Justice environnementale

Justice environnementale[Record]

  • Anne-Marie Séguin and
  • Philippe Apparicio

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Les premiers travaux sur l’injustice environnementale remontent aux années 1980. Ils doivent leur émergence à des groupes d’activistes qui se sont mobilisés aux États-Unis pour démontrer que les populations afro-américaines étaient davantage exposées à certains risques en raison de leur proximité résidentielle des nuisances comme des dépotoirs, des sites d’enfouissement de matières dangereuses ou encore des centrales nucléaires. Depuis, les travaux sur le thème de la justice environnementale ont été florissants et plus particulièrement depuis la fin des années 1990 (Holifield et al., 2009). Ils ont aussi élargi leur objet d’étude et portent sur des contextes géographiques de plus en plus variés (Canada, Royaume-Uni, France, etc.). Trois aspects de la justice environnementale non mutuellement exclusifs sont abordés dans les travaux actuels : la justice distributionnelle, la justice de la reconnaissance et la justice procédurale. Les travaux qui s’inscrivent dans le premier courant, celui de la justice distributionnelle (aussi nommée équité environnementale) s’intéressent à la distribution des nuisances et des ressources urbaines en fonction de la répartition dans l’espace de certaines catégories sociales. Ils tentent de vérifier si certaines populations sont plus exposées aux nuisances de l’environnement ou encore si leur accessibilité aux éléments bénéfiques de l’environnement (parcs, services de santé, épiceries de grande surface, etc.) est plus limitée. Les catégories sociales les plus souvent étudiées sont les populations pauvres et les minorités ethniques. Ainsi, les travaux récents de ce courant s’intéressent à la répartition non seulement des nuisances, mais aussi des ressources ou éléments bénéfiques de l’environnement en lien avec la distribution résidentielle de différentes catégories sociales. Le second aspect abordé dans le courant de la justice environnementale est celui de la justice de la reconnaissance. L’exposition plus grande aux nuisances ou une accessibilité moindre aux ressources de l’environnement sont vues comme la résultante d’un manque de reconnaissance, voire d’une non-reconnaissance, de certains groupes populationnels, ou le résultat de la stigmatisation de certains espaces en raison de leurs habitants. L’importance accordée à la reconnaissance est indissociable des travaux de la philosophe Nancy Fraser pour qui la non-reconnaissance prend différentes formes : celles de l’invisibilité, de l’absence de respect, du mépris ou encore de la dévalorisation de certaines identités (Fraser, 2011). La non-reconnaissance se traduit par des représentations qui imprègnent les institutions (gouvernements, municipalités, organismes sociaux, etc.) et ce qui en ressort (orientations, politiques, actions, etc.). Certains groupes sont plus sujets à la non-reconnaissance, comme les minorités ethniques, les personnes défavorisées, mais aussi les aînés ou les jeunes dans certaines circonstances. Le troisième aspect de la justice environnementale est celui de la justice procédurale, qui s’intéresse à la place et aux rapports de pouvoir dans les processus décisionnels concernant l’environnement. Non-reconnaissance et injustice procédurale vont souvent de pair : le manque de reconnaissance conduit à l’absence de consultation (imposition de décisions unilatérales) ou à l’absence de voix dans les processus participatifs démocratiques (notamment par des mécanismes qui sont hors de portée de certains groupes). Par exemple, les processus de consultation publique sur des enjeux urbains, par leurs modalités (par exemple des assemblées tenues dans des lieux peu accessibles en transport en commun) ou par la terminologie utilisée (langage technique spécialisé), peuvent priver d’un réel droit de parole des personnes moins scolarisées et plus pauvres. Les deux premiers articles de ce dossier thématique s’inscrivent dans le courant de la justice distributionnelle, le troisième soulève des questions de justice distributionnelle et de justice procédurale alors que le quatrième met notamment en exergue des enjeux procéduraux. Les deux premiers textes proposent un diagnostic de l’équité environnementale à Montréal à partir de données objectives traitées dans les systèmes d’information géographique ; ils mobilisent ainsi …

Appendices