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Face à l’importance de l’éducation géographique pour préparer les citoyens du XXIe siècle et au constat que seulement 30 % des jeunes Étasuniens maîtrisent les habiletés de base en litératie géographique (geographic literacy), quatre associations américaines, la National Geographic Society, l’Association of American Geographers, le National Council for Geographic Education et l’American Geographical Society, se sont regroupées afin de mettre en place le projet Road map for 21st century geography education.
L’intérêt de ce projet pour les géographes réside dans l’éclairage tout à fait lucide qu’il apporte sur l’état actuel de l’enseignement de la géographie aux États-Unis. Un état des lieux somme toute assez similaire à ce qu’on peut observer au Québec. Ainsi, on y souligne que l’enseignement de la géographie est en décalage par rapport à la discipline et que la recherche en didactique de la géographie demeure limitée. Devant ces constats, trois rapports ont été rédigés (chacun par une équipe distincte) de manière à établir une feuille de route pour l’amélioration de l’enseignement de la géographie aux États-Unis.
Dans le premier rapport, portant sur l’évaluation, les auteurs ne se contentent pas de présenter une analyse des pratiques actuelles, ils présentent aussi un cadre pour aider tout intervenant dans la construction d’outils d’évaluation. Ainsi, les matrices détaillant les habiletés cognitives que les élèves peuvent développer à travers différents thèmes géographiques s’avèrent une source d’inspiration concrète. Par ailleurs, bien que les exemples soient destinés aux enseignants de la maternelle à la 12e année, ils n’en demeurent pas moins intéressants pour ceux qui enseignent la géographie au collégial ou à l’université.
Dans le deuxième rapport, les auteurs dressent un portrait plutôt dur de la recherche en didactique de la géographie, la qualifiant d’anecdotique, de repliée sur elle-même, et prenant peu en compte les recherches dans les autres secteurs de l’éducation (p. 32-33). Dans la foulée, ils proposent un véritable plan décennal dont l’organisation repose sur quatre grandes questions, et la mise en place de recherches expérimentales et longitudinales. À la lecture de ce rapport, il ressort clairement que de nombreux aspects de la didactique de la géographie restent à explorer, mais aussi que les auteurs ont un parti pris pour la recherche quantitative, y voyant souvent la seule avenue valable pour réussir à mettre en oeuvre les 13 recommandations de ce document.
Finalement, le troisième rapport porte sur le matériel didactique et le développement professionnel. D’entrée de jeu, les auteurs soulignent que deux des barrières à la mise en place d’un enseignement adéquat de la géographie sont le manque de connaissances géographiques des enseignants (à la fois au primaire et au secondaire) et la piètre qualité du matériel disponible. Une situation qui, malheureusement, n’est pas unique aux États-Unis. Ils formulent alors 10 recommandations s’adressant aux différents acteurs concernés par ce vaste projet, qu’ils s’agisse d’administrateurs, de concepteurs de matériel didactique, d’enseignants, de géographes ou de didacticiens. Par ailleurs, peu importe à qui les recommandations sont destinées, elles sont illustrées par des exemples concrets, ce qui constitue une des forces de ces rapports.
Ceci étant dit, malgré la qualité de leur travail, on aurait souhaité que les auteurs des trois rapports soient davantage explicites et critiques à propos de certaines de leurs conceptions. Par exemple, ils utilisent l’expression « géographie contemporaine » tout au long des trois rapports, mais sans la définir précisément (évaluation, p. 20). Dans la même lignée, alors que dans les pays francophones l’enseignement de la géographie et celui de l’histoire sont fortement liés (notamment en France), il est frappant de voir comment ce sont davantage les références à l’enseignement des sciences et des mathématiques qui sont présentes. Cette association traduit une conception de la géographie qui, malheureusement, ne fait l’objet d’aucune discussion.
De la même manière, une orientation cognitiviste forte est présente tout au long des rapports, comme si cela allait de soi. Or, la recherche en éducation est loin de se limiter à cette approche. Finalement, bien que le projet Road map concerne l’enseignement de la géographie aux États-Unis, on aurait espéré que les rapports prennent davantage en compte les recherches ailleurs dans le monde. Et, en ce qui concerne la francophonie, il n’y a aucune référence !
Au final, il serait dommage de se priver d’une lecture qui, malgré quelques lacunes, offre un regard étoffé sur l’enseignement de la géographie et qui en appelle, du même souffle, à une mobilisation de ses acteurs, dont les géographes se doivent d’être.