie aborde directement les questions de géopolitique de l’eau, avec des études de cas déjà très connues, le Moyen-Orient, la Chine, l’Asie centrale, le Sénégal, et des exemples de coopération. Enfin, une quatrième partie évoque les enjeux environnementaux de la gestion de l’eau : impacts du changement climatique ; méthodes d’augmentation de l’offre et de gestion de la demande et, enfin, approches organisationnelles de la gouvernance de l’eau.
Le souci de brosser un tableau le plus complet possible en si peu de pages conduit l’auteur à user de raccourcis alors que, parfois, de longs développements ne semblent pas fondamentaux. Ainsi, dans la première partie, on aurait sans doute pu faire l’économie du développement sur le cycle naturel de l’eau, puisque ces informations ne sont pas mobilisées plus tard et que ces connaissances sont déjà largement diffusées.
A contrario, l’auteure évoque en une demi-page (p. 8) l’idée que l’eau « renouvelable ne veut pas dire non épuisable », sans que l’on comprenne bien pourquoi : en citant dans une seule et même phrase l’exemple californien et l’exemple libyen, comment distinguer ensuite l’épuisement, réel, de ressources fossiles (cas libyen) et un exemple typique de tension provoquée par la surutilisation d’une ressource par ailleurs pas si rare que cela (cas californien) ? Le texte affirme le caractère épuisable de la ressource tout en précisant que l’eau se renouvelle : une certaine ambiguïté subsiste ainsi quant à l’origine des tensions sur la ressource en eau, qui ne viennent pas, en réalité, d’un épuisement de la ressource mais d’une mobilisation et d’une consommation excessives.
L’auteure s’efforce aussi de distinguer prélèvement et consommation en une seule page (p. 20), mais ses explications répètent le terme de consommation sans le définir et sans que, par la suite, ces concepts majeurs ne soient remobilisés pour venir éclairer des dimensions de la géopolitique de l’eau. La sous-partie suivante, traitant de l’accès à l’eau, évoque de façon parfois lapidaire des concepts fondamentaux, comme la responsabilité des divers gouvernements dans la gouvernance de l’eau ou encore les fortes inégalités dans l’accès à une ressource de bonne qualité. La question du droit à l’eau, qui est l’objet d’un vif débat politique sur la scène internationale, n’est abordée qu’en une demi-page. De fait, l’étude de cas sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient semble un peu incongrue dans ce contexte de passage en revue de nombreux concepts qui, pour être louable, n’est pas moins inefficace pour le lecteur non averti. La carte 5, qui cherche à présenter plusieurs aspects de la gestion de l’eau dans la région, fait un peu assemblage de données diverses et semble émaillée d’erreurs : on y apprend que la faim est un grave problème en Égypte (pas à ma connaissance) et que le barrage Atatürk se trouve sur le Tigre (sur l’Euphrate en réalité).
La deuxième partie sur les usages de l’eau, entre la révolution hydraulique, l’eau des champs, l’eau des villes et la gestion de l’eau, ignore la question des usages industriels qui, précisément, peuvent alimenter le débat sur l’amélioration de l’efficacité des usages dès lors qu’une pression économique s’exerce par la tarification. Les principales techniques d’irrigation (gravitaire, aspersion, goutte à goutte) ne sont évoquées que sur une demi-page (p. 79), malgré le caractère fondamental de ces technologies, compte tenu du poids des usages agricoles, pour comprendre les enjeux de gestion de l’eau, tant il est vrai que la crise de l’eau est avant tout un problème de l’eau dans l’agriculture. Une erreur vient émailler le propos : non, il n’est pas nécessaire de surirriguer pour éviter la salinisation, au contraire, car c’est précisément cette irrigation excessive qui fait monter le niveau des aquifères et engendre la salinisation secondaire par capillarité. Plus loin, un long développement évoque les sociétés hydrauliques de l’Asie des moussons, avec la répétition, là encore, d’éléments souvent d’une grande banalité par rapport à la littérature scientifique, sans exploitation pour développer la dimension géopolitique, pourtant le thème de l’ouvrage. Bref, l’auteure a fait des choix éditoriaux parfois étonnants, compte tenu de la contrainte majeure du peu de pages pour traiter de façon encyclopédique un aussi vaste sujet.
Cette dimension géopolitique n’est abordée qu’avec la troisième partie : un bon chapitre, bien mené, bien illustré avec des documents pertinents. L’enseignant y trouvera de nombreux exemples, malgré le caractère très classique des exemples abordés. Certaines régions sont largement ignorées, comme les bassins du Colorado et du Rio Grande : un quart de page seulement pour évoquer « la domination du Nord sur le Sud » (p. 183) qui plus est en introduisant une erreur, à savoir que les transferts massifs d’eau à partir du Canada constituent des solutions envisagées dans le cadre de l’ALENA.
Dès la quatrième partie, l’auteure s’éloigne de nouveau des questions géopolitiques ou, du moins, n’explique pas en quoi les développements qu’elle présente peuvent être pertinents. Le premier sous-chapitre traite de l’ensemble du phénomène des changements climatiques en une dizaine de pages, mais l’analyse de l’impact de ces changements sur la géopolitique de l’eau n’occupe que trois pages. Le second, qui aborde la question de l’augmentation des volumes, notamment par des transferts massifs, aurait certainement pu faire l’objet d’une attention accrue, même si les exemples retenus (Nordeste brésilien, PHN espagnol) sont pertinents. Le passage sur l’Amérique du Nord pèche encore une fois par approximation : le Canada, contrairement à ce qu’affirme l’auteure (p. 216), n’a pas refusé de vendre son eau, car aucune demande en ce sens n’a jamais été formulée par les États-Unis. La cartographie de la figure 21 est déficiente : il manque de nombreux transferts existants au Canada et aux États-Unis ; il n’existe aucun canal entre les bassins du Columbia et du Colorado ; la représentation du projet Grand est plus que sommaire… Dans la sous-partie sur la gouvernance mondiale de l’eau, la question du droit international, notamment de la portée de la Convention de New York de 1997 (Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation), n’est même pas abordée.
Les références bibliographiques tiennent en deux pages bien aérées. Outre le caractère révélateur de ce point quant à la diversité des sources consultées par l’auteure, le lecteur avide d’en savoir davantage en restera aussi sur sa faim.
Visant probablement le lectorat des élèves et des enseignants du secondaire, l’ouvrage se veut synthétique sur une thématique politique particulièrement pertinente pour le XXIe siècle. On y trouve de nombreuses informations et le livre a le mérite de s’efforcer de brosser un large portrait, sans être exhaustif. Mais à vouloir embrasser trop large, on en devient parfois trop succinct dans les développements, ce qui nuit certainement à la compréhension pour le lecteur peu au fait de ces questions. Quelle peut être alors la valeur d’un ouvrage de vulgarisation de base dont les subtilités ne peuvent être appréhendées que si l’on connaît les thématiques abordées ? Des choix éditoriaux ont été faits, mais le tour d’horizon, demeuré trop ambitieux, nous livre un portrait lacunaire et peu satisfaisant.